Motifs
Pourvoi N° 2020-15
Hors Session pénale
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 15 JUIN 2020
En la cause de :
- Monsieur c. A., né le 11 mars 1959 à SILVANO PIETRA (Italie), de f. et d a. AR. ou ARMANDO, de nationalité italienne, architecte, demeurant « X1», à Beausoleil (06240) ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, près la Cour d'Appel de Monaco, commis d'office ;
DEMANDEUR EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- MINISTÈRE PUBLIC ;
En présence de :
- Monsieur g. V., né le 28 juillet 1971 à Monaco, de nationalité monégasque, architecte, exploitant en nom propre de société, demeurant « X2», à Monaco, constitué partie civile ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, près la Cour d'Appel de Monaco ;
d'autre part,
DÉFENDEURS EN RÉVISION,
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;
VU :
- l'arrêt de la Cour d'Appel, statuant en matière correctionnelle, en date du 25 novembre 2019 ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 3 décembre 2019, par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, commis d'office, au nom de c. A. ;
- la requête en révision déposée le 18 décembre 2019 au greffe général, par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, commis d'office, au nom de c. A. accompagnée de 7 pièces ;
- Vu la notification du dépôt de la requête faite à g. V. partie civile, par lettre recommandée avec avis de réception du Greffe général en date du 18 décembre 2019, conformément aux dispositions de l'article 477 du Code de procédure pénale ;
- les conclusions de Madame le Procureur Général en date du 19 décembre 2019 ;
- la contre-requête déposée le 30 décembre 2019 au greffe général, par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de g. V. partie civile, accompagnée de 7 pièces, signifiée le même jour ;
- le certificat de clôture établi le 21 janvier 2020 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 14 mai 2020, sur le rapport de Monsieur Laurent LE MESLE, Conseiller ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. c. A. a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, sous la prévention d'altération du fonctionnement de tout ou partie d'un système d'information, pour avoir d'une part effacé des fichiers informatiques d'un serveur et d'autre part procédé à une réinitialisation de Windows 10 sur deux ordinateurs appartenant au cabinet d'architecture où il était employé ; qu'après avoir procédé à une requalification partielle des faits, le tribunal l'a condamné le 12 février 2019 à la peine de 2.000 € d'amende et, sur l'action civile, à la somme de 4.025 € de dommages-intérêts ; que, par arrêt du 25 novembre 2019, la cour d'appel a dit que les faits d'effacement de fichiers d'un serveur, initialement qualifiés d'altération frauduleuse du fonctionnement de tout ou partie d'un système d'information numérique, caractérisaient le délit de suppression frauduleuse de données informatiques, tel que prévu et réprimé par l'article 389-3 du Code pénal, déclaré M. A. coupable de ce délit, et confirmé le jugement en toutes ses autres dispositions ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. A. fait grief à l'arrêt de requalifier les faits d'effacement de fichiers d'un serveur en suppression de données informatiques, alors selon le moyen que « l'article 6 de la Convention sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) exige que tout accusé a le droit d'être informé d'une manière détaillée de la nature ainsi que de la cause de l'accusation portée contre lui, et le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, qu'en procédant à la requalification des faits reprochés à M. A. alors qu'avant l'audience, la demande de la partie-civile contenue dans son courrier ne constituait pas une modification de l'accusation et n'était en tout état de cause pas assez précise, qu'en suite ni le Parquet ni la Cour d'appel n'ont manifesté leur intention de procéder à une requalification et qu'en cours d'audience, le Conseil de Monsieur A. qui avait été autorisé à le représenter en son absence n'avait aucun pouvoir l'autorisant à solliciter un renvoi, la Cour qui aurait pu, dans ces circonstances, reporter l'affaire pour rouvrir les débats, n'a pas mis Monsieur c. A. en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée, violant ainsi l'article 6-3 de la Convention » ;
Mais attendu qu'ayant constaté d'une part que la requalification des faits avait été requise au cours des débats par le ministère public et contradictoirement sollicitée, à titre subsidiaire, avant l'audience par la partie civile et d'autre part que le prévenu, régulièrement représenté par son avocat, en avait donc été informé sans pour autant solliciter un renvoi de l'affaire, ce dont il résultait qu'il avait été mis en mesure de se défendre contradictoirement, c'est sans méconnaître la disposition conventionnelle invoquée que la cour d'appel a restitué aux faits la qualification qui lui est apparue la plus adaptée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que M. A. fait encore grief à l'arrêt de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déclaré coupable du délit d'altération du fonctionnement d'un système d'information, alors selon le moyen que 1° « l'article 389-2 du Code pénal vise expressément l'altération du fonctionnement de tout ou partie d'un système d'information, lequel est légalement défini par l'article 389-1 du même code ; qu'en jugeant que le délit était constitué, la Cour d'appel n'a pas répondu au moyen selon lequel les ordinateurs du Cabinet V. n'étaient pas des systèmes d'information au sens de la loi entachant ainsi son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et d'insuffisance de base légale au regard des articles 389-1 et 389-2 du Code pénal » ; et que 2° « à titre subsidiaire l'article 389-2 du Code pénal qualifie d'altération du fonctionnement d'un système d'information toute action consistant à fausser le fonctionnement dudit système pour lui faire produire un résultat autre que celui pour lequel il est normalement conçu et utilisé, qu'en retenant cette altération aux motifs que les logiciels professionnels n'auraient pas été remis en route sur les ordinateurs avant le 5 juillet 2018 par le prestataire informatique et que l'attestation de Madame A. M. versée aux débats par le Conseil de la partie civile témoignerait de sa déstabilisation et du fonctionnement anormal de son ordinateur, sans répondre au moyen selon lequel elle ne pouvait rendre sa décision qu'à la lumière des éléments figurant au dossier pénal, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et d'insuffisance de base légale au regard des articles 389-1 et 389-2 du Code pénal » ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que la réinitialisation incriminée avait rendu les postes de travail inutilisables tant que les mots de passe n'avaient pas été retrouvés et que les logiciels professionnels utilisés par le cabinet d'architecture n'avaient pas été réinstallés, la cour d'appel a pu en déduire, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que, si le serveur lui-même n'avait pas été affecté, le fonctionnement du système d'information avait néanmoins été altéré, et qu'était dès lors caractérisé le délit visé à la prévention ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen
Attendu que M. A. fait enfin grief à l'arrêt de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que les frais de matériel engagés par le cabinet V. étaient imputables à ses agissements, alors selon le moyen que « l'action civile n'appartient qu'à celui qui a personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en retenant la chronologie des faits établis par SVB Informatiques versée aux débats par le Conseil de Monsieur V. pour caractériser le lien de causalité entre l'infraction et le préjudice allégué, sans répondre au moyen selon lequel elle ne pouvait rendre sa décision qu'à la lumière des éléments figurant au dossier pénal, ni au moyen selon lequel ce lien de causalité ne pouvait être établi au regard de la déclaration faite devant les services de police par Monsieur C. Informaticien, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et d'insuffisance de base légale au regard de l'article 2 du Code de procédure pénale » ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé qu'il résultait des éléments présentés à l'appui de ses demandes par la partie civile, et soumis au débat contradictoire, qu'il avait été nécessaire, pour remédier aux difficultés informatiques rencontrées par celle-ci en conséquence des faits visés à la prévention, de procéder au changement des disques durs et de deux ordinateurs, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a pu en déduire que les frais de matériel engagés par le cabinet V. début juin 2018 étaient imputables aux agissements de M. A. ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi,
Condamne c. A. aux frais du présent arrêt.
Composition
Ainsi jugé et rendu le quinze juin deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Serge PETIT, Conseiller et Laurent LE MESLE, Conseiller, rapporteur.
Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, le Premier Président
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