Motifs
(en session civile)
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué que le 17 octobre 2008, la société de droit seychellois CHELONE LIMITED, (la société) dont les administrateurs étaient Mme a. V. et son fils M. m. C. a régularisé une convention de comptes-titres auprès de la société coopérative de banque à forme anonyme de droit français dénommée BPCA, en destinant une somme de 100.000 euros à son investissement ; que, par deux actes du même jour, la BPCA a consenti à cette société deux crédits d'un montant respectif de 100 000 euros et de 200 000 euros dans le cadre de conventions dites de « Crédit Lombard » dont le montant était destiné à des investissements boursiers garantis par un gage de monnaie ; que, le même jour, la société a constitué en gage l'ensemble de ses avoirs en monnaie et valeurs mobilières inscrits dans ses comptes ; que le dispositif contractuel prévoyait la couverture des concours accordés pour un montant s'élevant au moins à 120 % du montant des engagements de l'emprunteur à l'égard de la banque ; que, pour éviter la mise en œuvre de la condition résolutoire prévue à l'article 6 des conventions de crédit, du fait de la forte réduction de la valeur des avoirs gagés consécutive à la chute des marchés boursiers au moment de la crise financière de 2009, les parties sont convenues de reporter la date de l'échéance des prêts par deux avenants du 28 mai 2009 puis du 3 mars 2014 ; qu'imputant à la BPCA la responsabilité des pertes financières qu'elle aurait subi du fait d'engagements inadaptés et de la gestion de ses différents comptes et placements auprès de cette banque, ouverts ou souscrits depuis le 17 octobre 2008, la société a, par exploit du 22 avril 2016, fait assigner la BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE (la BPMED ou BPM, ci-après la banque) venant aux droits de la BPCA devant le Tribunal de première instance aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices ; que, par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal a condamné cette banque à payer à la société la somme de 16.566,37 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et débouté les parties du surplus de leurs demandes ; que, sur appel principal de la société et appel incident de la banque, la Cour d'appel a, par arrêt du 15 décembre 2020, déclaré abusives les clauses exonératoires de responsabilité figurant dans les avenants signés les 28 mai 2009 et 3 mars 2014, rejeté les fins de non-recevoir tirées du caractère nouveau de la demande en cause d'appel et de la prescription, opposées par la banque à l'action en nullité des conventions souscrites le 17 octobre 2008, infirmé le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité de l'assignation, de rejet de pièces et d'allocation de dommages-intérêts au profit de la banque pour procédure abusive et, le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, a prononcé la nullité de la convention d'ouverture de compte-titres des deux contrats de crédit Lombard et de la constitution de gage souscrits le 17 octobre 2008 ainsi que des avenants subséquents en date des 28 mai 2009 et 3 mars 2014, condamné la banque à restituer à la société la somme de 100.000 euros correspondant au montant de son investissement ainsi qu'à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, débouté cette dernière du surplus de ses demandes et, ajoutant au jugement, a débouté la banque de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive en cause d'appel, condamnant celle-ci aux dépens d'appel ;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de déclarer abusives les clauses exonératoires de responsabilité figurant dans les avenants signés les 28 mai 2009 et 3 mars 2014 alors, selon le moyen, 1/ « que la renonciation à une action au titre de devoirs d'information, de conseil ou de mise en garde ne se confond pas avec la renonciation au bénéfice des devoirs d'information, de conseil ou de mise en garde ; que la société BPMED ne se prévalait pas de clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité pour opposer l'irrecevabilité de l'action de la société Chelone, mais de clauses prévoyant expressément la renonciation à toute action relative aux opérations effectuées, antérieurement à leur date, sur les comptes considérés, au titre du devoir d'information, de conseil ou de mise en garde, dont la banque n'est pas exonérée ; qu'en considérant néanmoins qu'indépendamment de toute stipulation contractuelle, il est de jurisprudence constante qu'une banque est tenue, comme tout prestataire de service financier, de mettre en garde son client contre les risques nés d'une opération spéculative envisagée par celui-ci, quand bien même cette exigence peut se trouver allégée en présence d'un investisseur averti et qu'en ciblant expressément l'obligation principale qui lui incombe dans son rôle d'intermédiaire financier, d'informer, conseiller ou mettre en garde son client, la BPCA a tenté de se soustraire sans contrepartie, aux obligations qui sont les siennes pour en conclure que de telles clauses, abusives, doivent être réputées non écrites, la Cour d'appel a méconnu les termes clairs desdites clauses en violation de l'article 989 du Code civil » ; alors 2/ « que la société BPMED ne se prévalait pas de clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité pour opposer l'irrecevabilité de l'action de la société Chelone, mais des clauses prévoyant expressément la renonciation à toute action relative aux opérations effectuées, antérieurement à leur date, sur les comptes considérés, au titre du devoir d'information, de conseil ou de mise en garde, dont la banque n'est pas exonérée ; qu'en considérant néanmoins qu'indépendamment de toute stipulation contractuelle, il est de jurisprudence constante qu'une banque est tenue, comme tout prestataire de service financier, de mettre en garde son client contre les risques nés d'une opération spéculative envisagée par celui-ci, quand bien même cette exigence peut se trouver allégée en présence d'un investisseur averti et qu'en ciblant expressément l'obligation principale qui lui incombe dans son rôle d'intermédiaire financier, d'informer, conseiller et mettre en garde son client, la BPCA a tenté de se soustraire, sans contrepartie, aux obligations qui sont les siennes pour en conclure que de telles clauses, abusives, doivent être réputées non écrites, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 199 du Code de procédure civile » ;
Mais attendu qu'ayant apprécié la valeur et la portée des clauses de renonciation à toute réclamation relative aux opérations retracées par la banque sur les relevés de compte depuis leur ouverture, contenues dans les avenants des 28 mai 2009 et du 3 mars 2014, l'arrêt énonce exactement que si la liberté contractuelle autorise les parties à convenir d'une clause limitative ou exonératoire de responsabilité, celle-ci ne peut vider de sa substance une obligation essentielle pesant sur celui au profit duquel elle se trouve stipulée, sans en voir sa validité affectée et retient qu'en ciblant expressément l'obligation principale qui lui incombait dans son rôle d'intermédiaire financier, d'informer, conseiller et mettre en garde son client, la banque avait tenté de se soustraire, sans contrepartie à ses obligations ;
Que de ces constations et énonciations, la Cour d'appel a déduit à bon droit, sans dénaturation ni méconnaissance des termes du litige que de telles clauses abusives devaient être réputées non écrites ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau, en cause d'appel, de l'action en nullité des conventions souscrites le 17 octobre 2008 alors, selon le moyen, « que ne tendent pas aux mêmes fins les demandes indemnitaires fondées sur l'inexécution ou la mauvaise exécution d'un contrat et les demandes en nullité du contrat, qui a pour effet de mettre à néant le contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 431 du Code de procédure civile » ;
Mais attendu que, dans ses conclusions prises devant les premiers juges, la société CHELONE ne demandait pas l'exécution de ces conventions, mais à être libérée de ses obligations à l'égard de la banque en contrepartie de la restitution à celles-ci des titres litigieux encore à son compte ; que dès lors, la Cour d'appel a exactement retenu que les prétentions qui lui étaient soumises, bien que fondées sur la nullité des dispositions contractuelles, tendant aux mêmes fins, étaient recevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des conventions souscrites le 17 octobre 2008, alors, selon le moyen, « qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le délai de prescription de l'action en nullité des contrats ne courait que depuis le 18 novembre 2014, date à laquelle le conseil de la banque avait communiqué à l'avocat de la société Chelone certains documents sollicités le 15 octobre 2014, quand elle avait relevé que la société Chelone ne s'était pas expliquée sur la question de la prescription, la Cour d'appel, qui a relevé ce moyen d'office, sans avoir suscité la discussion des parties sur ce moyen, a méconnu le principe du contradictoire en violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme » ;
Mais attendu que la banque ayant soutenu, dans ses écritures prises devant la Cour d'appel, que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité des conventions pour dol était en l'espèce la date de leur signature, la Cour d'appel, tenue de trancher le litige conformément aux règles qui lui étaient applicables, s'est bornée, sans relever de moyen d'office, à examiner si les conditions d'application de la règle de droit relative à ce point de départ de la prescription étaient réunies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt de prononcer la nullité de la convention d'ouverture de compte-titres, des deux contrats de crédit lombard et de la constitution de gage souscrits le 14 octobre 2008 et des avenants subséquents en date des 28 mai et 3 mars 2014, alors, selon le moyen, 1/ « que le prestataire de services financiers n'est débiteur d'aucune obligation précontractuelle d'information ou de conseil s'agissant de conventions portant un service de réception-transmission d'ordres ; qu'en l'espèce, les conventions litigieuses sont des conventions de compte titres et de crédit lombard qui ne requièrent pas d'informations ou conseils particuliers ; qu'en considérant néanmoins, par une motivation d'ordre général, qu'il appartenait à l'établissement bancaire, lors de la souscription des conventions de crédit lombard et de gage, d'alerter la société CHELONE, novice en la matière, des risques encourus et des conséquences pouvant en découler en cas notamment d'impossibilité de remboursement, dans la mesure où ses engagements financiers excédaient de manière significative son seul investissement personnel à hauteur de 100.000 euros, que le montant précis de ses revenus annuels déclarés, dont la nature n'a pas été spécifiée, reste ignoré, et que l'opération proposée pouvait se révéler rapidement désavantageuse en l'obligeant à rembourser des sommes dont elle n'a jamais eu la libre disposition, la Cour d'appel a violé l'article 971 du Code civil, ensemble les articles 1er de la loi n° 1.338 du 7 décembre 2007, 10 et 12 de l'ordonnance n° 1.284 du 10 septembre 2007 et, par fausse application de l'article 13 de ladite ordonnance » ; alors 2/ « que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel n'a pas établi le caractère intentionnel du prétendu manquement de la banque ni l'existence d'une erreur déterminante du consentement de la société Chelone ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 971 du Code civil » et alors 3/ « que la renonciation à une action au titre du devoir d'information, de conseil ou de mise en garde ne se confond pas avec la renonciation au bénéfice des devoirs d'information, de conseil ou de mise en garde ; qu'en l'espèce, les clauses litigieuses prévoyaient expressément la renonciation à toute action relative aux opérations effectuées, antérieurement à leur date, sur les comptes considérés, au titre du devoir d' information, de conseil ou de mise en garde dont la banque n'est pas exonérée ; que ces clauses établissaient en outre que la banque avait satisfait à ses devoirs d'information et de conseil ; qu'en considérant que de telles clauses établissant que la banque avait rempli son devoir d'information et de conseil étaient abusives et devaient être réputées non écrites, de sorte que la BPMED ne pouvait s'en prévaloir, la Cour d'appel a méconnu les termes clairs desdites clauses en violation de l'article 989 du Code civil » ;
Mais attendu d'une part que la banque n'a soutenu dans ses conclusions prises devant la Cour d'appel ni que les conventions litigieuses étaient des conventions de comptes-titres et de crédit lombard qui ne requièrent pas d'informations ou conseils particuliers, ni que les textes visés par la première branche du moyen avaient été violés, que le moyen de ce chef est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu d'autre part que l'arrêt retient qu'il appartenait à l'établissement bancaire, lors de la souscription des conventions Lombard et de gage, d'alerter la société CHELONE, novice en la matière, des risques encourus et des conséquences pouvant en découler en cas notamment d'impossibilité de remboursement, dans la mesure où ses engagements financiers excédaient de manière significative son seul investissement personnel à hauteur de 100.000 euros, que le montant précis de ses revenus annuels déclarés, dont la nature n'a pas été spécifiée reste ignorée, et que l'opération proposée pouvait se révéler rapidement désavantageuse en l'obligeant à rembourser des sommes dont elle n'a jamais eu la libre disposition ; qu'en déduisant exactement de ces constatations et énonciations que faute pour la banque d'avoir satisfait à ses obligations, la société CHELONE pouvait légitimement soutenir que son consentement aux conventions qu'elle avait souscrites était entaché d'un vice, du fait de la réticence dolosive de l'établissement bancaire, qui s'est abstenu d'informer et de conseiller sa cliente, la Cour d'appel a, par ces motifs qui caractérisent les éléments constitutifs du dol et sans violer l'article 989 du Code civil, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur la demande de la société CHELONE fondée sur l'article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile
Attendu que la société CHELONE demande la condamnation de la banque à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de la cause d'accueillir cette demande ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi ;
Rejette la demande de la société CHELONE fondée sur l'article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile ;
Condamne la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANÉE aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable
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