Motifs
en session civile
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
M. j-m. B. de nationalité française et Mme s. C. de nationalité tunisienne, ont contracté mariage à Monaco le 14 octobre 2000 en déclarant se soumettre au régime légal monégasque de séparation des biens ;
Par jugement du 31 mai 2012, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de Mme C.
Dans le cadre de la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux, le notaire chargé de la liquidation a été saisi du sort de la SCI DU BONHEUR, constituée le 20 juin 2001, au capital de 15.000 €, réparti à hauteur de 300 parts pour Mme C. et 1.200 parts pour M. B. cette société ayant acquis le 12 juillet 2001 une maison d'habitation située à la Turbie, moyennant le prix de 762.245,09 € ;
M. B. a saisi le 16 septembre 2016 le Tribunal de première instance, sollicitant, notamment : 1) à titre principal : la nullité de la donation déguisée qu'il aurait consentie à son ex-épouse lors de la constitution de la SCI DU BONHEUR et, en conséquence voir ordonner que les 300 parts sociales litigieuses figureront à l'actif social à son nom ; 2) à titre subsidiaire, déchoir Mme C. de l'avantage matrimonial constitué par sa participation au capital social de la SCI DU BONHEUR à hauteur de 300 parts sur les 1 500 ainsi que de tout droit sur les actifs de cette société, sur le fondement de l'article 205-1 du Code civil ;
Par jugement du 31 janvier 2019, le tribunal a, notamment, dit que l'attribution à Mme C. des 300 parts de la SCI du BONHEUR, le 20 juin 2001, constitue une donation déguisée de M. B. au profit de Mme C. pendant le mariage ; en conséquence, l'a déclarée nulle, dit que M. B. est seul titulaire des parts sociales de cette SCI et condamné Mme C. à payer à M. B. la somme de 4.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Sur appel de Mme C. la Cour d'appel, par arrêt du 26 mai 2020, a infirmé le jugement de ce chef, estimant qu'il n'était pas démontré que cette opération constituerait une donation déguisée.
Par arrêt du 18 mars 2021, la Cour de révision, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel, en relevant : « Qu'en statuant ainsi alors qu'il ressortait par ailleurs de ses constatations, d'une part que Mme C. n'avait pas contesté que c'était son mari qui lui avait attribué 300 parts de la SCI DU BONHEUR, la discussion ne portant que sur le motif de cette attribution, et d'autre part, que les circonstances familiales et professionnelles invoquées à l'appui de l'intention rémunératoire alléguée étaient pour l'essentiel postérieures à la donation litigieuse, la Cour d'appel, qui ne pouvait en inférer ni l'absence d'appauvrissement de M. B. ni son absence d'intention libérale, n'a donc pas donné de base légale à sa décision » ;
Par conclusions additionnelles en date du 16 juin 2021, Mme C. demande à la Cour de renvoi d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance, de constater que M. B. ne démontre pas son intention libérale dans l'opération immobilière de la SCI DU BONHEUR, de dire et juger que l'intention rémunératoire de M. B. est établie et de le débouter de toutes ses demandes avec condamnation aux dépens ;
Elle fait valoir, en substance, que ses salaires ont été versés systématiquement sur le compte joint du couple, qu'il est incontestable qu'elle a participé au financement de l'acquisition de la villa commune contrairement aux affirmations de M. B. et, qu'en participant à l'activité professionnelle de son époux pendant 11 années avec un emploi du temps raccourci pour pouvoir se consacrer à l'éducation des enfants du couple, elle a forcément bénéficié d'une intention rémunératoire de la part de M. B.;
Elle ajoute que quand bien même la donation litigieuse serait antérieure aux circonstances familiales et professionnelles invoquées à l'appui de l'intention rémunératoire, il n'en demeure pas moins que ces circonstances sont bien réelles et solides pour justifier la donation effectuée à son profit et qu'il appartient à l'époux qui soutient que les paiements qu'il a effectués pour le compte de son conjoint constituent une donation révocable, d'établir qu'ils n'ont pas d'autres causes que son intention libérale ;
En réplique, M. B. conclut le 18 mai 2021 à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ainsi qu'à la condamnation de Mme C. au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
SUR CE,
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du Code civil que toute donation entre époux pendant le mariage, ou déguisée, ou faite à des personnes interposées, sera nulle ; qu'il incombe à celui qui invoque l'existence d'une telle donation d'établir l'intention libérale du donateur ;
Attendu qu'en l'espèce, ainsi que l'a exactement relevé le Tribunal de première instance, il ressort des pièces versées aux débats que le prix d'acquisition de l'immeuble litigieux a été payé comptant par la SCI DU BONHEUR le 12 juillet 2001, quelques mois après le mariage des époux B. C. le compte bancaire de cette société ayant été alimenté pour la période du 1er juillet 2001 au 31 janvier 2002 par deux virements provenant de M. B. le premier d'un montant de 5,2 millions de francs le 12 juillet 2001, le second d'un montant de 10.000 € le 31 janvier 2002 ; que, contrairement aux affirmations de Mme C. les époux B C. n'ont été titulaires d'un compte joint ouvert dans les livres du CFM qu'à compter du 23 mai 2005, les salaires de cette dernière étant versés sur son compte personnel, ouvert à la Caisse d'Epargne pour la période précédant la constitution de la SCI DU BONHEUR et l'acquisition de la maison d'habitation sise à la Turbie ;
Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments de preuve que l'attribution à Mme C. des 300 parts de la SCI DU BONHEUR ainsi que les paiements effectués pour l'acquisition de l'immeuble de la Turbie, l'ont été par M. B. quelques mois après l'union des époux, constituant ainsi une donation déguisée ne résultant que de la seule intention libérale de ce dernier, alors désireux de gratifier son épouse ;
Qu'en vain, Mme C. invoque l'intention rémunératoire de ce dernier à son égard en se fondant sur le rôle qu'elle aurait eu pendant 11 années de vie commune dans l'éducation donnée aux enfants du couple ou dans son activité professionnelle dès lors que, d'une part la donation déguisée est intervenue au tout début du mariage et que d'autre part, il n'est en aucune façon démontré que sa participation dans la vie familiale et professionnelle a dépassé l'obligation de contribuer aux charges du mariage qui pèse sur chacun des époux ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit être confirmé de ce chef ;
Sur la demande dommages-intérêts formée par M. B.
Attendu que Mme C. n'a fait qu'user normalement d'une voie de recours prévue par la loi ; que sa résistance abusive n'étant pas établie, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande indemnitaire formée à son encontre ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions relatives à la condamnation de Mme s. C. au paiement de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Le confirme pour le surplus,
Déboute M. j-m. B. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Mme s. C. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
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