Motifs
Pourvoi N° 2022-18 Hors Session
Civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 7 JUILLET 2022
En la cause de :
* La Société Anonyme Monégasque dénommée A., dont le siège social se trouve X1 à Monaco (98000), prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel et ayant pour avocat plaidant Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour d'appel ;
DEMANDERESSE EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
* L'Entité morale de droit italien dénommée B., ayant la nature et la capacité juridique de droit privé en application du Décret de la Présidence de la République italienne du 22 mai 1981, publié au Journal Officiel italien n°198 du 21 juillet 1981 page 4678, antérieurement inscrite au Registre des Personnes juridiques du Tribunal de Turin sous le n° 1251, actuellement inscrite au Registre des personnes juridiques de la Préfecture de Turin sous le n° 698, dont le siège social se trouve X2à Turin (10152) en Italie, agissant poursuites et diligences de son Directeur, le Père C. y demeurant en cette qualité ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
DÉFENDERESSE EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 458 du Code de Procédure civile ;
VU :
* l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière civile, en date du 7 décembre 2021, signifié le 7 février 2022 ;
* la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 9 février 2022, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée A. ;
* la requête en révision déposée le 11 mars 2022 au Greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée A. accompagnée de 13 pièces, signifiée le même jour ;
* la contre-requête déposée le 11 avril 2022 au Greffe général, par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de l'Entité morale de droit italien dénommée B. accompagnée de 6 pièces, signifiée le même jour ;
* les conclusions du Ministère Public en date du 12 avril 2022 ;
* la réplique déposée le 15 avril 2022 au Greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée A. signifiée le même jour ;
* la duplique déposée le 21 avril 2022 au Greffe général, par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de l'Entité morale de droit italien dénommée B. signifiée le même jour ;
* le certificat de clôture établi le 4 mai 2022 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 2 juin 2022, sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par contrat en date du 14 novembre 1985, conclu pour six ans à compter du 1er janvier 1985 et renouvelable par tacite reconduction tous les trois ans, B. entité italienne personnalisée (ci-après le bailleur) a donné en location, à la SAM A.(le preneur), des locaux commerciaux situés à Monaco, X1 que le loyer indexé était de 50.000 euros par an ; que le 29 juin 2015, le bailleur a dénoncé la convention à son échéance du 31 décembre 2015, et proposé son renouvellement pour une somme mensuelle de 18.000 euros ; que les parties ne s'accordant pas sur ce montant, un jugement, rendu par la Commission arbitrale des loyers commerciaux le 11 octobre 2017, a constaté le principe du renouvellement, du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2021, et fixé un loyer mensuel hors taxes et hors charges de 4.500 euros ; que, sur les appels principal du bailleur et incident du preneur, la Cour d'appel, par arrêt avant-dire-droit du 28 septembre 2018, a ordonné une expertise ; que, par arrêt au fond en date du 7 décembre 2021, la Cour d'appel, saisie d'écritures par lesquelles le bailleur concluait à un loyer mensuel de 18.000 euros et le preneur de 2.228 euros, et statuant par application de la loi n°490 du 24 novembre 1948 « concernant les baux à usage commercial industriel ou artisanal », a retenu la somme de 11.000 euros, hors taxes et charges, à compter du 1er janvier 2016, avec condamnation du preneur à payer l'arriéré constitué à la date de la décision ; que la SAM A. s'est pourvue en révision ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, proposé par le pourvoi en révision, lequel est recevable :
La société anonyme monégasque A. fait grief à l'arrêt d'avoir fixé le loyer mensuel des locaux à elle donnés à bail par B. à la somme de 11.000 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er janvier 2016, et de l'avoir condamnée à payer l'arriéré de loyer constitué à la date dudit arrêt ; alors « qu'aux termes de l'article 6 alinéa 2nd de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, le prix de location doit être égal à la »valeur des locaux évaluée en fonction de l'étendue, de la situation, du confort, des aménagements et des facilités d'exploitation qu'ils présentent« ; de ces termes, il résulte que doit entrer en ligne de compte dans la définition du loyer »l'exploitation« du fonds fait par le preneur au sein du local donné à bail - à savoir celle d'une activité de prêt sur gages et nullement quelconque autre activité financière - et notamment la destination contractuelle relative à cette exploitation ; en s'abstenant totalement de prendre en compte l'activité particulière de prêt sur gage mobilier exercée par la société locataire, et les clauses du bail prévoyant que les lieux sont loués »à usage d'un fonds de commerce de toutes activités bancaires et de prêts sur gage, à l'exclusion de tous autres«, pour apprécier la valeur locative et les qualités des lieux, et en effectuant des comparaisons de prix selon trois méthodes de calcul pour des locaux dont les facilités d'exploitation pour l'exercice de l'activité sont en rien comparables, la Cour d'appel a violé le texte précité et les articles 956 et 1549 du Code civil » ; alors « que la société locataire faisait valoir que son activité de prêts sur gage a un caractère social dès lors qu'elle intervient auprès de personnes en difficulté financière, que la vente des objets gagés attire une clientèle spécifique de marchands de biens, totalement étrangère à la clientèle des banques privées d'affaire et des boutiques situées aux alentours ou dans le périmètre dit du Carré d'Or, et que cette activité ne peut pas par nature générer le même type de chiffres d'affaires ; en s'abstenant de s'expliquer sur ces points qui devaient entrer en ligne de compte pour la détermination du loyer, et en s'appuyant sur des éléments de comparaison sans jamais donner l'activité exercée dans les locaux comparés, la Cour d'appel a en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés » ; alors « qu' un juge du fond ne doit pas entacher sa décision de contradiction ou d'insuffisance de motifs ; en retenant à la fois et de façon contradictoire que le chemin de ronde est inexploitable en l'état mais qu'il pourrait être réutilisé en cas de réaménagement des locaux, alors que d'une part on ne saurait concevoir l'exercice d'une activité de prêt sur gages sans ce chemin de ronde, créé initialement pour sécuriser les accès depuis l'extérieur au sous-sol du local où se trouve la salle des coffres, et que d'autre part l'usage d'une salle des coffres est utile en Principauté, la cour d'appel a statué par défaut et contradiction de motifs et violé l'article 199 du Code de procédure civile » ; alors « que la société locataire faisait précisément valoir qu'elle avait été obligée de neutraliser la superficie du »chemin de ronde« pour assurer la sécurité de la salle des coffres indispensable à son activité de dépositaire, dès lors que le local loué était facilement accessible par des soupiraux ouvrant directement sur la rue ; en ne s'expliquant pas sur ce moyen de nature à influer sur la détermination de la superficie des locaux et des facilités d'exploitation qu'il présente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 alinéa 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, et privé sa décision de motifs en violation de l'article 199 du Code de procédure civile » ;
Mais attendu, sur les deux premières branches, qu'aux termes de l'article 6 alinéa 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, dont le moyen rappelle exactement les dispositions, ni l'activité particulière du preneur ni la destination contractuelle des lieux ne figurent parmi les cinq critères ainsi fixés ; que l'arrêt, à partir des informations descriptives et financières figurant dans le rapport de l'expert judiciaire, a recherché, avec l'incidence quant à la valeur, la surface affinée des locaux, soit 159,58 m2 en rez-de-chaussée et 178,11 en sous-sol, leur situation au sein du quartier de Monte-Carlo et dans un secteur particulièrement prisé et recherché, la proximité de plusieurs parkings, les travaux de réaménagement entrepris par le preneur dans un but commercial vis-à-vis de la clientèle et du bien-être du personnel, avant d'exposer les trois méthodes de comparaison déclinées et les pondérations pratiquées ; d'où il suit qu'en jugeant, à partir des données de fait ainsi relevées, que le loyer devait être fixé à la somme mensuelle de 11.000 euros hors taxes et charges, l'arrêt n'encourt en rien les critiques du moyen ; et attendu, sur les deux dernières branches, que la Cour d'appel, qui s'est expliquée sur la prise en compte de la superficie tant de la salle des coffres en observant les activités de dépôt pour lesquelles elle pourrait aussi être utilisée, que d'un chemin de ronde, exploitable en cas de réaménagement des locaux, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, sur la demande de l'entité B. à voir condamner la SAM A. à lui payer 10.000 euros pour recours abusif et abus de pourvoi (article 459-4 du Code de procédure civile), et sur les demandes respectives des deux parties en remboursement de 15.000 euros et 13.400 euros au titre des frais irrépétibles, qu'au vu des circonstances, il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Déclare le pourvoi recevable,
Le rejette,
Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts pour abus de pourvoi et remboursement de frais irrépétibles,
Condamne la SAM A. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition
Ainsi jugé et rendu le sept juillet deux mille vingt-deux, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs François-Xavier LUCAS, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Laurent LE MESLE, Vice-Président et Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Et Monsieur François-Xavier LUCAS, faisant fonction de Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, le Président.
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