Motifs
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 18 JUILLET 2022
En la cause de :
* A., né le 1er février 1970 à Dolo (Italie), de a.et de b. B. de nationalité italienne, responsable de salle, demeurant Via X1SAONARA (Italie) ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant la SARL Cabinet BRIARD, avocat aux Conseils ;
DEMANDEUR EN REVISION,
d'une part,
Contre :
* Le MINISTÈRE PUBLIC ;
DEFENDEUR EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;
VU :
* l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière correctionnelle, en date du 28 février 2022 ;
* la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 4 mars 2022, par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de A. ;
* la requête en révision déposée le 18 mars 2022 au Greffe général, par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de A. accompagnée de 3 pièces ;
* le mémoire du Ministère public en date du 7 avril 2022 ;
* le certificat de clôture établi le 8 avril 2022 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 13 juin 2022, sur le rapport de M. Laurent LE MESLE, Vice-Président ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'une information judiciaire a été ouverte le 11 mars 2014 contre X, du chef de blanchiment du produit d'une infraction, à la suite du signalement opéré par le Service d'Information et de Contrôle des Circuits Financiers (SICCFIN) relativement à un compte ouvert à la D. à Monaco, par M. A. sous l'alias C. ; qu'il en résultait que M. A. faisait l'objet de poursuites en Italie du chef de plusieurs infractions commises dans le cadre d'un réseau de coopératives qui s'étaient enrichies de façon illicite au détriment d'entreprises publiques, de sociétés privées et de leurs employés, et qu'il avait déposé, à des périodes correspondant à ces infractions et en plusieurs versements, des fonds sur le compte visé par le signalement SICCFIN et placé sous séquestre par ordonnance en date du 3 mars 2014 du président du tribunal de première instance, ainsi que sur plusieurs autres comptes ouverts à la D. que M. A. a été inculpé de blanchiment, puis qu'au terme de l'information il a été renvoyé de ce chef devant le tribunal correctionnel qui l'a condamné, par jugement du 8 juin 2021, pour les seuls faits commis après le 9 novembre 2006, aux peines d'un an d'emprisonnement avec sursis, 150.000 euros d'amende et à la confiscation des avoirs se trouvant sur les comptes ouverts à Monaco, sous le n° 6267868, et sous alias, à la D.et sous le n° 9179/00265689 à la D. que sur appel de M. A.et du Ministère public, la Cour d'appel a confirmé, par arrêt du 28 février 2022, le jugement en ce qu'il avait déclaré coupable le prévenu pour les seuls faits commis après le 9 novembre 2006 par utilisation du compte n° 6267868 ouvert dans les livres de la D. a relaxé celui-ci pour le surplus, l'a condamné aux peines d'un an d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende et a ordonné la confiscation des avoirs se trouvant sur le compte n° 6267868 ouvert sous l'alias C. dans les livres de la D. sous déduction d'une somme de 480.000 euros qui sera restituée à M. A. ;
Que M. A. a formé un pourvoi en révision contre cet arrêt ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer M. A. coupable de blanchiment du produit d'une infraction, alors que, selon le moyen, « l'infraction de blanchiment est une infraction de conséquence ; qu'ainsi, elle n'est constituée que si le prévenu a concouru au placement, à la dissimulation ou à la conversion du produit d'un crime ou d'un délit qu'il appartient au juge du fond de caractériser ; qu'à défaut d'une caractérisation expresse de l'infraction primaire, l'incrimination de blanchiment, quoique autonome, ne saurait être retenue ; qu'en déclarant M. A. coupable de blanchiment du produit d'une infraction d'escroquerie pour la partie de la prévention relative au compte n°6267868 ouvert à la D. sans caractériser expressément l'infraction primaire d'escroquerie autrement que par référence à des allégations étayées par aucun élément objectif et probant, la cour d'appel correctionnelle a privé sa décision de base légale au regard des articles 218 et 218-3 du Code pénal » ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'il résultait des éléments du dossier, et notamment des pièces issues des procédures suivies en Italie, que la société présidée par M. A. avait obtenu de façon illicite des contrats d'ouvrage de logistique par l'emploi de manœuvres frauduleuses consistant à soumissionner à un prix très compétitif rendu possible par des emplois dissimulés et payés sous les minima légaux, emplois qu'elle faisait supporter à des coopératives associées, qualifiées de fantoches, et dirigées par des hommes de paille, tout en fraudant également les obligations de cotisations sociales et que ces agissements, dans lesquels était démontré le rôle prédominant de M. A.et qui avaient innervé toute l'activité professionnelle de ce dernier pendant la période couverte par la prévention, avaient été facilités d'une part par le profil des salariés, souvent extra-communautaires, qui avaient besoin de travailler et n'étaient pas en mesure de défendre leurs propres intérêts, et d'autre part par la cessation d'activité des coopératives satellites, après une période donnée, avec dissimulation de leur comptabilité pour entraver les éventuels contrôles, tous faits dont il ressortait l'existence d'une infraction sous-jacente commise à l'étranger et punissable en Principauté, au sens de l'article 218-1 du Code pénal, la Cour d'appel a pu retenir qu'était constituée l'infraction prévue et punie par l'article 218 du même Code et a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième et le troisième moyen réunis :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de condamner M. A. à la peine d'un an d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende, alors que, selon le moyen, 1) « toute peine prononcée doit être individualisée, nécessaire et proportionnée ; que la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine ; que la cour d'appel correctionnelle, tandis qu'elle a considérablement réduit le contenu et la durée de la prévention, a aggravé la peine avec sursis prononcée par les premiers juges pour retenir une peine d'emprisonnement ferme d'un an qui n'était ni nécessaire ni proportionnée par rapport au déroulement des faits, à la personnalité de l'exposant ainsi qu'à sa situation personnelle ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 20 de la Constitution, 361, 390, 413, 455 et 456 du Code de procédure pénale, ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice » ; 2) « en tout état de cause, une condamnation à une peine d'emprisonnement sans sursis doit être motivée concrètement par la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur dans son ensemble ; que cette motivation doit témoigner de ce que toute autre sanction serait manifestement inadéquate ; qu'en condamnant M. A. à une peine d'emprisonnement ferme sans aucunement motiver concrètement en quoi toute autre sanction aurait été manifestement inadéquate, la cour d'appel correctionnelle a méconnu les textes visés au moyen ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice » ; 3) « toute peine prononcée doit être individualisée, nécessaire et proportionnée ; que la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine ; que la cour d'appel correctionnelle, tandis qu'elle a considérablement réduit le contenu et la durée de la prévention, a doublé la peine d'amende prononcée par les premiers juges, amende qui n'était ni nécessaire ni proportionnée par rapport au déroulement des faits, à la personnalité de l'exposant ainsi qu'à sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice » ; 4) « en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; que dès lors, en condamnant M. A. à la peine d'amende délictuelle de 300.000 euros en se bornant à faire lacunairement état des revenus illicites générés par la multiplicité des infractions frauduleuses sans prendre le soin de mieux s'expliquer sur ses ressources et charges, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice » ;
Mais attendu qu'ayant retenu d'une part, s'agissant de la peine d'emprisonnement, qu'au regard de la gravité des faits relevant de la délinquance astucieuse internationale, de l'importance des sommes dissimulées et du mode opératoire qui révèle une organisation planifiée sur plusieurs années, il y avait lieu de faire une application stricte de la loi pénale et d'autre part, s'agissant de la peine d'amende, qu'en considération des revenus illicites générés par la multiplicité des infractions, il y avait lieu d'aggraver la sanction infligée à l'intéressé par les premiers juges, la Cour d'appel a motivé avec clarté et précision les peines d'un an d'emprisonnement et de 500.000 euros d'amende qu'elle a prononcées, seule exigence résultant tant des textes internes et conventionnels que de l'obligation visés au moyen ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'ordonner la confiscation des avoirs se trouvant sur le compte n° 6267868 ouvert sous l'alias « C. » dans les livres de la D. sous déduction d'une somme de 480.000 euros qui sera restituée à M. A. alors que, selon le moyen, « il incombe au juge qui décide de confisquer un bien de s'assurer de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'à cette fin, il se doit de vérifier que la valeur du bien saisi n'excède pas celle du produit de l'infraction étant précisé que cette disproportion doit être appréciée non pas au regard de l'infraction, pris dans son ensemble, mais au regard du produit qu'en a tiré la personne dont le bien est saisi ; que pour ordonner la confiscation des avoirs se trouvant sur le compte n° 6267868 ouvert sous l'alias C. dans les livres de la D. la cour d'appel correctionnelle se contente d'affirmer lacunairement que la confiscation est applicable légalement, sans pour autant indiquer concrètement en quoi elle est proportionnée par rapport au produit tiré par la personne dont le bien est saisi et non par rapport aux sommes globalement en jeu ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 20 de la Constitution, 219 du Code pénal, 361, 390, 413, 455, 456 du Code de procédure pénale ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice ; »
Mais attendu que la Cour d'appel a ordonné la confiscation critiquée par le moyen après en avoir délimité le périmètre de sorte que celle-ci ne concerne que des biens dont elle a établi qu'ils sont d'origine illicite ou achetés exclusivement avec le produit d'une activité illicite, ce dont il résulte que le principe de proportionnalité invoqué ne trouvait pas à s'appliquer ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi ;
Condamne A. aux frais ;
Composition
Ainsi jugé et rendu le dix-huit juillet deux mille vingt-deux, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Laurent LE MESLE, Vice-Président, rapporteur et Serge PETIT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, le Premier Président.
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