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LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;
Vu :
* l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière correctionnelle, sur les dispositions civiles, en date du 3 avril 2023 ;
* la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 11 avril 2023, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM D. et de s. A. ;
* la requête en révision déposée le 26 avril 2023 au Greffe général, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM D. et de s. A., accompagnée de 16 pièces, signifiée le même jour ;
* les conclusions du Ministère public en date du 3 mai 2023 ;
* la contre-requête déposée le 10 mai 2023 au Greffe général, par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de c. B., accompagnée de 40 pièces, signifiée le même jour ;
* le certificat de clôture établi le 6 juin 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 16 juin 2023, sur le rapport de Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller ;
Motifs
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu que le 12 juin 2017, M. s. A. et la société D., déposaient plainte à l'encontre d'un ancien associé, puis employé, M. c. B., des chefs d'abus de confiance, d'escroquerie, de révélation de secret de fabrique et de vol ; qu'ils reprochaient à l'intéressé, licencié depuis, d'avoir commis une escroquerie en présentant à plusieurs reprises des demandes de remboursement des mêmes notes de frais, d'avoir dérobé des fichiers informatiques et de les avoir transmis à une société concurrente dont il était l'associé, et d'avoir commis un abus de confiance en consacrant son temps de travail et les moyens mis à sa disposition par la société D. pour développer une activité concurrente ; que M. B. était inculpé des chefs d'escroquerie, vol et abus de confiance ; que par jugement du 28 juin 2022, le Tribunal correctionnel le relaxait des fins de la poursuite et déboutait les parties civiles de leurs demandes en réparation de leur préjudice ; que ces dernières interjetaient appel ; que par arrêt du 3 avril 2023, la Cour d'appel statuant en matière correctionnelle, déclarait recevables les demandes d'indemnisation et confirmait le jugement en ce qu'il avait reçu M. A. et la société D. en leur constitution de partie civile et les avait déboutés ; que M. A. et la société D. ont formé un pourvoi en révision ;
* Sur le premier moyen :
Attendu que M. A. et la société D. font grief à l'arrêt attaqué d'avoir, dans le dispositif « déclaré leurs demandes recevables », après avoir déclaré l'une d'elle irrecevable dans les motifs, alors, selon le moyen que « la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; que la Cour d'appel ne pouvait tout à la fois, dans ses motifs, "déclarer irrecevable sa demande de dire et juger que c. B. a commis une faute en présentant à plusieurs reprises des demandes de remboursement des mêmes notes de frais" (arrêt attaqué, p.16), et affirmer dans son dispositif "déclare les demandes de s. A. et de la société D. recevables" ; que cette contradiction dirimante entache la décision d'un vice de motivation qui doit entraîner sa censure ».
Mais attendu qu'après avoir, dans les motifs de l'arrêt, déclaré irrecevable, au visa de l'article 81 du Code de procédure pénale, la demande d'indemnisation au titre des notes de frais qui auraient été indument perçues par M. B., la Cour d'appel a jugé, dans le dispositif, recevable l'ensemble des demandes présentées par la société D. et M. A. ; que cette contradiction entre les motifs et le dispositif résulte d'une simple erreur matérielle que le contexte permet de rectifier, dès lors qu'elle peut être redressée sans ambiguïté à l'aide des motifs contenus dans la décision, d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
* Sur le deuxième moyen, les trois branches étant réunies :
Attendu que M. A. et la société D. font grief à l'arrêt attaqué, en violation des articles 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1229 et 1230 du Code civil, 337 du Code pénal et 2, 392, 447, 455, 456 du Code de procédure pénale, de les débouter de leur demande en paiement de la somme de 64.750 euros correspondant au détournement de son contrat de travail par M. B., alors, selon le moyen, de première part, que « la Cour d'appel ne pouvait, pour écarter l'existence d'une faute civile ayant consisté pour M. B. à détourner le temps rémunéré au titre de son contrat de travail, notamment par l'utilisation de son ordinateur, se retrancher derrière le fait que "le document versé aux débats par la société D. ne précise pas toutefois la durée des connexions et ne démontre pas que l'utilisation du courrier électronique ait affecté de quelque manière que ce soit le trafic normal des messages professionnels de la société D." (arrêt attaqué, p. 20), ou encore affirmer que "l'usage privé ponctuel dont c. B. a fait de son ordinateur et de sa connexion internet n'a pas été de nature à priver la société D. de l'utilisation de son bien ni de la gêner dans l'exercice de ses propres prérogatives telle qu'une gêne dans l'accès au réseau du fait d'un usage abusif ou un comportement de nature à lui porter préjudice, de sorte qu'il ne saurait être retenu à l'encontre de l'intimé une faute civile" (arrêt attaqué, p.20) ; que le préjudice allégué par les parties civiles requérantes ne consistait en effet nullement en une perturbation du réseau internet de la société D., mais en un investissement du temps et des moyens mis à sa disposition en qualité de salarié de cette dernière au profit de la société concurrente E., de nature en tant que tel à faire perdre une partie de sa clientèle à D. ; qu'en se prononçant ainsi, la Cour d'appel n'a pas justifié l'absence de faute civile ouvrant droit à réparation, en violation des textes visés au moyen » ; et alors, de deuxième part que « la Cour d'appel, en omettant, pour l'appréciation du détournement du temps et des moyens mis à disposition de M. B. en tant que salarié de la société D., de tenir compte de l'existence d'une clause de non-concurrence figurant au contrat de travail, expressément invoquée dans les conclusions de partie civile (conclusions, p.21§1), n'a pas justifié sa décision, en violation des textes visés au moyen » ; et alors enfin, de troisième part, que « la Cour d'appel, en omettant, pour l'appréciation de la faute civile consistant à effectuer des déplacements professionnels financés par la société D. au profit de la société E., notamment dans le cadre de salons, de tenir compte de l'existence d'une clause de non-concurrence figurant au contrat de travail, expressément invoquée dans les conclusions de partie civile (conclusions, p.21§1), n'a pas justifié sa décision, en violation des textes visés au moyen » ;
Mais attendu qu'après avoir retenu, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, que M. B. occupait un poste de direction pour lequel aucun horaire de travail n'était fixé ; qu'il n'existait pas de document émanant de la société D. lui interdisant d'utiliser à des fins personnelles son ordinateur professionnel et la connexion internet et qu'enfin il n'est pas démontré qu'il a effectué des déplacements professionnels ou des missions pour le compte d'une société concurrente, la Cour d'appel a pu déduire, sans violer les textes visés au moyen, qu'aucun élément ne permettait d'établir que l'intéressé avait détourné son contrat de travail pour des activités personnelles, de sorte qu'aucune faute civile ne pouvait lui être reprochée ; d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
* Sur le troisième moyen, les trois branches étant réunies ;
Attendu que M. A. et la société D. font grief à l'arrêt attaqué, en violation des articles 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1229, 1230 du Code civil, 309, 316 du Code pénal, 2, 392, 447, 455 et 456 du Code de procédure pénale, de les débouter de leur demande de paiement de la somme de 1.363.346,00 euros en réparation de la soustraction des fichiers informatiques « Grossistes, Gynécologues et Pharmaciens » par M. B. ; alors, selon le moyen, de première part, que « la recherche d'une faute civile dans le cadre de l'appel de la partie civile contre un jugement de relaxe doit s'effectuer indépendamment des constatations des premiers juges ayant écarté l'existence d'une infraction ; que la Cour d'appel a elle-même rappelé dans son arrêt que "l'autorité de la chose jugée ne s'attache ainsi à aucune des dispositions du jugement entrepris" (arrêt, p.19) ; qu'en jugeant, pour repousser l'existence d'une faute civile ayant consisté à soustraire des fichiers informatiques, que "la faute reprochée par la société D. à son ex-salarié est identique à la faute pénale dont a été relaxé c. B. par le Tribunal correctionnel dans la mesure où elle lui reproche la soustraction frauduleuse de fichiers lui appartenant" (arrêt, p.23), la Cour d'appel s'est dérobée à son office et a commis une erreur de droit qui entache sa décision » ; et alors, de deuxième part que « la Cour d'appel qui constatait expressément dans ses motifs la soustraction effective des fichiers "Grossistes" et "Pharmacies", matérialisée par l'envoi d'un mail de M. B. à sa fille, envoi reconnu par l'intéressé au cours de l'instruction (arrêt, p.22), n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, suffisantes à établir l'existence d'une faute civile » ; et alors enfin, de troisième part, « qu'en considérant, "qu'il ne résulte pas toutefois des pièces de la procédure que c. B a envoyé le fichier "Gynéco" à t. C. dans la mesure où c'est ce dernier qui a mis en copie ce fichier dans un courriel adressé à c. B." (arrêt, p.22, in fine), sans rechercher si M. F., neveu de M. B., ne tenait pas précisément ce fichier de son oncle, et sans tenir compte du mail reproduit par les parties civiles dans leurs conclusions (conclusions, p.21) dont il ressort que tel est bien le cas, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision » ;
Mais attendu qu'ayant relevé, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il n'était pas établi, au vu des éléments de l'information, que M. B. ait soustrait les fichiers informatiques appartenant à la société D., la Cour d'appel, après avoir rappelé que la faute reprochée par cette société à son ex-salarié était identique à la faute pénale dont il a été relaxé, a pu retenir, sans violer les textes visés au moyen, que l'existence d'une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite n'était pas démontrée ; que par ces motifs la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
* Sur la demande en paiement d'une somme de 50.000 euros formée par M. B. pour procédure abusive :
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Déclare le pourvoi recevable,
Le rejette,
Rejette la demande de dommages intérêts présentée par M. B. pour procédure abusive,
Condamne la société D. et M. A. aux frais ;
Composition
Ainsi jugé et rendu le dix-huit juillet deux mille vingt-deux, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Jacques RAYBAUD, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller, rapporteur.
Et Madame cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, le Premier Président.
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