Abstract
Tribunal criminel
Procédure préalable : à l'ouverture des débats
Composition du Tribunal
Interrogation de l'accusé par le président
Tirage au sort des jurés
Désignation des jurés
Prestation de serment des jurés à l'ouverture de l'audience
Arrêt du tribunal
Motivation
- sur l'action publique : condamnation de l'accusé pour incendie volontaire par communication à des lieux habités ayant entraîné la mort de deux personnes (articles 372 et 373 du Code pénal)
- sur l'action civile des parties civiles/Octroi de dommages intérêts pour préjudice moral et matériel
Incendie volontaire
- Éléments constitutifs du crime :
- l'action de mettre le feu à des objets quelconques
- le fait que ces objets étaient placés de manière à communiquer l'incendie à des lieux habités
- le fait que le feu ait été communiqué
- l'intention criminelle - outre la circonstance aggravante
Motifs
Sur l'action pénale :
T. M. a reconnu lors de son audition le 6 décembre 1999 par les services de police, puis par devant le magistrat instructeur, avoir sciemment, dans le but de provoquer le déclenchement de l'alarme incendie, mis le feu dans une poubelle qu'il a placée juste au-dessous de l'alarme anti-feu dans la nursery ; il est ainsi établi qu'il a volontairement mis le feu à un bien quelconque appartenant à autrui ;
Il ressort tant du rapport des experts judiciaires V. et R. commis par le magistrat instructeur, que des plans du 6e étage de l'appartement, que cette poubelle dans laquelle, lorsqu'il a quitté la nursery, les flammes avaient, selon les déclarations de l'accusé qui alors imputait cet acte aux agresseurs, environ un pied, soit 30 cm de hauteur, a été placée sous l'alarme anti-feu de la nursery encore dénommée chambre de service de dimensions réduites, ce qu'a noté le magistrat instructeur lors de la visite des lieux (5 x 3,50 x 2,48 m de hauteur sous faux plafond) et contenant selon les experts un potentiel calorifique relativement important résultant de la présence de meubles, de fauteuils, d'équipement informatique, de produits pharmaceutiques et de revêtement de décoration ;
Ces experts ont conclu que la distance, entre la corbeille à papier en flamme et les différents objets inflammables que contenait la pièce, était suffisamment faible pour que le feu se propage par rayonnement ;
Ces conclusions n'ont pas été contredite par l'expert Van S., selon lequel la nursery, dont en partant l'accusé a fermé la porte, a fait « l'effet d'un four » ;
M. V., expert, a confirmé à l'audience « qu'un homme raisonnable qui met le feu dans une poubelle et ferme la porte en partant », ce qu'a, par deux fois reconnu l'accusé avant, ayant réfléchi de le mettre en doute et qui en toute hypothèse est établi par la constatation, vers 6 heures, du brusque embrasement de la nursery résultant de l'éclatement du vitrage de cette porte, (« ... auparavant la porte-fenêtre qui avait été simplement tirée était restée close et donc relativement étanche du fait de la suppression engendrée par la présence de gaz chauds dans la pièces » (p. 60 du rapport des experts judiciaires), « sait qu'il peut y avoir propagation », surtout lorsque le sol est recouvert de moquette ;
L'expert Van S. mandaté par la défense, a également admis qu'un homme raisonnable « pouvait penser que le risque existait » ;
Il est ainsi établi que T. M. décrit, notamment par le docteur P. S., expert en psychiatrie commis par le juge d'instruction, comme étant un individu correctement orienté dans l'espace et le temps, ne présentant aucun signe de détérioration mentale organique, « de bonne intelligence, vif, avec un bon sens de l'observation », était conscient des conséquences, non seulement immédiates, mais aussi médiates du feu volontairement mis à la poubelle en plastique dont l'expert Van S. mandaté par la défense, a précisé qu'elle a fondu sous l'effet du foyer qui s'est petit à petit forgé par le fond, avant de s'installer sur la moquette où pendant de longues minutes, il a mûri ;
Il en résulte que, nonobstant son positionnement au centre de la nursery, pièce fermée de dimensions réduites, sous un détecteur d'incendie destiné à alerter des tiers, T. M. à qui il appartient de prévoir toutes les conséquences éventuelles et possibles de son action, a sciemment placé la poubelle à laquelle il a volontairement mis le feu, de manière à communiquer ledit incendie ;
* La communication du feu à l'édifice servant à l'habitation, à savoir l'appartement des époux S. sis à Monte-Carlo, [adresse] ressort tant du rapport des experts judiciaires qui indiquent que le feu, qui a dû intéresser l'ensemble de la pièce, à savoir la nursery en dix minutes à peine, s'est ensuite propagé dans les combles jusqu'à conduire à un embrasement généralisé de ceux-ci, que des procès-verbaux de police et comptes rendus d'intervention des pompiers ;
* Il est donc établi, ainsi que précisé ci-dessus, par les aveux réitérés de T. M. qui a fait précéder le déclenchement de l'incendie d'une mise en scène, en se mutilant lui-même, d'agression avec armes, dans le but selon ses déclarations, de sauver son patron et donc de se mettre en valeur auprès de ce dernier, mais qui a eu pour effet de retarder l'intervention des pompiers, que c'est sciemment et donc volontairement qu'il a mis le feu à la corbeille à papiers placée ainsi que rappelé ci-dessus dans la nursery ;
Il en résulte, nonobstant le mobile invoqué par l'accusé qui selon ses propos n'a jamais voulu faire de mal à quiconque, - mobile qui en aucun cas ne peut se confondre avec l'intention - que le crime d'incendie par communication, prévu et réprimé par l'article 372 du Code pénal est constitué par le seul fait que le feu sciemment mis aux objets contenus dans la corbeille à papiers a réellement été communiqué à l'édifice, ce qui s'entend de tous bâtiments ou constructions, sans qu'il y ait lieu de rechercher - ce qui serait ajouter au texte - le véritable dessein de l'accusé et donc s'il a eu la double intention d'incendier aussi la chose à laquelle le feu a été communiqué ;
* Il ressort du rapport d'autopsie des docteurs W. et O., qu'E. S. est décédé « par intoxication par la fumée », au cours de l'incendie ; selon le compte rendu anatomo-pathologique médico-légal du docteur Jacques Martin l'examen du fragment de parenchyme pulmonaire prélevé au sommet du poumon gauche de cette victime a mis en évidence des lésions de pseudo-emphysème traumatique associées à des lésions d'alvéolite oedémateuses décrites dans le cadre de tout syndrome d'asphyxie, confirmant ainsi les conclusions du rapport d'expertise ;
Selon ces mêmes experts qui ont procédé à l'autopsie de V. T., celle-ci est également décédée par intoxication oxycarbonée aiguë provoquée par la fumée de l'incendie ; les experts ont ajouté : un traumatisme cervical est également constaté, mais il apparaît sans caractère de réelle gravité et n'ayant pas causé directement le décès ;
Il en résulte qu'E. S. et V. T. sont tous deux décédés ainsi que cela ressort à suffisance des rapports médicaux et expertises toxicologiques d'une intoxication mortelle de monoxyde de carbone, gaz dégagé par une combustion incomplète ;
En effet, selon le rapport des experts V. et R., les fumées et gaz toxiques produits par l'incendie qui régnait dans la nursery et dans le couloir attenant, se sont propagés par les conduits de ventilation qui passaient dans cette nursery et dans ce couloir, et desservaient tous les ventilo-convecteurs assurant la ventilation de toutes les pièces ; c'est ainsi que les fumées et les gaz toxiques, le monoxyde de carbone notamment, qui ont provoqué la mort d'E. S. et de V. T. peu après 6 heures 30, ont pénétré dans la salle de bains dans laquelle se trouvaient ces derniers, en passant par les fentes de ventilation masquées par une corniche à la retombée du plafond ;
C'est donc bien l'incendie qui a entraîné la mort d'E. S et de V. T ;
* Il convient, sans égard aux dispositions de l'article 387 du Code pénal, dont l'accusé sollicite le bénéfice, inapplicables dès lors que le feu a été volontairement mis et que la propriété immobilière, objet de l'incendie, est habitée ou sert à l'habitation, ou encore à celles réprimant le délit d'homicide involontaire qui exige que le fait fautif initial résulte de la maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, mais en aucun cas d'une action volontaire, même si l'auteur n'a pas voulu le dommage qui en a résulté, de déclarer T. M. coupable des faits reprochés et justement qualifiés par l'arrêt de renvoi ;
* Sur la peine, les faits ont révélé l'intention initiale de l'accusé de faire croire à une agression venue de l'extérieur, afin, selon les dires de ce dernier, d'attirer sur lui l'attention bienveillante de son patron, E. S., dont la grande bonté et la générosité ont été soulignées à l'audience par les témoins entendus sur ces points, dans le but évident d'en retirer un avantage fût-il seulement de considération ;
Eu égard à ces éléments qui démontrent chez l'accusé l'existence de troubles psychiques ou neuropsychiques, et aux conclusions expertales qui soulignent encore que T. M. ne présente pas un état dangereux au sens psychiatrique, qu'il est accessible à une sanction pénale et qu'il est socialement réadaptable ; ainsi au mobile invoqué qui en l'absence d'autres éléments avérés n'apparaît pas sordide ; il convient d'accorder à l'accusé, le bénéfice des circonstances atténuantes et ce faisant de le condamner à la peine de dix années de réclusion criminelle, sanction pénale à laquelle, selon les experts Bornstein et Coutanceau, il est accessible, présentant eu égard à la nature des faits, à leur gravité et à la personnalité de l'accusé, un caractère suffisamment exemplaire, pédagogique et dissuasif, pour lui permettre de prendre conscience de sa responsabilité ;
Sur l'action civile :
I - de L. W. veuve E. S. (hoirs X) :
L. W veuve d'E. S., dont les auditions, tant au cours de l'instruction qu'à l'audience, ont confirmé l'amour qu'elle portait à son mari, tragiquement disparu, présente sur les lieux du drame, qui a assisté impuissante à son déroulement, et qui a pu, dans les instants qui ont suivi le décès de son époux, approcher ce dernier, est fondée en sa demande plus que modérée ;
II - des frères et sœurs d'E. S. (hoirs X) :
Il sera alloué à ces derniers, également plus que modérés en leurs demandes, en répartition des préjudices résultant du décès tragique, dans les conditions ci-dessus relatées, de leur frère, la somme de un euro à titre de dommages-intérêts ; en l'absence de plus amples précisions formulées dans la demande, celle-ci sera allouée aux frères et sœurs unis d'intérêt ;
III - de J. E. S. (hoirs X) :
Il sera alloué la somme réclamée de un euro :
IV - d'l. T. et de G. et J. T (hoirs Y) :
Il est constant que les ayants droit d'une victime qui n'est pas décédée instantanément, sont fondé à poursuivre réparation du préjudice résultant des dommages subis par la victime avant son décès ;
Il convient en conséquence de donner acte à l'époux et à chacun des enfants de V. T. des réserves sollicitées à ce sujet outre de celles de poursuivre réparation de leur propre préjudice moral et économique résultant du décès ;
Il y a lieu cependant d'ores et déjà d'allouer à chacun d'eux la somme de un euro qui sera déduite des indemnisations à venir ;
V - La copropriété « Z » :
Celle-ci justifie de travaux à ce jour réalisés, pour la remise en état des parties communes sinistrées de l'immeuble, d'un montant de 1 090 659,35 euros ; eu égard aux précisions fournies au cours des débats selon lesquelles la charpente de la toiture n'a pas été refaite à l'identique et aux documents produits, le coût des travaux réalisés imputable à l'auteur des faits de nature à replacer la victime dans l'état dans lequel elle se serait trouvée si le fait dommageable ne s'était pas produit doit être limité à 888 077,67 euros ;
La copropriété justifie par les devis produits d'un montant de 27 939,37 euros du coût des travaux restant à réaliser qui ne pourront être exécutés qu'après la finition des travaux programmés pour le début de l'année 2003 ; elle justifie également avoir à ce jour été indemnisée par la compagnie Axa, son assureur, à hauteur de 836 855,17 euros.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
le Tribunal criminel,
statuant contradictoirement :
Sur l'action publique, après en avoir délibéré conformément aux articles 340 à 343 du Code de procédure pénale ;
À la majorité des voix ;
Déclare T. M. coupable des faits reprochés et justement qualifiés par l'arrêt de mise en accusation, à savoir : d'avoir à Monaco, le 3 décembre 1999, communiqué l'incendie à l'appartement des époux S. situé dans l'immeuble « Z. » en mettant volontairement le feu à une poubelle, placée de manière à communiquer ledit incendie à des lieux habités qui a entraîné la mort de deux personnes s'y trouvant, E. S. et V. T.,
Crime prévu et réprimé par les articles 372 et 373 du Code pénal ;
Vu les articles 245 alinéa 2, 348 et 361 du Code de procédure pénale,
Condamne T. M. à la peine de dix années de réclusion criminelle,
Vu les articles 12 du Code pénal et 359 du Code de procédure pénale, ordonne la confiscation du couteau de marque Stanless China manche noir (scellé n° 1) du couteau couleur argentée (scellé n° 2) de l'haltère de 4,5 kg approximativement (scellé n° 6), du contenu du sac plastique blanc contenant un pantalon de marque Dockers, d'un polo jaune de marque Laurent d'Obernois, d'une paire de chaussure de sport Reebook, d'une paire de chaussettes (scellé n° 35), de deux papiers de verre (scellé n° 64), qui ont été utilisés pour commettre l'infraction ;
Ordonne la restitution du surplus des scellés placés sous main de justice à leurs propriétaires ;
Vu l'article 360 du Code de procédure pénale, fixe au minimum la durée de la contrainte par corps,
Sur les intérêts civils, statuant en application de l'article 353 du Code de procédure pénale,
Condamne T. M. à payer à :
* L. W. veuve d'E. S. un euro à titre de dommages-intérêts,
* J. Y. S., M. Y. S., H. M. née S., G. S. et A. H. née S. frères et sœurs d'E. S., unis d'intérêts, un euro à titre de dommages-intérêts ;
* J. E. S., neveu d'E. S., un euro à titre de dommages-intérêts,
* chacun, d'I. T., G. T. et J. T., un euro à titre de dommages-intérêts à valoir sur les indemnités futures ;
Donne acte à ces derniers de leurs réserves de poursuivre devant la juridiction civile compétente réparation du préjudice résultant des dommages éprouvés par V. T. avant son décès du fait des circonstances dans lesquelles celui-ci est intervenu et de leurs préjudices personnels, la somme de un euro allouée venant en déduction des réparations à intervenir ;
* à la copropriété la Z., la somme de 79 161,87 euros à titre de dommages intérêts ;
Composition
M. Currau prés. ; Mmes Berro-Lefevre et Dorato-Chocouras juges assesseurs ; Mlle C., M. L., Mme P. épouse X. jurés ; Serdet proc. gén. ; Mme Zanchi gref. Mes Blot, Leandri, Karczag-Mencarelli av. déf. ; Gazo av. ; Manasse, Setton, Duprez av. bar de Nice ; Griffith av. bar de New York ; Mes Borrant av. bar de Genève, Kiejman av. bar de Paris, Leuba av. bar de Genève.
Note
Objet d'un pourvoi rejeté par arrêt de la Cour de révision du 5 février 2003. - En raison de la longueur exceptionnelle de l'arrêt, seul un résumé en est publié.
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