Motifs
TRIBUNAL DU TRAVAIL
AUDIENCE DU 30 MARS 2017
En la cause de Madame b. P. demeurant : X1à NICE (06200),
demanderesse, plaidant par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,
d'une part ;
Contre :
La SARL dénommée ASTERIA, dont le siège social se situe : 22, Boulevard Princesse Charlotte - Villa Richmond à MONACO (98000),
défenderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de Nice,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la requête introductive d'instance en date du 12 juin 2015, reçue le 17 juin 2015 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 30 juin 2015 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Madame b. P. en date des 8 octobre 2015, 7 janvier 2016 et 2 juin 2016 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SARL dénommée ASTERIA, en date des 5 novembre 2015 et 3 mars 2016 ;
Après avoir entendu Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco pour Madame b. P. et Maître Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de Nice, pour la SARL dénommée ASTERIA, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
Le 24 janvier 2014, b. P. et la SARL ASTERIA ont signé un contrat de travail à durée indéterminée, devant entrer en vigueur le 12 février 2014, en qualité de chef de projet, statut cadre.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 février 2014, l'employeur a considéré que le contrat de travail était nul et non avenu du fait du manque d'intérêt manifesté par Madame P. à passer la visite médicale obligatoire.
Estimant cette rupture abusive, Madame P. a saisi le Tribunal du Travail afin de voir condamner la SARL ASTERIA à lui payer la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts et celle de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Madame P. a déposé des conclusions les 8 octobre 2015, 7 janvier 2016 et 2 juin 2016 dans lesquelles elle fait essentiellement voir que :
* Elle a passé plusieurs entretiens d'embauche auprès de sociétés de services en ingénierie informatique, sa candidature ayant d'ailleurs été retenue par la société EUROGICIEL, puis la société ALTEN et enfin la société FORTIL,
* Son choix s'est porté sur la société ASTERIA après avoir été convaincue par les arguments développés par Monsieur F. directeur de cette société,
* Le 6 février 2014, Madame M. Responsable des Ressources Humaines de la société ASTERIA, l'informait qu'elle venait de recevoir sa convocation à la visite médicale et lui communiquait son numéro de permis de travail et CCSS, lui demandant également des renseignements complémentaires pour compléter la demande d'autorisation d'embauche,
* Le même jour, elle répondait à Madame M. par courriel en s'interrogeant sur l'utilité de passer la visite médicale avant le démarrage de sa mission qui avait été décalé à une date non fixée,
* Elle a alors contacté le service de l'emploi pour décaler la visite médicale et en informait Madame M. le 7 février 2014,
* Le 11 février 2014, elle a eu un entretien avec Monsieur F. qui lui a indiqué que le démarrage du contrat se ferait le 1er mars 2014, en même temps que sa mission au sein de la société SBM OFFSHORE,
* Le 24 février 2014, elle a adressé un courriel à l'employeur pour lui indiquer que la date de démarrage au 1er mars n'avait pas été prévue et que si elle en avait été informée dans le cadre des pourparlers, elle n'aurait pas accepté la proposition d'embauche car elle ne perçoit aucune indemnité chômage les deux premiers mois qui suivent la fin de son précédent contrat,
* Monsieur F. gérant de la SARL ASTERIA, lui répondait en lui signifiant la fin de leur collaboration, confirmé par courrier du 28 février 2014,
* Le 25 février 2014, elle adressait à l'employeur un courrier recommandé avec accusé de réception lui demandant d'honorer ses engagements,
* Le même jour, elle informait le responsable de la SBM OFFSHORE de la situation,
* L'employeur a eu un comportement déloyal,
* Pour que le contrat de travail devienne effectif, il suffisait qu'elle soit déclarée apte par la médecine du travail ; ce qui a été fait,
* Si elle n'a pas passé la visite médicale obligatoire, c'est uniquement en raison d'un acte déloyal de l'employeur qui a fait suspendre la tenue de cette visite (lettre de la responsable RH de la société ASTERIA du 7 février à Madame P. l'informant qu'elle a contacté le service de l'emploi et la médecine du travail afin de suspendre la visite de manière provisoire),
* Elle n'a aucunement refusé de se rendre à la visite médicale comme le prétend l'employeur,
* En principe, les salariés font l'objet d'une visite médicale au plus tard avant l'expiration de la période d'essai,
* Il appartient à l'employeur d'assurer l'effectivité de la visite médicale d'embauche,
* L'employeur n'a jamais évoqué son intention de mettre fin au contrat de travail.
Sur le préjudice matériel :
* Ce préjudice correspond aux salaires qu'elle aurait dû percevoir à compter du 12 février 2014 jusqu'au 16 juin 2014, date à laquelle elle a retrouvé du travail,
* Elle a également subi un préjudice lié à la perte de chance de signer un contrat de travail avec un employeur loyal,
Sur le préjudice moral :
* Elle n'a pu retrouver qu'un remplacement d'une personne partie en congé maternité, mi-juin 2015, se retrouvant avec l'angoisse due à la précarité de son contrat.
La SARL ASTERIA a déposé des conclusions le 5 novembre 2015 et le 3 mars 2016 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts.
Elle fait essentiellement valoir que :
* Madame P. n'a pas démissionné de la société NORSYS pour intégrer la société ASTERIA,
* La société NORSYS a perdu le marché RSI, lequel a été récupéré par la société SODIFRANA, Madame P. ne voulant pas être transférée chez cette dernière société,
* Madame P. ne justifie aucunement de la démission dont elle fait état,
* Les parties ont signé une promesse d'embauche le 24 janvier 2014, laquelle était assortie d'une condition suspensive de l'obtention de l'autorisation d'embauchage des services de l'emploi de la Principauté de Monaco,
* Le contrat n'est valablement formé que si la condition se réalise,
* Elle a accompli toutes les démarches en vue d'obtenir l'autorisation d'embauche et le permis de travail de Madame P.
* Le 5 février 2014, elle a reçu la convocation de Madame P. à la visite médicale d'embauche obligatoire et en a informé la salariée le 6 février,
* La salariée ne s'est pas rendue à ladite visite médicale, faisant ainsi obstacle à l'obtention de l'autorisation d'embauchage,
* Dans ces conditions, et faute pour Madame P. d'avoir obtenu un permis de travail pour une embauche à compter du 12 février 2014, la promesse d'embauche devenait caduque,
* Elle a fait de l'embauche de Madame P. à compter du 12 février 2014 une condition essentielle de l'emploi (article 2.1 du contrat),
* Contrairement à ce qu'indique Madame P. aucun contrat de travail n'a été conclu entre les parties ; il s'agit d'une promesse d'embauche assortie d'une condition suspensive qui ne s'est pas réalisée,
* Quand bien même la date de démarrage auprès de la SBM OFFSHORE aurait été décalée, Madame P. aurait parfaitement pu être embauchée et affectée sur une autre mission,
* Dans son mail du 7 février 2014, Madame M.ne fait que retranscrire le souhait de Madame P. exposé dans son courriel du 6 février 2014, dans lequel elle indiquait que la visite du 13 février était inappropriée.
Sur le préjudice matériel :
* La rupture abusive d'un contrat n'emporte pas l'obligation pour l'employeur d'indemniser le salarié des salaires qu'il aurait pu percevoir jusqu'au moment où il a effectivement retrouvé un emploi,
* Madame P. ne rapporte pas la preuve d'un préjudice à ce titre,
* Si le Tribunal devait retenir l'existence d'un contrat de travail à compter du 12 février 2014, celui-ci a été rompu dès le 24 février 2014, soit pendant la période d'essai prévue au contrat. Madame P.ne pourrait dès lors solliciter que son salaire du 12 au 24 février 2014, soit 1.160,71 euros net,
* Madame P. ne justifie d'aucune perte de chance et se contente de faire référence à une prétendue proposition qu'elle ne produit pas.
Sur le préjudice moral :
* Elle ne justifie pas de son préjudice à ce titre.
SUR CE :
En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé.
Les parties produisent un acte en date du 24 janvier 2014 intitulé « contrat de travail à durée indéterminée » qui est considéré comme une promesse d'embauche par l'employeur.
La promesse est la convention par laquelle une personne promet à une autre de conclure un contrat principal à des conditions déterminées.
Lorsqu'il est correctement qualifié, le contrat de promesse constitue un contrat préparatoire par rapport au contrat définitif.
En effet, la promesse n'est par essence qu'un avant-contrat auquel certains éléments de formation du contrat définitif font défaut.
C'est ainsi qu'elle ne doit pas être confondue avec le contrat lui-même, parfait mais assorti d'un terme ou d'une condition suspensive.
Le Tribunal relève que le document visé ci-dessus reprend l'ensemble des conditions permettant de conclure à l'existence d'un contrat de travail et non d'une promesse d'embauche et notamment :
* La durée de l'engagement (indéterminée) et la date d'entrée en vigueur au 12 février 2014,
* La nature des fonctions de Madame P.
* La durée du travail (39 heures hebdomadaires),
* La rémunération,
* Le lieu de travail,
* Une clause de non-concurrence...
Le contrat de travail ainsi conclu entre les parties comporte les conditions suspensives suivantes :
* L'obtention de l'autorisation d'embauchage des services de l'emploi de la Principauté de Monaco,
* L'engagement définitif reste conditionné au résultat de la visite médicale d'embauche et à la réalisation d'une période d'essai de trois mois.
L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas.
Les obligations ainsi contractées respectivement par les parties ne deviendront définitives qu'après l'exécution des conditions visées ci-dessus.
Il convient dans ces circonstances de vérifier si lesdites conditions se sont réalisées.
En application des dispositions de l'article 1er, alinéa 1 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 :
« Aucun étranger ne peut occuper un emploi privé à Monaco s'il n'est titulaire d'un permis de travail. Il ne pourra occuper d'emploi dans une profession autre que celle mentionnée par ce permis. La demande de permis de travail mentionne, le cas échéant, l'exercice d'une activité de télétravail et les lieux où elle est exercée ».
Le 6 février 2014, Madame M. Responsable des Ressources Humaines chez ASTERIA, a écrit à Madame P. en ces termes :
« Madame P.
Suite à l'envoi de votre dossier au service de l'emploi de Monaco, nous avons reçu votre convocation à la visite médicale obligatoire d'embauche. Dont vous trouverez les modalités dans le document ci-joint.
Je vous précise les éléments suivants :
* Numéro de permis : 1371858
* Numéro CCSS (sécurité sociale monégasque) : 518647
Afin de compléter votre demande d'autorisation d'embauchage je vais avoir besoin des éléments suivants : (merci de compléter en rouge)...
Merci d'avance pour ces éléments.
Je reste à votre disposition pour tout complément d'informations.
Cordialement ».
Il résulte de ce courriel que l'employeur a effectué les démarches auprès des services de l'emploi pour obtenir le permis de travail de Madame P.
Il est à ce titre demandé à la salariée divers renseignements personnels afin de compléter la demande d'autorisation d'embauchage ainsi déposée par l'employeur.
Par ailleurs, l'article 2 alinéa 1 de la loi n° 729 prévoit :
« La délivrance du permis de travail prévu à l'article premier ci-dessus est subordonnée à la présentation d'un certificat établi par un médecin contrôleur désigné par arrêté ministériel attestant que l'intéressé a satisfait à l'examen médical d'admission au travail dans la Principauté ».
Il résulte de ces dispositions l'embauche ne sera considérée comme définitive que lorsque le salarié aura satisfait à la visite médicale d'embauche obligatoire.
L'Office de la Médecine du Travail a adressé à cette fin à l'employeur un courrier en date du 5 février 2014 convoquant Madame P. à une visite médicale le 13 février 2014 à 14h15.
Le 6 février 2014, l'employeur adressait un courriel à Madame P. l'informant de ladite convocation. Madame P. répondait le même jour en ces termes :
« Bonjour Géraldine,
Concernant mon emploi à Monaco nous sommes toujours dans l'attente de confirmation d'embauche de la part de SBM OFFSHORE. Pour le moment rien n'a encore été validé. Je me demande par conséquent si la visite médicale du 13 février est appropriée... ».
L'employeur répondait le même jour à 16h14 à Madame P. en lui indiquant :
« Je comprends votre interrogation mais passer cette visite médicale est nécessaire à l'obtention du permis de travail monégasque.
Le service de l'emploi a tout simplement anticipé nos procédures et malheureusement toute absence à cette visite entrainerait un refus de délivrance du permis de travail.
Pour information nous n'avons toujours pas envoyé au service de l'emploi la date de démarrage de votre contrat donc aucun souci à se faire ce qui est fait ne sera plus à faire ».
À 16 h 21, la Responsable des Ressources Humaines informait Madame P. de la manière suivante :
« Je vais tout de même tenter de décaler la date.
Dès que j'arrive à contacter l'office de la médecine du travail je vous tiens informée ».
Par la suite, l'employeur indique avoir contacté le service de l'emploi ainsi que l'office de la médecine du travail afin de suspendre la visite médicale « de manière provisoire ».
Il ajoute dans le courriel du 7 février 2014 à Madame P. :
« Dès validation de votre date de démarrage je conviendrai d'un nouveau rendez-vous. Je vous tiens informée ».
Un échange de courriels s'en est suivi entre les parties jusqu'au 24 février 2014, date à laquelle l'employeur a écrit à Madame P. en ces termes :
« b.
Pour faire suite à notre dernière conversation téléphonique et après discussion avec Philippe Q.et Nicolas D. je vous confirme que votre contrat de travail n'est pas actif au sein de société. Nous avons signé un contrat mais pas l'autorisation de travail du service de l'emploi monégasque ni la visite médicale nécessaire à l'intégration dans notre effectif. Nous avons eu la courtoisie de vous prévenir du retard dans la date de démarrage de la mission donc de l'activation définitif de votre contrat au sein de la société. Vous avez » de mémoire « envoyé un mail nous informant qu'il n'était pas nécessaire d'effectuer la visite médicale du fait du décalage du démarrage de votre contrat. Aujourd'hui à vous lire, nous sommes redevables d'un salaire depuis le 12 février et il faut également céder à des revendications notamment au niveau des RTT avant même d'avoir intégré la société. À la lecture des éléments je pense qu'il est inutile pour vous de démarrer une future collaboration et je souhaite stopper notre collaboration ».
L'employeur confirme la fin de cette « collaboration » par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 février 2014 en soutenant que les conditions prévues au contrat pour que l'engagement devienne définitif, et notamment la visite médicale d'embauche, n'ont pas été remplies.
La défaillance de la condition suspensive empêche la naissance de l'obligation contractée sous cette condition. Tout se passe comme si le contrat n'avait pas été conclu.
En l'espèce, il n'est pas contestable que la visite médicale d'embauche, figurant dans le contrat comme une condition suspensive à l'engagement définitif de Madame P. n'a pas eu lieu ; ce qui a entraîné la caducité du contrat conclu le 24 janvier 2014.
L'employeur estime que Madame P. a refusé de se présenter à ladite visite prévue le 13 février 2014, ce qui a empêché la réalisation de la condition suspensive.
Il résulte du courriel adressé à l'employeur par Madame P. le 6 février 2014 que cette dernière s'interroge sur l'opportunité de se présenter le 13 février 2014 à l'office de la médecine du travail alors que la mission auprès de la SBM OFFSHORE n'est pas effective.
Les échanges de courriels entre les parties démontrent que l'engagement de Madame P. par la société ASTERIA était lié à une mission auprès de la SBM OFFSHORE, condition qui ne figure en aucune manière dans le contrat de travail signé.
Cependant, ladite mission avait été abordée dans le cadre des pourparlers ainsi qu'il résulte d'un courriel adressé par Madame P. à Monsieur D. le 20 janvier 2014 :
« Bonsoir Nicolas,
Pour te rassurer...même si Sébastien F. a déjà dû le faire je pense.
Je te confirme que je m'engage à accepter la mission chez la SBM OFFSHORE et à intégrer vos effectifs à la date que vous me notifierez.
J'espère que tu comprends l'hésitation que j'ai pu avoir entre l'opportunité d'accepter une mission chez Amadeus pour le compte d'Eurogiciel et la vôtre. Il s'agit de deux belles missions chez deux clients prestigieux...
Concernant la date de démarrage, je suis disponible à partir du 11 février donc il faudrait peut-être voir avec Monsieur Gioan M. ce qui lui conviendrait au mieux (soit le 11, 12, 13, 14 ou 17 février) ».
Il s'est avéré par la suite que la mission auprès de la SBM OFFSHORE ne pouvait pas débuter avant le 1er mars, ce qui amena Madame P. à s'en plaindre auprès de la société ASTERIA le 24 février 2014.
Le contrat de travail ne mentionne pas de délai dans lequel la condition devra se réaliser.
Néanmoins, il est prévu une période d'essai de trois mois pendant laquelle les démarches devaient être effectuées par l'employeur pour permettre à Madame P. d'obtenir l'autorisation d'embauchage des services de l'emploi de la Principauté de Monaco ; ce qui a été fait par la société ASTERIA qui a informé Madame P.de l'avancée de ses démarches.
La thèse de l'employeur tendant à faire reposer sur Madame P. la responsabilité de la défaillance de la condition suspensive de la déclaration d'aptitude par la médecine du travail ne saurait être retenue par le Tribunal.
En effet, ainsi qu'il a été indiqué supra, le 6 février 2014, Madame P. s'est interrogée sur l'opportunité d'une visite médicale le 13 février 2014 alors que la date de la mission auprès de la SBM OFFSHORE n'était pas décidée.
Ses propos ne peuvent être interprétés comme un refus, ce que la responsable des ressources humaines a parfaitement retenu lorsqu'elle écrit « Je comprends votre interrogation ».
Puis après avoir attiré l'attention de Madame P. sur la nécessité de se rendre à la visite médicale d'embauche, l'employeur s'est rapproché de l'Office de la Médecine du Travail pour suspendre ladite formalité.
Ce faisant, la société ASTERIA ne peut reprocher à la demanderesse une quelconque carence à ce titre.
Il résulte de ces constatations que la rupture du contrat par la défenderesse au motif de la non-réalisation de la condition suspensive litigieuse est abusive et celle-ci engage la responsabilité de la société ASTERIA et l'expose à réparer le préjudice susceptible d'avoir été causé à Madame P.
Sur le préjudice de Madame P.
Le contrat signé le 24 janvier 2014 prévoyait une date de prise d'effet au 12 février 2014.
Il n'est pas contestable que cette date n'a pas été respectée, l'employeur n'ayant fourni aucune tâche à Madame P. jusqu'à la rupture du contrat.
Celle-ci était néanmoins à la disposition de l'employeur.
Elle justifie en outre avoir postulé auprès d'autres sociétés que la SARL ASTERIA pendant la même période et avoir obtenu des entretiens.
Madame P. soutient à ce titre avoir refusé plusieurs propositions d'embauche, privilégiant celle de la société ASTERIA mais les pièces qu'elle produit démontrent seulement qu'elle avait décroché plusieurs entretiens, sans pour autant justifier que ces derniers débouchaient nécessairement sur un contrat de travail.
La seule opportunité concrète et incontestable est celle formalisée par la société FORTIL le 19 janvier 2014 (pièce n° 12 de Madame P. .
La demanderesse évoque un préjudice matériel constitué par les salaires qu'elle aurait dû percevoir du 12 février 2014 au 16 juin 2014, date à laquelle elle a retrouvé du travail, soit 12.500 euros, outre une perte de chance à hauteur de 7.500 euros.
Le contrat n'étant pas entré en application, Madame P.ne saurait prétendre au paiement de salaires. Il lui appartient de justifier d'un préjudice en lien avec la faute commise par la SARL ASTERIA.
Elle soutient qu'elle n'a pas été indemnisée par Pôle Emploi, ce qui se justifie du fait de la démission de son précédent emploi.
Ce faisant, cette démission ne peut être liée à l'embauche par la société ASTERIA ainsi qu'il résulte des dernières écritures de Madame P. qui indique en page 3 :
« Mademoiselle P. était embauchée en CDI au sein de la société NORSYS. En juin 2013, la société NORSYS apprenait qu'elle ne serait pas reconduite sur le marché du RSI, lequel était récupéré par la société SODIFRANCE à compter de mars 2014.
Ne souhaitant pas être transférée auprès de la société SODIFRANCE, mademoiselle P. entama des démarches de recherche d'emploi auprès d'autres SSII (sociétés de services en ingénierie informatique) à partir du mois d'octobre 2013 ».
Il s'agit ainsi d'un choix de carrière personnel de Madame P. qui ne saurait être reproché à la société ASTERIA.
Il en est de même concernant la perte de chance invoquée par la demanderesse qui a décidé de s'engager auprès de la société ASTERIA en toute connaissance de cause, après plusieurs entretiens et comparaisons avec les propositions formulées par la société FORTIL.
Madame P. ne justifie dans ces circonstances d'aucun préjudice matériel indemnisable causé par la faute de la société ASTERIA.
La demanderesse fait également état d'un préjudice moral incontestable qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 5.000 euros.
Sur les frais irrépétibles
Il s'agit d'une notion inconnue en droit monégasque et Madame P. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande à ce titre.
Succombant dans ses prétentions, la défenderesse sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts par ailleurs non étayée.
La société ASTERIA sera condamnée aux dépens.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,
Dit que la rupture du contrat par la SARL ASTERIA est abusive,
Condamne la SARL ASTERIA à payer à b. P. la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la SARL ASTERIA aux dépens.
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Daniel CAVASSINO, Régis MEURILLION, membres employeurs, Madame Fatiha ARROUB, Monsieur Gilles UGOLINI, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le trente mars deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Daniel CAVASSINO, Gilles UGOLINI et Madame Fatiha ARROUB, Monsieur Régis MEURILLION étant empêché, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.
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