Motifs
TRIBUNAL DU TRAVAIL
AUDIENCE DU 18 MAI 2017
En la cause de Madame n. BE., demeurant : 1480, X1 à ROQUEBRUNE CAP MARTIN (06190),
demanderesse, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée FNAC MONACO, dont le siège social se situe : Centre Commercial Le Métropole - 17, Avenue des Spélugues - BP 315 à MONACO cedex (98006),
défenderesse, plaidant par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les requêtes introductives d'instance en date des 12 novembre 2012 et 22 octobre 2013, reçues les 15 novembre 2012 et 24 octobre 2013 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 12 février 2013 et 17 mars 2014 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame n. BE., en date des 9 janvier 2014, 10 juillet 2014, 4 décembre 2014, 5 novembre 2015, 14 juillet 2016 et 1er décembre 2016 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée FNAC MONACO, en date des 8 mai 2014, 2 avril 2015, 20 janvier 2016, 6 octobre 2016 et 2 février 2017 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Madame n. BE., et Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée FNAC MONACO, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
n. BE. est entrée au service de la SAM FNAC MONACO le 16 novembre 1999 en contrat à durée déterminée en qualité de Secrétaire Commerciale.
Plusieurs renouvellements sont ensuite intervenus pour déboucher sur un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de secrétaire attachée au service après-vente.
Le 3 septembre 2012, Madame BE. fait l'objet d'une mise à pied pour deux jours.
La salariée a contesté cette mesure disciplinaire devant le Tribunal du Travail suivant requête en date du 12 novembre 2012 reçue le 15 novembre 2012 en ces demandes :
* Annulation de la mise à pied de deux jours (5 et 6 septembre 2012) notifiée le 3 septembre 2012 : 200 euros
* Dommages et intérêts pour sanction abusive et injustifiée - obligation de faire une procédure : 1.600 euros
* Intérêts de droit
* Exécution provisoire
Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
En cours de procédure, Madame BE. a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 juillet 2013.
Contestant la légitimité de la rupture, elle a saisi le Tribunal du Travail en conciliation par requête reçue le 24 octobre 2013, des demandes suivantes :
* Indemnité de licenciement (après déduction indemnité de congédiement) : 8.000 euros
* Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 40.000 euros
* Intérêt de droit
* Exécution provisoire
Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.
Madame BE. a déposé des conclusions communes dans les deux procédures dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :
* Elle considère que le motif du licenciement est identique à celui ayant justifié l'avertissement,
* Elle a été mise à pied pour avoir refusé de se rendre au comptoir du SAV pour accueillir les clients les 4 et 5 juillet 2012, et 21 et 22 août 2012,
* Elle a été licenciée pour avoir persisté à ne pas respecter les horaires fixés par la hiérarchie,
* Ses fonctions de secrétaire ne lui imposaient pas d'aller servir au comptoir SAV,
* Il n'y a aucune fiche de poste concernant son poste,
En 2005, il y a eu un changement dans l'organisation administrative de la FNAC et elle a été affectée tous les lundis de 9h à 18h au service RH,
* Le 1er octobre 2005, il lui est remis un imprimé relatif à son emploi de secrétaire affectée au SAV,
* Elle a signé le document reconnaissant ainsi sa remise en main propre, mais cette signature ne vaut pas adhésion à son contenu,
* Les annexes à ce document ne lui ont pas été remises. Elles ne comportent pas sa signature et sont postérieures au 1er octobre 2005 (novembre 2006 et janvier 2008),
* À compter du mois de mai 2010, il lui est demandé d'assurer la mise en rayon des produits, ce qui ne ressort pas du travail de secrétaire,
* Il lui a ensuite été demandé d'aller aider les collègues affectés au comptoir réception,
* Ses différentes appréciations à compter de l'année 2000 font état d'une fonction comptoir ponctuelle en cas d'affluence,
* Elle n'a suivi aucune formation pour la prise en charge des produits SAV,
* Au mois de mai 2012, l'employeur a décidé de lui imposer une modification définitive de ses fonctions et un important changement d'horaires,
* Elle a été affectée formellement certains jours au comptoir pour tenir le poste d'un vendeur réceptionniste, sans avoir été consultée,
* Elle a refusé de signer l'évaluation 2012 qui actait ce changement,
* Par lettre du 29 juin 2012, elle a contesté ces modifications et demandé un entretien, en vain,
* Elle réitérait sa demande par courrier du 12 juillet 2012,
* Le 17 octobre 2012, l'employeur lui répond qu'un simple changement d'horaires ne constitue pas une modification de son contrat de travail,
* Elle est placée en arrêt de travail le 5 novembre 2012 pour syndrome dépressif réactionnel,
* Le 20 novembre 2012, elle écrit à son employeur pour lui faire part des difficultés engendrées par les nouveaux horaires et lui indiquer qu'elle ferait le même horaire que celui prévu à son embauche,
* Elle a fait état de ses contraintes familiales à ce titre,
* Le 14 décembre 2012, l'employeur la met en demeure de respecter les plannings,
* Un nouvel arrêt de travail est prescrit le 19 avril 2013,
* L'employeur a procédé à une modification substantielle de son contrat de travail :
* une modification de ses fonctions, le travail de secrétariat est différent de celui de vendeur réceptionniste. L'intérêt de l'entreprise ne permet pas d'imposer au salarié n'importe quelle sujétion. L'employeur ne peut imposer à un salarié, sans son accord formel, de remplir, même occasionnellement, des tâches qui ne relèvent pas de l'emploi pour lequel il a été embauché,
* une modification de l'horaire de travail. L'employeur ne démontre pas la désorganisation évoquée suite au refus opposé par la salariée,
* la lettre de licenciement vise deux motifs : le refus délibéré et constant de respecter les horaires et les directives de la hiérarchie,
* l'employeur ne démontre pas la désorganisation du service invoquée.
Sur la mise à pied :
* le planning du 4 juillet 2012 montre que deux autres salariés étaient en poste jusqu'à 20h45 pour l'un et 18h30 pour l'autre mais c'est elle qui a été sollicitée,
* l'employeur ne précise pas à quelle heure il lui aurait été demandé de se rendre au comptoir. Il s'agit d'une mauvaise organisation du service qui ne peut lui être reprochée,
* pour la journée du 21 août 2012, il s'agit là encore d'une mauvaise organisation du service dans la mesure où les titulaires du poste comptoir prennent leur pause déjeuné en même temps,
* elle n'était pas prévue pour aller au comptoir le 22 août puisque le planning montre qu'elle devait terminer son travail à 18 heures,
Dans le dernier état de ses conclusions n° 5 en réponse et récapitulatives en date du 1er décembre 2016, Madame BE. sollicite du Tribunal de :
* prononcer la jonction des affaires pendantes devant le Tribunal du Travail les 12 novembre 2012 et 22 octobre 2013,
* faire droit aux demandes présentées par Madame n. BE. née B. en ses requêtes introductives d'instance et les présentes conclusions n° 4 en réponse et récapitulatives et les précédentes conclusions tenues ici pour entièrement répétées,
* en conséquence,
* annuler la mise à pied de deux jours infligée le 3 septembre 2012 à Madame BE. et la déclarer abusive,
* condamner la SAM FNAC MONACO à régler à Madame n. BE. née B. les sommes de :
* 173,82 € à titre de retenu pour mise à pied,
* 17,38 € à titre de congés payés y afférents,
* Dire que le licenciement ne repose pas sur un motif valable et en conséquence condamner la SAM FNAC MONACO au paiement de la somme de 7.928 € à titre d'indemnité de licenciement,
* Dire que les deux sanctions, mise à pied et licenciement, sont abusives et en conséquence condamner la SAM FNAC MONACO au paiement de la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices divers subis tant de santé que moral et pécuniaire,
* Assortir le règlement de ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
* Ordonner l'exécution provisoire conformément à la loi n° 446,
* Condamner la SAM FNAC MONACO aux dépens.
La SAM FNAC MONACO a déposé des conclusions les 8 mai 2014, 2 avril 2015, 20 janvier et 6 octobre 2016, 2 février 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
* Le 1er octobre 2005, elle a informé Madame BE. de la nouvelle définition de sa fonction avec un référentiel de compétences,
* Les fonctions référencées n'étaient pas limitatives, notamment s'agissant des tâches à accomplir,
* Dès le mois de juin 2012, Madame BE. a refusé d'exécuter certaines tâches et notamment se rendre au comptoir du SAV,
* La salariée a travaillé au SAV régulièrement depuis son embauche et a bénéficié de la formation spécifique. Il ne peut dès lors y avoir de modification unilatérale de ses fonctions,
* Par courrier du 20 novembre 2012, Madame BE. a annoncé à son employeur qu'elle cessait son travail tous les jours à 18 heures et le vendredi à 17 heures,
Sur la mise à pied :
* La mise à pied est justifiée au regard des règles applicables au contrat de travail, du règlement intérieur et de son pouvoir de direction et d'organisation,
* Il n'a jamais été demandé à Madame BE. de détecter les pannes des produits ou de les réparer. Il ne s'agit pas plus d'un poste de vendeur réceptionniste ; aucune vente n'a lieu au service après-vente,
* L'objectif de la fonction de secrétaire SAV est d'assurer et optimiser le service comme la gestion administrative des dossiers clients et du département SAV en vue de la satisfaction client,
* Les entretiens d'évaluation de la salariée révèlent qu'elle avait parfaitement conscience des tâches qui lui étaient affectées,
* Ces tâches ont été exécutées et acceptées par Madame BE. dès 2002 sans aucune difficulté,
* Les refus répétés de la salariée constituent des violations délibérées de ses engagements contractuels et du règlement intérieur. Ils ont causé une désorganisation des services et contraint l'employeur à modifier, constamment les plannings du service SAV,
* Les difficultés de Madame BE. ne sont pas liées aux fonctions au SAV mais aux horaires de travail,
Sur le licenciement :
* Madame BE. a été licenciée pour un motif différent de celui ayant justifié la mise à pied,
* La répartition journalière des heures de travail est faite par le responsable du service,
* Madame BE. n'est pas la seule à être confrontée aux contraintes liées aux horaires de travail,
* La salariée a refusé tous les aménagements ou changement de poste proposés,
* Elle n'a jamais respecté les plannings horaires,
* Le changement d'horaires constitue un simple changement des conditions de travail auquel le salarié ne peut s'opposer ; et ce, d'autant plus que la répartition des horaires de travail n'a jamais figuré dans les contrats successifs de Madame BE.
* Des contraintes familiales ne permettent pas à elles seules de refuser l'application des horaires fixés par l'employeur,
* Malgré les mises en garde, la salariée n'a jamais respecté le moindre planning horaire,
* Dans l'exercice de son pouvoir de direction, l'employeur a le libre choix de la répartition des horaires de travail auxquels doit nécessairement se soumettre le salarié,
* Toute modification d'organisation est légitime lorsqu'elle présente un intérêt pour l'entreprise.
SUR CE,
Sur la jonction
Il convient d'ordonner, en application des dispositions de l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, la jonction des instances portant les numéros 49 de l'année judiciaire 2012-2013 et 168 de l'année judiciaire 2013-2014, dès lors que les demandes dérivent d'un même contrat de travail.
Sur la mise à pieds
Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du Travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire.
Madame BE. a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire suivant courrier remis en main propre le 3 septembre 2012, l'employeur lui reprochant de ne pas avoir accepté de se rendre au comptoir SAV les 4 et 5 juillet 2012, 21 et 22 août 2012.
Madame BE. ne conteste pas les faits reprochés mais soutient qu'il ne rentrait pas dans ses attributions de tenir le comptoir SAV.
Le 28 avril 2000, la FNAC a proposé à Madame BE. un contrat à durée indéterminée, à compter du 1er mai 2000, en qualité de Secrétaire service après-vente confirmée, rattachée au responsable SAV.
Le 2 avril 2001, la FNAC confirme la transformation du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, pour exercer la fonction de secrétaire SAV confirmée rattachée au département SAV, avec un horaire hebdomadaire de 39 heures, « dont la répartition journalière sera déterminée en accord avec votre responsable ».
Le 1er octobre 2015, l'employeur remettait à Madame BE. contre récépissé, une lettre dont l'objet était la mise en œuvre de la nouvelle classification, ainsi libellée :
« Madame,
Depuis janvier 2003, la FNAC a initié une démarche interne visant à adapter les descriptions de fonctions en magasin à la réalité des métiers d'aujourd'hui. L'ensemble des acteurs de l'entreprise a été associé à cette démarche : les salariés, le management, les différentes directions et les partenaires sociaux dans le respect de leurs prérogatives.
Cette démarche est conforme à celle menée par notre convention collective de branche, laquelle a abouti à la signature d'un avenant sur les classifications. Cet avenant intègre l'évolution des métiers au niveau de notre branche professionnelle.
La nouvelle grille de classification se mettra en œuvre au 1er novembre 2005. Suite à nos entretiens, nous vous confirmons les éléments suivants :
* Votre libellé de fonction : secrétaire SAV
* Votre classification devient : niveau II - échelon 3
Le salaire mensuel minimum applicable à votre niveau de classification est celui qui a été communiqué dans le » Fnac Monaco informe « du 1er juillet 2005.
Conformément aux dispositions de la convention collective de branche, la mise en œuvre de la nouvelle classification ne peut, en aucun cas, entraîner de baisse du salaire individuel.
Vous trouverez en pièce jointe la nouvelle définition de fonction correspondant à votre emploi et le référentiel de compétences. Cette définition de fonction précise le cadre général de votre activité et ne comporte pas un caractère limitatif, notamment quant aux tâches qui y sont associées. En effet, elles pourront être amenées à évoluer en fonction de l'évolution de l'activité ou des nécessités de fonctionnement et/ou d'organisation de votre département ou service.
Pour la bonne forme, nous vous remercions de nous retourner un exemplaire du présent courrier revêtu de votre signature précédée de la mention manuscrite » reçu en main propre + date du jour.
...
Pièces jointes :
* Définition de fonction
* Référentiel de compétences
* Grille de classification
* Critères classants conventionnels
* Plaquette d'information RH «
Figure ensuite en annexe de ce courrier une fiche « secrétaire SAV relais » et une autre « compétences secrétaire SAV ».
Il apparaît cependant que le premier document porte la mention suivante « Fnac SA – Novembre 2006 » et que le second portant la suivante « RELAIS Compétences janvier 2008 ».
Il est dès lors légitime de s'interroger sur la sincérité de ces annexes dont la date d'impression est postérieure au document auquel elles ont été jointes.
Pourtant, le courrier remis à Madame BE. comportait bien des pièces jointes ainsi qu'il a été détaillé ci-dessus, la salariée en ayant accusé réception par sa signature.
L'employeur produit par ailleurs un document intitulé « description de fonction : secrétaire SAV » de juillet 2005 qui reprend intégralement celle visée supra de 2006, la différence portant sur le caractère de la police.
Cependant, l'employeur ne démontre pas que la salariée en ait eu connaissance, de sorte qu'il ne sera pas retenu.
Il résulte des évaluations de Madame BE. pour les années 2000 à 2013 que :
* Dès l'entretien du 9 mai 2000, il est attendu de la salariée « une approche du comptoir et du contact client (savoir-faire un dépôt d'appareils clients) »,
* lors de l'entretien d'évaluation en avril 2002, il a été demandé à Madame BE. d'améliorer « l'approche de la réception comptoir et des clients, formation qui sera assurée par Pascal »,
* l'évaluation de l'année 2005 (entretien du 14/07/2006) prévoit au titre « organisation (toute ce qui contribue à organiser l'activité) : devra intégrer le comptoir ½ journée par semaine (formation par Pascal) »,
* l'évaluation de l'année 2006 (entretien du 08/06/2007) constate que l'objectif d'intégrer le comptoir ½ journée par semaine n'a pu être mise en place pour l'année 2006, Madame BE. n'ayant commencé sa formation avec Pascal qu'à partir de janvier 2007. Au niveau du savoir-faire, il est mentionné : « bonne approche de la caisse et des encaissements, doit continuer en ce sens »,
* l'évaluation de l'année 2007 (entretien du 10/04/2008) mentionne que Madame BE. a intégré la réception de la clientèle pour la prise d'appareils en panne sans problématique majeur,
* l'évaluation de l'année 2008 (entretien du 14/05/2009) prévoit :
* « organisation : n. est organisée dans son champs d'action et dans son domaine, devra apporter son savoir-faire aux autres membres de l'équipe (notamment au comptoir)...,
* Identification des compétences à développer : la vente au comptoir de services, l'encaissement, tableau PD...,
* Accompagnement managérial : te rapprocher de Pascal pour la caisse et de Cédric pour la vente de services et de ta responsable pour le tableau des PD »,
* l'évaluation de l'année 2009 (entretien du 24/02/2010) mentionne que « n. a bien intégré la notion d'un SAV centralisé, elle sait que son métier va changer, et pour cela, a bien intégré tout ce qui concerne le CTRF (formation assurée par Cédric). A intégré le comptoir à la demande de NIII lors d'affluences ponctuelles. A appris les différentes fonctions de la caisse, sait encaisser les clients au SAV ».
Il est demandé à Madame BE. de développer, pour l'année 2010, le comptoir SAV et les ventes de services.
* Lors de l'évaluation de l'année 2010 (entretien du 18/03/2011), il est écrit dans les « axes de progrès prioritaires pour 2011 : le comptoir, en cas d'affluence client reste un impératif pour l'année 2011 ».
La salariée a apporté un commentaire à cette évaluation concernant une nouvelle mission qui lui a été attribuée par l'employeur et consistant en la responsabilité de la mise en rayon.
* L'évaluation de l'année 2011 (entretien du 05/05/2012) comporte le commentaire du manager suivant :
« n. est une personne fiable. Son métier a beaucoup évolué. La réorientation de n. s'est poursuivie sur 2011 avec la PAD qui est bien intégrée maintenant, ainsi que la mise en rayon. Néanmoins, même si les tâches de secrétariat sont en baisse, il y en a encore, telles que les inventaires clients et parc de prêts qui doivent être réalisés au trimestre. Des évolutions sont encore prévues sur 2012 où il faudra intégrer le comptoir plus souvent (2 après-midis par semaine) pour pouvoir se familiariser avec la vente de services. n. de manière ponctuelle, sera amenée à faire des fermetures au comptoir du SAV ».
Dans les axes de progrès prioritaires pour 2012, il est prévu le comptoir du SAV et la vente de services.
Enfin, l'objectif n° 3 assigné à Madame BE. est : « présence comptoir à la fermeture du magasin avec fermeture caisse ».
* L'évaluation de l'année 2012 (entretien du 11/04/2013) comporte le commentaire suivant du manager :
« n. n'adhère plus à la politique de l'entreprise dans son ensemble, en effet, l'entretien d'appréciation de l'année passée prévoyait que n. serait amenée à être au comptoir et que de manière ponctuelle elle serait aussi amenée à faire des fermetures. n. n'a pas accepté le changement d'horaires de son planning, et malgré plusieurs rappels, continue à venir travailler en fonction de ses anciens horaires (soit 9h - 18h et 9h - 17h le vendredi le samedi est en RH). Cela pénalise le service, car il faut mettre une seconde personne en binôme. n. refuse de faire du comptoir, ainsi que les tâches qui y sont directement liées, cela est un non-sens par rapport à la qualité du service que l'on doit rendre aux clients, elle est en dessous de la définition d'emploi de la secrétaire SAV ».
Madame BE. n'a porté aucun commentaire sur lesdites évaluations concernant sa participation au comptoir et les tâches qui y sont liées.
L'adjonction de nouvelles tâches, en rapport avec la qualification et sans dénaturation de la fonction d'un salarié, ne constitue pas une modification substantielle de son contrat de travail. Il s'agit d'un simple aménagement des fonctions.
En l'espèce, Madame BE. a été engagée en qualité de Secrétaire SAV et il a été demandé à la salariée de participer au comptoir SAV, de manière ponctuelle, ce qui ne peut constituer une modification du contrat.
Par ailleurs, l'horaire de travail n'est pas, sauf cas particulier, un élément essentiel du contrat de travail.
Le changement d'horaire de travail relève donc, en principe, du pouvoir de direction de l'employeur. Il en résulte qu'une nouvelle répartition du travail sur la journée n'est pas une modification du contrat.
Il en est autrement en cas d'atteinte excessive au respect de la vie personnelle du salarié. Le refus du salarié est légitime lorsque le changement d'horaire n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses.
En l'espèce, les horaires de travail ne figurent pas dans le contrat de travail liant les parties. Il est prévu dans la lettre du 2 avril 2001 qui transforme le contrat de travail à temps partiel de la salariée en contrat à temps complet que l'horaire hebdomadaire est de 39 heures, dont la répartition journalière sera déterminée en accord avec le responsable.
Il en résulte qu'en cas de désaccord du salarié sur la répartition ainsi effectuée par son supérieur hiérarchique, la décision finale appartient à l'employeur en application de son pouvoir de direction.
Par ailleurs, rien ne permet d'affirmer que l'intention des parties, et notamment de Madame BE. était d'ériger l'horaire de travail et sa répartition (non prévue au contrat) en un élément essentiel.
La demanderesse ne justifie pas plus que l'horaire ou la répartition de celui-ci ait été déterminant dans son consentement, compte tenu notamment de la nature de son emploi, de sa qualification ou de sa situation personnelle et familiale à l'embauche. Sa situation personnelle et familiale était d'ailleurs différente à la conclusion du contrat de travail.
Il apparaît encore que Madame BE. a respecté les consignes et les axes à développer pour les années suivantes dans le cadre des évaluations annuelles reprises supra, et notamment sa présence au comptoir SAV de manière ponctuelle et sans aucune contestation ni commentaire de sa part.
L'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer la tâche confiée à un salarié dès l'instant où elle correspond à sa qualification ; ce changement ne caractérise pas une modification du contrat de travail.
En l'espèce, le poste au comptoir SAV ne change en aucune manière le degré de subordination, la rémunération, la qualification ou le niveau hiérarchique existant pour Madame BE.
Enfin, la demanderesse ne rapporte pas la preuve d'obligations familiales impérieuses qu'elle invoque. Elle ne produit que le planning horaire de son époux pour le mois de juin 2012 alors que la mise à pied concerne les mois de juillet et août 2012.
Ce faisant, le refus de Madame BE. de respecter le planning horaire établi par l'employeur et/ou de se rendre au comptoir SAV les 4 et 5 juillet, 21 et 22 août 2012 est abusif.
La mise à pied infligée par l'employeur est dès lors justifiée.
Sur le motif de la rupture
Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.
Un même fait fautif ne peut être sanctionné deux fois.
En revanche, l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à retenir des fautes antérieures même déjà sanctionnées pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié.
L'employeur peut invoquer une faute lorsqu'un nouveau fait fautif du salarié est constaté. Ceci suppose, néanmoins, que les deux fautes procèdent d'un comportement identique.
La connaissance des faits fautifs par l'employeur s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.
En l'espèce, Madame BE. a été licenciée par lettre en date du 18 juillet 2013 ainsi libellée :
« ...Malgré nos multiples rappels à l'ordre, vous persistez à ne pas respecter les horaires qui sont fixés par votre hiérarchie. En effet, malgré nos demandes réitérées tendant à vous laisser l'occasion de vous ressaisir, vous vous obstinez à prendre systématiquement votre poste à 9 heures et partez à 18 heures du lundi au jeudi et à 17 heures le vendredi et ce, quel que soit l'horaire auquel votre hiérarchie vous demande d'assurer votre mission.
Vous savez qu'une telle attitude porte fortement préjudice à l'organisation du service et à l'image de marque du magasin, votre présence étant requise sur ces tranches horaires pour garantir le niveau de service exigé pour nos clients. Votre absence est source de lourds dysfonctionnements et contraint votre responsable à palier vos absences en réorganisant les horaires de travail des autres salariés, afin de positionner le plus de personnel possible pendant les horaires d'ouverture du magasin.
Ainsi, nos demandes réitérées de vous conformer aux directives et instructions de votre hiérarchie et de respecter les plannings établis par votre direction sont restées vaines. Votre refus délibéré et persistant de respecter vos horaires de travail constitue une violation avérée de vos obligations contractuelles et du règlement intérieur de votre entreprise.
...
De surcroit, votre contrat de travail précise d'une part, la « mission permanente d'appliquer la politique de qualité de service définie par l'entreprise dans le but de satisfaire nos client » qui vous incombe directement et d'autre part, que vous vous engagez «à observer toutes les instructions et consignes particulières de travail» qui vous sont données.
Votre refus délibéré et constant de respecter vos horaires de travail et les directives de la hiérarchie constitue donc une violation de vos obligations contractuelles et du règlement intérieur. Ils constituent des actes d'insubordination caractérisée.
Vous avez, au cours de notre dernier entretien du 8 juillet 2013, reconnu ces fautes, en ajoutant que nous aviez déjà expliqué vos motivations à agir de la sorte, motivations qui ne sont pas justifiées.
Ceci est d'autant plus inacceptable que ces actes d'insubordination ne sont pas isolés. En effet précédemment, une mise à pied de 2 jours vous avait été notifiée en raison de votre refus d'exécuter les tâches qui vous incombent en qualité de secrétaire SAV.
Ces faits réitérés mettent en cause la bonne marche de notre établissement et les explications fournies au cours de notre entretien du 8 juillet 2013 ne sont pas de nature à nous permettre d'envisager une autre solution que votre licenciement.
Face à ce comportement intolérable et récurrent, votre maintien dans l'entreprise s'avère donc impossible. En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute... ».
Il appartient ainsi à l'employeur de rapporter la preuve d'un comportement fautif de la salariée réitéré depuis la mise à pied du 3 septembre 2012.
Pour ce faire, la défenderesse produit les pièces suivantes :
* Un courrier de Madame BE. en date du 20 novembre 2012 à l'employeur dans lequel elle indique qu'elle cessera son travail « comme depuis toujours à 18h ». Elle ajoute : « comme auparavant de suivre les horaires qui étaient les miens, qui ont été déterminants lors de mon embauche à temps complet le 2 avril 2001, soit : du lundi au jeudi de 9h à 18h et le vendredi de 9h à 17h ».
Il a été expliqué supra que Madame BE. ne rapportait pas la preuve que ladite répartition des horaires de travail était déterminant à son consentement, et ce alors que la lettre du 2 avril 2001 ne prévoit aucune répartition et qu'elle était sans enfant à cette date.
* Une lettre adressée à la salariée le 14 décembre 2012 constatant que celle-ci ne respecte pas le planning établi pour la semaine du 3 au 9 décembre et du 10 au 15 décembre 2012, puisque pendant cette période elle a respecté les horaires revendiqués dans son courrier du 20 novembre 2012.
Les développements concernant les attributions et fonctions de la salariée dans le paragraphe « sur la mise à pied » sont intégralement repris par le Tribunal dans le cadre du licenciement.
Ce faisant, le refus réitéré de Madame BE. de respecter les plannings et de se rendre au comptoir SAV constitue de nouvelles fautes justifiant le licenciement prononcé à son encontre.
Sur le caractère abusif du licenciement
Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.
Le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
En l'espèce, eu égard aux circonstances de la rupture et de l'avertissement adressé à la salariée, resté sans effet, il n'apparaît pas établi qu'un motif fallacieux ait présidé à la rupture ni même une quelconque légèreté blâmable de l'employeur.
En effet, l'employeur a mis en garde la salariée à plusieurs reprises et l'a sanctionnée par une mise à pied.
Le 14 décembre 2012, face au refus réitéré de Madame BE. l'employeur la mettait une nouvelle fois en demeure de respecter les plannings et lui indiquait que dans le cas contraire, « nous serions dans l'obligation de prendre des mesures de sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement ».
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 décembre 2012, Madame BE. était convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute, prévu le 4 janvier 2013.
À l'issue de cet entretien, l'employeur a adressé un nouveau courrier de convocation à Madame BE. concernant les plannings pour les semaines du 7 janvier au 2 février 2013 qui n'étaient pas plus respectés.
Ce faisant, la salariée était convoquée à un nouvel entretien préalable pour le 5 février 2013. Aucune sanction n'intervenait à l'issue de cet entretien.
Par la suite, Madame BE. persistait dans son attitude et l'employeur faisait dresser un procès-verbal de constat le 29 mai 2013 afin de constater l'absence de la salariée en contravention avec le planning.
Dès lors, la FNAC convoquait une nouvelle fois la salariée à un entretien préalable par lettre du 27 juin 2013, devant se dérouler le 8 juillet 2013 ; le licenciement intervenant le 18 juillet suivant.
Il résulte de ces éléments que l'employeur n'a pas agi avec précipitation, brutalité ou légèreté blâmable. Madame BE. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Succombant dans ses prétentions, Madame BE. sera condamnée aux dépens.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré ;
Ordonne la jonction des instances portant les numéros 49 de l'année judiciaire 2012-2013 et 168 de l'année judiciaire 2013-2014,
Dit que la mise à pied infligée à n. BE. le 3 septembre 2012 est fondée sur un motif valable,
Dit que le licenciement de n. BE. par la SAM FNAC MONACO repose sur un motif valable et n'est pas abusif ;
Déboute n. BE. de toutes ses demandes,
Laisse les dépens à la charge de n. BE.
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Eugénio TUILLIER, Daniel BERTI, membres employeurs, Monsieur Serge ARCANGIOLINI, Madame Fatiha ARROUB, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix-huit mai deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Eugénio TUILLIER, Serge ARCANGIOLINI et Madame Fatiha ARROUB, Monsieur Daniel BERTI étant empêché, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.
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