Motifs
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 17 SEPTEMBRE 2020
En la cause de Madame m. C., demeurant « X1», X1à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;
Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée MONACO BOAT SERVICE, dont le siège social se situe 8 quai Antoine 1er à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
Le Tribunal,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 7 avril 2017, reçue le 11 avril 2017; Vu la procédure enregistrée sous le numéro 77-2016/2017;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 9 mai 2017;
Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de Madame m.C. en date des 11 janvier 2018, 7 février 2019 et 11 juillet 2019;
Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE, en date des 7 juin 2018, 9 mai 2019 et 16 janvier 2020;
Après avoir entendu Maître Arnaud CHEYNUT, avocat, substituant Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Madame m.C. et Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la même Cour pour la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE, en leurs explications;
Vu les pièces du dossier;
Madame m. C. a été embauchée par la société anonyme monégasque MONACO BOAT SERVICE le 1er novembre 1977 en contrat à durée indéterminée.
Madame m. C. a cessé son activité professionnelle au mois de janvier 1980, à la naissance de ses enfants, puis a de nouveau été embauchée à compter du 7 novembre 1988 en contrat à durée indéterminée, en qualité de Responsable des Achats, avec un salaire brut mensuel de 3.060 euros lors de la rupture du contrat.
Le 15 mai 2013, la salariée a été élue en qualité de déléguée du personnel titulaire. En mai 2014, l'employeur n'a pas organisé d'élections.
Le 18 mai 2015, Madame m. C. a été licenciée sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
Par requête en date du 7 avril 2017 reçue au greffe le 11 avril 2017, Madame m. C. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes:
* dire et juger que son licenciement présente un caractère abusif,
* condamner la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE à lui verser les sommes suivantes :
* sommes indûment retenues lors du solde de tout compte :
* remboursement du prêt personnel : 2.000 euros,
* remboursement avance sur prime : 5.389 euros,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel :
* perte de revenu du 18 juillet 2015 au 17 février 2017 : 37.609,23 euros,
* perte d'une chance de bénéficier d'un salaire équivalent jusqu'à la fin de ses droits à l'allocation chômage (du 18 février 2017 au 18 juillet 2018) : 33.650 euros,
* perte d'une chance de bénéficier d'un salaire équivalent de la fin de ses droits au chômage jusqu'à l'âge de la retraite (65 ans) : 110.480 euros,
* perte d'une chance de bénéficier de droits à la retraite du régime général dans les mêmes proportions que si elle avait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans : 86.990,40 euros,
* perte d'une chance de bénéficier de droits à la retraite du régime complémentaire dans les mêmes proportions que si elle avait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans : 48.000 euros,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice moral : 50.000 euros,
* dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation,
* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Madame m. C. a déposé des conclusions les 11 janvier 2018, 7 février 2019 et 11 juillet 2019 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que:
* en 2009, la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE a connu un changement de direction, Madame Lia R. F. étant devenue Présidente Déléguée en lieu et place de son époux, Monsieur Patrizio F.
* les relations avec Monsieur Patrizio F. avaient toujours été cordiales, celles avec Madame Lia R.F.se sont révélées difficiles,
* à l'ouverture de la boutique R. MONACO en 2012, elle avait été nommée responsable de la boutique en plus de son poste de responsable des achats,
* cependant, dans les brochures commerciales, Madame Giorgia A. sœur du Directeur Général, était présentée comme la Responsable de la boutique,
* progressivement ses responsabilités ont été réparties entre d'autres collègues et ses tâches se sont trouvées circonscrites aux achats,
* après son départ de l'entreprise, elle a appris que l'employeur avait procédé à de nouvelles élections des délégués du personnel,
* elle a signé le reçu pour solde de tout compte avec la mention « sous réserve de mes droits », de sorte qu'aucune irrecevabilité pour forclusion ne peut lui être opposée,
Sur le licenciement :
* son licenciement est intervenu pour faire obstacle à sa réélection en tant que déléguée du personnel,
* elle avait interpellé à plusieurs reprises le responsable du personnel à cet effet et il lui était invariablement répondu qu'il n'avait pas le temps de s'en occuper,
* en fait, il avait reçu des instructions de la direction lui demandant de surseoir auxdites élections tant qu'elle faisait partie de l'entreprise,
* le responsable du personnel a été absent jusqu'au 31 octobre 2014 et il avait ainsi largement le temps d'organiser les élections dès le 1er novembre 2014,
* en tout état de cause, entre le 1er avril 2014 et le 31 juillet 2015, l'employeur a amplement eu le temps de pallier l'absence de Monsieur P. de sorte que cette situation ne présente en aucun cas un caractère imprévisible, ni irrésistible, constitutif d'un cas de force majeure,
* ses chances d'être réélue étaient indéniables et l'employeur les connaissait,
* l'employeur l'a ainsi privée du bénéfice de la protection inhérente aux fonctions représentatives,
* la carence de l'employeur à organiser les élections professionnelles était donc bien volontaire,
* lors de l'entretien du 18 mai 2015, la direction l'a informée qu'elle était licenciée au motif qu'elle ne parlait pas anglais,
* contrairement à la lettre de licenciement, l'employeur a donc clairement énoncé lors de l'entretien préalable un motif de licenciement,
* il appartient donc au Tribunal de vérifier la réalité de ce motif,
* durant ses vingt-sept années de service, il ne lui a jamais été reprochée le fait qu'elle ne parle pas anglais,
* l'employeur devait lui faire suivre une formation professionnelle afin d'actualiser ses compétences,
* dès lors son licenciement ne repose pas sur un motif valable,
* l'employeur invoque également des faits pouvant être qualifiés de faute grave,
* le fait d'avoir eu recours à l'article 6 prive l'employeur de faire état de ces prétendues fautes graves,
* bien plus, l'employeur ne démontre aucunement les fautes invoquées,
* son licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement brutales,
* l'employeur n'a jamais témoigné d'aucun signe annonciateur de ses intentions,
* l'employeur lui a remis sa lettre de licenciement le 18 mai 2015, sans l'avoir convoquée à un entretien préalable,
* ces circonstances témoignent d'une précipitation fautive et d'une absence totale de considération à son égard,
* ses droits n'ont pas été respectés, l'employeur ayant retenu indûment certaines sommes,
* l'employeur ne démontre absolument pas les créances qu'il invoque à son encontre,
* les prétendues créances de l'employeur ne sont ni certaines ni exigibles,
* les prêts invoqués ont été remboursés par des prélèvements mensuels sur son salaire,
* si un prêt a été consenti par l'employeur à un salarié, il ne peut en réclamer le remboursement que si une clause du contrat prévoit la déchéance du terme en cas de licenciement. L'employeur ne produit pas l'acte de prêt litigieux,
* l'employeur ne démontre pas les avances sur salaire qu'il invoque faute d'apparaître sur les bulletins de salaire et de signature de la salariée,
* elle ignore à quoi correspond le remboursement d'une avance sur prime,
* le Règlement Intérieur sur lequel se fonde l'employeur n'est pas produit dans son intégralité et n'a pas été approuvé par l'Inspection du Travail,
Sur le préjudice subi :
* depuis le dépôt de la requête, certaines demandes relatives aux pertes de chance sont devenues des pertes de revenus effectives incluses dans l'assiette de son préjudice matériel,
* ses demandes ont été formées à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel de sorte que les modifications entre les différents postes composant son préjudice matériel ne sauraient être regardées comme constituant des demandes nouvelles,
* leur nature reste identique,
* elle subit un préjudice financier important du fait de la rupture de son contrat de travail cinq années avant l'âge légal de la retraite,
* le calcul de sa demande de dommages et intérêts correspond au différentiel entre le salaire qu'elle aurait continué de percevoir chez MONACO BOAT SERVICE et les indemnités chômage, ainsi que la perte de cotisations aux régime général et complémentaire de retraite,
* elle subit également un préjudice moral considérable lié à la perte brutale de son emploi après vingt-sept années de bons et loyaux services,
* elle n'a pu retrouver d'emploi compte-tenu de son âge,
* elle souffre de dépression.
La S.A.M. MONACO BOAT SERVICE a déposé des conclusions les 7 juin 2018, 9 mai 2019 et 16 janvier 2020 dans lesquelles elle demande au Tribunal de :
* In limine litis, déclarer irrecevable la demande additionnelle présentée par Madame m. C. tendant à voir obtenir le paiement de la somme de 85.992,46 euros au titre d'une perte de revenus du 18 septembre 2015 au 31 janvier 2019, la somme demandée à ce titre et ayant fait l'objet du préliminaire de conciliation était d'un montant de 37.609,23 euros,
* déclarer Madame m. C. forclose en ses demandes car présentées pour la première fois le 7 avril 2017, soit hors délai conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958,
* sur le fond, dire et juger que le licenciement de Madame m. C. est intervenu à bon droit sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 dispensant l'employeur de l'évocation d'un motif,
* le déclarer régulier et dire qu'il ne revêt aucun caractère abusif, avec toutes conséquences de droit,
* débouter Madame m. C. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
* condamner reconventionnellement Madame m. C. au paiement d'une somme de 5.000 euros compte-tenu de ses affirmations trompeuses et la mise en œuvre de cette procédure abusive, qui occasionne un préjudice financier à la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE, laquelle est fondée à en obtenir juste réparation,
* condamner Madame m. C. aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Monsieur le Bâtonnier Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit.
La défenderesse soutient essentiellement que :
* au fil du temps, les relations de Madame m. C. avec la direction se sont avérées de plus en plus difficile,
* la salariée rapportait partout avoir très mal vécu le changement de président-délégué intervenu en 2009,
* Madame m. C. s'est enfermée dans une attitude conflictuelle et même irrespectueuse vis-à-vis de sa nouvelle présidente déléguée envers laquelle elle multipliait les preuves d'insubordination,
* ce comportement de défiance a eu des répercussions significatives sur son travail qu'elle a volontairement délaissé,
Sur le licenciement :
* le défaut d'organisation des élections des délégués du personnel est sans influence sur le licenciement de la demanderesse,
* il s'agit de deux éléments totalement indépendants et décorrelés l'un de l'autre. De plus, ils ne couvrent pas la même période,
* le pseudo témoignage apportée par la salariée manque totalement d'objectivité et de clarté,
* Madame m. C. ne peut ignorer que le retard dans l'organisation des élections procède exclusivement de la maladie grave qui a affecté le Directeur des Ressources Humaines de la société en charge de cette organisation,
* le mandat de Madame m.C. n'était pas renouvelable et rien ne permet objectivement d'affirmer que les autres salariés lui auraient renouvelé leur confiance,
* le mandat de la demanderesse a pris fin le 14 mai 2014, la protection de cette dernière s'est prolongée jusqu'au 14 novembre 2014 et Madame m. C. a été licenciée le 18 mai 2015, plus de sept mois plus tard,
* le licenciement sans motif a été prononcé dans l'intérêt de la salariée, et ce malgré les fautes récurrentes et caractérisées de celle-ci,
* les manquements particulièrement graves de la salariée sont démontrés par les pièces produites,
* la lettre de rupture n'évoque aucun motif,
* l'entretien préalable a donc eu pour vocation d'évoquer le licenciement de Madame m. C. sans motif et la décision irrévocable de mettre un terme au contrat de travail,
* Madame m. C. ne démontre aucunement que le motif de la rupture serait ses carences linguistiques, et pour cause, puisqu'aucun motif n'a été évoqué lors de l'entretien préalable,
* elle a versé à Madame m. C. une indemnité de licenciement supérieure à ce qui aurait dû lui être réglée,
* les droits de la salariée ont donc été respectés et elle est même allée au-delà du minimum légal prévu par les textes,
Sur les préjudices réclamés par la salariée :
* la confusion volontairement instaurée dans les demandes formulées par Madame m. C. démontre sa parfaite mauvaise foi et sa volonté, par tous moyens, de soustraire des fonds à son ancien employeur,
* la Cour de révision a jugé que le salarié n'a aucun droit acquis à être maintenu dans ses fonctions jusqu'à sa retraite en vue de bénéficier d'une pension à taux plein,
* ce faisant, les préjudices financiers invoqués par Madame m. C. sont inexistants puisqu'ils sont principalement liés à un hypothétique maintien de la salariée dans ses fonctions jusqu'à l'âge de la retraite,
* la demanderesse se contredit puisqu'elle indique d'une part que l'employeur lui aurait notifié la rupture du contrat de travail au motif qu'elle ne maitrisait pas l'anglais, mais, d'autre part, qu'il n'y aurait pas eu d'entretien préalable,
Sur le remboursement par la salariée des sommes prêtées par l'employeur :
* la dénonciation tardive du solde de tout compte fait obstacle à la demande de remboursement des sommes retenues comme à toutes autres demandes de la salariée,
* elle produit les accords signés par les parties et qui démontrent sa créance à l'encontre de la salariée,
* elle produit encore l'échéancier de remboursement des prêts consentis,
* il en résulte que la prime de départ d'un montant de 5.389 euros octroyée à Madame m. C. en vertu de l'article 21 du Règlement Intérieur avait déjà été déduite dès le 6 décembre 2007 de l'encours des prêts souscrits par la salariée et que le solde des prêts personnels souscrits restant dus au moment du départ de la salariée de la société s'élevait à 1.800 euros.
À l'audience de plaidoirie, le Tribunal a demandé aux parties de déposer une note en délibéré, au plus tard le 19 juin 2020 pour la demanderesse et le 3 juillet 2020 pour la défenderesse, sur les points suivants :
* sur la recevabilité de la demande de Madame m. C. portant sur la somme de 85.992,46 euros, laquelle n'apparaît pas dans la requête introductive d'instance,
* sur le maintien par Madame m. C. de sa demande de la somme de 33.650,36 euros qui n'apparaît plus dans ses dernières écritures,
* sur la recevabilité de la demande de Madame m. C. portant sur la somme de 51.707,70 euros telle que figurant dans ses dernières écritures au titre de la perte de chance de pouvoir bénéficier de droits à la retraite du régime complémentaire dans les mêmes proportions que si elle avait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans, alors que la somme réclamée à ce titre dans la requête introductive s'élevait à 48.000 euros.
La demanderesse a déposé une note en délibéré le 15 juin 2020 dans laquelle elle indique que :
* son préjudice matériel envisagé lors du préliminaire de conciliation couvrait la période courant du licenciement jusqu'à ses 55 ans. Les demandes formées aux termes des conclusions récapitulatives devant le bureau de jugement ne changent rien dans cette appréhension de sa situation,
* depuis le dépôt de la requête, plus de trois ans se sont écoulés et les pertes de chance de bénéficier d'un salaire équivalent jusqu'à la fin de ses droits au chômage puis jusqu'à l'âge de la retraite sont devenus des pertes de revenus effectives. C'est le cas plus particulièrement de la perte de chance de bénéficier d'un salaire équivalent jusqu'à la fin de ses droits à l'allocation chômage (du 18 février 2017 au 18 juillet 2018) chiffrée initialement à la somme de 33.660,36 euros et qui, dans les conclusions récapitulatives, a été ajoutée à la perte de revenus,
* la perte d'une chance de bénéficier de droits à la retraite du régime complémentaire dans les mêmes proportions que si elle avait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans, chiffrée initialement à la somme de 48.000 euros a été portée à la somme de 51.707,70 euros,
* pour autant, sa demande en réparation de son préjudice matériel n'a subi aucune augmentation ; au contraire elle a été réduite de 18.934,84 euros,
* la comparaison de la requête introductive et de ses dernières conclusions récapitulatives en témoigne,
* elle n'a donc pas formé de demandes nouvelles,
* ses demandes ont toutes été formées à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel causé par la rupture abusive de son contrat de travail,
* au contraire, elle a réduit le quantum de son préjudice matériel en raison du maintien de son indemnisation chômage par Pôle Emploi après les 1095 jours conventionnels,
* le montant de son préjudice matériel sollicité et soumis à la tentative de conciliation a été fixé à la somme cumulée et globale de 316.729,63 euros,
* cette somme a été réduite dans les conclusions récapitulatives au montant de 297.794,79 euros destiné à compenser le préjudice matériel effectivement subi,
* ce qui compte c'est que la demande de condamnation à des dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi, qui a été soumise au préliminaire de conciliation, n'a pas été modifiée quant à sa nature ou augmentée quant à son quantum devant le bureau de jugement.
La S.A.M. MONACO BOAT SERVICE a déposé sa note en délibéré le 3 juillet 2020, aux termes de laquelle :
* l'argumentation de Madame m. C. selon laquelle toutes ses demandes seraient incluses dans le même poste de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel, est erronée et destinée à tromper la religion du Tribunal. Elle ne permet pas de fixer le périmètre du litige, ce qui est contraire à la sécurité juridique des justiciables et aux règles en vigueur,
* en effet, le préliminaire de conciliation permet de définir les demandes, au besoin d'en discuter en vue d'une possible conciliation, puis de préparer sa défense et, si nécessaire, de provisionner les sommes destinées à garantir le litige,
* dès lors que chacun des préjudices invoqués est détaillé et justifié de manière spécifique par Madame m. C. dans ses conclusions, la demanderesse admet qu'ils ont bien des fondements différents,
* certains concernent la perte de revenus, d'autres la perte de chance d'obtenir une retraite majorée ou un revenu équivalent, d'autres encore un préjudice moral non spécifié,
* la nature et le montant des demandes distinctes dépendent exclusivement du bon vouloir de Madame m. C.
* si des demandes complémentaires devaient être formulées en raison de demandes différentes par leur nature et leur quantum, il appartient à la partie qui les invoque de saisir à nouveau le bureau de conciliation,
* chaque préjudice dont se prévaut la demanderesse a bien une existence autonome en sorte que les modifications intervenues de ces chefs en cours d'instance sont irrecevables,
* il va sans dire qu'outre les demandes dont la nature a changé en cours d'instance, celles pour lesquelles le montant a fortement augmenté sont également irrecevables puisque le Tribunal du travail doit statuer sur les demandes dont il a été saisi après conciliation obligatoire entre les parties qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en particulier s'agissant d'une prétendue perte de revenus portée de 37.609,23 euros à 85.992,46 euros par Madame m. C.
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande de Madame m. C. portant sur la somme de 85.992,46 euros, laquelle n'apparaît pas dans la requête introductive d'instance
En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.
Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.
Il résulte des dernières écritures déposées par Madame m.C. que cette dernière a porté sa réclamation au titre de la perte de revenus du 18 juillet 2015 au 17 février 2017 à la somme de 85.992,46 euros arrêtée au 31 janvier 2019.
Cette réactualisation n'est pas recevable et aurait dû faire l'objet d'une nouvelle requête de la part de la demanderesse, afin de soumettre sa nouvelle demande (perte de salaire du 18 février 2017 au 31 janvier 2019) au préliminaire de conciliation obligatoire, peu importe que le montant total des dommages et intérêts sollicités soit inférieur à celui réclamé dans la requête introductive d'instance ; chaque poste devant être apprécié individuellement.
Le Tribunal statuera sur la demande primitive à hauteur de 37.609,23 euros.
Sur le maintien par Madame m. C. de sa demande de la somme de 33.650,36 euros qui n'apparaît plus dans ses dernières écritures
Il résulte des dernières écritures déposées par la demanderesse et du tableau récapitulatif y figurant en page 17 que celle-ci a abandonné toute prétention sur ce point.
Sur la recevabilité de la demande de Madame m. C. portant sur la somme de 51.707,70 euros telle que figurant dans ses dernières écritures alors que la somme réclamée à ce titre dans la requête introductive s'élevait à 48.000 euros
Le Tribunal reprend l'argumentation développée supra au titre de la perte de revenus de sorte que la demande au titre de la perte de chance de bénéficier de droits à la retraite du régime complémentaire dans les mêmes proportions que si la demanderesse avait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans à hauteur de la somme de 51.707,70 euros sera déclarée irrecevable.
Le Tribunal devra néanmoins statuer sur la somme sollicitée dans la requête introductive d'instance d'un montant de 48.000 euros.
Sur la forclusion soulevée par la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE
La société défenderesse estime que Madame m. C. est forclose en ses demandes car présentées hors délai en application des dispositions de l'article 7 de la loi n° 368 du 11 janvier 1958.
En vertu de l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958, « Le reçu pour solde de tout compte, délivré par le travailleur à l'employeur lors de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, peut être dénoncé dans les deux mois de la signature. La dénonciation doit être dûment motivée et faite par lettre recommandée.
La forclusion ne peut être opposée au travailleur :
a) Si la mention » pour solde de tout compte « n'est pas entièrement écrite de sa main suivie de sa signature;
b) Si le reçu ne porte pas mention, en caractères très apparents, du délai de forclusion.
Le reçu pour solde de tout compte, régulièrement dénoncé ou à l'égard duquel la forclusion ne peut jouer, n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui figurent.
Le reçu pour solde de tout compte devra mentionner qu'il est établi en double exemplaire, dont l'un sera remis au travailleur ».
Il est constant en droit que le reçu pour solde de tout compte a un effet libératoire pour l'employeur s'il a été régulièrement établi et non dénoncé par le salarié dans le délai de forclusion qui lui était imparti à cet effet.
En l'espèce, il apparaît à l'examen du reçu délivré le 17 juillet 2015 par la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE à Madame m. C. que cette dernière a ajouté, à la suite de la mention « reçu pour solde de tout compte » exigée à peine d'irrégularité par l'article 7 de la loi n° 638 et avant sa signature, la mention suivante : « sous réserve de mes droits ».
Dès lors que les réserves émises par Madame m.C.ne sont aucunement détaillées et portent au surplus sur la totalité du reçu, cette indication, exclusive de tout accord de sa part, dénature le reçu pour solde de tout compte de son effet libératoire, lequel ne vaut par suite que comme simple reçu des sommes qui y figurent.
Aucune forclusion ne pouvant par suite être valablement opposée à Madame m.C. la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l'article 7 de la loi n° 638 soulevée par la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE doit être rejetée.
Sur la rupture
En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).
Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).
Il appartient au demandeur de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.
Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.
À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.
Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
Madame m. C. soutient que la réelle volonté de l'employeur était de faire obstacle à sa réélection en tant que délégué du personnel.
L'employeur conteste les allégations de Madame m. C. et indique que le défaut d'organisation des élections était dû à l'absence prolongée de Monsieur P.
Madame m. C. a été élue en tant que Déléguée du Personnel du 15 mai 2013 au 15 mai 2014, de sorte que l'employeur aurait dû provoquer de nouvelles élections, au plus tard le 15 mai 2015.
En effet, l'article 1er de la l'ordonnance n° 3.285 du 15 septembre 1946 fixant les modalités des opérations électorales prévoit en son alinéa 1 :
« L'élection des délégués titulaires et des délégués suppléants a lieu, chaque année, dans le mois qui précède l'expiration normale des fonctions de délégués, telle qu'elle est définie par les articles 10 et 11 de la loi n°459 du 19 juillet 1947 ».
L'employeur ne contestant son obligation à ce titre, il convient de rechercher si cette carence était destinée à exclure Madame m. C. du statut protecteur des délégués du personnel, pour pouvoir la licencier à bref délai.
Il appartient ainsi à la demanderesse d'en rapporter la preuve.
Force est de constater que Madame m. C. est défaillante dans l'administration de la preuve à ce titre ; elle ne démontre pas le lien entre le défaut d'organisation des élections litigieuses et son licenciement qui est intervenu plus d'un an après la fin de son mandat et six mois après l'expiration de la protection légale prévue par les dispositions de l'article 16 de la loi n° 459 du 19 juillet 1947, à savoir un délai de six mois à compter du jour de la cessation de ses fonctions de délégué du personnel.
Il n'est pas contestable que l'organisation des élections en cause était une obligation légale pour l'employeur.
Cependant, Madame m. C. ne justifie aucunement avoir mis en demeure l'employeur de procéder auxdites élections; cette demande ayant pu/dû être faite par les délégués du personnel dans le cadre de leur mandat.
Ce faisant, Madame m. C. n'apporte aucun argument quant à un quelconque motif fallacieux ayant précédé le licenciement.
La salariée soutient également que lors de l'entretien préalable en date du 18 mai 2015, les membres de la direction lui ont indiqué qu'ils procédaient à son licenciement au motif qu'elle ne parlait pas anglais.
L'employeur conteste la version de la salariée qui doit ainsi rapporter la preuve de ses allégations.
Le Tribunal relève à ce titre la défaillance de celle-ci dans l'administration de la preuve de sorte que l'argumentation développée de ce chef par Madame m. C. ne sera pas retenue.
Le Tribunal relève encore que l'employeur conclut sur les nombreuses fautes qui auraient pu être reprochées à Madame m. C. alors qu'il s'agit d'un licenciement « sans motif » ; en sorte que l'argumentation développée ne sera pas abordée, étant sans intérêt pour la solution du litige eu égard aux développements de la demanderesse sur le motif fallacieux par elle invoqué et repris supra.
Madame m. C. indique encore que ses droits et prérogatives n'ont pas été respectés dans la mesure où des sommes ont été retenues indûment par l'employeur sur le solde de tout compte.
Le reçu pour solde de tout compte fait en effet apparaître les déductions suivantes :
* remboursement prêt personnel : 2.000 euros,
* remboursement avance sur prime : 5.389 euros.
Les articles 7 et 8 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 prévoient :
« Article 7 : Sous réserve des dispositions des articles 8 et 9 ci-après, l'employeur ne peut retenir sur le salaire revenant aux travailleurs les sommes qui lui seraient dues à lui-même pour quelque cause que ce soit, sauf s'il s'agit de créances relatives, selon les usages de la profession à :
a) la fourniture d'outils et instruments nécessaires au travail ;
b) la fourniture de matières ou de matériaux dont le salarié a la charge ;
c) des avances d'argent pour l'acquisition de ces mêmes objets.
Dans tous ces cas, et à moins que le salarié n'ait pris l'initiative de dénoncer le contrat, la compensation ne peut se faire, sauf accord des parties ou dispositions contraires de la convention collective, que par des retenues ne dépassant pas le quart du salaire exigible.
Il en sera de même pour les amendes infligées en vertu d'un règlement intérieur d'entreprise.
Article 8 : L'employeur qui fait des avances en espèces autres que celles prévues à la lettre c de l'article précédent ne peut se rembourser qu'au moyen de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.
La retenue opérée de ce chef ne se confond ni avec la partie saisissable, ni avec la partie cessible déterminée à l'article 502 du Code de procédure civile.
Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme des avances ».
L'interdiction des retenues sur salaire faite à l'employeur par la loi monégasque est particulièrement étendue puisque :
* le texte précité se réfère aux « sommes qui lui seraient dues à lui-même pour quelque cause que ce soit »,
* les exceptions à cette interdiction sont limitées aux créances visées aux lettres a, b et c de l'alinéa 1 de l'article 7 ainsi qu'aux avances en espèces de l'article 8.
Ainsi, l'employeur ne peut procéder à aucune retenue sur salaire au titre de la répétition de l'indu, alors qu'il ne peut effectuer des retenues que si les « amendes » ou sanctions pécuniaires sont prévues par le règlement intérieur dans les conditions fixées par les articles 6 et 7 de la loi n° 711 du 18 décembre 1961 sur le règlement intérieur des entreprises.
De plus, « l'accord des parties » prévu par l'alinéa 2 de l'article 7 ne concerne que les retenues opérées « dans tous ces cas », c'est-à-dire pour les seules créances relatives aux lettres a, b et c de l'alinéa 1 du même article.
En conséquence, les prélèvements effectués par l'employeur sur les salaires de Madame m. C. au titre d'une créance de prêt personnel ou d'avance sur prime ne sont pas conformes à la loi n° 739 du 16 mars 1963 et ne pouvaient pas faire l'objet d'un quelconque accord avec la salariée.
Bien plus, la somme de 5.389 euros correspond à un simple jeu d'écriture aux termes de laquelle la prime de départ prévue par l'article 22 bis du Règlement Intérieur a été déduite des sommes versées à la salariée au titre des prêts employeur, préjugeant ainsi d'un départ de la salariée dans les conditions prévues audit article.
Enfin, cette régularisation ne correspond à aucun acompte tel que prévu par les dispositions susvisées.
La S.A.M. MONACO BOAT SERVICE sera dès lors condamnée au remboursement des sommes indûment prélevées.
Il en résulte que les droits de Madame m. C. n'ont pas été respectés, ce qui confère à la rupture un caractère abusif, justifiant l`allocation de dommages et intérêts.
Il apparaît encore que l'employeur a agi avec une précipitation et une légèreté blâmable en licenciant Madame m. C. sans aucun entretien préalable.
Bien que la loi monégasque ne prévoie aucun entretien préalable à un licenciement, il est de jurisprudence constante qu'un tel entretien doit avoir lieu lorsqu'un licenciement fondé sur les dispositions de l'article 6 de la loi n°759 du 16 mars 1963 est envisagé ; qu'elle qu'en soit sa forme.
La rupture est dès lors intervenue de manière brutale, dans la mesure où Madame m.C. qui bénéficiait d'une ancienneté de plus de trente-sept ans dans l'entreprise, n'a pas pu anticiper la rupture qui lui a seulement été annoncée au moment de sa mise en œuvre.
Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Madame m.C.de dommages et intérêt en réparation de son préjudice moral.
En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.
Les difficultés financières dont il est fait état sont le résultat de la diminution de revenu, provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité et de l'abus qui, à les supposer établis, auraient caractérisé le licenciement. De plus, la demanderesse n'établit nullement en quoi ces difficultés matérielles auraient été provoquées par les circonstances fautives ayant entouré le licenciement, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été retenues par le Tribunal. Elles ne peuvent être de nature à établir l'existence d'une faute dans la mise en œuvre de la rupture (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).
Tout aussi indifférent est le fait que la salariée se trouvait très proche de la date de sa retraite, cette circonstance ne permettant pas de caractériser l'abus du droit de rompre le contrat de travail, le salarié n'ayant aucun droit acquis à être maintenu dans ses fonctions jusqu'à sa retraite en vue de bénéficier d'une pension à taux plein (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).
La demanderesse démontre en outre avoir été particulièrement affectée par le licenciement dont elle a été l'objet.
L'octroi de dommages-intérêts s'avère dès lors justifié.
Madame m. C. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté et brutalité, et dans des conditions vexatoires pour la salariée.
En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice moral apparaît devoir être justement évalué à la somme de 50.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.
Sur la demande reconventionnelle de la défenderesse
L'employeur ayant été condamné à verser des dommages et intérêts à Madame m. C. ne saurait obtenir l'allocation de dommages et intérêts pour son préjudice financier provoquée par la procédure diligentée.
Sur l'exécution provisoire
Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.
Sur les dépens
Partie succombante, la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE sera condamnée aux dépens.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Déclare irrecevables les demandes additionnelles tendant à obtenir les sommes de 85.992,46 euros et de 51.707,70 euros présentées par Madame m. C.;
Rejette l'exception de forclusion soulevée par la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE en application des dispositions de l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 ;
Condamne la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE à payer à Madame m. C. la somme de 7.389 euros (sept mille trois cent quatre-vingt-neuf euros) au titre des prélèvements indûment effectués par l'employeur, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Dit que le licenciement de Madame m.C.par la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE est abusif ;
Condamne la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE à payer à Madame m.C.la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Madame m. C. du surplus de ses demandes ;
Déboute la S.A.M. MONACO BOAT SERVICE de sa demande reconventionnelle.
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Jean-Pierre DESCHAMPS, membres employeurs, Madame Mariane FRASCONI, Monsieur Jean-Pierre CRESPI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le dix-sept septembre deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Madame Carol MILLO, Monsieur Jean-Pierre DESCHAMPS, Madame Mariane FRASCONI et Monsieur Jean-Pierre CRESPI, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.
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