La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/09/2022 | MONACO | N°20665

Monaco | Tribunal du travail, 7 septembre 2022, Madame A. épouse B. c/ SAM C


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 SEPTEMBRE 2022

En la cause de Madame A. épouse B., demeurant X1 à NICE (06100) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Laurent NICOLAS, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque C., ayant pour sigle D., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appe

l de Monaco, et plaidant par Maître Christophe TORA, avocat au barreau de Nice ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU ...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 SEPTEMBRE 2022

En la cause de Madame A. épouse B., demeurant X1 à NICE (06100) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Laurent NICOLAS, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque C., ayant pour sigle D., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Christophe TORA, avocat au barreau de Nice ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 15 octobre 2019 et 26 mai 2021, respectivement reçues les18 octobre 2019 et 28 mai 2021 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 22-2019/2020 et 97-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 5 novembre 2019 et 22 juin 2021 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame A. en date du 3 mai 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Clyde BILLAUD, avocat au nom de la S.A.M. C. ayant pour sigle D. en date du 13 juin 2022 ;

Après avoir entendu Maître Laurent NICOLAS, avocat au barreau de Nice, pour Madame A. et Maître Christophe TORA, avocat en ce même barreau, pour la S.A.M. D. en leurs plaidoiries à l'audience du 23 juin 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

****

Madame A. épouse B. a été embauchée en qualité de Comptable par la société anonyme monégasque C. ayant pour sigle D. le 1er mars 1999.

Elle était licenciée pour absence prolongée le 14 février 2017.

Considérant ne pas avoir été remplie intégralement de ses droits, elle saisissait le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail le 18 octobre 2019 aux fins d'obtenir :

* 3.761 euros bruts de rappel de prime de 13ème mois pour l'année 2016

* 5.625,48 euros bruts de rappel sur préavis,

* 3.500,46 euros bruts de rappel d'indemnité de congédiement,

* 16.609 euros bruts de rappel d'indemnité de congés payés,

* 10.000 euros de dommages et intérêts au regard des difficultés rencontrées dans le règlement des sommes dues,

avec intérêts et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par requête du 26 mai 2021, elle saisissait le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail aux fins d'obtenir :

* 1.875,16 euros de rappel de prime de 13ème mois pour l'année 2017,

* 1.545,83 euros de rappel sur indemnité de congés payés complémentaire. L'affaire était directement renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions considérées comme récapitulatives du 3 mai 2022, Madame A. épouse B. sollicite la jonction des procédures et la condamnation de la S.A.M. D. à lui payer :

* 3.241,19 euros de solde d'indemnité de congédiement,

* 2.896,23 euros de rappel de prime de 13ème mois pour l'année 2016,

* 1.875,16 euros de rappel de prime de 13ème mois pour l'année 2017,

* 16.609 euros de rappel sur indemnité de congés payés,

* 10.000 euros de dommages et intérêts.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* elle n'a reçu son solde de tout compte que le 23 mai 2017, après intervention de son conseil,

* elle l'a dénoncé dès le 16 juin 2017, puis a renouvelé sa contestation le 16 juillet 2017 après avoir pris connaissance des explications de calcul de l'employeur,

* elle a donc bien dénoncé le solde de tout compte dans le délai imparti et a motivé sa contestation,

* en tout état de cause, la mention du délai de forclusion prévu à l'article 7 b de la Loi n° 638 du 11 janvier 1958 n'apparaît pas sur le solde de tout compte, en sorte que le délai n'a jamais couru,

* le texte n'exige qu'une dénonciation dans le délai et non une saisine des juridictions compétentes,

* la relation professionnelle était soumise aux dispositions de la Convention Collective Nationale Monégasque des Employés de Bureau des Agences Immobilières et Mandataires en Vente de Fonds de Commerce, étendue,

* les Cadres ne sont aucunement exclus de cette Convention,

* ses fonctions relevaient bien de la définition des employés affectés à des tâches administratives et leurs agents de maîtrise,

* la Convention Collective a été appliquée dès l'entrée au service de l'employeur et a continué à s'appliquer lorsque la salariée est devenue Cadre,

* la Convention Collective n'a jamais été dénoncée,

* elle a été portée sur l'ensemble des bulletins de salaire,

* elle a permis à Madame A. épouse B. de bénéficier de congés payés évolutifs,

* elle a été volontairement appliquée par l'employeur, ce qui la rend opposable,

* le salaire de référence pris par l'employeur pour calculer les indemnités est erroné ; il doit inclure la prime de 13ème mois et est en réalité fixé à la somme de 6.094,27 euros,

* les périodes de suspension de travail, notamment pour maladie, n'entrent en compte que pour calculer si le salarié peux bénéficier de l'indemnité légale de congédiement, et non pas pour calculer ladite indemnité,

* en tout état de cause la Convention Collective stipule que l'ancienneté se calcule à partir de la date d'entrée dans l'entreprise en tenant compte des interruptions de travail notamment pour maladie,

* elle doit en conséquence être calculée sur une ancienneté totale de dix-huit ans, un mois et seize jours,

* le calcul légal de l'indemnité de congédiement est plus favorable que celui conventionnel et doit en conséquence être appliqué, en prenant en compte un salaire de référence intégrant le 13ème mois dans son intégralité,

* la Convention Collective ne stipule pas que le 13ème mois est calculé prorata temporis,

* elle ne fixe aucune condition de présence effective ou continue,

* elle aurait dû percevoir 5.625,48 euros pour l'année 2016, et n'a perçu que 2.729,25 euros,

* elle aurait également dû percevoir la prime pour l'année 2017 au prorata de quatre mois,

* cette nouvelle demande a été formée en cours d'instance et soumis au préalable de conciliation et est en conséquence recevable,

* si la prescription quinquennale s'applique relativement aux demandes de rappel sur congés payés, elle ne court qu'à compter de leur date de liquidation,

* les congés payés de l'année 2014/2015 ont été acquis à compter du 1er mai 2015 et ne sont pas touchés par la prescription,

* Madame A. B. sollicite le paiement de 63,5 jours de congés payés cumulés, comptabilisés sur son

* bulletin de salaire du mois de mars 2017, auxquels s'ajoutent les 7 jours acquis durant l'année 2017,

* le décompte de la salariée est exact et conforme aux jours de congés payés pris et à ceux accordés à titre de récupération en compensation d'heures supplémentaires non réglées,

* l'employeur a résisté au paiement des légitimes réclamations de sa salariée de manière abusive en minorant les décomptes en appliquant les dispositions les plus favorables à ses intérêts,

* l'état de santé de Madame A. B. s'est dégradé et elle est toujours affectée par la manière dont son ancien employeur l'a traitée après plus de dix-huit années de service,

* elle est en invalidité et dans l'impossibilité de reprendre un emploi.

Par conclusions récapitulatives du 13 juin 2022, la S.A.M. D. ne s'oppose pas à la demande de jonction. Elle sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de Madame A. outre sa condamnation à 5.000 euros de dommages et intérêts et aux dépens.

Elle soutient pour l'essentiel que :

* les demandes de Madame A. épouse B. sont forcloses pour ne pas avoir été portées en justice dans les deux mois de la réception du solde de tout compte, soit jusqu'au 23 juillet 2017,

* les demandes de Madame A. épouse B. antérieures à octobre 2014 sont en outre prescrites, la convocation en conciliation du 15 octobre 2019 étant le seul acte interruptif de prescription,

* la Convention Collective Nationale des Employés de Bureau des Agences Immobilières et Mandataires en Vente de Fonds de Commerce étendue est inapplicable à la rupture du contrat de travail de Madame A. épouse B. puisqu'elle avait le statut de cadre,

* cette catégorie n'est pas mentionnée dans la Convention,

* la mention de cette catégorie sur les bulletins de salaire n'est pas une reconnaissance de son application mais une mention automatique liée à l'objet social de la société,

* il ne s'agit que d'une présomption simple d'application, que l'employeur renverse en démontrant les raisons techniques pour lesquelles elle n'est pas applicable,

* la Convention n'est applicable qu'aux employés et aux agents de maîtrise,

* l'Inspection du Travail a confirmé que la Convention ne s'appliquait pas au personnel disposant du statut de cadre,

* Madame A. épouse B. a obtenu le statut de Cadre à compter du 1er janvier 2016,

* elle cotisait d'ailleurs à la Caisse des Cadres de Monaco,

* si Madame A. épouse B. a bénéficié de congés payés évolutifs, ce n'était pas en application de la Convention Collective, mais d'un usage plus favorable accordé par l'employeur, tel que cela est prévu par la loi,

* concernant le calcul de l'indemnité de congédiement Madame A. épouse B. reconnaît elle-même que l'indemnité légale est la plus favorable,

* le salaire de référence de Madame A. épouse B. a été calculé sur les douze mois précédant le licenciement en tenant compte du 13ème mois, soit un salaire de référence de 5.852,92 euros,

* la durée de l'ancienneté n'est pas augmentée pendant la durée de l'arrêt maladie, toutefois elle n'est pas non plus interrompue, ce que la S.A.M. D.a strictement appliqué,

* le calcul des primes de 13ème mois a été exactement fait en application des dispositions légales,

* en outre, la Convention Collective revendiquée par Madame A. épouse B. précise également que la somme est calculée prorata temporis en fonction des mois entiers de service pendant la période de référence,

* les périodes d'absence maladie de Madame A. épouse B. n'étant pas des mois de service ils n'ont pas à être pris en compte,

* la décision sur laquelle Madame A. épouse B. fonde sa prétention est une décision française statuant au visa d'une Convention Collective Française des Activités de Déchet,

* les vingt-trois jours de congés acquis en septembre et octobre 2014 sont prescrits,

* du fait de ses fonctions Madame A. épouse B. comptabilisait elle-même ses jours de congés payés,

* il est démontré qu'elle n'a pas comptabilisé de nombreux jours où elle était pourtant en congés,

* les documents édités par Madame A. épouse B. ne correspondent pas à la réalité,

* elle s'est octroyée des droits à congés plus importants,

* face à la difficulté à reconstituer les jours restant dus lors de la rupture du contrat, l'employeur lui a accordé quinze jours de congés payés, soit plus du maximum sur une année compte tenu de son absence maladie,

* la demande de dommages et intérêts formulée sur le fondement d'un épuisement au travail est irrecevable pour ne pas avoir été soumise au préliminaire de conciliation,

* Madame A. épouse B. ne s'est jamais plainte en dix-sept ans de service, n'a jamais saisi le Médecin ou l'Inspection du Travail,

* elle a formulé ses demandes pour la première fois devant le Tribunal du travail, plus de deux ans après son licenciement,

* elle a été intégralement remplie de ses droits et accompagnée dans le cadre de sa rupture du contrat de travail,

* en revanche elle a fait preuve d'extrême légèreté en usant de la possibilité d'être licenciée après six mois d'absence pour maladie,

* ses contestations n'ont jamais été corroborées ou étayées par un seul calcul ni document probant.

SUR CE,

Sur la jonction

Les deux dossiers soumis à l'appréciation du Tribunal présentent d'évidents éléments communs, il y a donc lieu d'ordonner par mesure d'administration judiciaire la jonction des instances enrôlées sous les numéros 22-2019/2020 et 97-2020/2021.

Sur la forclusion

Aux termes de l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958, le reçu pour solde de tout compte doit être dénoncé dans les deux mois de sa signature par lettre recommandée dûment motivée.

En l'espèce, le reçu pour solde de tout compte a été réceptionné par Madame A. épouse B. le 23 mai 2017. Il a été dénoncé par courrier recommandé du 16 juin 2017, réitéré et détaillé le 13 juillet 2017. Le délai de deux mois a dès lors parfaitement été respecté et l'action de Madame A. épouse B. n'est pas forclose.

Ce délai, de dénonciation, porte un terme particulièrement explicite, qui ne peut nullement se confondre avec la saisine d'une juridiction, acte interruptif de prescription selon les termes de la loi.

Surabondamment, il peut être souligné que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article 7 de la loi susvisée, en ne mentionnant pas, en caractère très apparents, le délai de forclusion, en sorte que le délai de forclusion n'avait jamais couru et que Madame A. épouse B. aurait été recevable en son action même après l'expiration du délai de deux mois.

Sur l'application de la Convention collective

Les parties sont en désaccord sur l'application de la Convention collective nationale des employés de bureau des agences immobilières et mandataires en vente de fonds de commerce, étendue.

Avant même de s'interroger sur le domaine d'application obligatoire de cette convention compte tenu de son extension par arrêté ministériel, il convient de déterminer la commune intention des parties, les conventions légalement formées tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l'absence de communication d'un quelconque contrat de travail ou avenant au contrat lors de la promotion de la salariée au statut cadre, il convient d'analyser le déroulé de la relation de travail.

Outre le fait que l'employeur a mentionné dans l'intégralité des bulletins de salaire de Madame A. épouse B. ladite Convention, il convient de noter qu'elle a bénéficié, tout au long de la relation de travail sous le statut de cadre, d'un 13ème mois et d'une prime d'ancienneté au pourcentage d'années d'ancienneté. Or, ces avantages découlent des articles 23 et 24 de la Convention collective objet du débat.

Elle a par ailleurs bénéficié des congés bonifiés à 29 jours ouvrés à partir de 15 ans d'ancienneté, tel que cela est prévu par l'article 14 de ladite convention collective.

En se soumettant volontairement à ses dispositions, l'employeur a reconnu le bénéfice de son application à Madame A. épouse B. Il doit en conséquence lui faire bénéficier des avantages liés à la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, il s'agit de l'indemnité conventionnelle de congédiement, dont le calcul n'est pas contesté par l'employeur. Dans ces conditions, il convient de condamner la S.A.M. D. à verser à Madame A. épouse B. la somme de 3.241,19 euros de reliquat d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation.

Si la Convention collective s'applique, ses dispositions s'imposent à Madame A. épouse B. Aux termes de l'article 23 « treizième mois » :

« Les salariés n'ayant pas une année complète de présence entre le premier décembre de l'année précédente et le trente novembre de l'année en cours recevront une somme brute égale à autant de douzièmes de mois qu'ils comptent de mois entiers de service pendant cette période de présence.

Les salariés quittant l'entreprise, recevront à leur départ une somme calculée prorata temporis en fonction des mois entiers de service depuis le premier décembre précédent ».

Dans ces conditions, Madame A. épouse B. n'avait droit à une prime de treizième mois calculée que sur ses mois de présence effective dans l'entreprise, ne tenant pas en compte ses absences pour maladie.

Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes de rappel sur primes de treizième mois pour les années 2016 et 2017.

Sur les congés payés

L'employeur conteste le décompte de congés payés réclamé par la salariée et porté sur son dernier bulletin de salaire du mois de mai 2016, soit 63,5 jours, aux motifs qu'une partie serait prescrite et que l'autre partie aurait été comptabilisée de mauvaise foi par la salariée.

L'analyse du bulletin de salaire du mois d'avril 2014 fait ressortir les éléments suivants :

* N-1 : 38,

* Acquis : 34,

* Pris : 31,

* À prendre : 7.

Le reliquat de 7 jours de congés acquis entre le 1er mai 2012 et le 30 avril 2013 et non pris entre le 1er mai 2013 et le 30 avril 2014 a ensuite été reporté sur l'année suivante : Madame A. épouse B. bénéficiant de 41 jours à prendre sur la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2015. Dans ces conditions, la prescription n'a pas atteint la réclamation portée par la salariée.

En revanche, la lecture des bulletins de salaire fait apparaître des décomptes parcellaires.

S'il n'est pas contesté que Madame A. épouse B. a pu bénéficier de jours de congés compensateurs d'heures supplémentaires ou de jours fériés, la manière de les décompter au regard des pièces produites par son employeur est particulièrement parcellaire. Quant à certains jours d'absence avérée, ils n'ont tout simplement pas été déduits. Il en a été ainsi dans les situations suivantes :

* une demande de récupération de Noël le 2 mai 2014 accordée, non mentionnée sur le bulletin de mai 2014,

* une demande de récupération d'une demi-journée le 21 mai 2014 accordée, non mentionnée sur le bulletin,

* une absence le 5 février 2015 (elle se trouvait au ski), non mentionnée sur le bulletin,

* une demande de récupération le 15 mai 2015 accordée, non mentionnée sur le bulletin,

* deux absences les lundi et mardi 4 et 5 mai 2015, non mentionnées sur le bulletin,

* une demande de congés payés de 6 jours (du 8 au 14 février 2016) accordée (en réalité seulement 5 jours ouvrés sur la période), transformée en 5 jours de récupération du 8 au 12 sur le bulletin,

* une demande de récupération d'une demi-journée pour heures supplémentaires le 6 mai 2016 accordée, mentionnée comme une journée entière de récupération (de Noël alors qu'elle a en réalité récupérer Noël le 27 mai 2016). Concernant la récupération de Noël, elle n'est pas indue puisqu'en décembre 2015, elle avait décompté 1 jour de CP à tort sur le jour de Noël.

En revanche, le grief fait par l'employeur relativement à des vacances non décomptées le 16 septembre 2014 n'est pas constitué, Madame A. épouse B. ayant bien décompté 13 jours de congés payés du 1er au 15 septembre et ayant commis une erreur de plume dans son courriel du 29 août.

Après analyse de l'ensemble de ces éléments, l'employeur a démontré que le décompte des congés payés était erroné pour au moins 9 jours de congés payés, ainsi que des jours de récupération, non compris dans les congés payés.

Sur les 70,5 jours réclamés par la salariée (63,5 cumulés + 7 jours acquis en 2017), l'employeur pouvait ne retenir que les 9 démontrés et devait lui régler les 61,5 jours non contestables.

Si la mauvaise foi de la salariée est caractérisée au regard de la manière dont elle n'a pas décompté certains jours de repos pris, il est établi que l'employeur a laissé sa salariée en charge de son propre décompte sans jamais le contrôler. À défaut de pouvoir contredire les bulletins de salaires pour les autres jours de congés payés, il en demeure redevable.

Ainsi, pour 46,5 jours de reliquat (61,5 - 15 déjà payés) et en tenant compte de la base de calcul réalisée par l'employeur lui-même et non contestée, il demeure 10.446,88 euros à verser (3.369,96/15 x 46,5).

La S.A.M. D. sera en conséquence condamnée à verser à Madame A. épouse B. la somme de 10.446,88 euros bruts, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération.

Sur les autres demandes

Madame A. épouse B. sollicite des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait des difficultés rencontrées dans le règlement des sommes dues. Si elle n'avait effectivement pas été remplie intégralement de ses droits, il convient de rappeler les éléments suivants :

* elle avait formulé des demandes infondées, retirées en cours d'instance,

* elle a formulé des demandes indues au titre des treizièmes mois,

* elle a participé, par son décompte fallacieux, à l'impossibilité pour l'employeur de reconstituer le décompte exact de ses congés payés.

Dans ces conditions, ayant participé à la réalisation de son propre dommage, elle est mal fondée à réclamer un dédommagement.

La S.A.M. D. a de son côté refusé d'appliquer une Convention collective à laquelle elle s'était pourtant volontairement soumise. Elle est ainsi responsable du fait d'avoir été attraite en justice et d'avoir dû exposer des frais. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Chacune des parties succombant partiellement, il convient de dire qu'elles conserveront la charge de leurs propres dépens.

Le caractère nécessaire à ce que l'exécution provisoire soit ordonnée n'étant pas démontré, il n'y a pas lieu de la prononcer pour le surplus.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction de l'instance introduite sur convocation devant le Bureau de Jugement le 5 novembre 2019 (enrôlée sous le n° 22-2019/2020) avec l'instance introduite sur convocation devant le Bureau de Jugement le 22 juin 2021 (enrôlée sous le n° 97-2020/2021) ;

Déclare recevables les demandes de Madame A. épouse B. ;

Condamne la société anonyme monégasque C., ayant pour sigle D., à verser à Madame A. épouse B. la somme de 3.241,19 euros (trois mille deux cent quarante et un euros et dix-neuf centimes) à titre de reliquat d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation ;

Rejette les demandes de rappel sur primes de treizième mois de Madame A. épouse B. ;

Dit que l'action relative au reliquat d'indemnité de congés payés n'est pas prescrite ;

Condamne la S.A.M. D. à verser à Madame A. épouse B. la somme de 10.446,88 euros bruts (dix mille quatre cent quarante-six euros et quatre-vingt-huit centimes) à titre de reliquat d'indemnité de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Rejette la demande de reliquat d'indemnité de congés payés pour le surplus ; Rejette la demande de dommages et intérêts de Madame A. épouse B. ;

Rejette la demande de dommages et intérêts de la S.A.M. D. ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus.

Composition

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-Pierre DESCHAMPS et Bernard HERNANDEZ, membres employeurs, Messieurs Jean-Pierre MESSY et Thierry PETIT, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le sept septembre deux mille vingt-deux .

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20665
Date de la décision : 07/09/2022

Analyses

Aux termes de l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958, le reçu pour solde de tout compte doit être dénoncé dans les deux mois de sa signature par lettre recommandée dûment motivée. En l'espèce, le reçu pour solde de tout compte a été réceptionné par Mme A., la salariée, le 23 mai 2017. Il a été dénoncé par courrier recommandé du 16 juin 2017, réitéré et détaillé le 13 juillet 2017. Le délai de deux mois a dès lors parfaitement été respecté et l'action de la salariée n'est pas forclose. Ce délai de dénonciation, porte un terme particulièrement explicite, qui ne peut nullement se confondre avec la saisine d'une juridiction, acte interruptif de prescription selon les termes de la loi. Surabondamment, il peut être souligné que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article 7 de la loi susvisée, en ne mentionnant pas, en caractère très apparents, le délai de forclusion, en sorte que le délai de forclusion n'avait jamais couru et que la salariée aurait été recevable en son action même après l'expiration du délai de deux mois.Les parties sont en désaccord sur l'application de la Convention collective nationale des employés de bureau des agences immobilières et mandataires en vente de fonds de commerce, étendue. Avant même de s'interroger sur le domaine d'application obligatoire de cette convention compte tenu de son extension par arrêté ministériel, il convient de déterminer la commune intention des parties, les conventions légalement formées tenant lieu de loi à ceux qui les ont faites. En l'absence de communication d'un quelconque contrat de travail ou avenant au contrat lors de la promotion de la salariée au statut cadre, il convient d'analyser le déroulé de la relation de travail.L'employeur conteste le décompte de congés payés réclamé par la salariée et porté sur son dernier bulletin de salaire du mois de mai 2016, soit 63,5 jours, aux motifs qu'une partie serait prescrite et que l'autre partie aurait été comptabilisée de mauvaise foi par la salariée. Si la mauvaise foi de la salariée est caractérisée au regard de la manière dont elle n'a pas décompté certains jours de repos pris, il est établi que l'employeur a laissé sa salariée en charge de son propre décompte sans jamais le contrôler. À défaut de pouvoir contredire les bulletins de salaires pour les autres jours de congés payés, il en demeure redevable. Ainsi, pour 46,5 jours de reliquat (61,5 - 15 déjà payés) et en tenant compte de la base de calcul réalisée par l'employeur lui-même et non contestée, il demeure 10.446,88 euros à verser (3.369,96/15 x 46,5).

Contrats de travail  - Rupture du contrat de travail  - Responsabilité de l'employeur  - Relations collectives du travail.

Contrat de travail - Reçu pour solde de tout compte - Délai de dénonciation - Forclusion (non) - Application de la Convention collective - Commune intention des parties (oui) - Congés payés - Décompte - Preuve.


Parties
Demandeurs : Madame A. épouse B.
Défendeurs : SAM C

Références :

article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958
Loi n° 638 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2022-09-07;20665 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award