TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 14 AVRIL 2023
En la cause de la société anonyme monégasque dénommée A., (anciennement S.A.M. B., dont le siège social se situe C/o S.A.R.L. X1 X2 à MONACO ;
Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la même Cour ;
d'une part ;
Contre :
Monsieur d. C., demeurant « X3 », X4 à NICE (06100) ;
Défendeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'autre part ;
Visa
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 20 juillet 2021, reçue le même jour ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 9-2021/2022 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 20 juillet 2021 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. A. (anciennement B.), en date du 10 novembre 2022 ;
Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur d. C. en date du 12 janvier 2023 ;
Après avoir entendu Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituant Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la même Cour, pour la société anonyme monégasque A. (anciennement B., et Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur d. C. en leurs plaidoiries à l'audience du 2 février 2023 ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs
Monsieur d. C. a été embauché par la société anonyme monégasque D. devenue société anonyme monégasque B. puis société anonyme monégasque A.en contrat à durée déterminée le 5 juin 2006 en qualité de Chef de rang extra, renouvelé à deux reprises jusqu'au 31 juillet 2007. Le 31 juillet, il y a été substitué un contrat à durée indéterminée. Le 1er juin 2013, il a été promu 1er Chef de rang.
Il a été licencié par courrier du 1er février 2016.
Contestant la validité de son licenciement, Monsieur d. C. a saisi le Tribunal du travail par requête du 15 décembre 2016. Il sollicitait également des demandes au titre de rappel de salaire. Par jugement avant-dire-droit du 4 juin 2020, le Tribunal du travail a déclaré irrecevable les demandes de Monsieur d. C. au titre du coefficient et sursis à statuer sur les demandes présentées au titre du rappel de salaire, des indemnités de rupture et du licenciement dans l'attente d'une décision rendue par la Commission de Classement sur le coefficient devant être appliqué au salarié.
Le 18 juin 2021, Monsieur d. C. a saisi la Commission de Classement aux fins d'obtenir un classement de niveau III, échelon 3 de la Convention Collective Nationale Française des Hôtels, Cafés Restaurants à compter du 1er juin 2013.
La S.A.M. A.a conclu à l'irrecevabilité de l'action au titre de l'extinction par l'expiration du délai de péremption d'instance.
Selon procès-verbal du 13 juillet 2021, la Commission de Classement a jugé recevable la requête de Monsieur d. C. et a refusé sa demande de classement.
Par requête du 20 juillet 2021, la S.A.M. A.a saisi le Tribunal du travail afin de voir juger irrecevable la demande de classement et de rappel de salaire de Monsieur d. C. et subsidiairement de confirmer la décision de refus de classement.
Par conclusions récapitulatives du 10 novembre 2022, la S.A.M. A.faisant valoir pour l'essentiel que :
* l'instance introduite le 15 décembre 2016 s'est éteinte par discontinuation de poursuites pendant un an suite au jugement avant-dire-droit du 4 juin 2020,
* l'instance étant éteinte, l'interruption de la prescription attachée au dépôt de la requête du 15 décembre 2016 est non avenue,
* la demande de classement du 18 juin 2021 était irrecevable pour être prescrite, la Commission de Classement ne pouvant connaître que des faits postérieurs au 18 juin 2016, soit postérieurement à la sortie des effectifs de Monsieur d. C. au 1er mars 2016,
* la loi n° 1.511 du 2 décembre 2021, ayant allongé le délai de péremption n'a pas d'effet rétroactif,
* l'instance s'étant éteinte le 6 juin 2021, elle ne peut bénéficier des dispositions d'une loi publiée le 2 décembre 2021,
* les dispositions françaises prévoyant que l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption, sont inopposables,
* aucune disposition analogue n'existe en droit monégasque,
* subsidiairement, le Bureau de Jugement du Tribunal du travail statuant comme juridiction d'appel de la Commission de Classement est incompétent pour connaître des demandes de rappel de salaire de Monsieur d. C.,
* par ailleurs, la décision de la Commission de Classement doit être confirmée,
* la réclamation du salarié a été opportunément formulée suite à son licenciement et sans qu'il n'ait jamais formulé la moindre demande ni saisi la Commission de Classement,
* elle n'est fondée sur aucune pièce probante,
* Monsieur d. C. est défaillant à démontrer l'applicabilité de la Convention Collective Nationale Française des Hôtels, Cafés Restaurants puisque l'employeur appliquait légitimement la Convention Collective Monégasque de l'Industrie Hôtelière,
* elle est d'ailleurs stipulée aux contrats.
Par conclusions considérées comme récapitulatives du 12 janvier 2023, Monsieur d. C. sollicite la réformation de la décision de la Commission de Classement et la condamnation de la S.A.M. A.à lui verser la somme de 11.994,25 euros de rappel de salaire, outre 1.199,42 euros de congés payés y afférents.
Il fait valoir pour l'essentiel que :
* en l'absence de délai pour saisir la Commission de Classement, le Tribunal a suspendu l'instance dans l'attente d'un événement déterminé qui n'était encadré par aucun délai,
* l'instance étant toujours en cours, le nouveau délai légal de deux ans prévu par la loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 peut trouver application,
* le sursis à statuer ayant suspendu l'instance jusqu'à la réalisation d'un événement déterminé, le délai de péremption l'a également été jusqu'à la réalisation dudit événement,
* cet événement, la saisine de la Commission de Classement, n'étant enserré dans aucun délai, l'instance n'a pas pu périmer,
* le délai de prescription a été interrompu par la requête introductive d'instance,
* Monsieur d. C. a occupé les fonctions d'Assistant manager à compter du 1er juin 2013,
* il supervisait l'ensemble de l'équipe et gérait entre autres les relations avec la clientèle,
* au regard de la réalité de sa fonction il devait être classé niveau III échelon 3 de la Convention Collective Nationale Française des Hôtels, Cafés Restaurants,
* il doit percevoir un rappel de salaire correspondant à la différence entre ce qu'il a réellement perçu et ce à quoi il avait droit au regard de son réel classement.
SUR CE,
Sur la péremption
Aux termes de l'ancien article 405 du Code de procédure civile, en vigueur jusqu'au 16 février 2022, « toute instance sera éteinte par discontinuation de poursuites pendant un an ».
La société A.soutient que l'instance introduite par Monsieur d. C. par requête du 15 décembre 2016 s'est éteinte un an après le jugement avant-dire-droit du 4 juin 2020, aucune poursuite n'ayant été engagée par le demandeur dans ce délai.
En l'espèce, ce jugement a :
* sursis à statuer sur les demandes de Monsieur d. C. « dans l'attente d'une décision rendue par la Commission de Classement »,
* ordonné le retrait du rôle et « dit qu'elle sera rappelée à la première audience utile, à la demande de l'une quelconque des parties ou d'office par le Tribunal, dès qu'une décision définitive aura été rendue dans la procédure mentionnée ci-dessus ».
Si aucune disposition légale ne prévoit la suspension du délai de péremption lors du prononcé d'un sursis, le jugement l'a bien ordonné, en commandant aux parties de ne reprendre leur poursuite qu'après que la Commission de Classement ait rendu une décision définitive.
Par ailleurs, les dispositions de l'article 405 du Code de procédure civile, applicables aux poursuites judiciaires, ne trouvent pas leur corollaire dans la procédure spéciale devant la Commission de Classement. La commission a d'ailleurs justement rappelé que sa saisine n'était enserrée dans aucun délai.
En conséquence, il convient de confirmer la décision de la Commission de Classement quant à la recevabilité de la demande de Monsieur d. C.
Sur le fond
Sur l'irrecevabilité des demandes de paiement de salaires
Le Tribunal étant saisi d'un appel d'une décision de la Commission de Classement, sa saisine se limite à confirmer ou infirmer cette décision. Toute demande en rappel de salaire est manifestement irrecevable.
En outre, Monsieur d. C. n'étant pas appelant de la décision de la Commission de Classement, le fait qu'il puisse former des demandes aurait dû être soumis à débat contradictoire des parties sur le fondement de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le classement
Par décision du 6 juillet 2021 la Commission de Classement a refusé la demande de classement en qualité d'Assistant manager, niveau III, échelon 3 de la Convention Collective Nationale Française des Hôtels, Cafés Restaurants du 30 avril 1997, à compter du 1er juin 2013.
En l'espèce, aucun des éléments versés au débat ne permettent de conclure que Monsieur d. C. disposait des qualifications revendiquées, à savoir :
* compétences dans d'autres domaines tels que la gestion et le commandement,
* activité hautement qualifiée,
* pouvoirs de décision concernant en outre les programmes et l'organisation du travail, y compris celui des collaborateurs,
* exercice possible des responsabilités à l'égard des travaux exécutés par ses collaborateurs.
En conséquence, il convient de confirmer la décision de la Commission de Classement du 6 juillet 2021.
Sur les dépens
Chacune des parties succombant, elles conserveront la charge de leurs propres dépens.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Déclare irrecevable les demandes en paiement de rappel de salaire et de congés payés y afférents de Monsieur d. C. ;
Confirme en toutes ses dispositions la décision de la Commission de Classement du 6 juillet 2021 ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;
Composition
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Michel GRAMAGLIA et Jean-Sébastien FIORUCCI, membres employeurs, Messieurs Pierre-Franck CRESPI et Hubert DUPONT-SONNEVILLE, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le quatorze avril deux mille vingt-trois .
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