TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 22 MAI 2023
En la cause de Monsieur A., demeurant x1 à MONACO ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée B. (B.), dont le siège social se situe x2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
Visa
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 22 décembre 2020, reçue le 30 décembre 2020 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 58-2020/2021 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 19 janvier 2021 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur au nom de Monsieur A., en date du 13 janvier 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur au nom de la B., en date 9 février 2023 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur A., et Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la B., en leurs plaidoiries à l'audience du 23 mars 2023 ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs
Monsieur A. est Conducteur receveur au sein de la société anonyme monégasque B. (ci-après B.) depuis le 21 mars 2001. Monsieur A. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 30 décembre 2020 afin d'obtenir :
* 800 euros de non-paiement d'heures de délégation,
* 80 euros de congés payés sur heures de délégation,
* 500 euros de prime exceptionnelle de travaux,
* 50 euros de congés payés sur prime exceptionnelle de travaux,
* 400 euros de coupure non rémunérée,
* 40 euros de congés payés sur coupure non rémunérée,
* 850 euros de reliquat de prime de départ en vacances,
* 85 euros de congés payés sur reliquat de prime de départ en vacances,
* 10.000 euros de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire,
* 10.000 euros de dommages et intérêts pour entrave syndicale, le tout avec intérêts au taux légal et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
À l'audience de conciliation, la B. formait les demandes reconventionnelles suivantes :
* 1.044,24 euros brut au titre des salaires indûment perçus,
* 104,42 euros au titre des congés payés y afférents,
* 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.
Par conclusions récapitulatives du 13 janvier 2023, Monsieur A. ramène ses demandes à 232,23 euros pour les heures de délégation outre 23,22 euros de congés payés et 729,72 euros de reliquat de prime de départ en vacances, outre 72,97 euros de congés payés. Il sollicite à titre subsidiaire la compensation des sommes. Il sollicite également la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Il fait valoir pour l'essentiel que :
Sur les heures de délégation
* en 2019 et 2020 il a participé au congrès de l'Union Syndicale de Monaco au titre de son mandat de Secrétaire Général du syndicat de la B.,
* ces heures ont été retenues à titre de congé sans solde,
* or, le Secrétaire Général, Trésorier et Archiviste d'un syndicat peuvent bénéficier d'heures de délégation « pour l'exercice de leurs fonctions » ;
Sur la prime travaux
* aux termes de la convention collective de la B. la rémunération et les primes sont celles appliquées aux agents de transports urbains de la ville de Nice,
* ces derniers ont bénéficié d'une prime exceptionnelle « travaux » de 2016 à 2018,
* or, les agents de la B. n'en n'ont bénéficié qu'en 2016, alors que l'employeur reconnaît l'existence de travaux impactant le travail de ses conducteurs.
Sur les coupures
* aux termes du protocole d'accord du 5 avril 2000, les coupures d'une durée inférieure ou égale à 1 h 30 sont comptées dans la durée du temps du travail,
* entre 2017 et 2020 Monsieur A. en a décompté 23 qui n'ont pas été rémunérées.
Sur la prime de vacances
* la prime de départ en congés a pour objectif de réduire l'absentéisme,
* elle ne peut dès lors être retirée à un salarié absent suite à un accident du travail,
* la demande pour 2016 n'est pas prescrite, le courrier du greffe renvoyant les parties devant le Bureau de Jugement étant un acte juridique,
* l'article 42 de la loi n° 446 implique que la demande vienne devant le Bureau de Jugement dans le délai d'un mois pour que l'interruption de prescription soit maintenue, et non que des conclusions soient déposées dans ce délai.
Sur les autres demandes
le non-paiement du salaire a entraîné un préjudice important,
* la B. a infligé une sanction financière à son salarié en sa qualité de Secrétaire Général d'un syndicat et partant commis le délit d'entrave,
* les sommes réclamées par la B. n'ont jamais fait l'objet de la moindre demande,
* la B. fait preuve de mauvaise foi et cherche à faire pression sur son salarié,
* si une quelconque somme devait être mise à sa charge il conviendra d'ordonner la compensation,
* Monsieur A. n'a en aucun cas abusé de son droit légitime à ester en Justice,
* la demande au titre des frais irrépétibles de la B. est disproportionnée et irrespectueuse,
* la notion d'équité doit conduire à écarter cette demande.
Par conclusions récapitulatives du 9 février 2023, la B. soulève la prescription de la demande de paiement du reliquat de la prime de départ en vacances et de congés payés et sollicite la condamnation de Monsieur A. à la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
* toute action en contestation d'une prime se prescrit par cinq ans,
* la prime de départ en vacances contestée a été versée le 3 novembre 2016,
* aux termes de l'article 42 de la loi n° 446, la demande devant le Bureau de Conciliation n'interrompt la prescription que si la demande devant le Bureau de Jugement est formée dans le mois de l'audience de conciliation,
* les premières conclusions de Monsieur A. ayant été déposées le 11 novembre 2021, soit presqu'un an après la tenue de l'audience de conciliation, la requête n'a pas interrompu la prescription,
* les premières conclusions étant formulées plus de cinq ans après le paiement de la prime, la demande est prescrite.
Sur les heures de délégation
* la Convention Collective du Travail dans sa partie non étendue n'est pas applicable à la B., qui n'est ni signataire ni affiliée à un syndicat signataire,
* les seules dispositions légales applicables n'instituent pas d'heures de délégation au bénéfice du Secrétaire Général d'un syndicat, mais seulement aux délégués syndicaux,
* ce n'est que dans l'hypothèse où le Secrétaire Général bénéfice déjà d'heures de délégation en qualité de délégué syndical qu'il peut les reporter sur des journées de réunions et congrès de son organisation,
* Monsieur A. a initialement réclamé des journées de congrès auxquelles il n'avait pas participé, en l'état de leur annulation, et pour lesquelles il n'avait subi aucune retenue de salaire sans solde,
* aucune entrave syndicale n'est constituée, Monsieur A. n'ayant pas droit à des heures de délégation,
* la B. n'a jamais refusé la moindre demande d'absence pour motif syndical justifiée.
Sur la prime travaux
* aux termes de la Convention Collective de la B. les primes sont appliquées dans les mêmes conditions que pour les agents des transports urbains de la ville de Nice, en tenant compte du caractère particulier de chaque réseau, ce que Monsieur A. a omis de préciser,
* la prime travaux allouée en 2017 et 2018 aux agents niçois l'a été en indemnisation des phases travaux sur la Promenade des Anglais et sur le tramway,
* elle n'a pour objet que d'indemniser les travaux engagés sur le réseau, et non les travaux intervenant sur le trajet des conducteurs,
* les chauffeurs de la B. n'ayant pas été exposés par des travaux décidés par la B. et impactant son réseau aucune prime n'était due,
* la prime 2016 n'était pas une prime travaux, mais une prime exceptionnelle prévue pour l'ensemble du personnel.
Sur les coupures
* l'accord entre la C. et les organisations syndicales sur le temps non effectif de travail indemnisé n'est pas applicable,
* la Convention Collective de la B. ne précise pas que les éléments pris en compte pour le calcul de la durée du temps de travail doivent être similaires à ceux de l'entreprise de transport de la ville de Nice,
* la réduction négociée du temps de travail auquel l'accord fait référence n'est pas intervenue à Monaco,
* Monsieur A. ne justifie pas de sa demande relative aux coupures non rémunérées.
Sur la prime vacances
* la prime de départ en vacances n'est versée en totalité qu'aux agents comptabilisant moins de dix-sept jours d'absence au cours de la période de référence,
* il n'existe aucune distinction sur le motif de l'absence à prendre en considération.
Sur les demandes reconventionnelles
* Monsieur A. a assisté à deux stages de formation syndicale en 2018 et 2019, dûment autorisés,
* alors que ces périodes n'auraient pas dû être rémunérées, aucun congé sans solde n'a été comptabilisé,
* la B. ne s'était pas aperçue de l'erreur avant la saisine de la juridiction,
* aucune pression n'est exercée par la B. qui ne fait que réclamer son dû selon les formalités légales,
* la procédure de Monsieur A. est abusive et a pour but de porter atteinte à la réputation de son employeur,
* la B. a été contrainte d'engager des frais de défense dans le cadre d'une action nullement étayée par aucun fondement juridique ou élément matériel,
* l'équité commande que Monsieur A. prenne la charge d'une procédure qu'il a volontairement décidé d'initier,
* la demande au titre des frais irrépétibles étant une demande reconventionnelle elle est recevable.
SUR CE,
Sur les heures de délégation
Monsieur A., qui a participé aux congrès de l'Union des Syndicats de Monaco au titre de son mandat de Secrétaire Général, aux mois de mars 2019 et novembre 2020, revendique avoir droit à des heures de délégation pour ce faire et conteste les retenues sur solde opérées par son employeur au titre de congés sans solde. Aux termes de ses courriers de demande d'absence, il sollicitait l'application de l'avenant n° 19 de la Convention Collective Nationale du Travail sur le droit syndical étendu par Arrêté Ministériel du 3 novembre 1981, prévoyant :
* « Dans chaque entreprise comptant au moins quarante salariés et dans la limite de deux jours par année civile, deux délégués des syndicats, élus ou désignés, pourront participer aux réunions statutaires ou aux congrès de leurs organisations (syndicat professionnel et Union des syndicats de Monaco) (…).
* Il s'agit d'un congé sans solde.
* Toutefois, les heures de délégation accordées au titre de leur mission au délégué syndical (article 6 de la loi n° 957) au Secrétaire Général, au Trésorier ou à l'Archiviste du syndicat (article 2 de la Convention Collective Générale) qui n'auraient pas été utilisées pendant le mois en cours ou durant les deux mois précédents, pourront être reportées à cet effet pour qu'une partie au moins de leur absence puisse être rémunérée. ».
Monsieur A. n'étant pas Délégué Syndical, il ne relève pas du report des heures de délégation institué par l'article 6 de la loi n° 957.
Aux termes de l'article 2 de la Convention Collective Nationale du Travail (avenant n° 1), non étendue, « Dans les établissements comptant au moins 10 salariés, le Secrétaire, le Trésorier et l'Archiviste des bureaux syndicaux auront également la possibilité de consacrer à l'exercice de leurs fonctions un maximum de 10 heures par mois, payées comme temps de travail. Il ne pourra y avoir cumul, dans la même entreprise, entre le temps consacré au mandat de délégué et celui consacré à l'exercice des fonctions syndicales ».
La B. soutient que ces dispositions ne lui sont pas opposables compte tenu du fait qu'elles n'ont pas force de loi et qu'elle n'est pas affiliée à la D., ni n'a adhéré à la Convention.
Or, aux termes de l'article 10 de la loi n° 416 du 7 juin 1945, sont tenus par la Convention Collective du Travail :
* les employeurs et les syndicats signataires de la Convention,
* quiconque est, au moment de la signature de la Convention, membre d'un syndicat partie à la Convention, à moins que, dans un délai de huit jours, il n'ait notifié sa démission au syndicat,
* les membres d'un syndicat qui adhère ultérieurement à la Convention, à moins qu'ils ne se retirent dans les conditions énoncées au paragraphe précédent,
* les nouveaux membres entrés dans le syndicat partie à la Convention postérieurement à la publication de la Convention Collective,
* les employeurs n'appartenant pas à un syndicat contractant et qui adhèrent directement à la Convention.
En l'espèce, l'Union des Syndicats de Monaco, dont Monsieur A. est membre, a signé la Convention Collective Nationale du Travail. Le salarié est en conséquence un nouveau membre entré dans le syndicat
parti à la Convention postérieurement à sa publication.
Aux termes de l'article 9 de la loi susvisée « Lorsqu'un contrat individuel intervient entre un salarié et un employeur qui doivent, aux termes de l'article 10 ci-après, être considérés comme soumis l'un et l'autre aux obligations résultant de la Convention Collective, les règles déterminées en cette Convention s'imposent, nonobstant toute stipulation contraire, aux rapports nés de ce contrat de travail ».
Par ailleurs, « Lorsqu'une seule des parties au contrat individuel doit être considérée comme liée par les clauses de la Convention Collective, ces clauses sont présumées s'appliquer aux rapports nés du contrat de travail, à défaut de stipulation contraire ».
Dès lors, l'absence d'adhésion directe ou indirecte de la B. à la Convention Collective Nationale du Travail n'emporte pas inapplicabilité de ses dispositions aux salariés de l'entreprise membres d'un syndicat partie à la Convention. Au contraire, la B. est liée par les clauses de la Convention Collective, pour les membres d'un syndicat partie à la Convention, sauf stipulation contraire particulière dans le contrat de travail.
En l'espèce, il n'est pas établi, ni même soutenu, que le contrat de travail de Monsieur A. exclurait l'application de l'article 2, avenant n° 1, de la Convention Collective Nationale du Travail, ni que les relations de travail seraient régies par une Convention particulière qui différerait dans les modalités d'octroi d'heures de délégation. Ses dispositions sont donc applicables à la relation de travail.
Monsieur A., en sa qualité de Secrétaire d'un syndicat, doit dès lors pouvoir bénéficier d'un maximum de 10 heures par mois payées comme temps de travail afin d'exercer ses fonctions auprès du Bureau Syndical. En l'espèce, la participation au congrès annuel du syndicat répond à cette définition.
Par ailleurs, les dispositions de l'avenant n° 19 susvisé doivent également être appliquées et permettre le report des heures de délégation, accordées au titre de sa mission de Secrétaire du syndicat, non utilisées au cours des deux mois précédents, pour participer aux réunions statutaires ou au congrès de l'Union des Syndicats de Monaco.
Les absences de Monsieur A. des 11 et 12 mars 2019 et 6 octobre 2020 ne dépassant pas le contingent d'heures de délégation (report inclus) auquel il avait droit, il doit percevoir les salaires correspondants indûment retenus. Ils correspondent à la somme de 232,23 euros brut, non contestée, outre 23,22 euros brut de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation.
Sur la prime travaux
Aux termes de l'article VII de la Convention Collective signée entre la B. et le Syndicat du Personnel :
* a) « la rémunération, les échelons d'ancienneté et classification seront ceux appliqués aux Agents des Transports Urbains de la Ville de Nice »,
* b) « les primes seront appliquées dans les mêmes conditions énoncées au paragraphe " a " en tenant compte du caractère particulier de chaque réseau ».
Monsieur A. revendique à ce titre le paiement de deux primes versées aux agents des transports urbains de la Ville de Nice en vertu de deux accords des 6 juin 2017 et 2 juillet 2018 stipulant « une prime dite " travaux " de 250 euros brut est attribuée à tous les conducteurs présents à l'effectif ».
Il soutient, d'une part, que la prime avait été versée en 2016 et que, d'autre part, le réseau urbain monégasque souffre de nombreux travaux au même titre que celui du réseau niçois. Il ressort du protocole d'accord entre E. et la F. que la prime versée en 2016 n'était pas une prime travaux, mais une prime exceptionnelle dans le cadre d'un accord de fin de conflit allouée à l'ensemble du personnel de l'établissement (et non pas uniquement aux conducteurs).
En revanche, il est établi par les échanges avec le transporteur urbain de la Ville de Nice que la prime travaux « a pour fondement l'ensemble des nuisances ressenties par nos CR et les agents d'exploitation ou techniques devant intervenir sur le réseau, pendant les phases de travaux sur la Promenade des Anglais et des travaux du tramway ». Elle ne compense dès lors pas les nuisances rencontrées par le personnel sur le réseau, mais bien celles du réseau lui-même.
En l'espèce, il n'est ni établi, ni même soutenu, que le réseau urbain monégasque ait été affecté par des travaux pour les années revendiquées en sorte que la demande de Monsieur A. sera rejetée.
Quant aux conditions de circulation générales, elles ne sont pas indemnisées dans le cadre de la prime travaux édictée par le transporteur urbain de la Ville de Nice.
Sur les heures de coupure
Aux termes de l'article VII de la Convention Collective signée entre la B. et le Syndicat du Personnel, « la rémunération, les échelons d'ancienneté et classification seront ceux appliqués aux Agents des Transports Urbains de la Ville de Nice ».
Monsieur A. revendique à ce titre l'application du protocole d'accord entre la C. et les syndicats représentant le personnel du 5 avril 2000 qui stipule notamment en son article 2.2 que « Les coupures d'une durée inférieure ou égale à 1 h 30 sont comptées dans la durée du temps de travail ».
Il convient à ce stade de constater que, d'une part, cette réglementation régit le temps de travail et nullement la rémunération, seul élément du contrat de travail auquel la B. est tenue de s'aligner sur les mesures prises pour les transporteurs urbains de la Ville de Nice. D'autre part, cet accord du 5 avril 2000 s'inscrit dans le cadre de la loi française relative à la réduction négociée du temps de travail, qui ne trouve aucun corollaire dans la législation monégasque.
Ainsi, les salariés ne sont pas placés dans des conditions de travail identiques et ne peuvent valablement se prévaloir des modalités d'aménagements prévus pour leurs homologues niçois.
En tout état de cause, Monsieur A., sur lequel la charge de la preuve incombe, n'apporte strictement aucun élément pouvant démontrer qu'il aurait accompli des coupures de durées inférieures ou égales à 1 h 30.
Sa demande sera en conséquence rejetée.
Sur la prime de vacances
Il est constant que les conducteurs de la B. ont droit à une prime de départ en vacances en application des avantages perçus par leurs homologues niçois. Elle est rappelée à l'occasion de la conclusion de chaque protocole d'accord.
Il est par ailleurs constant que ne sont éligibles à cette prime que les conducteurs comptabilisant moins de 17 jours d'absence sur la période considérée pour son calcul.
Monsieur A. revendique le paiement de la prime de vacances éligible au 3 novembre 2016 au motif qu'il serait contraire à l'esprit de l'accord, dont l'objet est de lutter contre l'absentéisme, d'en priver les salariés absents pour un accident du travail.
Aux termes de l'article 2.044 du Code civil, les actions réelles mobilières et les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de les exercer.
Aux termes de l'article 42 alinéa 4 de la loi n° 446, la demande devant le Bureau de Conciliation interrompt la prescription si la demande devant le Bureau de Jugement est formée dans le mois de l'audience de conciliation.
En l'espèce, Monsieur A. a formé sa demande devant le Bureau de Conciliation le 30 décembre 2020, soit cinq ans avant le délai de prescription de son action. En revanche, il n'a formé sa demande devant le Bureau de Jugement que le 11 novembre 2021, soit plus d'un mois après l'audience de conciliation, en sorte que la demande devant le Bureau de Conciliation n'a pas interrompu la prescription et que le premier acte interruptif de prescription, le dépôt des conclusions, est intervenu après l'expiration du délai de prescription, échu au 3 novembre 2021.
Il convient de rappeler que la convocation adressée par le Secrétariat du Tribunal du travail ne peut aucunement être assimilé juridiquement à une demande formée par le demandeur (quand bien même elle reprend les termes du procès-verbal de conciliation), si ce n'est à considérer que le Secrétariat serait la partie demanderesse à l'action.
La demande de Monsieur A. étant prescrite elle sera rejetée. Il peut néanmoins être indiqué que les règles d'attribution des primes ont été librement négociées par les parties et sont parfaitement claires, les salariés absents pour quelque cause que ce soit 17 jours ou plus n'y étant pas éligibles.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Monsieur A. sollicite 10.000 euros de dommages et intérêts pour non-paiement des salaires.
À l'issue de l'analyse, il apparaît qu'il a été privé d'une somme totale de 255,45 euros pour les années 2019 et 2020. Si cette privation résulte d'une faute de l'employeur, le préjudice du salarié doit être réparé à la hauteur du dommage qu'il a réellement subi. En l'espèce, Monsieur A. n'apporte aucun élément permettant au Tribunal d'apprécier la réalité de son préjudice, encore moins son ampleur au regard du montant sollicité.
En conséquence, il convient de réparer le préjudice moral lié au fait d'avoir eu à solliciter son dû en justice et de condamner la B. à lui verser la somme de 500 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Monsieur A. sollicite 10.000 euros de dommages et intérêts pour entrave syndicale. L'entrave syndicale se définit comme l'atteinte volontaire aux règles protégeant les représentants des institutions représentatives du personnel.
En l'espèce, aucun élément ne permet de considérer que la B. a volontairement fait une mauvaise application du régime applicable à Monsieur A..
En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour entrave syndicale sera rejetée.
Sur les autres demandes
La B. sollicite la condamnation de Monsieur A. à la somme de 1.044,24 euros brut au titre de salaires indûment perçus, outre 104,42 euros au titre des congés payés y afférents.
Il est établi et reconnu que Monsieur A. s'est absenté pour deux stages de formation syndicale en 2018 et 2019. Aucune disposition ne prévoit que ces périodes d'absence soient rémunérées. Monsieur A. n'a par ailleurs pas pris de congés payés lors de ces absences. Elles n'auraient en conséquence pas dû être rémunérées.
Aucune disposition légale n'interdit à un employeur de solliciter le remboursement d'une somme indûment versée à l'occasion de la relation de travail, ni de le faire à l'occasion d'une procédure initiée par le salarié, les dispositions de l'article 55 de la loi n° 446 prévoyant au contraire que le Tribunal du travail connaît de toutes les demandes reconventionnelles ou en compensation qui, par leur nature, rentrent dans sa compétence.
Il convient en conséquence de condamner Monsieur A. à verser à la B. les sommes de 1.044,24 euros brut et 104,42 euros brut, avec intérêts au taux légal à compter de l'audience de conciliation.
La demande de Monsieur A. étant partiellement fondée, la demande de dommages et intérêts de la B. pour procédure abusive sera rejetée.
En application des dispositions des articles 1137 et 1138 du Code civil, il convient d'ordonner la compensation des dettes respectives des parties pour les créances salariales.
En revanche, il n'est pas possible de compenser les sommes dues en brut avec les dommages et intérêts et la demande sera partiellement rejetée.
Chacune des parties succombant partiellement il convient de dire qu'elles conserveront la charge de leurs propres dépens. Dans ces conditions, les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
Les créances de nature salariale bénéficient de l'exécution provisoire de plein droit en application de l'article 202 du Code de procédure civile. Pour le surplus, il est nécessaire d'ordonner l'exécution provisoire compte tenu des circonstances de la cause, la relation de travail perdurant entre les parties.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Fixe à 232,23 euros brut (deux cent trente-deux euros et vingt-trois centimes) la somme due par la société anonyme monégasque dénommée B. à Monsieur A. au titre du rappel de salaires pour heures de délégation, outre 23,22 euros brut (vingt-trois euros et vingt-deux centimes) de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation ;
Condamne la S. A. M. B. à verser à Monsieur A. la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour non-paiement des salaires, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Rejette le surplus de la demande ;
Fixe à 1.044,24 euros brut mille quarante-quatre euros et vingt-quatre centimes) la somme due par Monsieur A. à la B. au titre des salaires indûment perçus, outre 104,42 euros brut (cent quatre euros et quarante-deux centimes), avec intérêts au taux légal à compter de l'audience de conciliation ;
Déboute Monsieur A. de sa demande au titre de la prime exceptionnelle travaux ;
Déboute Monsieur A. de sa demande au titre des heures de coupure ;
Déboute Monsieur A. de sa demande au titre de la prime de départ en vacances ;
Déboute Monsieur A. de sa demande de dommages et intérêts pour entrave syndicale ;
Déboute la S. A. M. B. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;
Déboute Monsieur A. et la S. A. M. B. de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;
Ordonne la compensation entre les dettes de rémunération des parties ;
Rejette la demande pour le surplus ;
Condamne en conséquence Monsieur A. à payer à la B. la somme résiduelle de 893,21 euros brut (huit cent quatre-vingt-treize euros et vingt et un centimes), avec intérêts au taux légal à compter de l'audience de conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Ordonne l'exécution provisoire ;
Composition
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs José GIANNOTTI et Jean-François MUFRAGGI, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA et Monsieur Walter DERI, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt-deux mai deux mille vingt-trois.
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