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07/06/2023 | MONACO | N°30014

Monaco | Tribunal du travail, 7 juin 2023, Madame A. c/ La société anonyme monégasque dénommée B.


TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 JUIN 2023

En la cause de Madame A., demeurant x1 à NICE (06000) ;

Demanderesse, comparaissant en personne ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe x2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET avocat-défenseur près la même Cour ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir

délibéré conformément à la loi ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 212-2013/2014 ;

Vu le jugement avant-dire-droit au fo...

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 JUIN 2023

En la cause de Madame A., demeurant x1 à NICE (06000) ;

Demanderesse, comparaissant en personne ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe x2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET avocat-défenseur près la même Cour ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 212-2013/2014 ;

Vu le jugement avant-dire-droit au fond du Tribunal du travail en 28 juillet 2016 ;

Vu le jugement mixte du Tribunal du travail en date du 12 avril 2018 ;

Vu le jugement avant-dire-droit au fond du Tribunal du travail en date du 7 mars 2019 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Madame A., en personne, en date du 12 octobre 2022 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. B., en date du 15 décembre 2022 ;

Ouï Madame A., en personne, en ses observations et explications à l'audience du 9 mars 2023 ;

Ouï Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la S. A. M. B., en sa plaidoirie, à l'audience du 9 mars 2023 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Madame A. a été employée à compter du 1er décembre 2009 en qualité de Responsable export avec le statut de Cadre par la société anonyme monégasque B., suivant contrat à durée indéterminée.

Par lettre du 15 février 2013 remise en mains propres, elle s'est vue notifier son licenciement sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963. Elle a été dispensée de l'exécution de son préavis.

Madame A. a contesté son licenciement. Suite à un procès-verbal de non-conciliation du 5 mai 2014, elle a attrait la S. A. M. B. devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir - après que cette dernière ait été contrainte à produire aux débats le contrat, le mode de calcul des primes et des fiches de paie de son prédécesseur (homme), les contrats et les éléments de rémunération de Monsieur C. et Madame D., les pointages de ses heures de bureau du 1er décembre 2009 au 15 février 2013, sa boîte professionnelle e-mail, ainsi que tous éléments administratifs et comptables relatifs à la matérialité des trente-cinq salons et missions effectués - paiement des sommes suivantes :

* 74.000,36 euros au titre des primes de résultats calculées de manière égale par rapport à celles de son prédécesseur (homme), compte tenu des 6.403,79 euros déjà versés,

* 116.207,51 euros au titre des 1.699,98 heures supplémentaires effectuées à la demande de l'employeur,

* 50.519,34 euros à titre d'indemnité de réparation pour travail dissimulé (six mois de rémunération brute, heures supplémentaires et primes de résultats comprises), accompagnée des versements nécessaires aux organismes sociaux,

* 50.519,34 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat (six mois de rémunération brute, heures supplémentaires et primes de résultats comprises),

* 50.519,34 euros à titre d'indemnité de réparation pour atteinte grave au droit constitutionnel à la santé de la salariée (six mois de rémunération brute, heures supplémentaires et primes de résultats comprises),

* 40.000 euros à titre d'indemnité en réparation de son préjudice moral,

* 12.562,11 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement (6.206,33 euros déjà versés),

* 9.454,59 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés (2.724,30 euros déjà perçus),

* 1.000 euros à titre d'indemnité supplémentaire de réparation pour travail dissimulé effectué au cours de son congé maladie du 31 janvier 2011 au 4 février 2011,

avec intérêts au taux légal à compter de la date du fait générateur par application de la loi n° 990 du 30 novembre 1996.

Elle a également sollicité la délivrance de ses bulletins de paie rectifiés, du certificat et de l'attestation Pôle Emploi conformes, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Cette affaire a fait l'objet de plusieurs décisions :

* Un jugement avant-dire-droit au fond du Tribunal du travail en date du 28 juillet 2016 ;

* Un jugement mixte du Tribunal du travail en date du 12 avril 2018 ;

* Un jugement avant-dire-droit au fond en date du 7 mars 2019 ;

* Un arrêt de la Cour d'Appel de Monaco en date du 26 mai 2020 ;

* Deux Arrêts de la Cour de révision en date des 8 avril 2021 et 14 octobre 2021 ;

Par conclusions considérées comme récapitulatives en date du 12 octobre 2022, Madame A. sollicite de :

* condamner la S. A. M. B. à verser à Madame A. un montant total de 74.000,36 euros compte tenu des 6.403,79 euros déjà versés dont :

* 20.110 euros brut soit 17.500 euros net de primes de résultats correspondants aux minimums garantis, soit 1.750 euros net au titre de la saison hiver 2010, 3.500 euros net pour la saison hiver 2011, 3.500 euros net pour la saison hiver 2012, 3.500 euros net pour la saison été 2012, 3.500 euros pour la saison hiver 2013 et 1.750 euros net pour la saison été 2013,

* 37.743 euros brut au titre des primes de résultats de la saison été 2010 correspondants au différentiel de progression avec la saison été 2009,

* 23.471 euros brut au titre des primes de résultats de la saison été 2011 correspondants au différentiel de progression avec la saison été 2010,

* les demandes ci-dessus devront être rectifiées à hauteur de – 6.403,79 euros de primes variables déjà versées et – 919,85 euros au total compte tenu de la demande initiale d'un montant de 74.000,36 euros brut,

* constater que le Tribunal du travail dans sa décision du 12 avril 2018, s'est prononcé uniquement sur les demandes à hauteur de 414,75 heures supplémentaires pour l'année 2010 et 411 heures supplémentaires pour l'année 2011 soit 825,75 heures supplémentaires au total,

* constater que la demande initiale comporte 1.699,98 heures supplémentaires et que Madame A. n'a été déboutée d'aucune demande d'heures supplémentaires au titre de l'année 2012 ni au titre de ses heures de trajets et heures supplémentaires du samedi correspondant aux 35 salons et missions et figurent dans les demandes non tranchées du jugement du Tribunal du travail du 12 avril 2018,

* condamner la S. A. M. B. à verser à Madame A. un montant total de 114.512,76 euros de rappel d'heures supplémentaires dont :

* 32.284,61 euros correspondant à la majoration des heures supplémentaires mentionnées à hauteur de 7.916 euros au titre des heures supplémentaires effectuées au bureau en 2010,

* 421 heures supplémentaires effectuées au bureau pour l'année 2011 pour un montant total de 23.478,35 euros,

* neuf dimanches travaillés pour un montant total de 7.059,8 euros,

* neuf samedis travaillés pour un montant total de 5.429,48 euros,

* 244 heures supplémentaires pour l'année 2012 pour un montant total de 9.755,79 euros,

* 549,60 heures de trajets pour un montant total de 36.504,73 euros,

* condamner la S. A. M. B. à verser à Madame A. une indemnité de rectification à due concurrence, de l'indemnité de congédiement prévue par la Loi n° 846, déduction faite des 6.206,33 euros déjà versés. Montant 8.701,81 euros,

* condamner la S. A. M. B. à verser à Madame A. une rectification d'indemnité de congés payés déduction faite des 2.724,30 euros déjà perçus. Montant 9.454,59 euros,

* condamner la S. A. M. B. à remettre à Madame A., sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ses nouveaux bulletins de paie rectifiés, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes,

* condamner la S. A. M. B. au versement, au bénéfice de Madame A., des intérêts légaux à la date du fait générateur par application de la loi n° 990 du 30 novembre 1996,

* condamner la S. A. M. B. au paiement de la somme de 25.000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens,

* attribuer à Madame A. le bénéfice de l'exécution provisoire,

* condamner la S. A. M. B. aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives en date du 15 décembre 2022, la S. A. M. B. entend voir :

in limine litis constater la péremption de l'instance,

à titre principal

* constater l'autorité de la chose jugée pour la demande relative au paiement d'heures supplémentaires afférentes aux années 2010 et 2012,

* dire et juger les demandes formulées par Madame A. en paiement d'heures supplémentaires afférentes aux années 2010 et 2012 comme étant irrecevables,

* dire et juger la demande de rappel d'heures supplémentaires formulée par Madame A. pour l'année 2011 comme étant déjà réalisée,

* constater le paiement des primes comme ayant été déjà réalisé par la S. A. M. B.,

* dire et juger que Madame A. a été entièrement remplie de ses droits à indemnité de licenciement et à indemnité de congés payés,

à titre subsidiaire

* dire et juger que le quantum des sommes dues au titre des heures supplémentaires jugées dues pour l'année 2011 sera limité à la somme de 8.610,97 euros,

en conséquence

* débouter Madame A. de toutes demandes, fins et conclusions, en ce compris la demande formulée au titre de l'exécution provisoire et celle au titre des frais irrépétibles,

à titre infiniment subsidiaire sur l'exécution provisoire

* autoriser la S. A. M. B. à consigner une valeur suffisante pour garantir le montant d'une quelconque condamnation, au regard des conséquences excessives que cette dernière occasionnerait,

* dire et juger que quelconque condamnation assortie du bénéfice de l'exécution provisoire devra être soumise à la constitution préalable par Madame A. d'une garantie suffisante à répondre de toute restitution ou réparation éventuelle au regard des conséquences excessives de l'exécution provisoire,

en tout état de cause

* débouter Madame A. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

* condamner Madame A. au paiement de la somme de 25.000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens,

* condamner Madame A. aux entiers dépens envers le Trésor, en application des dispositions de l'article 51 de la Loi n° 448 du 16 mai 1946.

SUR CE,

Sur la péremption d'instance

La S. A. M. B. soulève in limine litis la péremption de l'instance en invoquant les dispositions du jugement du 7 mars 2019 et les articles 405 et 407 du Code de procédure civile.

La loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 entrée en vigueur le 17 février 2022, portant réforme de la procédure civile a modifié les articles relatifs à la péremption d'instance. Les nouvelles dispositions contenues dans les articles 405 et 407 du Code de procédure civile sont d'application immédiate aux instances en cours.

Ainsi, la péremption de l'instance est acquise lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir des diligences dans un délai de deux ans.

En l'espèce, par jugement du 7 mars 2019, le Tribunal a ordonné le retrait de la procédure du rang des affaires en cours et dit qu'elle sera rappelée à la première audience utile, à la demande de l'une quelconque des parties ou d'office par le Tribunal, dès qu'une décision définitive aura été rendue dans cette procédure.

Ce jugement mixte du Tribunal du travail a fait l'objet d'un appel et d'un pourvoi en révision qui s'est traduit par deux décisions des 8 avril 2021 et 14 octobre 2021. Le Tribunal du travail a notifié aux parties la remise au rôle de l'affaire le 22 octobre 2021 soit dans les délais requis.

La péremption d'instance n'est donc pas acquise.

Sur l'irrecevabilité des demandes de paiement

La S. A. M. B. soulève l'irrecevabilité des demandes de paiement du fait de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée.

En réponse à ces arguments, il apparaît nécessaire de faire un rappel chronologique des décisions rendues :

Par jugement avant-dire-droit au fond du 28 juillet 2016, le Tribunal du travail a ordonné à la société anonyme monégasque B. de produire aux débats l'intégralité des bulletins de paie de Monsieur E. (pour toute la période d'exécution de son contrat de travail) et de justifier du calcul de sa rémunération variable (un ou deux postes) en fonction de l'évolution des chiffres d'affaires en cause (clients exports, nouveaux clients ; certifiés par les commissaires aux comptes), en fournissant une explication plus précise sur les raisons objectives justifiant la différence de rémunération avec Madame A. (salaire fixe et rémunération variable) et a débouté Madame A. du surplus de ses demandes.

Par jugement mixte du 12 avril 2018, le Tribunal du travail a considéré que le licenciement de Madame A. par la S. A. M. B. n'était pas abusif et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Concernant les demandes au titre du travail dissimulé, il a débouté la demanderesse relevant qu'il s'agissait d'une notion inexistante en droit du for de sorte que Madame A. ne saurait prétendre à une quelconque indemnisation à ce titre.

En revanche, il a condamné la S. A. M. B. à payer à Madame A. les sommes suivantes :

* 3.000 euros (trois mille euros) en réparation du préjudice subi au titre de l'atteinte à la santé. Il a motivé ainsi l'indemnisation accordée de ce chef : «  la durée hebdomadaire de travail de Madame A. était de 39 heures mais qu'elle avait effectué des heures supplémentaires à hauteur de 414,75 heures pour l'année 2010 et 421 heures pour l'année 2011.

Le Tribunal a également relevé que lesdites heures supplémentaires n'avaient pas été payées à la salariée, l'employeur se fondant sur une convention de forfait annulée par la présente décision.

Bien plus, l'employeur ne justifie avoir obtenu de l'inspecteur du travail aucune des dérogations exceptionnelles, qu'il s'agisse de la durée maximale hebdomadaire absolue ou de la durée maximale hebdomadaire moyenne prévues par l'article 5 alinéa 2 de l'Ordonnance-Loi n° 677 du 2 décembre 1959 ainsi que par l'Ordonnance n° 5505 du 9 janvier 1975.

Madame A. n'a pas plus pu bénéficier d'un repos compensateur d'une durée égale aux 10 dimanches travaillés conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi n° 822 du 23 juin 1967. La législation d'ordre public régissant la durée du travail est destinée à préserver non seulement la vie privée du salarié mais aussi et surtout sa santé physique et mentale ainsi que son équilibre personnel. Il en est résulté pour Madame A. un arrêt de travail en partie en lien avec la violation par l'employeur des dispositions visées supra ».

* 5.000 euros (cinq mille euros) en réparation de son préjudice moral en lien avec la violation par l'employeur du principe d'égalité hommes/femmes telle qu'il a été retenu supra.

Ce jugement a constaté que l'inégalité de traitement que subit Madame A. en comparaison avec son collègue masculin Monsieur E. n'était pas justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute volonté de discrimination, et revêtait donc un caractère illicite.

Avant-dire-droit sur le montant des sommes susceptibles d'être allouées à Madame A., à titre de rappel de primes, il a été :

* ordonné la réouverture des débats et enjoins à la S. A. M. B. de produire une attestation de Monsieur Jean-Paul SAMBA, Expert-Comptable, détaillant les chiffres d'affaires des clients export et les chiffres d'affaires des nouveaux clients export pour les exercices :

* 01.10.2010 / 30.09.2011 ;

* 01.10.2011 / 30.09.2012 ;

* 01.10.2012 / 30.09.2013.

* dit que la S. A. M. B. est redevable envers Madame A. d'heures supplémentaires à hauteur de 414,75 heures pour l'année 2010 et 421 heures pour l'année 2011 et a travaillé dix dimanches sans avoir bénéficié d'un repos compensateur d'une durée égale conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi n° 822 du 23 juin 1967.

* sursis à statuer sur le montant des sommes dues à ce titre par la S. A. M. B. dans l'attente du calcul des primes éventuellement dues à la salariée.

Ce jugement a également débouté Madame A. de sa demande au titre du travail dissimulé et réservé le surplus des demandes des parties.

Les parties ayant formé appel de ce jugement, le Tribunal du travail, par une décision du 7 mars 2019, a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes non tranchées par le jugement mixte rendu dans l'attente de l'arrêt devant être rendu par la Cour d'appel de Monaco. Dans sa motivation, il est précisé que la communication de pièces ordonnée est liée à la reconnaissance d'une discrimination salariale homme / femme, laquelle est contestée par l'employeur dans le cadre de la procédure d'appel, que la communication de ces pièces conditionnera le calcul des sommes éventuellement dues au titre de rappel de primes en raison de la discrimination subies ainsi que pour les heures supplémentaires.

Par arrêt du 26 mai 2020, la Cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf à préciser que Madame A. a travaillé neuf dimanches sans avoir bénéficié de repos compensateur.

Concernant la discrimination salariale, la Cour a constaté l'existence d'une identité de tâches et de fonctions entre les deux salariés avec un mode de calcul de leurs primes distinct non justifié par l'employeur par des éléments objectifs. La Cour a indiqué que la demanderesse pouvait prétendre à une prime sur le chiffre d'affaires des clients export et des nouveaux clients exports.

Concernant les heures supplémentaires, la Cour a estimé que la demanderesse devait produire un décompte établi par semaine civile et a retenu 421 heures pour 2011 et 414, 75 heures pour 2010. Elle a constaté que la demanderesse avait été déboutée de sa demande pour 2012.

Par arrêt du 8 avril 2021, la Cour de révision a considéré que la Cour d'appel avait à bon droit constaté une inégalité de traitement des deux salariés, que les heures supplémentaires étaient dues à hauteur de 421 heures pour 2011 et a cassé l'arrêt en raison de l'absence de base légale pour le calcul des heures supplémentaires dues en 2010.

Par arrêt du 14 octobre 2021, la Cour de révision a prononcé l'infirmation de la condamnation en paiement des heures supplémentaires au titre de l'année 2010 et a débouté Madame A. à ce titre. Elle a renvoyé devant le Tribunal du travail les questions non encore tranchées.

En conséquence, au regard des demandes initiales et des décisions ayant force de chose jugée, le présent litige ne peut porter que sur :

* les heures supplémentaires dues en 2011 à hauteur de 421 heures incluant le paiement des 9 dimanches,

* le rappel des primes dues sur la base d'une inégalité de traitement.

Les demandes de paiement relatives aux heures supplémentaires pour l'année 2012, aux heures de trajet et heures supplémentaires du samedi correspondant aux 35 salons et missions, à la majoration des heures supplémentaires en 2010, aux neuf samedis travaillés sont irrecevables en application des règles énoncées ci-dessus.

Sur le quantum dû au titre des heures supplémentaires pour 2011 et les neuf dimanches travaillés

* Concernant les heures supplémentaires de 2011 : La demanderesse sollicite à ce titre une somme de 23.478,35 euros.

En défense, il est soulevé que le paiement des heures supplémentaires au titre de l'année 2011 a déjà été réalisé et qu'en tout état de cause, le quantum de la somme due sera limité à la somme de 8.610,97 euros. À l'appui de ses prétentions, la défenderesse produit, notamment, une attestation du Directeur Général du 22 mai 2012 qui indique que Madame A. a perçu au titre de l'année 2011 une rémunération nette de 41.472,93 euros dont 8.610,97 euros fixés forfaitairement pour 421 heures supplémentaires.

Il convient d'observer que cette attestation a déjà été écartée par les décisions précédentes relevant, notamment, qu'il ne pouvait pas être retenu une base forfaitaire sur les heures supplémentaires. Il a également été jugé définitivement que la demanderesse a droit à une indemnité au titre des 421 heures supplémentaires effectuées en 2011.

Ainsi, pour procéder à la liquidation de cette indemnité, le mode de calcul retenu correspond à la prise en compte, pour chaque semaine concernée, du salaire horaire brut en appliquant un pourcentage de majoration (par exemple 25 %) en fonction des heures effectivement travaillées. La demanderesse sollicite une somme de 23.478,35 euros sans apporter un décompte précis par semaine sur cette base.

En conséquence, il convient de prononcer la réouverture des débats pour justification de la somme sollicitée au regard du mode de calcul attendu.

Sur l'indemnité due au titre des neuf dimanches travaillés

La demanderesse sollicite une somme de 7.059,8 euros.

Au regard des pièces fournies et du mode de calcul applicable, la somme due est de 2.639,52 euros (taux horaire brut de 18,8 x 2 x 7, 80 euros soit 293,28 euros par dimanche x 9) à laquelle il faudra ajouter 10 % d'indemnité de congés payés soit un total de 2.903,47 euros.

Sur la demande au titre du rappel des primes en application de l'égalité de traitement

Il a été définitivement jugé que Madame A. a subi une discrimination salariale avec un mode de calcul des primes distinct non justifié par l'employeur. La Cour a précisé que la demanderesse pouvait prétendre à une prime sur le chiffre d'affaires des clients export et des nouveaux clients export et qu'à ce titre elle a droit à un rappel de primes pendant la durée de son contrat de travail soit du 1^(er) décembre 2009 au 20 mai 2013.

Concernant les modalités de calcul des primes, la comparaison des contrats de travail entre les deux salariés fait apparaître des indications supplémentaires pour Monsieur E. concernant la partie variable soit :

Des primes semestrielles et versées à chaque saison avec :

* 1 % de différentiel de progression du chiffre d'affaires export,

* 1 % de différentiel de progression du chiffre d'affaires des nouveaux clients export,

* une déduction de 0,5 % du différentiel de baisse des clients export en général.

Aucun plafond n'était prévu pour l'attribution de ces primes et, en tout état de cause, un minimum annuel de 7.000 euros net était prévu en deux versements. Contrairement aux affirmations de la S. A. M. B., aucun élément versé aux débats ne vient conditionner l'attribution de cette prime à la réalisation d'objectifs.

Concernant l'assiette du calcul de ces primes, injonction a été faite à un expert- comptable de communiquer pour les exercices 2010 / 2011, 2011 / 2012 et 2012 / 2013 le chiffre d'affaires des clients export et des nouveaux clients export.

Les éléments chiffrés par l'expert servent de base de calcul à la juridiction en l'absence d'éléments circonstanciés et objectifs soulevés par la demanderesse et permettant de les écarter. Le chiffre d'affaires des clients export marque une baisse continue (- 78.839 euros entre l'exercice 2009 / 2010 et 2010 / 2011, - 1.651.822 euros entre l'exercice 2010 / 2011 et 2011 /2012, - 1.026.150 euros entre l'exercice 2011 / 2012 et l'exercice 2012 / 2013) ce qui exclut donc un rappel de prime variable à ce titre.

Le chiffre d'affaires des nouveaux clients export marque entre l'exercice 2010 / 2011 et 2011 / 2012 un différentiel négatif de 560.054 euros et un solde positif de 169.097 euros pour les exercices suivants.

Au regard des modalités de calcul des primes contenues dans le contrat de travail de Monsieur E., Madame A. ne peut prétendre à aucun rappel de prime variable pour l'exercice 2011 / 2012. Concernant l'exercice 2012 / 2013, si la progression du chiffre d'affaires est positive, la baisse des clients export en général sur le même exercice annule la possibilité d'accorder une prime.

En revanche, Madame A. a droit à l'attribution de la prime annuelle de 7.000 euros pendant toute la durée de son contrat de travail soit pour les années 2010, 2011, 2012 et pour les six premiers mois entre décembre 2012 et mai 2013 à un montant total de 24.500 euros, somme à laquelle il faut ajouter 10 % d'indemnité de congés payés.

Dans le cadre de la réouverture des débats concernant le versement de l'indemnité due au titre des heures supplémentaires de 2011, le rappel des indemnités de licenciement sera examiné dans sa globalité ainsi que l'éventuel reliquat concernant l'indemnité des congés payés et la question des intérêts légaux.

Sur l'exécution provisoire

Au regard des dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile et de l'ancienneté du litige, l'exécution provisoire sera appliquée pour les condamnations prononcées.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement par Jugement mixte, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette la demande soulevée in limine litis relative à la péremption de l'instance ;

Du fait de l'unicité de l'instance (article 42 de la loi n° 446 portant création du Tribunal du travail) et des décisions passées en force jugée, déclare irrecevable les demandes de paiement relatives aux heures supplémentaires pour l'année 2012, aux heures de trajet et heures supplémentaires du samedi correspondant aux trente-cinq salons et missions, à la majoration des heures supplémentaires en 2010 et aux neuf samedis travaillés ;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Madame A. la somme de 2.639,52 euros (deux mille six cent trente-neuf euros et cinquante-deux centimes) à laquelle il faut ajouter 10 % d'indemnité de congés payés soit 2.903,472 euros (deux mille neuf cent trois euros et quatre cent soixante-douze centimes) au titre des neuf dimanches travaillés ;

Condamne la S. A. M. B. à verser à Madame A. la somme de 24.500 euros (vingt-quatre mille cinq cents euros) somme à laquelle il faudra ajouter 10 % d'indemnité de congés payés soit 26.950 euros (vingt-six mille neuf cent cinquante euros) au titre du rappel de prime annuelle pour les années 2010, 2011, 2012 et pour les six premiers mois entre décembre et mai 2013 ;

Prononce l'exécution provisoire concernant lesdites condamnations ;

Prononce la réouverture des débats pour le calcul de l'indemnité au titre des heures supplémentaires dues en 2011 et renvoie la cause et les parties à l'audience du JEUDI 12 OCTOBRE 2023 à 14 HEURES ;

Réserve le surplus des demandes ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Françoise BARBIER-CHASSAING, Président du Tribunal de première instance, faisant fonction de Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO et Émile BOUCICOT, membres employeurs, Madame Nathalie VIALE et Monsieur Maximilien AGLIARDI, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le sept juin deux mille vingt-trois.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30014
Date de la décision : 07/06/2023

Analyses

La S. A. M. B. soulève l'irrecevabilité des demandes de paiement du fait de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée. Au regard des demandes initiales et des décisions ayant force de chose jugée, le présent litige ne peut porter que sur les heures supplémentaires dues en 2011 à hauteur de 421 heures incluant le paiement des 9 dimanches, et le rappel des primes dues sur la base d'une inégalité de traitement. Les demandes de paiement relatives aux heures supplémentaires pour l'année 2012, aux heures de trajet et heures supplémentaires du samedi correspondant aux 35 salons et missions, à la majoration des heures supplémentaires en 2010, aux neuf samedis travaillés sont irrecevables.

Rupture du contrat de travail  - Procédure civile.

Autorité de la chose jugée – Recevabilité des demandes.


Parties
Demandeurs : Madame A.
Défendeurs : La société anonyme monégasque dénommée B.

Références :

loi n° 1.511 du 2 décembre 2021
loi n° 990 du 30 novembre 1996
article 202 du Code de procédure civile
articles 405 et 407 du Code de procédure civile
article 51 de la Loi n° 448 du 16 mai 1946
Ordonnance n° 5505 du 9 janvier 1975
article 5 alinéa 2 de l'Ordonnance-Loi n° 677 du 2 décembre 1959
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 5 de la loi n° 822 du 23 juin 1967


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2023-06-07;30014 ?

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