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LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 16 décembre 2022, reçue le 20 décembre 2022 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 37-2022/2023 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 janvier 2023 ;
Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Céline MARTEL-EMMERICH, avocat-défenseur au nom de Monsieur e. A., en date du 1er juin 2023 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S. A. B., en date du 13 avril 2023 ;
Après avoir entendu Maître Pascal DE SOUZA, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur e. A., et Maître Sophie MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la S. A. B., en leurs plaidoiries à l'audience du 29 juin 2023 ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs
Monsieur e. A. a été embauché par l'B. (ci-après l'B.) en qualité de « Responsable de la réhabilitation et de la prévention » par un contrat à durée indéterminée à compter du 7 octobre 2019. Il a été licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 par courrier du 8 mars 2021.
Monsieur e. A. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 20 décembre 2022, afin d'obtenir 200.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive en réparation du préjudice morale et financier, avec intérêts au taux légal et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.
Par conclusions considérées comme récapitulatives du 1er juin 2023, Monsieur e. A. fait valoir pour l'essentiel que :
• son activité de physiothérapeute couvrait aussi bien ses activités au sein du club mais également celles à titre personnel auprès de Monsieur d.D, actionnaire principal,
• lors du changement de directeur sportif en 2020, ses projets ont été brutalement abandonnés,
• Monsieur e. A. a alors été mis au placard avant d'être licencié,
• plusieurs spécialistes du club ont alors été abusivement licenciés en l'espace de quelques mois,
• il convient que l'B. produise aux débats les mouvements du personnel pour justifier du nombre de personnes licenciées sans mise en œuvre de licenciement collectif,
• le licenciement repose sur une volonté de nuire,
• Monsieur e. A. n'avait jamais fait l'objet de la moindre remarque,
• l'employeur aurait dû faire preuve d'une plus grande considération à son égard en prenant le soin d'expliquer les raisons de la décision de licenciement compte tenu de son dévouement et des conditions de son embauche, Monsieur e. A. ayant abandonné des projets professionnels et sa cellule familiale pour venir s'installer à Monaco dans un projet à long terme,
• il a été particulièrement choqué et désemparé de recevoir une convocation à entretien préalable,
• l'entretien n'a duré que quelques secondes et n'a permis aucun débat contradictoire,
• la décision de licenciement avait en réalité déjà été prise,
• le licenciement a été brutal,
• Monsieur e. A. s'est vu immédiatement retiré tout le matériel à usage professionnel mais également personnel,
• il s'est vu retirer le véhicule de fonction, qui est considéré comme un avantage, ce qui a entraîné une diminution de son salaire, ce qui ne peut être le cas avant l'expiration du préavis.
Par conclusions du 13 avril 2023, l'B. sollicite le débouté de Monsieur e. A., outre 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
• le licenciement n'a pas été brutal,
• Monsieur e. A. a été informé qu'un licenciement était envisagé près de deux semaines avant que la décision n'ait été prise et notifiée,
• il a été reçu à un entretien au cours duquel la mesure envisagée a été discutée,
• ce n'est que cinq jours après que la décision a été prise,
• l'absence de reproches antérieurs ne peut restreindre la portée de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, d'autant moins pour un salarié n'ayant qu'un an et demi d'ancienneté,
• la remise de la convocation à entretien préalable ne peut être brutale et ne l'a aucunement été en l'espèce,
• le déménagement de Monsieur e. A. ne confère pas à son licenciement un caractère abusif,
• il ne pouvait valoir renonciation de la part de son employeur du droit de rompre unilatéralement le contrat,
• Monsieur e. A. n'a nullement été « placardisé » et ne le démontre pas,
• la dispense d'exécution du préavis relève du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas vexatoire,
• son matériel professionnel ne lui étant plus d'aucune utilité, il était naturel que sa restitution soit demandée,
• le préjudice n'est nullement étayé.
SUR CE,
L'employeur dispose, sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, d'un droit autonome et unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celle-ci.
Ce texte n'instaurant toutefois pas un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier, non pas la cause de la rupture, mais le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié, d'une part, et les circonstances ayant entouré la rupture, d'autre part.
Concernant le respect des droits du salarié, il convient de s'assurer que le licenciement ne soit pas intervenu sur un faux motif ou avec intention de nuire.
Il ne ressort d'aucune exigence légale ou jurisprudentielle que les conditions d'embauche puissent influer sur les modalités de rupture du contrat, le fait qu'un salarié ait été ou non débauché, ou ait eu ou non à déménager ne pouvant en aucune manière restreindre la liberté contractuelle. Ainsi, l'employeur demeure libre de rompre le contrat de travail en toutes hypothèses.
En outre, en l'espèce, il convient de noter que Monsieur e. A., qui prétend avoir abandonné des projets professionnels d'importance afin de venir s'installer en Principauté de Monaco, produit des attestations faisant état de collaborations en Russie ayant cessé en 2020, soit postérieurement à l'embauche, en sorte que le lien de causalité n'est nullement démontré.
Monsieur e. A. prétend également que l'B. aurait dissimulé un licenciement économique. Or, alors que la charge de la preuve lui incombe, il procède par voie d'allégations et n'apporte strictement aucun élément au soutien de sa thèse.
Concernant les circonstances ayant entouré la rupture, il convient de s'assurer que le licenciement n'a pas été mis en œuvre de façon brutale, vexatoire ou avec légèreté blâmable.
En l'espèce, Monsieur e. A., employé depuis un an et quatre mois, s'est vu remettre le 24 février 2021 une convocation à entretien préalable. Si cette remise a pu être inattendue, il convient de rappeler que c'est le licenciement qui doit être exempt de toute brutalité, et non la convocation à entretien qui, en l'espèce, ne recèle rien de vexatoire. En prenant le soin de convoquer son salarié à un entretien, dans un délai raisonnable, l'employeur a entouré l'annonce de la rupture d'égards et n'a pas agi avec brutalité.
L'employeur n'a par ailleurs pas fait usage de mesures vexatoires et a intégralement rempli le salarié de ses droits.
Monsieur e. A. déplore la demande de restitution immédiate du matériel mis à sa disposition, qui présenterait un caractère vexatoire et lui aurait causé un préjudice. La dispense d'exécution du préavis relève du pouvoir de direction de l'employeur qui ne commet pas de faute lorsqu'il rémunère son salarié et n'agit pas ainsi pour le stigmatiser ou le priver de ses droits. Il convient de rappeler qu'aux termes du contrat de travail, le matériel remis à Monsieur e. A. (véhicule, téléphone, ordinateur) était conditionné à une utilisation professionnelle. Dispensé d'exécution de son préavis, il n'avait plus à utiliser ce matériel. Concernant la question de savoir si le véhicule était un avantage devant être pris en compte dans le calcul du salaire de Monsieur e. A., ce dernier n'a élevé aucune contestation à l'égard du solde de tout compte et ne forme aucune demande en réparation de l'éventuelle perte de salaire en sorte que cette récrimination est sans objet.
À l'issue de l'analyse de la procédure, il apparaît que le licenciement de Monsieur e. A. est régulier sur le fond et sur la forme. Il sera en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes.
Monsieur e. A. succombant dans l'intégralité de ses demandes il convient de le condamner aux entiers dépens.
En équité, la demande de l'B. au titre des frais irrépétibles sera rejetée.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Rejette l'intégralité des demandes de Monsieur e. A. ;
Condamne Monsieur e. A. aux entiers dépens ;
Rejette la demande de la société anonyme dénommée B. au titre des frais irrépétibles ;
Composition
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO et Monsieur Jean-François MUFRAGGI, membres employeurs, Messieurs Jean-Pierre MESSY et Maximilien AGLIARDI, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le quinze septembre deux mille vingt-trois.
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