Abstract
Congés payés – Indemnités de licenciement – Licenciement abusif (oui)
Résumé
La S. A. M. F. était redevable de la somme de 25.847,40 euros. Monsieur c. A. ayant déjà perçu la somme de 23.254,71 euros, il lui restait à percevoir celle de 2.592,69 euros. La S. A. M. F. est en conséquence condamnée à verser à Monsieur c. A. la somme de 1.862,46 euros brut (somme réclamée), à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
En l'espèce, les commissions querellées proviennent du travail accompli par Monsieur c. A. au mois d'avril 2018, soit le mois précédant le licenciement. Face à un salarié commissionné dont le montant du salaire était variable, la fixation d'une moyenne de rémunération annuelle, telle qu'accomplie par le salarié, est conforme à une juste indemnisation de son licenciement. Néanmoins, le salarié n'a pas accompli une moyenne sur 12 mois, mais sur 13. En effet, il a pris comme base de calcul les salaires d'avril 2017 à avril 2018 (commissions payées en mai et juin incluses), soit 13 mois, puis divisé le tout par 12. Son calcul est donc faussé. Il convenait en réalité de prendre les salaires de mai 2017 à avril 2018 (commissions payées en mai et juin incluses) pour arriver à un salaire annuel de 225.041,95 euros, soit un salaire mensuel moyen de 18.753,50 euros. Avec une ancienneté de 18 ans et 5 mois, Monsieur c. A. avait droit à une indemnité de licenciement de 165.780,94 (18.753,50 x 221 mois / 25) euros, limitée à la somme de 112.521 (18.753,50 x 6) euros correspondant à six mois de salaire. Monsieur c. A. ayant déjà perçu la somme de 77.262,31 euros, il lui reste à percevoir celle de 35.258,69 euros, à titre de solde d'indemnité de licenciement que la S. A. M. F. est condamnée à lui verser avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation.
L'employeur dispose, sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, d'un droit autonome et unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celle-ci. Ce texte n'instaurant toutefois pas un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier, non pas la cause de la rupture, mais le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié, d'une part, et les circonstances ayant entouré la rupture, d'autre part. Concernant le respect des droits du salarié, il convient de s'assurer que le licenciement ne soit pas intervenu sur un faux motif ou avec intention de nuire. En l'espèce, le licenciement est intervenu dans le cadre d'un climat de travail malsain et de pressions, comme l'a relevé le Tribunal du travail. La Cour d'appel a quant à elle jugé que « le management mis en œuvre par m.C au sein de la S. A. M. F. a conduit à l'instauration d'un climat de tension et s'est traduit à l'encontre de plusieurs salariés, dont c. A., par des méthodes et des propos vexatoires et menaçants ». La volonté de nuire au salarié était confirmée par les événements devant se dérouler ensuite. Alors qu'aucune décision n'était prétendument prise et que le salarié était convoqué à un nouvel entretien, il était dispensé de présence mais surtout tous ses accès étaient suspendus. Il était ensuite licencié immédiatement après le second entretien, preuve qu'aucun délai de réflexion n'était en réalité nécessaire pour l'employeur. En réalité, Monsieur c. A., dont la majorité de la rémunération était composée de sa commission, se voyait ainsi privé de la possibilité de conclure de nouveaux contrats et de recevoir une rémunération convenable sur les derniers mois de la relation de travail. Par ailleurs, alors que le salaire de Monsieur c. A. se calculait commissions incluses, l'employeur arrêtait son solde de tout compte à la somme de 36.023,28 euros. Après calcul définitif il avait en réalité droit à la somme supplémentaire de 145.893,01 euros. En privant Monsieur c. A. d'un montant extrêmement important, la S. A. M. F. a agi avec l'intention de lui nuire et de lui causer un préjudice financier. Le licenciement de Monsieur c. A. est en conséquence abusif et ouvre droit à réparation de son préjudice financier. Si la totalité du manque à gagner revendiqué par Monsieur c. A. depuis la cessation de la relation de travail est documenté, il convient de rappeler que le contrat de travail n'a pas de vocation perpétuelle, même pour un salarié ayant une ancienneté importante. Ainsi, même dans l'hypothèse d'un licenciement abusif, il n'y a pas lieu à réparation de la totalité de la différence de rémunération au cours de l'intégralité de la vie de travail du salarié. En outre, Monsieur A. a déjà vu sa perte d'emploi partiellement compensée par l'allocation d'une indemnité de licenciement d'un montant total de 112.521 euros. Il est néanmoins indéniable que Monsieur c. A. a subi une importante dévaluation de revenus, s'étant retrouvé au chômage pendant un an et demi, avant de retrouver un emploi à mi-temps pour un revenu bien inférieur et ce alors qu'il était âgé de 57 ans au moment du licenciement. Dans ces conditions, il convient de condamner la S. A. M F. à lui verser la somme de 200.000 euros, correspondant à environ un an de salaire, en réparation de son préjudice matériel.
Concernant les circonstances ayant entouré la rupture, il convient de s'assurer que le licenciement n'a pas été mis en œuvre de façon brutale, vexatoire ou avec légèreté blâmable. En ne remplissant pas le salarié de l'intégralité de ses droits, l'employeur a commis une faute. Elle est en outre, en l'espèce, particulièrement importante et a causé un préjudice manifeste au regard du delta entre les modiques sommes versées et celles en réalité dues. Par ailleurs, la mise en œuvre du licenciement a été particulièrement brutale et vexatoire. Monsieur c. A., âgé de 57 ans et qui disposait de plus de 18 ans d'ancienneté a été congédié du jour au lendemain, invité à quitter les lieux sur-le-champ sans aucune explication. Il convient en conséquence de condamner la S. A. M. F. à lui verser la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 15 SEPTEMBRE 2023
* En la cause de Monsieur c. A., demeurant x1 à BEAUSOLEIL (06240) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
* La société anonyme monégasque dénommée F., en abrégé F., dont le siège social se situe x2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Grégoire GAMERDINGER, avocat-stagiaire ;
d'autre part ;
Visa
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 56-2018/2019 ;
Vu le jugement mixte du Tribunal du travail en date du 23 septembre 2021 ;
Vu les jugements avant-dire-droit du Tribunal du travail en date des 24 février 2022 et 25 avril 2022 ;
Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de Monsieur c. A., en date du 26 juin 2023 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. F., en date du 11 mai 2023 ;
Après avoir entendu Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur c. A., et Maître Grégoire GAMERDINGER, avocat-stagiaire, substituant Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la S. A. M. F., en leurs plaidoiries à l'audience du 29 juin 2023 ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs
Monsieur c. A. a été employé par la société anonyme monégasque F. (ci-après F.) à compter du 6 mars 2000, en dernier lieu comme Négociateur immobilier. Il a été licencié le 24 mai 2018 sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
Il a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 21 novembre 2018, en dédommagement de la mauvaise exécution du contrat de travail, de la rupture abusive du contrat de travail et en paiement des indemnités consécutives à la rupture.
Par jugement mixte du 23 septembre 2021, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé de la cause, le Tribunal du travail a :
* • prononcé la nullité de l'attestation produite en pièce n° 42 par Monsieur c. A.,
* • condamné la S. A. M. F. à payer à Monsieur c. A. :
* • 33.538,89 euros brut à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3.881,95 euros brut de congés payés y afférents,
* • 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour mauvaise exécution du contrat de travail,
* • rejeté la forclusion soulevée par la S. A. M. F.,
* • rejeté la demande d'irrecevabilité de la pièce n° 55 produite par Monsieur c. A.,
* • avant-dire-droit sur les compléments d'indemnités de licenciement et de congés payés ;
* • ordonné la réouverture des débats et :
* • enjoint à la S. A. M. F. de produire tous documents comptables concernant les ventes et locations ayant donné lieu au paiement de la somme totale de 58.670,40 euros à titre de commissions et permettant de déterminer la date à laquelle l'employeur a perçu ses honoraires sur lesdites ventes et locations,
* • enjoint aux parties de procéder au calcul de l'indemnité de congés payés due au salarié conformément aux dispositions des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, selon la méthode la plus favorable pour le salarié et pour chaque période de référence,
* • réservé les demandes en rappel d'indemnité de licenciement et d'indemnité de congés payés, ainsi que sur le caractère abusif du licenciement et la demande de rectification des documents de fin de contrat,
* • réservé les dépens.
Suite à appel parte in qua interjeté par la S. A. M. F. le 7 janvier 2022, le Tribunal du travail a, par jugements avant-dire-droit des 24 février 2022 et 25 avril 2022, ordonné la réouverture des débats sur le point de savoir si les demandes réservées pouvaient être tranchées en l'état de l'appel, puis ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur l'appel.
Par arrêt du 21 mars 2023, la Cour d'appel a :
* • déclaré recevable l'appel formé par la S. A. M. F.,
* • confirmé le jugement en ses dispositions soumises à la Cour.
Par conclusions du 26 juin 2023, Monsieur c. A. forme les demandes suivantes :
* • 1.862,46 euros brut de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,
* • 39.196,36 euros d'indemnité de licenciement,
* • dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :
* • 500.000 euros de préjudice matériel,
* • 50.000 euros de préjudice moral,
* • intérêts légaux sur le montant des sommes à régler et ce à compter de la citation en conciliation,
* • la délivrance de la documentation sociale rectifiée,
* • l'exécution provisoire,
* • 11.450 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
* • les dépens.
Il fait valoir pour l'essentiel que :
* • l'ensemble des rémunérations fixes ou variables doivent servir de base de calcul aux indemnités de fin de contrat,
* • l'ensemble des primes et commissions des douze mois précédant le licenciement doivent être intégrées, outre celles malicieusement versées après pour substantiellement amputer la base de calcul,
* • les commissions versées au mois de mai 2018 concernaient un travail direct accompli par Monsieur c. A. avant son licenciement,
* • la base salariale s'établi donc à 19.409,78 euros brut de salaire moyen,
* • l'indemnité de congés payés se calcule par périodes de référence,
* • en partant du 1er mai 2017, sur quatorze mois, Monsieur c. A. a perçu 190.489,24 euros de commissions, soit un commissionnement mensuel moyen de 13.606,37 euros, à ajouter au salaire de base,
* • concernant le mois de juillet 2018, il faut ajouter un commissionnement au prorata de dix-sept jours ouvrés, soit 9.252,34 euros,
* • sur la période de 1er mai 2017 au 30 avril 2018, la méthode du dixième est la plus favorable au salarié,
* • sur la période du 1er mai 2018 au 24 juillet 2018 c'est celle du maintien de salaire,
* • Monsieur c. A. n'a pas été intégralement rempli de ses droits à indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés, ce qui constitue un abus,
* • en outre, les circonstances ayant entouré le licenciement ont été abusives,
* • il a été victime de conditions de travail inappropriées et traumatisantes,
* • la détérioration de ses conditions de travail s'est accélérée avec l'arrivée de Madame s.B, qui a délibérément œuvre dans le but de le pousser à démissionner,
* • un plan général avait été mis en place pour changer les équipes, réduire les charges de personnel et notamment celles générées par les négociateurs immobiliers commissionnés,
* • eu égard à son ancienneté et à son taux de commissionnement, Monsieur c. A. était visé,
* • en mars 2018, l'accès à l'agence a soudainement été restreint,
* • cela actait un manque de confiance à l'égard de Monsieur c. A., quelques que soit les raisons de sécurité invoquées,
* • au mois d'avril 2018 il a perçu des sommes au titre de ses congés payés ne correspondant pas à celles appliquées habituellement,
* • la modification soudaine et intempestive du mode de calcul lui a causé un préjudice,
* • les modalités de mise en œuvre de son licenciement ont délibérément entravé l'exercice de son activité professionnelle, qui plus est au moyen de mesures vexatoires,
* • à l'issue du premier entretien, il a été dispensé d'exécution de son contrat de travail et ses accès internet ont été immédiatement suspendus,
* • il a dû déguerpir sur-le-champ d'une société avec laquelle il avait travaillé plus de dix-huit ans,
* • au cours du second entretien, il lui a été notifié son licenciement,
* • cela a jeté l'opprobre sur lui auprès de ses collègues, confrères et clients,
* • la société F. a dévoyé l'utilisation de l'article 6,
* • elle s'est dissimulée derrière l'article 6 car elle ne disposait d'aucun motif permettant de licencier Monsieur c. A. et qu'elle n'était pas parvenue à le faire démissionner,
* • la dispense d'exécution du préavis avait pour finalité d'empêcher Monsieur c. A. de générer de nouvelles ventes à son profit, donc des commissions susceptibles d'augmenter son indemnisation,
* • le solde de tout compte n'a aucunement rempli le salarié de ses droits,
* • la première erreur reconnue se portait à hauteur de 67.413,35 euros,
* • elle n'a été rectifiée que sur la réclamation du salarié,
* • cette somme ne correspond toujours pas à ce qui lui est dû en intégralité,
* • le licenciement a été brutal, l'employeur ne disposant d'aucun grief à son encontre,
* • Monsieur c. A. ne pouvait imaginer que son licenciement serait enclenché ensuite de sa légitime réclamation au titre des modalités de calcul des congés payés,
* • il a été privé d'une importante partie de sa rémunération et ce pendant plusieurs mois,
* • il a été licencié à l'âge de 57 ans,
* • son revenu a été considérablement amputé,
* • s'il a retrouvé un emploi, ce n'est qu'à compter du 1er juillet 2020, à durée déterminée, à mi-temps et pour un revenu inférieur,
* • sur la seule période du 20 septembre 2018 au 6 avril 2022, il a perdu environ 730.000 euros et ses points retraite ont été directement impactés,
* • il a subi un préjudice moral du fait de l'imprévisibilité de la rupture, de la brutalité de sa mise en œuvre, de l'atteinte à sa réputation et de l'intention de nuire qui a présidé à la décision de licenciement.
Par conclusions du 11 mai 2023, la S. A. M. F. s'en remet à la juridiction pour la détermination du reliquat des sommes dues à Monsieur c. A. au titre de la rupture du contrat de travail et sollicite son débouté sur ses demandes au titre du licenciement ainsi que sa condamnation à 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
* • elle n'a aucunement agi avec une quelconque intention de nuire,
* • elle a convoqué Monsieur c. A. à deux entretiens,
* • le salarié a été dispensé de l'exécution de son contrat de travail jusqu'à la date du second entretien afin de lui permettre de réfléchir et de prendre conseil éventuellement,
* • les accès internet du salarié ont été suspendus pendant la durée de l'absence de ce dernier pour des raisons tenant à la sécurité et à la confidentialité des données clients,
* • la dispense de préavis n'est pas en soi abusive ou vexatoire,
* • la gestion comptable de la société est externalisée et des erreurs sont apparues dans le solde de tout compte, lesquelles ont été immédiatement et spontanément rectifiées,
* • elle estimait de bonne foi que le salaire de base à prendre en compte pour le calcul des sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail ne devait pas inclure les commissions dues,
* • dans la mesure où elle n'a commis aucun abus dans la prise de décision, Monsieur c. A. ne saurait obtenir l'indemnisation de son préjudice financier et matériel,
* • en tout état de cause, le demandeur ne démontre pas l'étendue de son préjudice matériel,
* • il ne produit aucun justificatif de recherche d'emploi,
* • le demandeur n'étaye pas plus son préjudice moral.
SUR CE,
* Sur les congés payés
Aux termes du jugement mixte du 23 septembre 2021, le Tribunal du travail a invité les parties à procéder au calcul de l'indemnité de congés payés selon la méthode la plus favorable au salarié sur la base :
* • soit du 10ème de la rémunération totale reçue au cours de la période de référence (règle dite du dixième),
* • soit du salaire qui aurait été perçu par le salarié pendant la période de congé s'il avait continué à travailler (règle du maintien de salaire),
et pour chaque période de référence.
Au regard des bulletins de salaire, Monsieur c. A. a perçu la somme totale de 167.693,86 euros entre le 1er mai 2017 et le 30 avril 2018.
Son salaire mensuel moyen était donc de 13.974,49 euros.
Il bénéficiait sur la période de 29 jours de congés payés.
En application de la règle du dixième, il avait droit à 16.769,39 euros
En application de la règle du maintien de salaire, il avait droit à 16.210,41 euros (13.974,49/25x29), et non pas 19.452,48 euros comme réclamé par Monsieur c. A. qui prend erronément comme salaire moyen mensuel le dixième et non pas la somme de 13.974,49 euros.
La règle du dixième étant la plus favorable, il convient de retenir le montant de 16.769,39 euros.
Au regard des bulletins de salaire, Monsieur c. A. a perçu la somme totale de 90.780,05 euros entre le 1er mai 2018 et le 24 juillet 2018.
Son salaire mensuel moyen était donc de 22.695 euros.
Il bénéficiait sur la période de 6,24 jours de congés payés.
En application de la règle du dixième, il avait droit à 9.078,01 euros.
En application de la règle du maintien de salaire, il avait droit à 5.664,67 euros.
La règle du dixième étant la plus favorable, il convient de retenir le montant de 9.078,01 euros.
La S. A. M. F. était en conséquence redevable de la somme de 25.847,40 euros. Monsieur c. A. ayant déjà perçu la somme de 23.254,71 euros, il lui restait à percevoir celle de 2.592,69 euros. La S. A. M. F. est en conséquence condamnée à verser à Monsieur c. A. la somme de 1.862,46 euros brut (somme réclamée), à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
* Sur l'indemnité de licenciement
Par jugement mixte du 23 septembre 2021, le Tribunal du travail a indiqué :
« L'indemnité de licenciement devant être calculée sur le salaire perçu le mois précédant la rupture, la commission due après le départ du salarié ne doit pas être retenue pour le calcul du salaire journalier, à charge pour l'employeur de démontrer qu'il ne disposait pas des éléments permettant son calcul à la date de la rupture du contrat de travail.
En effet, seul l'employeur est en possession des éléments permettant de déterminer la date de paiement de ses honoraires, laquelle conditionne le paiement au demandeur de sa commission ».
En l'espèce, les commissions querellées consistent en du travail accompli par Monsieur c. A. au mois d'avril 2018, soit le mois précédant le licenciement.
Face à un salarié commissionné dont le montant du salaire était variable, la fixation d'une moyenne de rémunération annuelle, telle qu'accomplie par le salarié, est conforme à une juste indemnisation de son licenciement. Néanmoins, le salarié n'a pas accompli une moyenne sur 12 mois, mais sur 13. En effet, il a pris comme base de calcul les salaires d'avril 2017 à avril 2018 (commissions payées en mai et juin incluses), soit 13 mois, puis divisé le tout par 12. Son calcul est donc faussé.
Il convenait en réalité de prendre les salaires de mai 2017 à avril 2018 (commissions payées en mai et juin incluses) pour arriver à un salaire annuel de 225.041,95 euros, soit un salaire mensuel moyen de 18.753,50 euros. Avec une ancienneté de 18 ans et 5 mois, Monsieur c. A. avait droit à une indemnité de licenciement de 165.780,94 (18.753,50 x 221 mois / 25) euros, limitée à la somme de 112.521 (18.753,50 x 6) euros correspondant à six mois de salaire. Monsieur c. A. ayant déjà perçu la somme de 77.262,31 euros, il lui reste à percevoir celle de 35.258,69 euros, à titre de solde d'indemnité de licenciement que la S. A. M. F. est condamnée à lui verser avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation.
* Sur le licenciement
L'employeur dispose, sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, d'un droit autonome et unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celle-ci.
Ce texte n'instaurant toutefois pas un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier, non pas la cause de la rupture, mais le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié, d'une part, et les circonstances ayant entouré la rupture, d'autre part.
Concernant le respect des droits du salarié, il convient de s'assurer que le licenciement ne soit pas intervenu sur un faux motif ou avec intention de nuire.
En l'espèce, le licenciement est intervenu dans le cadre d'un climat de travail malsain et de pressions, comme l'a relevé le Tribunal du travail. La Cour d'appel a quant à elle jugé que « le management mis en œuvre par m.C au sein de la S. A. M. F. a conduit à l'instauration d'un climat de tension et s'est traduit à l'encontre de plusieurs salariés, dont c. A., par des méthodes et des propos vexatoires et menaçants ».
Dans ce contexte de travail délétère depuis plusieurs années, Monsieur c. A. a, le 9 mai 2018, contesté la méthode de calcul de ses congés payés. En réponse, Madame s.B répondait « Je vous rappelle qu'F. agit toujours en conformité avec la loi. Les congés soldés en fin de période ont été calculés sur la base du maintien de salaire afin d'être régularisés, selon la méthode la plus avantageuse en fonction de l'entière période de référence. Je vous précise que nous travaillons avec le Cabinet Billon Conseil, référence en matière sociale à Monaco, avec lequel nous procèderons à la régularisation des congés payés en ce sens sur les paies du mois de mai ».
La lecture même de cette phrase interroge, puisque tout en indiquant respecter la loi et utiliser la méthode la plus avantageuse, Madame s.B annonce que la situation sera régularisée.
En effet, pour 12,5 jours de congés payés pris au mois d'avril 2018, Monsieur c. A. avait été réglé de 1.040,36 euros brut. Or, au mois de mai 2018, il a perçu 10.612,42 euros brut de régularisation. Sa réclamation était non seulement parfaitement fondée mais la réponse de Madame s.B était mal venue au regard du montant du manque à gagner pour le salarié lors de la réception de son bulletin de salaire.
Le 18 mai 2018, soit une semaine après, Madame s.B a remis en mains propres un courrier de convocation à entretien préalable devant se tenir le jour même à 16 heures 30. L'enchaînement de la mise en œuvre du licenciement suite à la légitime réclamation du salarié, dont la teneur pourtant justifiée avait offusqué la direction, démontre que cette mesure était une rétorsion à son comportement.
La volonté de nuire au salarié était par ailleurs confirmée par les événements devant se dérouler ensuite.
Alors qu'aucune décision n'était prétendument prise et que le salarié était convoqué à un nouvel entretien, il était dispensé de présence mais surtout tous ses accès étaient suspendus. Il était ensuite licencié immédiatement après le second entretien, preuve qu'aucun délai de réflexion n'était en réalité nécessaire pour l'employeur. En réalité, Monsieur c. A., dont la majorité de la rémunération était composée de sa commission, se voyait ainsi privé de la possibilité de conclure de nouveaux contrats et de recevoir une rémunération convenable sur les derniers mois de la relation de travail.
Par ailleurs, alors que le salaire de Monsieur c. A. se calculait commissions incluses, l'employeur arrêtait son solde de tout compte à la somme de 36.023,28 euros. Après calcul définitif il avait en réalité droit à la somme supplémentaire de 145.893,01 euros.
En privant Monsieur c. A. d'un montant extrêmement important, la S. A. M. F. a agi avec l'intention de lui nuire et de lui causer un préjudice financier.
Le licenciement de Monsieur c. A. est en conséquence abusif et ouvre droit à réparation de son préjudice financier. Si la totalité du manque à gagner revendiqué par Monsieur c. A. depuis la cessation de la relation de travail est documenté, il convient de rappeler que le contrat de travail n'a pas de vocation perpétuelle, même pour un salarié ayant une ancienneté importante. Ainsi, même dans l'hypothèse d'un licenciement abusif, il n'y a pas lieu à réparation de la totalité de la différence de rémunération au cours de l'intégralité de la vie de travail du salarié.
En outre, Monsieur A. a déjà vu sa perte d'emploi partiellement compensée par l'allocation d'une indemnité de licenciement d'un montant total de 112.521 euros.
Il est néanmoins indéniable que Monsieur c. A. a subi une importante dévaluation de revenus, s'étant retrouvé au chômage pendant un an et demi, avant de retrouver un emploi à mi-temps pour un revenu bien inférieur et ce alors qu'il était âgé de 57 ans au moment du licenciement.
Dans ces conditions, il convient de condamner la S. A. M F. à lui verser la somme de 200.000 euros, correspondant à environ un an de salaire, en réparation de son préjudice matériel.
Concernant les circonstances ayant entouré la rupture, il convient de s'assurer que le licenciement n'a pas été mis en œuvre de façon brutale, vexatoire ou avec légèreté blâmable.
En ne remplissant pas le salarié de l'intégralité de ses droits, l'employeur a commis une faute. Elle est en outre, en l'espèce, particulièrement importante et a causé un préjudice manifeste au regard du delta entre les modiques sommes versées et celles en réalité dues.
Par ailleurs, la mise en œuvre du licenciement a été particulièrement brutale et vexatoire. Monsieur c. A., âgé de 57 ans et qui disposait de plus de 18 ans d'ancienneté a été congédié du jour au lendemain, invité à quitter les lieux sur-le-champ sans aucune explication.
Il convient en conséquence de condamner la S. A. M. F. à lui verser la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
* Sur les autres demandes
Il convient d'ordonner à la S. A. M. F. de rectifier l'ensemble de la documentation sociale dans le sens du présent jugement.
La S. A. M. F. succombant, elle sera condamnée aux entiers dépens, y compris ceux réservés par jugements des 23 septembre 2021, 24 février 2022 et 25 avril 2022.
Compte tenu de la longueur de la procédure et du coût qu'elle a engendré pour Monsieur c. A., il est équitable de condamner la S. A. M. F. à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et de rejeter sa demande au même titre.
La nécessité que soit prononcée l'exécution provisoire n'étant pas justifiée par Monsieur c. A., il n'y a pas lieu de l'ordonner pour le surplus.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Condamne la société anonyme monégasque dénommée F. en abrégé F. à verser à Monsieur c. A. la somme de 1.862,46 euros brut (mille huit cent soixante-deux euros et quarante-six centimes) à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Condamne la S. A. M. F. à verser à Monsieur c. A. la somme de 35.258,69 euros (trente-cinq mille deux cent cinquante-huit euros et soixante-neuf centimes) à titre de solde d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation ;
Dit que le licenciement est abusif ;
Condamne la S. A. M. F. à verser à Monsieur c. A. la somme de 200.000 euros (deux cent mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Dit que le licenciement a été mis en œuvre de manière brutale, vexatoire et abusive ;
Condamne la S. A. M. F. à verser à Monsieur c. A. la somme de 25.000 euros (vingt-cinq mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Ordonne à la S. A. M. F. de procéder à la rectification de l'ensemble de la documentation sociale ;
Condamne la S. A. M. F. aux entiers dépens, y compris ceux réservés par jugements des 23 septembre 2021, 24 février 2022 et 25 avril 2022 ;
Condamne la S. A. M. F. à verser à Monsieur c. A. la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre des frais irrépétibles ;
Rejette le surplus des demandes de Monsieur c. A. ;
Rejette la demande de la S. A. M. F. au titre des frais irrépétibles ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus ;
Composition
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO et Monsieur Jean-François MUFRAGGI, membres employeurs, Messieurs Jean-Pierre MESSY et Maximilien AGLIARDI, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le quinze septembre deux mille vingt-trois.
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