Abstract
Contrat de travail - Requalification des CDD et CDI (oui) - Non-respect du principe à travail égal salaire égal (non) - Gens de maison - Possibilité de travail le dimanche - Jours fériés - Droit à compensation - Licenciement sans motif - Énonciation tardive d'un motif - Droit à indemnité (oui) - Rupture abusive (oui) - Motif fallacieux
Résumé
Le demandeur a bénéficié à compter du 1er janvier 2002 de 34 CDD renouvelés sans aucune discontinuité. La permanence indéniable de la situation a eu pour effet de modifier la nature des rapports juridiques unissant les parties, lesquelles étaient ainsi liées par un contrat à durée indéterminée depuis le 1er janvier 2002.
La différence de salaires entre le demandeur et les autres employés ayant les mêmes fonctions étant justifiée par l'ancienneté, la demande de rappel de salaires est rejetée.
Aux termes de l'article 3 de la loi n° 822 du 23 juin 1967, le repos hebdomadaire des gens de maison peut être donné un autre jour que le dimanche, la demande de rappel de salaire au titre des dimanches travaillés et congés payés y afférents sera en conséquence rejetée. En revanche, aux termes de la loi n° 800 du 18 février 1966, s'il n'y a pas d'obligation de chômage le jour férié pour les gens de maison, ils ont toutefois droit, en plus du salaire correspondant au travail, à une indemnité égale au montant du salaire ou à un repos compensateur rémunéré et ce même lorsque le jour férié correspond au jour de repos hebdomadaire du salarié. Les ayants-droits de l'employeur seront donc condamnés au titre du rappel de salaires sur ce fondement.
Même si la réalité de la suppression du poste du demandeur est avérée, l'employeur n'a énoncé le motif du licenciement que deux mois après le congédiement. Il s'agit donc d'un licenciement sans énonciation de motif ouvrant droit à une indemnité de licenciement.
La rupture du contrat a eu lieu pour un motif fallacieux, celui de non-renouvellement de contrat à durée déterminée. Le demandeur s'est retrouvé, à 60 ans, après plus de 16 ans de service licencié sans le règlement de la moindre indemnité ce qui lui a causé un préjudice. Il est alloué 35 000 euros de dommages-intérêts.
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 15 DÉCEMBRE 2023
N° 14-2018/2019
* En la cause de Monsieur t. A., demeurant x1 à NICE (06000) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
* - Monsieur t. B., décédé le jma, ayant demeuré de son vivant « x2 », x2 à MONACO ;
Et :
* - Monsieur b. C., né le jma à Damas en Syrie, de nationalité monégasque, demeurant x2 à MONACO ;
* - Monsieur k. C., né le jma à Beyrouth au Liban, de nationalité américaine, demeurant x3 (U. S. A.– 75230) ;
* - Monsieur h. C., né le jma à Beyrouth au Liban, de nationalité américaine, demeurant x4(U. S. A. – 29910),
* - Monsieur g. C., né le jmaà Beyrouth au Liban, de nationalité américaine, demeurant x5 (U. S. A. – 89141),
intervenants volontaires venant aux droits de feu Monsieur t. B., représenté par Monsieur b. C., selon mandats du 9 mai 2022 ;
Défendeurs, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la même Cour ;
d'autre part ;
Visa
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
* Vu la requête introductive d'instance en date du 6 août 2018, reçue le 13 août 2018 ;
* Vu la procédure enregistrée sous le numéro 14-2018/2019 ;
* Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 30 octobre 2018 ;
* Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur t. A., en date du 15 juin 2023 ;
* Vu les conclusions récapitulatives de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur aux noms de Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., en date du 12 octobre 2023 ;
* À l'audience publique du 19 octobre 2023, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 15 décembre 2023, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;
* Vu les pièces du dossier ;
Motifs
Monsieur t. A. a été régulièrement engagé par Monsieur t. B. à diverses reprises entre les années 1988 et 1994. Il a à nouveau été engagé à compter du 1^er janvier 2002 en qualité de Chauffeur de maître par contrée à durée déterminée de 6 mois. Il verra son contrat renouvelé, pour six mois, à chaque expiration de contrat et ce à 34 reprises, jusqu'au 30 avril 2018, échéance du dernier contrat non renouvelé.
Monsieur t. A. a saisi le Tribunal du travail par requête déposée le 22 juin 2018. Monsieur t. B. reconnaissait alors que le contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée et remettait à Monsieur t. A. :
* un bulletin de salaire pour juin 2018,
* un certificat de travail,
* un nouveau solde de tout compte,
* une attestation Pôle Emploi rectificative,
* un chèque de 25.063,53 euros.
Monsieur t. A. maintenait toutefois sa procédure et déposait une nouvelle requête le 13 août 2018 aux fins d'obtenir :
* la reconnaissance de la nature indéterminée du contrat de travail,
* l'analyse de la rupture du contrat en un licenciement,
* 76.000 euros de rappel de salaire (notamment travail égal salaire égal – dimanche et jours fériés),
* 7.600 euros de congés payés sur rappel de salaire,
* 2.000 euros de complément d'indemnité de préavis,
* 200 euros de complément de congés payés sur préavis,
* 3.000 euros de complément d'indemnité de congédiement,
* 27.000 euros d'indemnité de licenciement (avant déduction de l'indemnité de congédiement),
* 90.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
* les intérêts,
* l'exécution provisoire.
À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.
Monsieur t. B. est décédé le jma. Le 12 janvier 2023 les héritiers de Monsieur t. B. intervenaient volontairement à la procédure.
Par conclusions récapitulatives du 15 juin 2023, Monsieur t. A. sollicite :
* la reconnaissance de la nature indéterminée du contrat de travail,
* l'analyse de la rupture du contrat en un licenciement,
* 37.500 euros de rappel de salaire sur le principe travail égal salaire égal, outre 3.750 euros de congés payés y afférents,
* 1.250 euros de complément d'indemnité de préavis, outre 125 euros de congés payés y afférents,
* 1.416 euros de complément d'indemnité de congédiement,
* 4.998,40 euros de rappel de salaire au titre des dimanches travaillés non rémunérés, outre 499,84 euros de congés payés y afférents,
* 3.204,16 euros de rappel de salaire au titre des jours fériés travaillés non rémunérés, outre 320,41 euros de congés payés y afférents,
* 7.303,30 euros d'indemnité de licenciement à titre principal, ou 8.800 euros à titre subsidiaire,
* 90.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
* 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
* l'exécution provisoire.
Il fait valoir pour l'essentiel que :
* il a commencé à travailler le 11 juin 2001 sans être déclaré,
* il a été engagé à 34 reprises durant 16 années et 4 mois en sorte que les contrats doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée,
* il a découvert que 2 autres chauffeurs exerçant la même activité que la sienne percevaient une rémunération supérieure à la sienne,
* l'ancienneté ne peut être un critère de disparité salariale, Monsieur t. A. ayant commencé à effectuer des missions dès 1988,
* son expérience n'était pas inférieure à celle des autres chauffeurs,
* il est fondé à réclamer la différence de 625 euros sur 5 ans correspondant à la prescription quinquennale,
* s'il n'a pu obtenir la totalité des bulletins de salaire de ses collègues, il démontre qu'en 2008 la situation était déjà inégale et qu'elle l'était toujours en 2017,
* à défaut pour l'employeur de communiquer les pièces qu'il détient, il convient de retenir le montant établi par Monsieur t. A.,
* les indemnités de fin de contrat doivent être recalculées en prenant en considération la revalorisation de salaire,
* Monsieur t. A. travaillait tous les dimanches, ainsi que les jours fériés, or aucune heure n'a été réglée à ce titre,
* il est en conséquence fondé à en réclamer le paiement sur 5 ans,
* le fait que le repos des gens de maison puisse ne pas être donné le dimanche n'implique pas que le travail dominical ne doit pas être rémunéré conformément aux dispositions légales,
* il n'est pas prouvé que Monsieur t. A. ait demandé à travailler les dimanches pour disposer de ses vendredis de repos, ce d'autant qu'il ne correspond pas au jour de repos de son épouse qui n'en a pas de fixe,
* la preuve du travail les jours fériés revendiqués est rapportée par la production des plannings,
* ces plannings n'ont pas été établis par Monsieur t. A. pour les besoins de la cause : ils contiennent des informations relatives à l'autre chauffeur, des précisions qu'il n'a pu établir, des écritures différentes, preuve qu'ils ont été remplis à l'époque revendiquée,
* l'absence de Monsieur t. B. ne signifie pas une absence de travail pour son personnel basé à Monaco,
* Monsieur t. A. accomplissait des missions diverses, conduisait les autres membres de la famille,
* la rupture du contrat de travail s'analyse comme un licenciement,
* le contrat a été brutalement interrompu par le fils de Monsieur t. B. qui a pris la décision de transférer son père malade aux Etats Unis sans se soucier du personnel sur place ou interroger Monsieur t. A. sur la possibilité de le suivre et continuer à travailler à son service,
* il lui était alors simplement indiqué que son CDD en cours serait le dernier,
* cette annonce brutale, sans entretien confère un caractère infondé et abusif à la rupture,
* le licenciement ne repose sur aucun motif valable,
* lors de la rectification de la documentation de fin de contrat aucun motif n'a été précisé,
* il peut être effectué un parallèle avec le licenciement au visa de l'article 6 emportant l'obligation de versement de l'indemnité de licenciement,
* les circonstances de la rupture se révèlent particulièrement abusives,
* il y a eu falsification du motif en procédant à un simple non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée,
* il y a eu intention de se soustraire à la procédure en spoliant le salarié de ses droits,
* après une longue période de maladie Monsieur t. A. a finalement été pris en charge par Pôle Emploi en septembre 2021 à l'âge de 63 ans, il avait d'ores et déjà subi un préjudice matériel de 26.021,83 euros,
* Monsieur t. A. a été traité brutalement, sans la moindre compensation,
* la régularisation partielle n'a pas eu lieu de manière spontanée, mais suite à la saisine du Tribunal,
* Monsieur t. A. a été choqué de ce traitement après 16 années de service dévoué,
* âgé de presque 60 ans il a été dans l'incapacité de retrouver un emploi, ayant déclaré un cancer immédiatement après la rupture du contrat,
* dans ce contexte difficile Monsieur t. B. a mis un temps infini à régulariser la situation auprès des caisses sociales,
* d'autant plus choquant, son fils n'hésitait pas à le solliciter après la rupture afin de lui demander de gérer un problème au domicile,
* Monsieur t. A. a été suivi pour une dépression sévère postérieurement à son licenciement,
* il est traité avec mépris par son ancien employeur même dans le cadre de la procédure,
* la demande adverse de frais irrépétibles est irrespectueuse,
* en équité le salarié qui intente une action ne doit pas être condamné au risque de dissuader l'ensemble des salariés.
Par conclusions récapitulatives du 12 octobre 2023, les consorts B. sollicitent le débouté de Monsieur t. A., outre 10.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.
Ils font valoir pour l'essentiel que :
* suite au déménagement de Monsieur t. B. pour raisons de santé, son fils b. s'est trouvé contraint de mettre un terme à l'ensemble des contrats de travail du personnel de maison,
* c'est dans ce contexte que la relation de travail avec Monsieur t. A. a été rompue,
* il a été informé mi-mars 2018 à l'occasion de plusieurs échanges que son contrat ne serait pas renouvelé,
* Monsieur t. A. ayant revendiqué l'existence d'un contrat à durée indéterminée, Monsieur b. C. s'est reproché d'un avocat et a régularisé la situation spontanément, avant même d'être informé de la saisine du Tribunal,
* Monsieur t. A. n'a pas subi d'inégalité de traitement,
* les salariés auxquels il se compare n'étaient pas placés dans une situation identique,
* leur ancienneté dans les fonctions n'était en rien comparable, et ce même en prenant en compte les quelques missions que Monsieur t. A. avait réalisées entre 1988 et 1994,
* en outre Monsieur t. A. ne démontre pas l'étendue de la prétendue discrimination sur les années revendiquées, certains bulletins de salaire faisant apparaître une rémunération supérieure à son collègue,
* le travail le dimanche n'ouvre droit, en tant que tel, à aucune majoration de rémunération,
* il convient que le salarié démontre que son temps de travail a été dépassé à la demande de son employeur ou qu'il n'a pas bénéficié d'un jour de repos compensateur d'une durée égale dans un délai de trois mois,
* ce ne sont que les heures de travail effectuées le jour du repos hebdomadaire qui doivent être rémunérées de manière majorée,
* or, le jour de repos hebdomadaire de Monsieur t. A. était le vendredi,
* Monsieur t. A. ne démontre pas que son employeur l'aurait contraint à travailler le dimanche,
* au contraire, l'employeur a toujours fait preuve de souplesse,
* Monsieur t. A. ne rapporte pas la preuve de la réalisation d'heures au cours de jours fériés,
* il fait état de calculs approximatifs sans jamais préciser le jour férié concerné,
* les plannings produits ont été établis par le salarié et non par l'employeur et sont fantaisistes,
* lorsque Monsieur t. B. s'absentait les chauffeurs n'effectuaient pas leurs horaires habituels mais de simples missions sporadiques en cas d'imprévus,
* les prétendus jours fériés travaillés étaient largement récupérés sur les jours d'absence de l'employeur, pour lesquels les salariés étaient rémunérés à taux plein,
* il est manifeste que le planning a été modifié a posteriori,
* le motif de licenciement est valable,
* la suppression de poste est admise dès lors qu'il est justifié de la nécessité personnelle et de la réalité de la suppression,
* il procède du déménagement de l'employeur pour raisons médicales, ce que Monsieur t. A. n'a jamais contesté,
* Monsieur t. A. a été intégralement rempli de ses droits le 27 juin 2018 après réalisation de la méprise sur la qualification du contrat,
* les conditions de mise en oeuvre de la rupture ne sont entourées d'aucun formalisme,
* Monsieur t. A. a été informé de la situation dès le mois de mars 2018, à plusieurs reprises, ce qu'il reconnaît,
* les pièces produites démontrent que Monsieur t. A. a nécessairement retrouvé un emploi et qu'il est de mauvaise foi,
* la prescription d'antidépresseurs près d'un an après le licenciement ne permet pas de corréler un quelconque préjudice moral en lien avec la rupture du contrat de travail.
SUR CE,
* Sur l'exécution du contrat
* Sur la qualification du contrat
Indépendamment des énonciations des contrats conclus et des formulaires purement administratifs relatifs à l'embauche, le Tribunal du travail doit rechercher la commune intention des parties et peut, par suite, qualifier ou requalifier les conventions intervenues entre elles.
Si la législation ne limite pas le recours au contrat à durée déterminée et n'en réglemente pas les conditions d'utilisation, il n'en demeure pas moins que la requalification d'une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée peut être judiciairement ordonnée lorsqu'il est établi la permanence de la situation du salarié, dont le contrat de travail conclu pour une durée déterminée a été renouvelé à diverses reprises, et qui a ainsi accompli pendant plusieurs années, sans discontinuité, le même travail au service du même employeur.
En l'espèce, Monsieur t. A. a bénéficié à compter du 1^er janvier 2002 de 34 CDD renouvelés sans aucune discontinuité. La permanence indéniable de la situation a eu pour effet de modifier la nature des rapports juridiques unissant les parties, lesquelles étaient ainsi liées par un contrat à durée indéterminée depuis le 1^er janvier 2002.
Il convient de noter que cette reconnaissance a été réalisée par l'employeur par la correction de la documentation sociale le 27 juin 2018.
* Sur le montant du salaire
En application du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés de son entreprise qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale.
Conformément aux dispositions de l'article 1162 du Code civil, il incombe ainsi au salarié, qui invoque une atteinte à ce principe, de présenter au Juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, à charge pour l'employeur, si la disparité alléguée apparaît suffisamment caractérisée, d'établir que cette différence est justifiée par des éléments objectifs.
En l'espèce, Monsieur t. A. compare sa situation à celle des deux autres chauffeurs de Monsieur t. B., dont il n'est pas contesté qu'ils exerçaient les mêmes fonctions que lui. Il démontre que :
* Monsieur j. D. était rémunéré 595 euros brut de plus que lui en septembre 2008 et 625 de plus en octobre 2008,
* Monsieur c. E. était rémunéré 620 euros brut de plus que lui en mai 2017.
Pour justifier de cette disparité salariale, l'employeur invoque l'ancienneté des salariés. Il est effectivement établi que celle de Monsieur j. D. remonte à juin 1986 tandis que celle de Monsieur c. E. à juillet 1987. Monsieur t. A., dont l'ancienneté remonte à janvier 2002 est dès bien moins importante. Même à supposer que les quelques missions qu'il a pu accomplir entre 1988 et 1994 puissent entrer en ligne de compte, il n'aurait alors cumulé que deux ans et quatre mois d'ancienneté, les contrats n'étant que de courte durée pour des périodes spécifiques. De même, l'ancienneté revendiquée depuis juin 2001, soit sept mois supplémentaires, le place toujours avec un écart d'ancienneté de presque 13 ans.
Surtout, lorsque Monsieur j. D. était rémunéré 3.375 euros brut en septembre 2008 il disposait de 22 ans et 3 mois d'ancienneté. Or, lorsque Monsieur t. A. était rémunéré 3.810 euros brut en juin 2017 il ne disposait que de 15 ans et 5 mois d'ancienneté (voir de 18 ans et 4 mois avec cumul de ses missions précédentes). Dès lors, Monsieur t. A. n'a subi aucune disparité salariale. Sa demande de rappel de salaire et de reliquat d'indemnités de rupture subséquentes sera en conséquence rejetée.
* Sur les dimanches et jours fériés
Il appartient au salarié qui revendique le paiement d'heures de travail majorées de rapporter la preuve de leur existence. Lorsque la réalité de l'existence de ces heures est établie, il incombe à l'employeur de fournir les éléments qu'il détient et sont de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
En l'espèce, Monsieur t. A. revendique avoir travaillé les dimanches et certains jours fériés.
Il ressort des échanges des parties que Monsieur t. A. exerçait habituellement le dimanche, bénéficiant d'un jour de repos hebdomadaire le vendredi. Cela est confirmé par l'attestation de Madame s. F., ancienne hôtesse.
Le principe du travail le dimanche est dès lors établi. Concernant leur nombre exact, l'employeur n'apporte aucun élément. Il n'établit pas plus que Monsieur t. A. ne travaillait pas lorsqu'il était absent de la Principauté, cela étant contredit par le fait que les fonctions de chauffeur pouvaient être exercées au bénéfice d'autres membres de la famille et par les attestations de tiers qui témoignent du fait que Monsieur t. A. accomplissait également tous types de travaux et services pour le compte de la maison de Monsieur t. B.. Si les plannings ont été rédigés par Monsieur t. A., ils sont parfaitement recevables. En effet, ils ne sont contredits par aucun élément probant de l'employeur et l'attestation de Madame s. F., produite par ce dernier, confirme que les salariés établissaient leurs propres plannings.
Il en est de même concernant le principe du travail certains jours fériés, le roulement des salariés de Monsieur t. B. tous les jours de la semaine étant établi. Pour les motifs sus-évoqués, les plannings établis par Monsieur t. A. sont recevables.
Monsieur t. A. revendique le paiement majoré des dimanches. Or, aux termes de l'article 3 de la loi n° 822 du 23 juin 1967, le repos hebdomadaire des gens de maison peut être donné un autre jour que le dimanche. En application de l'article 6 ce n'est que lorsque des heures de travail sont réalisées le jour du repos hebdomadaire qu'elles ouvrent droit à paiement majoré. Le jour de repos hebdomadaire de Monsieur t. A. étant le vendredi il n'a droit à aucun paiement majoré pour les dimanches travaillés. Il aurait pu solliciter le paiement majoré des vendredis où il démontre avoir travaillé, ce qu'il ne fait pas. La demande de rappel de salaire au titre des dimanches travaillés et congés payés y afférents sera en conséquence rejetée.
Aux termes de la loi n° 800 du 18 février 1966, s'il n'y a pas d'obligation de chômage le jour férié pour les gens de maison, ils ont toutefois droit, en plus du salaire correspondant au travail, à une indemnité égale au montant du salaire ou à un repos compensateur rémunéré et ce même lorsque le jour férié correspond au jour de repos hebdomadaire du salarié.
En l'espèce les calculs de nombre de jours fériés et de salaire de base de Monsieur t. A. sont exacts. Il convient en conséquence de condamner Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B., à verser à Monsieur t. A. la somme de 3.204,16 euros brut de rappel de salaire au titre des jours fériés travaillés pour la période de janvier 2016 à avril 2018, outre 320,41 euros brut de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018, date de la saisine du Bureau de Conciliation, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération.
* Sur la rupture du contrat
Le 30 avril 2018, à l'échéance du dernier contrat à durée déterminée, la documentation de fin de contrat en application de ce régime était remise à Monsieur t. A..
Le contrat entre les parties étant un contrat à durée indéterminée, cette rupture était en réalité un licenciement.
En vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties sont libres de mettre fin au contrat. L'employeur a par ailleurs la faculté de le faire sans énoncer de motif inhérent à la personne du salarié, à charge pour lui de l'indemniser conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
En l'espèce, le 30 avril 2018, l'employeur a licencié Monsieur t. A. et n'a pas énoncé de motif. S'il l'a fait, ce n'est que le 27 juin 2018, soit deux mois après le congédiement. L'énonciation très tardive d'un motif, certes justifié en l'espèce en l'état de la réalité de la suppression du poste suite au déménagement de l'employeur dans un état de santé précaire, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de la manière dont le salarié a été congédié. Dans ces conditions, le licenciement intervenu le 30 avril était bien un licenciement sans énonciation de motif et ouvrait droit au versement de l'indemnité de licenciement, soit la somme de 8.800 euros, que Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B. sont condamnés à verser à Monsieur t. A., avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018, date de la saisine du Bureau de Conciliation.
Constitue un licenciement abusif celui prononcé pour un motif fallacieux, avec intention de nuire ou mis en oeuvre de manière brutale, vexatoire, précipitée ou blâmable.
En l'espèce, le 30 avril 2018 la rupture du contrat a eu lieu pour un motif fallacieux, celui de non-renouvellement de contrat à durée indéterminée, et nuisait aux droits de Monsieur t. A., le privant des indemnités de rupture. La situation a toutefois été régularisée deux mois après. S'il est exact que cette régularisation est intervenue avant la prise de connaissance de l'introduction d'une procédure en justice, il n'en demeure pas moins que Monsieur t. A. avait alerté son employeur sur l'illégalité de la situation dès le 9 avril 2018 et qu'il a dû attendre le 27 juin 2018 pour être partiellement rempli de ses droits. Par ailleurs, rien ne démontre que ses légitimes préoccupations aient été prises en compte lors de la rupture illégale de la relation de travail.
Monsieur t. A. s'est retrouvé après plus de 16 ans de service licencié sans le règlement de la moindre indemnité ce qui lui a causé un préjudice non seulement moral mais également matériel. Si ce préjudice matériel a pu s'atténuer suite à la régularisation partielle de la situation, il n'en demeure pas moins que l'attitude fautive de l'employeur a causé de nombreuses difficultés financières et administratives. Si aucun lien de causalité n'est établi entre la dégradation de l'état de santé de Monsieur t. A. et la rupture du contrat, il n'en demeure pas moins qu'il était fragilisé physiquement et psychologiquement lorsqu'il a dû traverser les suites de son licenciement. Il était en outre déjà âgé de 60 ans.
Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de condamner Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B., à verser à Monsieur t. A. la somme de 35.000 euros de dommages et intérêts en réparation du caractère abusif du licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Il convient d'ordonner à Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B. de remettre à Monsieur t. A. la documentation sociale rectifiée.
* Sur les autres demandes
Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B., succombant, il convient de les condamner aux entiers dépens. Il est également équitable de les condamner à verser à Monsieur t. A. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. Dans ces conditions leur demande à ce titre sera rejetée.
Au regard de l'ancienneté du litige, de l'âge et de l'état de santé de Monsieur t. A. mais également de sa situation financière, la nécessité commande que l'exécution provisoire soit ordonnée.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Constate que la relation de travail ayant lié Monsieur t. A. à feu Monsieur t. B. sur la période du 1^er janvier 2002 au 30 avril 2018 s'analyse en un contrat à durée indéterminée ;
Rejette la demande de rappel de salaire sur le principe travail égal salaire égal, outre congés payés y afférents, de Monsieur t. A. ;
Rejette la demande de complément d'indemnité de préavis, outre congés payés y afférents, de Monsieur t. A. ;
Rejette la demande de complément d'indemnité de congédiement de Monsieur t. A. ;
Rejette la demande de rappel de salaire au titre des dimanches travaillés, outre congés payés y afférents, de Monsieur t. A. ;
Condamne Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B. à verser à Monsieur t. A. la somme de 3.204,16 euros brut (trois mille deux cent quatre euros et seize centimes) de rappel de salaire au titre des jours fériés travaillés pour la période de janvier 2016 à avril 2018, outre 320,41 euros brut (trois cent vingt euros et quarante et un centimes) de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018 date de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Dit que le contrat de travail a cessé par le licenciement sans motif de Monsieur t. A. le 30 avril 2018 ;
Condamne Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B. à verser à Monsieur t. A. 8.800 euros (huit mille euros) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du 13 août 2018 date de la saisine du Bureau de Conciliation ;
Dit que le licenciement est abusif ;
Condamne Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B. à verser à Monsieur t. A. la somme de 35.000 euros (trente-cinq mille euros) de dommages et intérêts pour licenciement abusif, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Ordonne la rectification de la documentation sociale ;
Condamne Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B. aux entiers dépens ;
Condamne Messieurs b. C., k. C., h. C. et g. C., ayants-droits de Monsieur t. B. à verser à Monsieur t. A. la somme de 3.000 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles ;
Rejette le surplus des demandes respectives des parties ;
Ordonne l'exécution provisoire ;
Composition
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO et Jean-Pierre DESCHAMPS, membres employeurs, Messieurs Cédrick LANARI et Silvano VITTORIOSO, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le quinze décembre deux mille vingt-trois.
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