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22/12/2023 | MONACO | N°30314

Monaco | Tribunal du travail, 22 décembre 2023, Monsieur d. A. c/ La SAM B.


Abstract

Article 324 du Code de procédure civile - Rejet de pieces (non)

Exécution du contrat de travail - Prime de panier (non)

Licenciement pour motif disciplinaire - Validité du motif de licenciement - Caractère abusif du licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 22 DÉCEMBRE 2023

N° 8-2022/2023

* En la cause de Monsieur d. A., né le jma à Naples, de nationalité italienne, demeurant « x1 » x1 à MENTON (06500) ;

Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 15

9 BAJ 22 du 24 janvier 2022, ayant élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur prè...

Abstract

Article 324 du Code de procédure civile - Rejet de pieces (non)

Exécution du contrat de travail - Prime de panier (non)

Licenciement pour motif disciplinaire - Validité du motif de licenciement - Caractère abusif du licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 22 DÉCEMBRE 2023

N° 8-2022/2023

* En la cause de Monsieur d. A., né le jma à Naples, de nationalité italienne, demeurant « x1 » x1 à MENTON (06500) ;

Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 159 BAJ 22 du 24 janvier 2022, ayant élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe « x2 », x2 à MONACO (98000), prise en la personne de son Président Administrateur Délégué en exercice, Monsieur Patrice PASTOR, y demeurant en cette qualité ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

* Vu la requête introductive d'instance en date du 7 juillet 2022, reçue le 11 juillet 2022 ;

* Vu la procédure enregistrée sous le numéro 8-2022/2023 ;

* Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 11 octobre 2022 ;

* Vu les conclusions récapitulatives de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur au nom de Monsieur d. A., en date du 11 mai 2023 ;

* Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. B., en date du 13 juillet 2023 ;

* À l'audience publique du 16 novembre 2023, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 22 décembre 2023, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;

* Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Monsieur d. A. a été embauché en contrat à durée indéterminée en qualité de Poseur Monteur par la société anonyme monégasque B. (ci-après B.) à compter du 1^er mars 2006.

Il a été licencié par lettre remise en main propre le 25 octobre 2021.

Par requête reçue le 11 juillet 2022, Monsieur d. A. saisissait le Tribunal du travail aux fins d'obtenir :

* 17.042,04 euros d'indemnité de panier du 1^er juin 2017 au 31 décembre 2021,

dire et juger que le licenciement notifié par courrier remis en mains propres le 25 octobre 2021 ne repose pas sur un motif valable et revêt un caractère abusif,

* 17.379,84 euros d'indemnité de licenciement,

* 15.000 euros de dommages et intérêts,

* les intérêts,

* les dépens.

À défaut de conciliation, l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 11 mai 2023 et à l'audience de plaidoirie, Monsieur d. A. sollicite la nullité des pièces adverses n^os 11 et 12. Il soutient pour l'essentiel que :

* les attestations adverses ne sont pas entièrement rédigées de manière manuscrite,

* Monsieur d. A. est éligible au bénéfice d'une indemnité de panier en application de l'article 31 de la Convention Collective du Bâtiment, les repas pris dans l'atelier l'étant dans des conditions anormales au sens de l'article 32 de ladite Convention,

* il explique une différence de traitement injustifiée avec un salarié exerçant la même fonction sur un chantier se trouvant dans la même zone géographique,

* le motif de licenciement n'est pas valable,

* la lettre de licenciement souffre d'un manque évident de précision,

* il n'est nullement mentionné que le congédiement trouve son explication dans un problème de port du masque, ni que le salarié ait adopté une attitude de défi, se soit montré agressif, vindicatif ou bien injurieux,

* Monsieur d. A. conteste avoir manqué de respect envers sa hiérarchie, il nie toute insulte,

* les allégations du supérieur hiérarchique ne sont pas corroborées par le collègue témoin,

* Monsieur d. A. a simplement eu un mouvement d'humeur, justifié par le fait que l'ordre qui lui était donné était contraire aux consignes affichées dans l'entreprise,

* l'employeur a commis des fautes dans la mise en oeuvre du licenciement,

* Monsieur d. A. a été dispensé d'exécution de préavis sans justification,

* cela caractérise la brutalité du congédiement pour un salarié disposant de 15 ans et 10 mois d'ancienneté qui donnait toute satisfaction dans ses fonctions,

* l'employeur n'a pas daigné répondre au courrier de contestation du licenciement en dépit des demandes parfaitement légitimes et étayées, particulièrement concernant l'indemnité de panier,

* Monsieur d. A. a subi une baisse de revenue de 50 % pendant plusieurs mois alors qu'il est père de deux enfants à charge et que son épouse est handicapée et ne travaille pas.

Par conclusions récapitulatives du 13 juillet 2023, la B. sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur d. A., outre 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* le motif de licenciement est parfaitement valable,

* Monsieur d. A. a gravement insulté le Directeur Adjoint de la société le 15 octobre 2021 dans les locaux en vociférant et en ayant une attitude agressive,

* il est indiscutable que ce comportement sur le lieu de travail constitue un motif valable de licenciement,

* compte tenu de la grave insulte à l'égard de l'un de ses supérieurs hiérarchiques qui s'était borné à lui demander de porter convenablement son masque, la décision de licenciement a été légitimement prise,

* les deux témoins de la scène ont attesté dans les formes requises des agissements de Monsieur d. A.,

* Monsieur d. A. sait pertinemment qu'il n'a pas été licencié parce qu'il avait fait l'objet d'une remarque concernant le port du masque mais parce qu'il avait grossièrement insulté son supérieur,

* la discussion sur le bien-fondé du port du masque n'est pas l'objet du litige,

* Monsieur d. A. avait déjà à plusieurs reprises fait preuve de réactions excessives et déplacées lorsqu'il lui était reproché de ne pas respecter les consignes de travail, à telle enseigne qu'il avait fait l'objet de deux avertissements,

* aucune indemnité de licenciement n'est due,

* en outre, ses modalités de calcul ne sont pas précisées et l'indemnité de congédiement doit en être déduite,

* le licenciement ne revêt aucun caractère abusif,

* les délais de mise en oeuvre ont été diligents,

* les insultes grossières proférées par le salarié étaient incompatibles avec l'exécution du travail pendant les deux mois de préavis,

* il ne s'était nullement plaint du fait d'être dispensé d'exécuter son préavis,

* la gravité des faits était susceptible d'être qualifiée de faute grave,

* le contrat de travail avait pris fin le 25 décembre 2021 en sorte que l'employeur n'était nullement tenu de répondre à un courrier reçu le 3 janvier 2022,

* surabondamment, le préjudice de Monsieur d. A. n'est nullement justifié et la perte de salaire n'a aucun lien de causalité avec les prétendues circonstances abusives de mise en oeuvre du licenciement,

* la demande relative au versement d'une indemnité de panier est infondée,

* Monsieur d. A. ne travaillait pas sur un chantier, il était affecté sur un lieu de travail déterminé, à savoir les locaux de la menuiserie,

* le chantier est constitué par un bâtiment ou un ouvrage immobilier en cours de démolition ou de construction.

SUR CE,

* Sur les pièces n^os 11 et 12

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, les attestations doivent notamment, à peine de nullité, être écrites, datées et signées de la main de son auteur, mentionner l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties, préciser si l'auteur a quelque intérêt au procès et indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et les sanctions encourues en cas de fausse attestation.

En l'espèce, les attestations querellées mentionnent, de manière manuscrite, le lien de subordination, le fait qu'elles sont établies en vue de leur production en justice et que l'auteur s'expose à des sanctions pénales en cas de fausse attestation. Ces formalités sont donc remplies. Si elles ne mentionnent pas l'absence de liens de parenté, d'alliance ou d'intérêt avec les parties de manière manuscrite et ne précisent pas si l'auteur a quelque intérêt au procès, l'absence de ces mentions indique l'absence de liens et d'intérêts. Ces absences ne sont pas contestées par Monsieur d. A.. Il n'est par ailleurs nullement établi que les attestants, Messieurs j. C. et g. D. soient parentés, alliés ou en intérêt avec Monsieur d. A. ou son employeur ni qu'ils aient un quelconque intérêt dans le procès qui les oppose.

Les attestations n^os 11 et 12 sont en conséquence conformes aux dispositions légales et ne seront pas annulées.

* Sur l'indemnité de panier

L'attribution d'une indemnité de panier est régie par la Convention Collective du Bâtiment du 5 août 1987.

D'une part, aux termes de l'article 31, elle définit les modalités d'attribution et stipule « Les ouvriers travaillant sur des chantiers situés dans la zone d'application de l'indemnité de panier percevront le montant de cette indemnité ». Il apparaît alors clairement que seuls les ouvriers travaillant sur des chantiers ont droit au bénéfice de l'indemnité.

D'autre part, aux termes de l'article 32, le montant est fixé. S'il stipule que « L'indemnité dite de " panier " est destinée à couvrir les frais supplémentaires qu'entraîne pour les intéressés, le repas pris dans les conditions anormales. », il n'étend pas le champ d'application à tous les ouvriers travaillant dans des conditions anormales, puisque cet article régit uniquement le montant comme son titre l'indique.

Quant à la différence de traitement qu'il existerait entre un ouvrier travaillant dans un chantier et ceux de l'atelier, elle est justifiée par la différence structurelle entre les lieux, l'atelier étant un bâtiment contrairement au chantier qui est constitué d'une zone de construction ou de démolition.

La situation de Monsieur d. A. n'entrant pas dans le champ d'application de la Convention Collective Bâtiment, sa demande sera rejetée.

* Sur le licenciement

Par courrier du 25 octobre 2021, Monsieur d. A. a été licencié pour « manque de respect envers votre supérieur hiérarchique ». Cette formulation est suffisamment claire pour que le salarié comprenne la faute qui lui est reprochée, ce d'autant que deux entretiens au cours desquels il a pu s'expliquer sur les faits reprochés venaient de se tenir. Le jour des faits reprochés il avait en outre était invité à rentrer chez lui après l'incident.

Les faits dont s'agit consistent en l'accusation que son supérieur, Monsieur j. C., porte à son encontre, à savoir de l'avoir insulté en italien en disant « va fan culo » en ayant une gestuelle agressive.

Contrairement à ce que Monsieur d. A. prétend, la réalité de cette insulte est corroborée par son collègue, Monsieur g. D., qui atteste qu'il a bien prononcé le mot « va fan cullo ».

Le seul sujet de débat concerne les conditions dans lesquelles cela a été énoncé, Monsieur g. D. indiquant que c'était à la fin de la discussion sur le port du masque lorsque Monsieur j. C. était plus loin. Or, même si cela était confirmé, cela n'ôterait pas le comportement répréhensible à cet acte. En effet, il s'agit d'une grave injure, adressée à une personne visée, son supérieur en l'espèce, sur le lieu de travail et dans des conditions que rien ne peut justifier (désaccord sur les conditions de port de masque). La faute était dès lors caractérisée. Sa gravité pouvait justifier un licenciement, ce d'autant que Monsieur d. A. avait fait l'objet de trois avertissements entre 2011 et 2018, particulièrement un « dernier avertissement » le 19 juin 2015 pour des réactions excessives et déplacées envers la hiérarchie.

Le motif de licenciement est en conséquence valable et la demande au titre de l'indemnité de licenciement sera rejetée.

Concernant les circonstances de mise en oeuvre du licenciement, elles ont été respectueuses de l'intégralité des droits du salarié. La dispense d'exécution du préavis, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, n'a rien d'abusif. Elle était en outre particulièrement justifiée au cas d'espèce par le comportement injurieux du salarié.

La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.

* Sur les autres demandes

Monsieur d A. succombant dans l'intégralité de ses demandes il sera condamné aux entiers dépens.

Il n'est toutefois pas équitable de le condamner aux frais irrépétibles et la demande de la B. sera en conséquence rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette la demande de nullité des pièces n^os 11 et 12 produites par la société anonyme monégasque B. ;

Rejette l'intégralité des demandes de Monsieur d. A. ;

Condamne Monsieur d. A. aux entiers dépens ;

Rejette la demande de la S. A. M. B. au titre des frais irrépétibles ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Bernard HERNANDEZ et Maurice COHEN, membres employeurs, Messieurs Karim TABCHICHE et Fabrizio RIDOLFI, membres salariés, assistés de Madame Isabel DELLERBA, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt-deux décembre deux mille vingt-trois.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30314
Date de la décision : 22/12/2023

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Pouvoir disciplinaire ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : Monsieur d. A.
Défendeurs : La SAM B.

Références :

Article 324 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2023-12-22;30314 ?

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