Abstract
Tribunal du Travail – Prétentions – Demande non soumise au préliminaire de conciliation – Recevabilité (non)
Contrat de travail – Exécution – Obligations de l'employeur – Protection du salarié contre le harcèlement moral – Adoption des mesures nécessaires propres à faire cesser les faits de harcèlement dont il a connaissance (oui) - Omission de prévenir la répétition du harcèlement (oui) – Faute de l'employeur (oui)
Résumé
Aux termes de l'article 42 de la loi n° 446, lors de la comparution devant le Bureau de conciliation, le demandeur pourra expliquer, et même modifier ses demandes, et le défendeur former celles qu'il jugera convenables. Cette faculté ne peut concrètement avoir de portée, au regard du caractère obligatoire de la tentative préalable de conciliation, que dans l'hypothèse de la comparution du défendeur à cette même occasion, lequel sera alors avisé de cette prétention nouvelle et aura ainsi la possibilité de se concilier sur elle. Par ailleurs, en l'absence de comparution du défendeur devant le Bureau de conciliation, le demandeur n'est pas privé de la possibilité d'introduire une nouvelle requête pour soumettre au Tribunal du travail une nouvelle prétention, initialement omise, laquelle sera considérée comme recevable tant que la juridiction ne se sera pas prononcée en premier ou dernier ressort sur les chefs de la demande primitive, et ce, conformément à l'article 59 alinéa 2 de la loi précitée. En conséquence, il convient de déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi du fait de son inaptitude définitive dans l'entreprise résultant des mauvaises conditions de travail.
Madame m. j. A. reproche à son employeur d'avoir exécuté le contrat de travail de manière déloyale, abusive et fautive, en ne la protégeant pas du harcèlement dont elle était victime et, au contraire, en la sanctionnant pour avoir osé le dénoncer. La réduction des heures n'ayant aucun lien avec le harcèlement et la perte de rémunération étant imputable au refus par la salariée d'une part de travailler pour le nouvel attributaire et d'autre part d'accepter l'offre de mutation afin de maintenir ses heures, la demande de dommages et intérêts pour les difficultés liées à la diminution de son temps de travail est rejetée. Suite à la dénonciation des faits, l'employeur a invité Madame m. j. A. à formaliser une dénonciation par écrit puis a convoqué le salarié mis en cause en le mettant à pied à titre conservatoire avant de le sanctionner d'une mise à pied disciplinaire après avoir considéré que les faits étaient établis, Monsieur B. les ayant d'ailleurs reconnus. En agissant ainsi, l'employeur a répondu à ses obligations découlant de l'article 5 de la loi n° 1.457 du 2 décembre 2016, à savoir de prendre toutes mesures nécessaires propres à faire cesser les faits de harcèlement dont il a connaissance.
Madame m. j. A. déplore que les agissements de harcèlement n'aient pas cessés. Elle reproche alors à son employeur d'avoir failli dans son obligation de sécurité. Au titre de l'obligation de l'alinéa 1er de l'article 5 de la loi n° 1.437 du 2 décembre 2016, celle de faire cesser tout fait de harcèlement dont il a connaissance, aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur. En effet, postérieurement au 27 avril 2021, date du courrier informant la salariée des sanctions prises contre l'auteur du harcèlement et l'invitant à dénoncer tout nouveau fait, elle n'a plus rien signalé, jusqu'au 21 décembre 2021, soit un mois après son placement en arrêt de travail, date à laquelle elle a alors sollicité un « arrangement amiable » et dénoncé de nouveaux comportements de Monsieur B. En réalité, elle s'était présentée aux services de police les 3 juin et 15 novembre 2021 mais n'avait jamais saisi son employeur. À défaut d'avoir été informé de la situation il ne peut lui être reproché son inaction. Néanmoins, en application de l'alinéa 2 de l'article 5 de la loi n° 1.437 du 2 décembre 2016, l'employeur « met en place des procédures appropriées destinées à prévenir de tels faits et, le cas échéant, les identifier et y mettre un terme ». Conscient du comportement harcelant de l'un de ses salariés, l'employeur n'a mis en place aucune procédure pour identifier les éventuelles dérives dont il pourrait à nouveau être l'auteur. Il a reporté la responsabilité sur la salariée victime, en l'invitant à se signaler, alors qu'il aurait dû être proactif et s'assurer à échéances régulières de l'évolution de la situation. En omettant de prévenir la répétition du harcèlement, l'employeur a commis une faute qui a privé la salariée d'une chance de ce que les faits ne se reproduisent pas. Il convient en conséquence de condamner la SAM F. à verser à Madame m. j. A. la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 21 JUIN 2024
N° 46-2022/2023
* En la cause de Madame m. j. A., née le jma à Guimaraes (Portugal), de nationalité portugaise, demeurant x1 à BEAUSOLEIL (06240) ;
Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 423 BAJ 22 du 14 juin 2022, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Erika BERNARDI, avocat près la même Cour ;
d'une part ;
Contre :
* La société de droit monégasque dénommée SAM F., dont le siège social est fixé x2 à MONACO (98000 ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la même Cour ;
d'autre part ;
Visa
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 30 janvier 2023, reçue le 1er février 2023 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 46-2022/2023 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 28 février 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Erika BERNARDI, avocat au nom de Madame m. j. A., en date du 14 mars 2024 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. F., en date du 11 avril 2024 ;
À l'audience publique du 18 avril 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 21 juin 2024, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs
Madame m. j. A. a été embauchée en qualité d'Agent de propreté par la SAM F. en contrat à durée indéterminée à compter du 29 avril 2019 pour une durée hebdomadaire de 34 heures, puis de 21 heures 30 à compter du mois de février 2021. Elle a été placée en arrêt maladie régulièrement prolongé à compter du 15 novembre 2021. Elle a été licenciée pour inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise par courrier du 3 mai 2022.
Madame m. j. A. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 1er février 2023, afin d'obtenir :
* dire et juger que la SAM F. a exécuté le contrat de travail de Madame m. j. A. de façon déloyale, abusive et fautive,
* dire et juger que Madame m. j. A. a été victime de harcèlement pendant l'exécution de son contrat de travail, ayant eu pour effet d'entraîner une dégradation de sa santé mentale et de la rendre inapte à son poste,
* dire et juger que la SAM F. a adopté un comportement abusif à l'égard de Madame m. j. A. en réduisant son temps de travail du fait du harcèlement subi par elle,
* 10.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de l'exécution déloyale, abusive et fautive du contrat de travail,
* 3.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de difficultés auxquelles elle a dû faire face à la suite de la réduction de son temps de travail,
* les intérêts à compter de la convocation devant le Bureau de Conciliation,
* 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
* les dépens.
À l'audience de conciliation la SAM F. ne comparaissait pas. Madame m. j. A. sollicitait 10.000 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi du fait de son inaptitude définitive dans l'entreprise résultant des mauvaises conditions de travail.
À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de jugement.
Par conclusions récapitulatives du 14 mars 2024 et à l'audience de plaidoirie, Madame m. j. A. sollicite la nullité des pièces adverses nos 28 et 29. Elle fait valoir pour l'essentiel que :
* elle a subi du harcèlement moral et sexuel de la part de son responsable hiérarchique à compter du mois de novembre 2020,
* dès le 25 avril 2021 elle a expliqué précisément à son employeur les agissements qu'elle subissait,
* suite à ce courrier d'alerte, l'administrateur délégué l'a informé que des sanctions disciplinaires avaient été prises à l'encontre de Monsieur B.,
* il l'a toutefois laissée continuer à travailler à ses côtés,
* Monsieur B. a continué ses agissements, devant agressif en répression de sa plainte,
* l'employeur a sérieusement manqué à son obligation de sécurité en ne préservant pas sa santé physique et mentale,
* la proposition de mutation ne la protégeait pas, le nouveau service demeurant sous le contrôle de Monsieur B.,
* les éléments médicaux versés au débat illustrent la sérieuse dégradation de sa santé,
* elle a été placée en arrêt maladie suite à la continuation des agissements à son encontre,
* la décision de diminution de son temps de travail était abusive,
* le nombre d'heures amputées est plus important que celui correspondant au contrat avec la Mairie,
* l'employeur ne démontre pas que les autres salariés aient subi la même réduction de temps de travail,
* il s'agissait d'une sanction pour avoir dénoncé des faits de harcèlement,
* elle a subi deux avertissements injustifiés sur les seules dénonciations mensongères de son supérieur sans recueillir préalablement ses explications,
* elle a subi un préjudice important,
* elle a dû être suivie par un psychiatre et suivre un traitement d'antidépresseurs,
* elle a perdu 550 euros net mensuel du fait de la diminution de son temps de travail,
* suite à son inaptitude, qui est la conséquence de la dégradation de son état de santé, elle s'est retrouvée du jour au lendemain sans ressources.
Invitée à s'expliquer sur le moyen d'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi du fait de l'inaptitude définitive dans l'entreprise résultant des mauvaises conditions de travail non soumise au préliminaire de conciliation soulevé d'office par le Tribunal du travail, Madame m. j. A. fait valoir que :
* sa demande est recevable,
* l'employeur aurait été à même de se prononcer s'il avait comparu à l'audience de conciliation,
* sa non-comparution empêchait toute conciliation rendant la tentative obligatoire inutile.
Par conclusions récapitulatives du 11 avril 2024, la SAM F. sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de Madame m. j. A., 10.000 euros de dommages et intérêts assorti de l'intérêt légal capitalisé, 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, les dépens et l'exécution provisoire.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
* les attestations ont été régularisées,
* la décision de réduction des horaires de travail est antérieure à la connaissance des faits subis par la salariée,
* elle est liée à la perte de l'attribution du marché de nettoyage et d'entretien des locaux de la Mairie et des bâtiments municipaux en janvier 2021 qui a été transféré à la société E.,
* Madame m. j. A. a refusé le transfert de son contrat de travail auprès du nouvel attributaire,
* les heures effectuées au sein des locaux de la Mairie n'ont pu être réaffectées à d'autres chantiers en conséquence de quoi ses heures de travail ont été diminuées,
* d'autres employés ont été affectés par la perte de ce chantier,
* dès qu'un poste avec un temps de travail plus important a été vacant il a été proposé à Madame m. j. A. qui l'a décliné,
* il s'agissait d'un poste sur un lieu où Monsieur B. n'intervenait pas,
* elle a annulé le premier avertissement prononcé suite aux dires de son supérieur dès qu'elle a eu connaissance des accusations de harcèlement à son encontre,
* l'avertissement du 22 octobre 2021 était parfaitement justifié par les nombreux retards accumulés par la salariée au cours des mois de septembre et octobre 2021 et l'incident survenu avec un client,
* les retards sont matérialisés par les bulletins de salaire non contestés,
* Madame m. j. A. s'est vu prescrire un arrêt de travail suite au refus de congés payés posés sans respect du délai de prévenance,
* la salariée ne peut reprocher à l'employeur de ne pas avoir pris de mesures appropriées avant le signalement de la responsable d'équipe du soir du mois d'avril 2021,
* dès qu'elle en a eu connaissance elle a tout mis en oeuvre pour que les faits prennent fin,
* Monsieur B. a été reçu et mis à pied à titre conservatoire, puis à titre disciplinaire suite à l'enquête,
* Madame m. j. A. a été informée et invitée à signaler toute détérioration de la situation,
* les faits dénoncés en décembre 2021 ne sont étayés par aucune preuve,
* les éléments médicaux communiqués ne permettent pas de relier l'épisode dépressif et les troubles anxieux diagnostiqués en novembre 2021 aux faits de harcèlement subis en avril 2021 lesquels n'ont pas été réitérés ni dénoncés depuis lors,
* l'employeur a été réactif et diligent et a rempli son obligation légale,
* le préjudice de la salariée n'est pas étayé,
* le lien de causalité entre le licenciement et les prétendues difficultés financières non étayées n'est nullement caractérisé,
* les accusations fallacieuses de Madame m. j. A. et son action abusive ont occasionné un préjudice,
* des frais de défense ont dû être exposés.
Interrogée sur la recevabilité de la demande formulée devant le Bureau de Conciliation en l'absence de l'employeur, Madame m. j. A. considère qu'elle a bien été formulée à son contradictoire, celui-ci ayant été régulièrement convoqué, mis en mesure de se positionner sur toutes les demandes et la salariée ne pouvant être tenue pour responsable de sa non comparution.
SUR CE,
Les pièces numéros 28 et 29 produites par la SAM F. à savoir les attestations de Monsieur p. C. et de Madame k. D. ont été régularisées en sorte qu'il n'y a pas lieu de les annuler.
Aux termes de l'article 42 de la loi n° 446, lors de la comparution devant le Bureau de conciliation, le demandeur pourra expliquer, et même modifier ses demandes, et le défendeur former celles qu'il jugera convenables. Cette faculté ne peut concrètement avoir de portée, au regard du caractère obligatoire de la tentative préalable de conciliation, que dans l'hypothèse de la comparution du défendeur à cette même occasion, lequel sera alors avisé de cette prétention nouvelle et aura ainsi la possibilité de se concilier sur elle.
Par ailleurs, en l'absence de comparution du défendeur devant le Bureau de conciliation, le demandeur n'est pas privé de la possibilité d'introduire une nouvelle requête pour soumettre au Tribunal du travail une nouvelle prétention, initialement omise, laquelle sera considérée comme recevable tant que la juridiction ne se sera pas prononcée en premier ou dernier ressort sur les chefs de la demande primitive, et ce, conformément à l'article 59 alinéa 2 de la loi précitée.
En conséquence, il convient de déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi du fait de son inaptitude définitive dans l'entreprise résultant des mauvaises conditions de travail.
Madame m. j. A. reproche à son employeur d'avoir exécuté le contrat de travail de manière déloyale, abusive et fautive, en ne la protégeant pas du harcèlement dont elle était victime et, au contraire, en la sanctionnant pour avoir osé le dénoncer.
Il est établi qu'elle a dénoncé pour la première fois le 20 avril 2021, le harcèlement moral et sexuel dont elle s'estimait victime de la part de son responsable, Monsieur B. Avant cette date, l'employeur n'avait aucune idée ni aucun moyen de savoir que Madame m. j. A. pouvait être victime de ses agissements depuis plusieurs mois.
Dans ces conditions, la réduction de ses heures de travail intervenue à compter du 1er février 2021 n'avait aucun lien avec les faits qu'elle subissait. En effet, cette décision ne provenait pas de Monsieur B. mais de la Direction de la SAM F.. Surtout, comme cela est parfaitement documenté, cette décision était la conséquence de la perte du marché de nettoyage sur lequel la salariée était affectée, précision faite qu'elle n'a pas donné suite à l'offre de reprise de ses heures par le nouvel attributaire du marché ni à la proposition d'augmentation de ses heures de travail formulée par son employeur au mois de juin 2021.
La réduction des heures n'ayant aucun lien avec le harcèlement et la perte de rémunération étant imputable au refus par la salariée d'une part de travailler pour le nouvel attributaire et d'autre part d'accepter l'offre de mutation afin de maintenir ses heures, la demande de dommages et intérêts pour les difficultés liées à la diminution de son temps de travail est rejetée.
Suite à la dénonciation des faits, l'employeur a invité Madame m. j. A. à formaliser une dénonciation par écrit puis a convoqué le salarié mis en cause en le mettant à pied à titre conservatoire avant de le sanctionner d'une mise à pied disciplinaire après avoir considéré que les faits étaient établis, Monsieur B. les ayant d'ailleurs reconnus.
En agissant ainsi, l'employeur a répondu à ses obligations découlant de l'article 5 de la loi n° 1.457 du 2 décembre 2016, à savoir de prendre toutes mesures nécessaires propres à faire cesser les faits de harcèlement dont il a connaissance.
À ce titre, il a réagi rapidement et équitablement et aucune faute ne peut lui être reprochée, étant précisé qu'il a spontanément pris le soin de faire annuler l'avertissement qui avait été illégalement prononcé à l'encontre de Madame m. j. A. à l'initiative de l'auteur du harcèlement. Il a immédiatement informé la salariée victime des mesures prises et l'a invitée à revenir vers lui sans délai si la situation devait perdurer ou se détériorer.
Or, Madame m. j. A. déplore que les agissements de harcèlement n'aient pas cessés. Elle reproche alors à son employeur d'avoir failli dans son obligation de sécurité.
Au titre de l'obligation de l'alinéa 1er de l'article 5 de la loi n° 1.437 du 2 décembre 2016, celle de faire cesser tout fait de harcèlement dont il a connaissance, aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur. En effet, postérieurement au 27 avril 2021, date du courrier informant la salariée des sanctions prises contre l'auteur du harcèlement et l'invitant à dénoncer tout nouveau fait, elle n'a plus rien signalé, jusqu'au 21 décembre 2021, soit un mois après son placement en arrêt de travail, date à laquelle elle a alors sollicité un « arrangement amiable » et dénoncé de nouveaux comportements de Monsieur B. En réalité, elle s'était présentée aux services de police les 3 juin et 15 novembre 2021 mais n'avait jamais saisi son employeur. À défaut d'avoir été informé de la situation il ne peut lui être reproché son inaction.
Néanmoins, en application de l'alinéa 2 de l'article 5 de la loi n° 1.437 du 2 décembre 2016, l'employeur « met en place des procédures appropriées destinées à prévenir de tels faits et, le cas échéant, les identifier et y mettre un terme ». Conscient du comportement harcelant de l'un de ses salariés, l'employeur n'a mis en place aucune procédure pour identifier les éventuelles dérives dont il pourrait à nouveau être l'auteur. Il a reporté la responsabilité sur la salariée victime, en l'invitant à se signaler, alors qu'il aurait dû être proactif et s'assurer à échéances régulières de l'évolution de la situation.
En omettant de prévenir la répétition du harcèlement, l'employeur a commis une faute qui a privé la salariée d'une chance de ce que les faits ne se reproduisent pas.
Il convient en conséquence de condamner la SAM F. à verser à Madame m. j. A. la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Chacune des parties succombant partiellement elles conserveront la charge de leurs propres dépens. Dans ces conditions leurs demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Rejette la demande de nullité des pièces n°s 28 et 29 versées aux débats par la SAM F. ;
Déclare irrecevable la demande de Madame m. j. A. de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi du fait de son inaptitude définitive dans l'entreprise résultant des mauvaises conditions de travail ;
Déboute Madame m. j. A. de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de difficultés auxquelles elle a dû faire face à la suite de la réduction de son temps de travail ;
Condamne la SAM F. à verser à Madame m. j. A. la somme de 3.000 euros (trois mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour exécution fautive du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Rejette le surplus de la demande ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;
Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles ;
Composition
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Virginia BUSI et Monsieur Bernard HERNANDEZ, membres employeurs, Messieurs Walter DERI et Fabrizio RIDOLFI, membres salariés, assistés de Madame Isabel DELLERBA, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt et un juin deux mille vingt-quatre.
^