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27/09/2024 | MONACO | N°30673

Monaco | Tribunal du travail, 27 septembre 2024, Madame v.A c/ La SAM N & CIE et la société P.


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LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 9 novembre 2022, reçue le 10 novembre 2022 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 32-2022/2023 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 13 décembre 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Clyde BILLAUD, avocat au nom de Madame v.A, en date du 14 mars 2024 ;

Vu les conclusio

ns récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur aux noms de la SAS de droit français N e...

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 9 novembre 2022, reçue le 10 novembre 2022 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 32-2022/2023 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 13 décembre 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Clyde BILLAUD, avocat au nom de Madame v.A, en date du 14 mars 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur aux noms de la SAS de droit français N et la SAS de droit français P, en date du 16 mai 2024 ;

À l'audience publique du 20 juin 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 27 septembre 2024, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Madame v.A a été recrutée à compter du 16 avril 2019 par la SAM N & CIE devenue la SAS N pour une durée indéterminée en qualité de Responsable réseau. Elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 7 novembre 2022.

Par requête déposée le 10 novembre 2022, Madame v.A a attrait la SAM N & CIE devenue la SAS N et la SAS P devant le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail afin d'obtenir :

* • 5.000 euros net de dommages et intérêts pour non-respect du repos obligatoire quotidien et hebdomadaire,

* • 8.850 euros brut d'heures supplémentaires,

* • 885 euros de congés payés y afférents,

* • 20.000 euros net pour travail dissimulé,

* • 15.000 euros net d'indemnité au titre de la violation des minima conventionnels,

* • 80.000 euros net de manquement à l'obligation de sécurité (absence de visite Médecin du Travail, harcèlement moral, déstabilisation…),

* • 60.000 euros net d'application de mauvaise foi du contrat de travail (surcharge de travail, co-emploi, absence de représentation du personnel, etc…),

* • 80.000 euros net d'harcèlement sexuel,

* • 41.000 euros net de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et annulation de la procédure de licenciement économique, en conséquence indemnité pour licenciement abusif (12 mois de salaire),

* • 3.585,92 euros net de non-respect de la procédure de licenciement,

* • 19.800 euros net d'indemnité de licenciement légale et supra légale (article 2 loi n° 845),

* • 5.500 euros à parfaire d'indemnité de congés payés,

* • 14.343,68 euros net à titre de préavis,

* • 1.434,37 euros brut de congés payés y afférents,

* • 8.000 euros net de frais d'avocats,

* • la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

* • l'exécution provisoire,

* • les dépens à la charge de l'employeur,

* • les intérêts légaux à compter de la saisine.

À l'audience de conciliation, Madame v.A a modifié sa demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur. À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 14 mars 2024, Madame v.A ne réclame plus les indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés. Elle sollicite :

IN LIMINE LITIS

* rejeter l'exception de nullité pour vice de fond soulevée par le N et P SAS,

En conséquence :

* • dire et juger que Madame v.A est recevable et bien fondée en ses écritures,

Et y faisait droit :

* • constater que le salaire de base de Madame v.A est de 3.585,92 euros brut,

* • dire et juger que les défenderesses reconnaissent leur erreur concernant le salaire non versé et s'engagent en conséquence à verser à leur salariée la somme de 450 euros par an soit 1.800 euros au total outre le préjudice financier et moral en résultant.

À titre principal,

* prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame v.A,

À titre subsidiaire,

* constater, que le licenciement est nul,

Très subsidiairement,

* constater que le licenciement est abusif,

En conséquence, dans l'un et l'autre cas,

* condamner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) à payer à Madame v.A les sommes suivantes :

* • 41.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement abusif,

* • 3.585,92 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* constater l'application de mauvaise foi du contrat de travail par la société N et P SAS,

En conséquence :

* condamner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) à verser à Madame v.A les sommes suivantes :

* • 60.000 euros de dommages et intérêts,

* • 5.000 euros pour non-respect du repos obligatoire quotidien et hebdomadaire,

* • 15.000 euros au titre de la violation des minima conventionnels,

* constater la violation par la SOCIÉTÉ N et P SAS de son obligation de sécurité et le harcèlement moral subi,

En conséquence :

* condamner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) à verser à Madame v.A la somme de 80.000 euros de dommages et intérêts.

* Constater le harcèlement sexuel subi par Madame v.A au sein de SAS N,

En conséquence :

* condamner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) à verser à Madame v.A la somme de 80.000 euros de dommages et intérêts.

* constater que Madame v.A a régulièrement effectué des heures supplémentaires sans jamais en être rémunérée par la SAS N,

* condamner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) à payer à Madame v.A les sommes suivantes :

* • 8.850 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires non rémunérées,

* • 885 euros de congés payés y afférents,

* • 20.000 euros de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé,

* ordonner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) de remettre à Madame v.A une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conforme sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

* ordonner l'exécution provisoire sur le tout,

* condamner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) à payer à Madame v.A la somme de 12.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

* condamner à titre principal in solidum la société N et P SAS (subsidiairement N & CIE lequel sera requalifié N selon la société à compter de janvier 2023) aux dépens au profit de Maître Clyde BILLAUD, avocat, sous sa due affirmation,

* débouter les sociétés N et P SAS de l'intégralité de leurs demandes,

* dire que les sommes au paiement desquelles les sociétés N et P SAS seront condamnées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir seront capitalisées en application de l'article 1745 du Code civil et condamner les sociétés N et P SAS au paiement desdits intérêts.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* • la procédure qu'elle a introduite est valable, Madame v.A ayant assisté en personne à chaque audience jusqu'à ce qu'elle constitue un avocat monégasque et ayant signé sa requête et ses conclusions,

* • les sociétés N et P SAS doivent être condamnées in solidum compte tenu de la situation de co- emploi,

* • la SAS N ne dispose d'aucun pouvoir de Direction ni d'autonomie,

* • elle recevait depuis l'origine des directives des deux sociétés,

* • en outre, depuis le rachat il n'y avait plus de Direction, qui était exercée par P SAS,

* • c'est la société P SAS qui a décidé seule du transfert du N & CIE à Paris et de sa requalification en la société par actions simplifiée de droit français N,

* • en réalité la société monégasque a juste changé d'adresse et a souhaité échapper à ses obligations de transfert de certains contrats de travail en alléguant frauduleusement de la mise en œuvre d'un licenciement économique pour les quatre salariés restants, alors qu'elle avait préalablement transféré les contrats de travail des autres salariés à P SAS,

* • la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail étant antérieure à la notification de la rupture du contrat, le Tribunal doit se prononcer sur cette demande,

* • la résiliation doit être prononcée compte tenu des manquements graves et répétés des employeurs qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et altéré gravement son état de santé,

* • elle a subi du harcèlement sexuel, reconnu par les employeurs,

* • il n'est pas démontré que les harceleurs aient été sanctionnés,

* • au contraire, Monsieur p.B est resté à son contact à plusieurs reprises et est resté Directeur général de N,

* • les employeurs ont manqué à leur obligation de sécurité et ont continué de la déstabiliser et de la harceler,

* • ils sont pourtant soumis à une obligation générale de sécurité et aux obligations particulières de la Convention Collective Française de la Pharmacie mentionnée dans chaque bulletin de salaire,

* • elle a subi des faits de harcèlement moral renouvelés pendant plus de trois ans,

* • les employeurs se gardent de produire l'intégralité du dossier d'enquête interne,

* • le harcèlement s'est aggravé pendant l'enquête interne,

* • il lui a été demandé de rester chez elle alors que les auteurs continuaient de travailler,

* • malgré l'annonce de la clôture de l'enquête, il lui a été demandé de rester à son domicile,

* • elle a été contrainte de prolonger son arrêt pendant plus de six mois, lui occasionnant une perte de revenus et un préjudice moral,

* • malgré la reconnaissance du harcèlement elle n'a reçu aucune indemnisation,

* • malgré les fautes de ses harceleurs, l'employeur a maintenu un lien avec Monsieur p.B et l'a mise en contact avec Monsieur l.C,

* • puis il a minimisé les faits, alors qu'il les avait initialement reconnus,

* • elle a subi une rétrogradation, avec modification de sa fiche de poste la veille de sa reprise du travail et ajout de responsabilités supplémentaires,

* • elle a subi des pressions pour signer cette fiche,

* • afin d'aggraver son état de santé l'employeur va lui demander des comptes rendus détaillés de ses missions,

* • elle a été la seule salariée à ne pas bénéficier d'entretien annuel,

* • elle a subi un nouvel arrêt de travail,

* • à son retour elle a subi de nouveaux faits de harcèlement se manifestant par des ordres contradictoires, un dénigrement, des courriels d'une rare agressivité, une absence de convocation aux réunions,

* • ses employeurs vont continuer de la pousser au départ en feignant de lui proposer des postes de reclassement avec une rare déloyauté,

* • ils communiquent une pièce n° 3 tronquée qui doit être écartée des débats,

* • les faits ont gravement atteint sa santé physique et mentale,

* • elle a subi plusieurs arrêts de travail, est suivie par un psychiatre et a été soumise à des traitements médicamenteux sévères,

* • son préjudice de santé a été aggravé par la perte de son enfant des suites du covid contracté au travail compte tenu des réticences de son employeur à autoriser le télétravail et du stress élevé des conditions de travail,

* • elle a été humiliée lors de la reprise du travail quatre jours après l'accouchement de l'enfant décédé,

* • elle apprenait en outre que malgré les cotisations sur son salaire au titre de la mutuelle, l'employeur n'en avait pas souscrit et la laissait prendre en charge des frais exorbitants d'hospitalisation,

* • or, ayant prélevé les charges et relevant de la Convention Collective de l'Industrie Pharmaceutique, il avait l'obligation d'y souscrire,

* • ses responsables n'hésitaient pas à se moquer d'elle à cette occasion,

* • l'employeur ne l'a jamais convoquée à une visite de reprise malgré les obligations légales,

* • l'employeur a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi,

* • il n'a jamais régularisé l'ancienneté sur les bulletins de salaire malgré sa reconnaissance de l'erreur,

* • il n'a jamais versé le salaire net de 2.800 euros à compter de juin 2019 malgré ses engagements,

* • il n'a pas payé le salaire minimum conventionnel correspondant à l'échelon 7A mentionné depuis janvier 2021 pour un préjudice total de 29.205,42 euros,

* • l'employeur ne peut refuser d'appliquer la Convention Collective mentionnée sur chaque bulletin de salaire,

* • il a refusé de l'augmenter, de lui régler les primes et 13ème mois pour des raisons discriminatoires,

* • il a mentionné qu'elle était en activité partielle de mars 2020 à avril 2020 alors qu'elle a travaillé à temps plein,

* • il a mentionné sur le relevé retraite toute l'année 2020 en chômage alors qu'elle a travaillé,

* • aucun contrat de travail ni fiche de fonction ne lui seront remis,

* • sa charge de travail et ses tâches étaient augmentées de façon excessive l'obligeant à travailler sans horaire,

* • ce n'est que suite à un audit qu'une fiche de poste lui a été remise en 2021,

* • alors que l'employeur lui a demandé de travailler à temps plein pendant la période de confinement, il a mentionné abusivement du chômage partiel afin de percevoir les aides,

* • du fait de l'augmentation exponentielle de sa charge de travail elle travaillait constamment du lundi au dimanche sans horaire, régulièrement de nuit,

* • elle démontre la réalité de ses heures supplémentaires par des éléments précis et suffisants non démentis par l'employeur qui ne produit aucun relevé de connexions, de badge (…),

* • en la faisant travailler au-delà de la durée légale sans la rémunérer dans son intégralité, l'employeur a caractérisé l'élément intentionnel du travail dissimulé,

* • les manœuvres de l'employeur ont entraîné la dégradation médicalement constatée de son état de santé et constituent des manquements graves qui justifient la résolution du contrat aux torts exclusifs des employeurs et l'indemnisation des préjudices subis,

* • subsidiairement, le licenciement est nul en raison des harcèlements subis,

* • et abusif en raison de l'absence de véracité du motif économique invoqué,

* • les contrats de travail des salariés auraient dû être transférés auprès de la société française nouvellement créée,

* • son préjudice est très important,

* • elle a été profondément traumatisée et son avenir professionnel est compromis,

* • elle a un enfant à charge qu'elle élève seule,

* • l'exécution provisoire est nécessaire compte tenu de la crainte que les sociétés N et P SAS ne fassent pas face à leurs obligations.

À l'audience de plaidoirie, Madame v.A sollicite le rejet des conclusions adverses du 16 mai 2024 en raison du conflit d'intérêts de l'avocat plaidant.

Par conclusions considérées comme récapitulatives du 16 mai 2024, la SAS N et la SAS P sollicitent de :

* • constater le bien-fondé du licenciement économique de Madame v.A,

* • constater l'absence de harcèlement sexuel et de chantage sexuel à l'encontre de Madame v.A,

* • constater l'absence de harcèlement moral à l'encontre de Madame v.A,

* • constater l'exécution parfaitement loyale du contrat de travail de Madame v.A,

* • constater l'absence d'heures supplémentaires effectuées par Madame v.A,

* • juger irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame v.A,

* • débouter Madame v.A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

* • condamner Madame v.A à verser à la Société la somme de 10.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

* • condamner Madame v.A aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Elles font valoir pour l'essentiel que :

* • Maître Hinde BOULEMIA, avocat au Barreau de Paris, n'avait pas la capacité de représentation de Madame v.A devant le Tribunal du travail,

* • cette irrégularité n'a pas été soulevée d'office et n'a été régularisée qu'en raison des conclusions d'incident,

* • il n'y a pas de co-emploi entre les sociétés N et P SAS,

* • il est exigé une immixtion permanente dans la gestion de la société et une perte totale d'autonomie d'action,

* • Madame v.A n'a jamais reçu le moindre ordre ni la moindre directive de la part de la société P,

* • elle n'a jamais eu aucune interaction avec la société P,

* • il existe uniquement une gestion commune des ressources humaines au niveau du g.D, constitué d'une vingtaine de sociétés distinctes, et la société P, entité juridique distincte,

* • la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est irrecevable, le contrat ayant déjà été rompu par l'employeur,

* • le licenciement intervenu même postérieurement à la saisine du Tribunal du travail rend la demande de résiliation sans objet,

* • en outre, le licenciement est intervenu à la date où l'employeur a manifesté sa volonté de mettre fin au contrat, c'est-à-dire le jour de l'envoi de la lettre,

* • la salariée a attendu la réception du courrier de licenciement pour motif économique pour saisir le Tribunal du travail, ce qui interroge sur les manquements graves remontant à 2019 qu'elle invoque,

* • le licenciement est bien-fondé,

* • la procédure a concerné l'ensemble des salariés de la société et n'est pas inhérente à la personne de Madame v.A,

* • le poste a bien été supprimé puisque la société a cessé toute activité et a été liquidée,

* • constitue un licenciement économique la suppression d'un poste résultant de la nécessité de restructurer l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité,

* • en outre, l'article 10 de l'Arrêté Ministériel n° 70-265 consacre le départ de l'entreprise du territoire de la Principauté comme motif économique,

* • le contrat de travail de Madame v.A n'avait pas à être transféré en raison du caractère transnational,

* • l'ensemble de la procédure a été respectée,

* • le périmètre de l'obligation de reclassement est limité à Monaco,

* • toutefois, il lui a été proposé des postes en France qu'elle a refusés,

* • Madame v.A a été remplie de ses droits et a perçu une indemnité complémentaire, qu'elle a l'audace de réclamer alors qu'elle les a déjà perçues,

* • dans le cadre de l'enquête pour harcèlement, il n'a pas été intimé à Madame v.A de rester en arrêt de travail, celle-ci étant en arrêt de son propre chef,

* • la Commission d'enquête interne n'a pas qualifié les faits d'harcèlement ou de chantage et n'a pas indiqué que Madame v.A aurait été une victime directe du comportement de ses responsables,

* • au contraire, elle avait confirmé l'absence d'interaction avec Monsieur p.B et n'a jamais été victime de geste ou propos répété de Monsieur l.C,

* • la société a respecté ses obligations en matière de prévention de harcèlement et a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de Madame v.A,

* • des sanctions disciplinaires ont été prises à l'encontre des salariés mis en cause pour des blagues et remarques à connotation sexuelle ou sexiste devant leurs collègues,

* • l'employeur monégasque n'est pas soumis à une obligation de sécurité de résultat,

* • en outre, les dispositions de la Convention Collective Nationale de l'Industrie Pharmaceutique Française ne sont pas applicables,

* • la commission d'enquête n'a pas conclu à un harcèlement moral de Madame v.A mais à l'existence d'un management brutal,

* • en réalité de nombreuses accusations de Madame v.A n'étaient pas fondées,

* • dès l'alerte, Madame v.A n'a plus jamais été en contact avec son manager,

* • il a été licencié pour faute grave,

* • Monsieur p.B a été changé de poste avec mutation dans une autre entité du groupe,

* • des mesures ont été mises en place pour qu'il ne soit pas en contact avec Madame v.A, privilégiant sa venue lorsqu'elle était en congés ou en télétravail,

* • elle n'a pas été rétrogradée ou surchargée,

* • la nouvelle fiche de poste visait à clarifier le périmètre de ses missions,

* • elle a été augmentée,

* • la demande de compte rendu d'activité visait à vérifier le nombre de missions confiées par chaque manager,

* • elle a été évaluée en 2020,

* • l'absence d'évaluation en 2021 se justifie par son absence pour maladie,

* • en 2020 elle était en arrêt de travail lors de la période des entretiens annuels,

* • les comptes rendus d'enquête signés par Madame v.A sont authentiques et remettent en cause certaines de ses accusations,

* • le préjudice de santé n'est pas constitué,

* • les certificats médicaux ne permettent pas de diagnostiquer l'origine de la pathologie et doivent être écartés,

* • les obligations lors de la pandémie de covid 19 ont été parfaitement respectées,

* • la société n'a jamais souhaité son retour précipité après la perte de son enfant,

* • elle a bien été convoquée aux visites de reprise,

* • la date d'ancienneté a été corrigée et n'a absolument aucune implication,

* • l'erreur sur le calcul du salaire ne porte que sur la période de juillet 2019 à décembre 2020 et sur la somme de 450 euros,

* • la société aurait déjà régularisé ce point si la salariée l'avait porté à sa connaissance,

* • les minima conventionnels français ne sont pas applicables à Monaco,

* • ils ne peuvent l'être que sous l'angle de conditions de travail identiques,

* • or, les situations des salariés français et monégasques ne sont pas similaires, notamment au regard des mesures d'aides publiques et de réduction des charges sociales, du nombre de jours fériés et de leur report, des mesures d'aménagement du temps de travail et du forfait annuel en jours,

* • en outre, la salariée se réfère aux minima sociaux qui n'étaient pas en vigueur lors de sa période d'exercice et compare sa rémunération nette avec les minima exprimés en brut,

* • si l'enquête interne s'est fondée sur des témoignages concordants sur la question des refus d'augmentation et de non-versement de primes, les vérifications ultérieures démontrent que Madame v.A a bénéficié d'augmentations, ne bénéficiait pas de rémunération variable car elle n'était pas commerciale, qu'elle n'était pas la seule dans ce cas, qu'aucun salarié ne bénéficie de 13ème mois,

* • Madame v.A n'a jamais été déclarée en chômage sur un relevé retraite pour l'année 2020,

* • l'employeur n'a aucune obligation de transmettre un contrat de travail ni une fiche de poste,

* • en outre, elle s'est vue remettre deux fiches de poste,

* • les pièces produites par la salariée démontrent que son activité était bien diminuée pendant la pandémie, raison de son placement en chômage partiel,

* • aucune obligation ne pèse sur l'employeur de fournir une mutuelle aux salariés,

* • c'est par erreur que des cotisations ont été prélevées,

* • elles ont été remboursées,

* • la salariée ne démontre nullement la durée du temps de travail qu'elle invoque,

* • elle ne peut prouver son amplitude horaire,

* • l'employeur n'était soumis à aucune obligation de contrôle de sa charge de travail,

* • la preuve des heures supplémentaires n'est pas rapportée,

* • le tableau qu'elle produit est inintelligible, il opère un décompte mensuel, il comporte des erreurs grossières, il n'est accompagné d'aucun justificatif des missions réalisées,

* • elle ne produit aucun élément sur de très longues périodes,

* • elle ne justifie pas qu'il lui ait été demandé ou qu'il y ait eu une urgence justifiant des réponses tardives ou le week-end,

* • elle n'a pas dénoncé sa cadence de travail mais seulement demandé une augmentation,

* • la notion d'indemnité pour travail dissimulé est inconnue du droit du travail monégasque,

* • le quantum des demandes de la salariée est incompréhensible,

* • elle a retrouvé un emploi en Suisse alors qu'elle était encore en préavis.

À l'audience de plaidoirie, les défenderesses indiquent qu'il n'y a pas lieu de rejeter leurs conclusions, aucun dessaisissement du c.E n'ayant été sollicité.

SUR CE,

* Sur la représentation de la demanderesse devant le Tribunal du travail

Madame v.A a saisi le Tribunal du travail par requête datée du 9 novembre 2022 signée par ses soins. Elle a ensuite comparu personnellement à l'audience du Bureau de Conciliation. La cause a dès lors été régulièrement introduite conformément aux dispositions de l'article 36 de la loi n° 446 du 16 mai 1946. Elle a par la suite déposé en personne des conclusions signées par ses soins le 9 février 2023. Aucune irrégularité de procédure n'est constituée.

* Sur les conclusions récapitulatives du 16 mai 2024 des défenderesses

Le 16 mai 2024, la défenderesse a déposé des conclusions par l'intermédiaire de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur. Sur la page de garde, il est noté que Maître Muriel PARENTE est l'avocat plaidant du dossier.

Madame v.A sollicite que ces conclusions soient écartées des débats au motif que Maître Muriel PARENTE souffrirait d'un conflit d'intérêts et que le Bâtonnier de Paris lui aurait demandé de se déporter.

Il convient de relever que le courrier dudit Bâtonnier ne conclut ni à un conflit d'intérêt ni à une injonction de déport, mais a estimé que la situation dans laquelle se trouvait Maître Muriel PARENTE portait atteinte au principe de délicatesse, compte tenu du fait que l'un des avocats de son Cabinet avait procédé à l'audition de Madame v.A en novembre 2021. Le Bâtonnier a dès lors « recommandé » à Maître Muriel PARENTE et tout autre avocat exerçant au sein du c.E de se déporter des intérêts de la société N dans cette affaire.

Or, Maître Marie-Laure TERRAGANO, avocat plaidant pour la société N a indiqué par mail du 23 mai 2024 que c'était bien elle qui avait pris les conclusions pour l'audience de mise en état du 16 mai. C'est d'ailleurs bien elle qui s'est présentée à l'audience de plaidoirie du 20 juin 2024.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les conclusions du 16 mai 2024.

* Sur le co-emploi

Lorsqu'une filiale d'un groupe est en difficulté, les salariés à la recherche d'un débiteur solvable peuvent mettre en cause une société appartenant à un même groupe en cas de co-emploi. Cela suppose que soit caractérisée une confusion des intérêts, des activités et de direction entre les deux personnes morales.

Il y a co-emploi et existence d'un contrat de travail entre un salarié et un employeur autre que celui que l'acte désigne comme tel dès lors que celui-ci donne directement ou indirectement des instructions au salarié ou qu'il existe entre les sociétés une confusion d'intérêts, d'activité et de direction qui se manifeste par une immixtion de l'une des sociétés dans la gestion économique et sociale de l'autre.

Il appartient au salarié qui invoque une situation de co-emploi d'apporter au Juge des éléments démontrant ladite confusion, qui n'est reconnue que lorsque plusieurs éléments caractérisant cette immixtion sont constatés.

En l'espèce, Madame v.A sollicite la reconnaissance d'une situation de co-emploi au bénéfice de la SAS P. Elle ne produit aucun élément relatif aux dirigeants des sociétés (celle l'employant et la SAS P) permettant d'établir une confusion de Direction. Elle ne justifie d'aucune instruction qui lui aurait été donnée par la SAS P ou l'un de ses salariés au cours des trois années de collaboration.

En réalité, il est uniquement établi que la marque N est une marque du groupe français P. Or, aucun élément ne détermine que la SAS P dirigeait le groupe. Il n'est pas plus établi qu'elle se soit immiscée dans la gestion effective de la SAM N & CIE.

En effet, d'une part, Madame v.A peine à démontrer uniquement une délégation de gestion de la partie ressources humaines, ce qui est bien insuffisant pour établir une situation de co-emploi, le fait de laisser cette partie de l'activité gérée par une société tierce du groupe ne caractérisant pas une perte totale d'autonomie. Surtout, elle ne démontre pas que les ressources humaines étaient gérées par la SAS P, le décisionnaire du licenciement, Monsieur t.F, étant Directeur des Ressources Humaines du g.D, et non pas salarié de la SAS P.

Il apparaît en définitive que Madame v.A opère une confusion entre la notion de groupe de société et une société précise dont l'intitulé comporte le nom dudit groupe.

Il n'y a en réalité aucune situation de co-emploi, aucun élément ne démontrant que la SAM N & CIE avait perdu son autonomie, et encore moins au bénéfice de la SAS P en sorte que l'ensemble des demandes de condamnations solidaires seront rejetées.

* Sur le temps de travail

Madame v.A revendique ainsi avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, ayant empiété sur son temps de repos et devant être qualifiées de travail dissimulé.

En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959, les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur au-delà de durée légale de travail de 39 heures par semaine ou de la durée de travail considérée comme équivalente ouvrent droit au bénéfice des majorations de 25 % pour les huit premières et 50 % pour les heures suivantes.

Il appartient au salarié qui revendique l'exécution d'heures supplémentaires de rapporter la preuve de leur existence.

En l'espèce, Madame v.A fonde sa demande sur des tableaux horaires ne répondant pas aux dispositions légales. Ils ne sont en effet pas présentés par semaine et ne permettent pas de procéder aux calculs des heures. Ils sont par ailleurs étayés par des preuves qui ne permettent pas de déterminer si les heures accomplies hors des créneaux habituels de travail doivent être prises en charge par l'employeur. En effet, pour ouvrir droit à paiement, les heures supplémentaires doivent avoir été accomplies à la demande de l'employeur. Or, il ne ressort pas des nombreux mails qu'elle communique que les activités qu'elle a pu réaliser en dehors de ses horaires de travail nécessitaient d'être traitées à ce moment-là et ne pouvaient attendre les créneaux habituels. Au contraire, l'immense majorité des mails qu'elle communique sont envoyés spontanément par ses soins et ne répondent à aucune demande de l'employeur, condition préalable indispensable. Quant aux quelques mails qui lui sont envoyés en dehors de ses heures de travail, notamment en 2022, soit ils n'appelaient pas de réponse, soit il n'est pas démontré qu'il lui ait été demandé de travailler à ces horaires-ci ni qu'elle l'ait fait.

À titre d'échantillonnage, au mois de janvier 2020, elle envoie dix mails en dehors de ses horaires de travail. Il peut être tout de suite constaté qu'ils sont téléchargés sur Android, donc sur son téléphone portable, et qu'il est dès lors fort peu probable qu'elle se soit trouvée au bureau. Neuf d'entre eux ne sont pas contextualisés : il est impossible de savoir s'ils répondent à une demande, à quelle heure elle aurait été faite, les raisons pour lesquelles elle n'aurait pas pu le traiter avant ou après, le niveau d'urgence de la situation. Quant à celui envoyé le 31 janvier 2020 à 21 heures 36, il s'agit d'un remerciement à Monsieur l.C pour la transmission d'un guide à 20 heures 40, sans qu'il ne lui soit demandé de fournir un quelconque travail.

Au mois de mai 2021, elle envoie 21 mails, dont 17 ne sont pas contextualisés et ne permettent pas de déterminer si elle agissait sur demande. Pour les autres, les heures ne sont pas accomplies à la demande de l'employeur :

* • le 10 mai, elle répond à un prestataire à 19 heures 32 à une proposition de 12 heures 08, sans qu'elle n'explique pourquoi elle a attendu 18 heures 08 pour interroger sa collègue, ni en quoi elle ne pouvait attendre le lendemain pour répondre,

* • le 19 mai elle répond à 18 heures 44 alors que la demande de sa collègue avait été faite pendant les heures de bureau (17 heures 24) et que rien n'indiquait une quelconque urgence,

* • le 31 mai elle répond à une collègue à 19 heures 46 à une demande de 16 heures 24 sans explication sur le délai écoulé.

Au mois de mars 2022, elle envoie spontanément neuf mails en dehors de ses horaires habituels, sans répondre à une quelconque demande de son employeur.

Ce schéma se reproduit tout au long de la relation de travail.

Elle est en conséquence déboutée de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour non-respect du repos obligatoire quotidien et hebdomadaire.

* Sur le salaire

Il n'y a aucunement lieu à fixer le salaire brut de Madame v.A à la somme de 3.582,92 euros brut, celui-ci ayant évolué tout au long de la relation de travail.

Madame v.A se plaint du non-respect du salaire minimum conventionnel. Il ressort des quelques éléments fournis (la demanderesse n'ayant pas communiqué l'intégralité de ses bulletins de salaire) qu'elle était rémunérée 3.251,38 euros brut en janvier 2021 et janvier 2022, 3.335,92 euros brut de février 2022 à avril 2022, 3.402,64 euros brut de mai à novembre 2022, alors que le salaire conventionnel était de 3.050,15 euros brut. L'employeur a bien respecté le minimum applicable. Il était même au-dessus du minimum de janvier 2023, relevé à 3.226,11 euros brut.

Sa demande pour violation des minima conventionnels est en conséquence rejetée.

Elle déplore également que l'engagement de la rémunérer 2.800 euros net n'ait pas été respecté. Cet engagement avait effectivement été pris à l'embauche pour le mois d'octobre 2019, puis ramené à juillet 2019. Au regard des quelques bulletins de salaire produits, il apparaît que lorsqu'elle était payée un mois complet d'activité, elle a systématiquement perçu un salaire d'au moins 2.800 euros net (par exemple 2.968,07 euros net en mai 2022).

Il ressort toutefois de l'aveu de l'employeur qu'une erreur aurait été commise pour la période de juillet 2019 à décembre 2020 représentant la somme de 450 euros. Le Tribunal ne disposant pas des bulletins de salaire afférent, il ne peut que prendre acte de cet aveu et condamner la SAS N, comme elle s'y engage, à verser à Madame v.A la somme de 450 euros net à titre de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Le surplus de la demande de Madame v.A est rejeté, celle-ci étant parfaitement défaillante à démontrer que l'erreur serait annuelle ; au contraire, l'aveu ne porte que sur une période et une somme précises. Par ailleurs, en l'absence des bulletins correspondant, le Tribunal ne peut procéder à la vérification des calculs.

* Sur les mauvaises conditions de travail

Madame v.A déplore que son employeur ait exécuté le contrat de travail de mauvaise foi, en listant un certain nombre de griefs qu'elle décorrèle des actes de harcèlement dont elle s'estime par ailleurs victime.

Au sujet de sa charge de travail, il n'est pas contestable qu'elle ne respectait pas ses horaires de travail et que son employeur en avait parfaitement connaissance, pour être le destinataire de nombreux mails envoyés pendant sa pause déjeuner ou tard le soir. Garant de la sécurité de ses salariés, il n'aurait pas dû permettre à cette situation de s'installer et aurait dû rappeler à Madame v.A la nécessité de respecter ses horaires de travail. En la laissant prospérer dans son fonctionnement dysfonctionnel, il commet une faute engageant sa responsabilité, ce d'autant qu'il s'agit d'une salariée dont la fragilité psychologique est par ailleurs connue, comme cela ressort des événements qualifiés de harcèlement qui seront examinés ci-après.

Il ressort d'ailleurs clairement du rapport établi dans le cadre de la procédure pour harcèlement que Monsieur l.C, par sa désorganisation et ses méthodes de management, avait imposé des périodes de forte tension, notamment en matière d'horaires, à la salariée.

Si l'employeur a fini par réagir en mettant en place des reportings hebdomadaires à partir de mai 2022, ce dont la salariée se félicitait, cela a été bien tardif.

Aucun des autres griefs de Madame v.A n'est constitué :

* • l'employeur n'a aucune obligation de remise d'un contrat de travail écrit ni d'une fiche de poste,

* • elle ne démontre pas avoir travaillé pendant la période où elle a été déclarée en activité partielle (elle prouve avoir envoyé trois mails en mars 2020 et deux mails en avril 2020 ce qui n'est pas constitutif d'un travail),

* • sa demande de télétravail pour le mois de mai 2020 a bien été acceptée selon mail du 13 mai, alors qu'aucune obligation légale ne reposait sur l'employeur,

* • aucun relevé retraite erroné n'a été édité par l'employeur,

* • la Convention Collective mentionnée sur ses bulletins de salaire a bien été respectée quant aux minima conventionnels,

* • elle ne démontre pas que l'employeur était soumis à l'obligation d'assurer une représentation du personnel, ni le préjudice qu'elle aurait subi de son absence.

En conclusion, il convient de réparer le préjudice moral subi par Madame v.A du fait d'avoir subi une surcharge de travail et des conditions de travail désorganisées, en condamnant la SAS N à lui verser la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

* Sur le harcèlement

Aux termes de l'article 2 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017, nul ne doit se livrer au harcèlement moral ou sexuel au travail.

Le harcèlement moral au travail est le fait de soumettre, sciemment et par quelque moyen que ce soit, dans le cadre d'une relation de travail, une personne à des actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à sa dignité ou se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale.

Le harcèlement sexuel au travail est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, sciemment et par quelque moyen que ce soit, dans le cadre d'une relation de travail, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexistes qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

En l'espèce, le 14 octobre 2021, Madame v.A a dénoncé des faits qu'elle subissait depuis plusieurs mois, pouvant être résumés dans les points suivants :

* • une discrimination quant à son statut et sa rémunération,

* • un climat obscène imposé par ses deux supérieurs, avec des blagues à caractère sexuel et des remarques physiques en permanence,

* • un dénigrement permanent,

* • une absence totale de respect,

* • une pression continue,

ayant grandement dégradé ses conditions de vie, au point qu'elle ait été placée en arrêt de travail.

Suite à une enquête diligentée par le groupe, le rapport concluait de la manière suivante :

« La commission d'enquête interne estime qu'il résulte de témoignages concordants que, sous couvert d'humour, Monsieur B et Monsieur G ont contribué à instaurer un climat permissif quant aux commentaires et remarques en tout genre à connotation sexuelle et sexiste mais se sont également livrés à des comportements inacceptables (insultes à connotation sexuelle, utilisation de termes grivois et autres actes déplacés tels que décrits au présent rapport).

En outre, la commission d'enquête estime qu'il résulte de témoignages concordants que le comportement et le management de Monsieur G ont été parfaitement brutaux et inappropriés envers Madame A notamment en raison de :

* • sa brutalité dans la communication menant à des pleurs de Madame A à de nombreuses reprises ;

* • son manque d'organisation menant à des périodes de fortes tensions imposées à Madame A ;

* • son manque de considération et sa mise à l'écart de Madame A ;

* • son traitement différencié de Madame A par rapport aux autres salariés (refus de primes, refus d'augmentation, refus de départs anticipés etc.) ;

* • son absence de prise en compte des alertes qui lui ont été faites par Madame A.

Il résulte également du témoignage de plusieurs salariés que les comportements inappropriés de Monsieur G révélés dans le cadre de l'enquête interne ont été fréquents et s'inscrivent dans une attitude générale de ce dernier.

Dès lors, la commission d'enquête estime qu'un management brutal et dénigrant est caractérisé.

La commission d'enquête note par ailleurs qu'à l'occasion de l'enquête sur le comportement de Monsieur B et de Monsieur G à l'égard de Madame A, des faits antérieurs ont été rapportés laissant entendre que le comportement de Monsieur G serait notamment responsable du départ d'anciens salariés et que les difficultés liées à son comportement seraient connues par les professionnels de santé travaillant avec la société N ».

Les conclusions de cette enquête ont confirmé l'ensemble des faits qui étaient dénoncés par Madame v.A et qu'elle avait longuement développés lors de ses entretiens dans le cadre de l'enquête. Sans être exhaustif compte tenu de la longueur des récriminations, elle avait alors déploré :

* • des propos sexuels et racistes de Monsieur p.B envers plusieurs collègues, ainsi qu'une remarque à son endroit,

* • des critiques et dénigrements quotidiens,

* • des reproches pour ne pas avoir annoncé sa grossesse,

* • des moqueries quant à son problème de mutuelle,

* • des blagues sexistes permanentes de Messieurs p.B et l.C qui parlaient des femmes comme des bouts de viande,

* • un management toxique de Monsieur G,

* • une absence totale de considération suite à la perte de son enfant.

Ces agissements sont en outre confirmés par plusieurs salariés. Ainsi, Madame j.H témoigne de la grave dégradation des conditions de travail causée par Monsieur l.C, des blagues et comportements sexistes, des pressions sur Madame v.A, avec de récurrentes demandes urgentes à la fin de sa prise de poste. Monsieur b.I décrit le management de Monsieur l.C comme dur, disproportionné et abusif envers Madame v.A, la pression et la désorganisation des managers, les propos sexistes et racistes de Monsieur p.B. Madame s.J fait état de pressions.

L'ensemble de ces comportements sont constitutifs de harcèlement moral et sexuel à l'encontre de Madame v.A.

Concernant le harcèlement moral, la pression, le dénigrement, les moqueries, commis très régulièrement pendant plusieurs mois répondent à la définition légale. Ils ont engendré une nette dégradation des conditions de travail de la salariée et ont altéré sa santé, comme en témoignent les nombreux collègues relatant les pleurs très réguliers de Madame v.A ainsi que les prescriptions médicales qui démontrent qu'elle n'a plus pu se rendre au travail pendant de longues périodes et qu'elle a souffert d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel.

Par ailleurs, le harcèlement sexuel se caractérise par le fait d'imposer des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste. D'une part, les agissements n'ont pas nécessairement à être de nature sexuelle, mais peuvent se limiter à des remarques sexistes. À ce sujet, les remarques sur les physiques des candidates, les sous-entendus sur les qualités des cavalières, les termes « salope » ou « queen of the pussy » entrent totalement dans la définition des propos sexistes. D'autre part, il n'est pas exigé, au titre des éléments constitutifs, que les propos ou comportements soient adressés directement à la personne qui s'en plaint, mais simplement le fait qu'ils lui soient imposés. Dès lors, le fait que les propos particulièrement sexistes de Messieurs l.C et p.B aient été tenus en présence et auprès de Madame v.A est bien constitutif de harcèlement sexuel et ce peu importe qu'elle ait précisé n'avoir jamais été victime de gestes déplacés. À ce sujet, il est peut-être utile de rappeler que si les propos avaient été accompagnés de gestes de nature sexuelle accomplis sans le consentement d'autrui, cela ne relèverait pas du harcèlement sexuel, mais de l'agression sexuelle.

Si Madame v.A forme des demandes distinctes relativement au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, il doit être noté qu'elle n'apporte aucun élément permettant de distinguer son préjudice. Par ailleurs, le lien de causalité entre les agissements de nature morale et ceux de nature sexuelle avec la dégradation de son état de santé n'est pas distingué. Dans ces conditions, son préjudice sera appréhendé de manière globale.

Madame v.A considère par ailleurs que l'employeur a failli dans son obligation générale de sécurité en ne la protégeant pas suffisamment du harcèlement dont elle a été victime.

Avant le signalement, il est difficile de certifier que l'employeur avait connaissance des comportements déviants de ses employés et n'a pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser les faits, tel que l'article 5 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 le lui impose. Toutefois, en tant que responsable de ses préposés, il est responsable des agissements dont a été victime Madame v.A et devra l'indemniser à leur juste hauteur.

Pendant la procédure d'enquête, l'employeur n'a pas failli à sa mission de protection de la salariée. Si elle affirme qu'un arrêt de travail lui aurait été imposé par son employeur, elle est totalement défaillante à le démontrer. Lorsque Monsieur l.C a dû se rendre dans les locaux pour vider ses affaires, elle a été informée au préalable et il lui a été proposé d'être en télétravail.

Suite à la révélation des agissements harcelants, l'employeur a pris la juste mesure des faits, en licenciant immédiatement Monsieur l.C, auteur des faits les plus graves, et en éloignant Monsieur p.B.

À la lecture des mails de Madame v.A au cours du mois de mars 2022, il semble que si l'employeur avait garanti une stricte impossibilité de contact, la salariée a pu se sentir en insécurité. Ainsi, elle s'est inquiétée de sa venue dans les locaux et des échanges qu'elle pourrait avoir avec lui, notamment le 22 mars. Le 28 mars, il lui adressait d'ailleurs un e-mail. L'employeur n'avait alors pas mis en place des procédures suffisamment claires pour rassurer sa salariée et garantir qu'elle puisse exercer ses fonctions dans des conditions sereines. Toutefois, hormis ces deux incidents, il n'est plus jamais apparu un quelconque contact entre Madame v.A et Monsieur p.B, ce qui démontre que l'employeur a pris la mesure de ses obligations et a fait cesser tout trouble conformément à ses obligations légales.

Concernant l'absence de représentation du personnel, elle n'est pas démontrée. Surtout, Madame v.A n'explique pas en quoi cela lui aurait causé préjudice, alors qu'elle a su trouver des relais efficaces dans le groupe lorsqu'elle a souhaité dénoncer les faits dont elle était victime.

Madame v.A déplore enfin avoir subi des représailles suite à sa dénonciation et notamment une rétrogradation et des pressions. La lecture des échanges entre la salariée et l'employeur démontre que la proposition de modification de contrat consistait en une augmentation, avec l'ajout d'une prime qu'elle déplorait ne pas percevoir. La seule réclamation de la salariée a consisté à réclamer un salaire plus important, sans jamais remettre en cause ses missions, son titre ou évoquer une quelconque rétrogradation. Elle n'a par ailleurs subi aucune pression. En outre, dans le courant du mois de mai 2022, sa Directrice Générale mettait en place des reportings par semaine, afin d'assurer une meilleure visibilité et un bon calibrage de sa charge de travail. Madame v.A s'en réjouissait par mail du 23 juin et est bien mal-fondée à s'en plaindre dorénavant. Elle n'a en réalité été victime d'aucun agissement tentant de lui porter atteinte suite aux faits d'harcèlement qu'elle avait très justement dénoncés.

En définitive, il convient de réparer le préjudice subi par Madame v.A pour avoir subi de très nombreux comportements de harcèlement moral et sexuel entre son embauche au mois d'avril 2019 et sa dénonciation d'octobre 2021, en tenant compte des répercussions que cela a eu sur sa santé mentale et de condamner la SAS N à lui verser la somme de 45.000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement. En revanche, il n'est établi aucune violation de l'obligation de sécurité.

* Sur le licenciement

* Sur la nullité du licenciement

Aux termes de l'article 3 alinéa 2 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017, toute sanction ou mesure ayant pour objet ou pour effet d'affecter défavorablement le déroulement de carrière pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement est nul.

En l'espèce, si Madame v.A a été victime de harcèlement et a été licenciée, ce seul constat ne suffit pas à établir que cette mesure ait été prononcée parce qu'elle avait subi ou refusé de subir les faits.

Il est au contraire nécessaire d'établir un lien de causalité. Or, en l'espèce, le licenciement de Madame v.A n'a aucun lien avec le harcèlement dont elle a été victime préalablement. En effet, il est totalement déraisonnable de soutenir que la décision de fermeture de la société, de licenciement de l'intégralité du personnel et de transfert de l'activité en France aurait été prise pour porter préjudice à une salariée dénonciatrice de harcèlement plus d'un an auparavant.

Par ailleurs, comme développé ci-dessus, l'employeur a pris la juste mesure des faits dont avait été victime Madame v.A et les a fait cesser sans la sanctionner pour les avoir dénoncés.

Il n'y a en conséquence pas lieu de prononcer la nullité du licenciement ni d'allouer d'indemnité.

* Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Le contrat de travail peut être résilié aux torts exclusifs de l'une ou l'autre partie en cas de manquement grave à ses obligations.

Cette résiliation répond toutefois à deux exigences, de temporalité et de lien de causalité.

En effet, un contrat ne peut être résilié que s'il n'a pas été préalablement rompu. En l'espèce, le contrat de travail a été rompu par le licenciement de Madame v.A prononcé le 7 novembre 2022. La demande de résiliation judiciaire formée pour la première fois par le dépôt de la requête devant le Tribunal du travail le 10 novembre 2022 était dès lors irrecevable.

Par ailleurs et à titre superfétatoire, les agissements dont se plaint Madame v.A ont eu lieu des mois et des années avant sa demande de résiliation. Ils n'ont jamais entraîné de remise en cause de la relation de travail jusqu'à ce qu'elle soit informée de l'imminence d'une procédure de licenciement économique. En réalité, la cause de sa demande de résiliation n'est pas le comportement de son employeur, mais la volonté d'éviter un licenciement. La demande était dès lors en tout état de cause infondée.

* Sur la validité du motif de licenciement

Madame v.A a été licenciée pour motif économique dans les termes suivants :

« Faisant suite à notre entretien individuel du 25 octobre dernier lors duquel vous nous avez remis le document d'information ainsi qu'une proposition de reclassement que vous avez refusé le 2 novembre 2022, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour motif économique.

À titre de rappel, nous vous rappelons ci-dessous le motif économique (figurant dans le document d'information), nous ayant conduit à la rupture de votre licenciement :

En 2018, le K, rebaptisé P, a procédé au rachat des N, société, spécialisée dans la fabrication et la production de médicaments et compléments alimentaires dans les domaines de l'ophtalmologie et de la gynécologie.

En 2021, l'intégration de N au sein d'P est passée notamment par l'installation des premières équipes à Paris avec l'internalisation des fonctions " support ".

En 2022, P a poursuivi ce processus d'intégration et a décidé d'internaliser la production de certains produits N et d'implanter le siège social à Paris pour favoriser les interactions entre N et le Groupe et ainsi harmoniser la structure, l'organisation et la gestion de manière globale. Il est donc créé une société N de droit français, laquelle centralisera la totalité de l'activité.

En parallèle, de cette restructuration, il est procédé au rattachement de la filiale Belge au siège social parisien mais également le transfert des activités de la société Monégasque à la nouvelle structure de droit français ce qui entrainera la cessation totale et définitive de l'activité en Principauté de Monaco.

Cette restructuration et la centralisation de l'activité à Paris a notamment été contrainte par l'augmentation considérable des conditions tarifaires des locaux monégasques et de l'absence totale de solution de relocalisation à des conditions raisonnables sur ledit territoire, outre des questions de proximité et de facilité organisationnelle.

Cette restructuration sera donc effective au 31 décembre 2022, impliquant la suppression de façon définitive de votre poste de travail à Monaco au terme de notre bail.

Dans ces circonstances, votre poste de travail est définitivement supprimé au sein de N Monaco en raison de la restructuration et nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.».

Il incombe à l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de la rupture, de démontrer par des éléments objectifs que le licenciement était fondé sur un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise. À cet égard, il doit matériellement établir la nécessité économique de restructuration et l'effectivité de la suppression de poste.

En l'espèce, la suppression de poste a été effective au regard de la dissolution de la société.

Par ailleurs les motifs avancés sont valables, l'employeur ayant un intérêt économique à ne pas subir l'augmentation de loyer et un intérêt organisationnel à regrouper juridiquement et géographiquement ses activités.

Le motif de licenciement est en conséquence valable.

* Sur le caractère abusif du licenciement

Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture.

En l'espèce, Madame v.A ne démontre pas qu'une autre cause que celle avancée serait le motif réel de cessation des relations contractuelles. Elle ne justifie pas plus d'une quelconque intention de lui nuire, ni d'avoir été remplacée avant son licenciement, les recrutements dont elle fait état en juillet 2022 ne concernant ni son poste ni la Principauté de Monaco.

Le licenciement s'inscrivant dans le cadre d'un licenciement économique collectif, l'employeur était tenu de respecter les dispositions de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 rendu obligatoire par Arrêté Ministériel n° 70-265 du 28 juillet 1970. Il lui appartient alors, en application des articles 11 et 17, de rechercher des possibilités de reclassement susceptibles de lui convenir ainsi que des moyens de formation et de reconversion qui pourraient être utilisés.

L'obligation de recherche de solutions de reclassement n'impose pas une obligation de reclassement au sein des sociétés du groupe auquel appartient l'employeur établies en dehors de la Principauté. Il ne peut dès lors être reproché à la SAS N de ne pas avoir recherché des postes disponibles équivalents dans les sociétés du g.D installées à l'étranger.

Cependant, lorsque l'employeur envisage de proposer au salarié une solution de reclassement au sein d'une société étrangère du groupe, il lui appartient, dans le cadre de l'exécution de bonne foi des conventions, de formuler une offre formelle, claire et précise, assortie d'un délai suffisant de réflexion.

En l'espèce, Madame v.A s'est vu offrir par écrit le 25 octobre 2022, trois offres de reclassement en France, avec des intitulés de postes clairs et une annonce chiffrée de salaire. Il lui était soumis un délai de réflexion jusqu'au 2 novembre. Suite à ses interrogations le 27 octobre, il lui était apporté une réponse détaillée. Concernant sa demande d'information sur des postes non proposés, comme rappelé ci-dessus, l'employeur n'est comptable d'aucune obligation. Elle n'était licenciée que le 7 novembre, après refus explicite des postes de reclassement le 2 novembre.

Aucun abus n'a été commis par l'employeur dans cet enchaînement de faits, les droits de Madame v.A ayant été totalement respectés.

Quant à la dispense d'exécution de préavis, elle relève du pouvoir de Direction de l'employeur et ne peut être abusive sans circonstance particulière, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce. Au cas particulier elle était d'autant plus totalement justifiée par la fin du bail pour les locaux de la société en cours d'exécution du préavis.

Le licenciement n'étant pas abusif, ni dans son principe ni dans sa mise en œuvre, Madame v.A est déboutée de ses demandes d'indemnité pour licenciement abusif et pour non-respect de la procédure de licenciement.

* Sur les autres demandes

La documentation sociale devra être rectifiée dans le sens du présent jugement dans un délai de deux mois à compter de son prononcé. En l'absence de preuve d'une quelconque résistance de l'employeur, il n'y a pas lieu d'ordonner d'astreinte.

Il est ordonné la capitalisation des intérêts.

Chacune des parties succombant partiellement, elles conserveront la charge de leurs propres dépens. Dans ces conditions, les demandes au titre des frais irrépétibles sont rejetées.

La nécessité que l'exécution provisoire soit prononcée n'étant pas caractérisée il n'y a pas lieu de l'ordonner.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Constate que la procédure a été régulièrement introduite et poursuivie par Madame v.A ;

Rejette la demande afin d'écarter des débats les conclusions récapitulatives déposées le 16 mai 2024 aux intérêts de la SAM N & CIE devenue la société par actions simplifiée de droit français N et la SAS P ;

Rejette l'intégralité des demandes de condamnation in solidum de la SAS P ;

Rejette la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents de Madame v.A ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé de Madame v.A ;

Rejette la demande pour non-respect du repos obligatoire quotidien et hebdomadaire ;

Dit n'y avoir lieu à fixer le salaire de base de Madame v.A ;

Rejette la demande au titre de la violation des minima conventionnels de Madame v.A ;

Condamne la SAS N à verser à Madame v.A la somme de 450 euros net (quatre cent cinquante euros) à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2019 à décembre 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Rejette le surplus de la demande ;

Condamne la SAS N à verser à Madame v.A la somme de 3.000 euros (trois mille euros) de dommages et intérêts pour application de mauvaise foi du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Rejette le surplus de la demande ;

Condamne la SAS N à verser à Madame v.A la somme de 45.000 euros (quarante-cinq mille euros) de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Rejette le surplus de la demande ;

Déclare irrecevable la demande de résiliation du contrat de travail ;

Rejette la demande de nullité du licenciement et d'indemnités subséquentes ;

Dit que le motif de licenciement est valable ;

Dit que le licenciement n'est pas abusif ;

Rejette les demandes d'indemnités pour licenciement abusif et non-respect de la procédure de licenciement ;

Ordonne la rectification de la documentation sociale dans le sens du présent jugement dans un délai de deux mois à compter du prononcé ;

Rejette la demande d'astreinte ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles ;

Rejette le surplus des demandes respectives des parties ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Mesdames Virginia BUSI et Anne-Marie MONACO, membres employeurs, Messieurs Silvano VITTORIOSO et Marc RENAUD, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt-sept septembre deux mille vingt-quatre.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 30673
Date de la décision : 27/09/2024

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Contrats de travail ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : Madame v.A
Défendeurs : La SAM N & CIE et la société P.

Références :

article 3 alinéa 2 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017
article 1745 du Code civil
article 2 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017
Arrêté Ministériel n° 70-265 du 28 juillet 1970
article 8 de l'ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959
article 238-1 du Code de procédure civile
article 36 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 5 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2024-09-27;30673 ?

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