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LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 20 janvier 2023, reçue le 24 janvier 2023 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 45-2022/2023 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 14 février 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur au nom de Monsieur r.A, reçues le 26 juin 2024 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur au nom de la SAM B e MC, en date du 13 juin 2024 ;
À l'audience publique du 4 juillet 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 27 septembre 2024, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;
Vu les pièces du dossier ;
Motifs
Monsieur r.A été embauché à compter du 1er septembre 2015 par la SAM B e par contrat à durée indéterminée en qualité de Responsable systèmes qualité et environnement. Il a été licencié par courrier daté du 20 avril 2022 pour suppression de poste.
Par requête déposée le 24 janvier 2023, Monsieur r.A a attrait la SAM B e devant le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail afin d'obtenir :
* • 3.712 euros au titre d'heures supplémentaires en 2022,
* • 15.088 euros au titre d'heures supplémentaires en 2021,
* • 13.070 euros au titre d'heures supplémentaires en 2020,
* • 23.101 euros au titre d'heures supplémentaires en 2019,
* • 6.063 euros au titre d'heures supplémentaires en 2018,
* • 2.766 euros au titre de rappel de salaires pour 2020, 2021 et 2022,
* • 7.012,57 euros au titre de reliquat d'indemnité de licenciement,
* • 99.329,04 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
* • la délivrance de la documentation sociale rectifiée sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,
* • les frais et dépens,
* • le tout avec intérêts de droit au taux légal à compter de la présente citation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.
Par conclusions récapitulatives reçues le 26 juin 2024, et à l'audience de plaidoirie, Monsieur r.A sollicite qu'il soit fait injonction à l'employeur de produire les pièces si ses pièces n^os 9, 10 et 11 devaient être rejetées. Il réclame en outre 8.100 euros au titre des frais irrépétibles et le dépens.
Il fait valoir pour l'essentiel que :
* • les rapports des commissaires aux comptes qu'il communique sont éminemment nécessaires à l'émergence de la vérité,
* • l'employeur ne dispose d'aucun élément permettant de prouver que le salarié aurait accédé à des logiciels sécurisés sans habilitation,
* • il n'est pas un hackeur et n'en a pas les compétences,
* • ces pièces lui ont été remises de façon parfaitement licite dans le cadre de ses fonctions représentatives,
* • les raisons au soutien du licenciement économique sont insidieuses,
* • le marché des ventes de véhicules n'est pas le secteur d'activité de la société, mais plutôt le nombre de sorties de nouveaux véhicules, qui est en constante augmentation,
* • en réalité les changements intervenus dans les comptes de la société sont caractéristiques de changement de méthodes de facturation et non pas de l'évolution de l'activité de l'entreprise comme elle tente de le faire croire,
* • dès le mois de décembre 2020 les délégués du personnel avaient indiqué à la maison mère que les actions engagées allaient engager plus de pertes que de gains,
* • la stratégie commerciale va à l'encontre de nouveaux marchés,
* • aucune stratégie d'harmonisation ou d'homogénéisation n'est recherchée, la seule finalité étant de faciliter la réalisation des différents plans de licenciement en choisissant plus aisément le personnel à limoger,
* • les pistes proposées par les délégués du personnel pour réaliser de substantielles économies n'ont jamais été suivies,
* • son licenciement est lié à son statut de représentant du personnel ainsi qu'à ses prises de position pour défendre ses collègues de travail,
* • outre les faits de harcèlement dont il a été victime en sa qualité de délégué du personnel, il regrette les mentions mentionnées sur ses bulletins de salaire tendant à démontrer ses activités syndicales, ce qui est prohibé par l'article R. 3243-4 du Code du travail français applicable en l'absence de dispositions monégasques sur ce point,
* • l'employeur a sournoisement pris soin de ne licencier que neuf salariés pour éviter une législation plus contraignante,
* • il n'a pas respecté l'obligation de reclassement ni de réembauchage, plusieurs propositions de postes publiés en janvier et février 2023 ne lui ayant jamais été soumises,
* • la SAM B e a délibérément engendré un résultat négatif pour l'entreprise en transférant sept millions d'euros à la B MONACO en 2021, alors que le chiffre d'affaires prévisionnel pour l'année 2022 était estimé en hausse de 63 %,
* • les prétendus bénéfices attendus du projet de réorganisation sont abstraits et laconiques,
* • elle n'a pas présenté de réelles perspectives d'actions pour pérenniser véritablement l'activité,
* • le motif de licenciement n'étant pas valable, il doit recevoir l'indemnité de licenciement,
* • le licenciement dissimule en réalité une délocalisation,
* • le licenciement est intervenu de manière particulièrement vexatoire, brutale et discriminatoire,
* • la SAM B e n'a pas hésité à choisir la période de Noël, calqué sur le précédent plan social,
* • elle a choisi la période suivant de peu les élections pour limiter le nombre de délégués d'expérience, a défini un calendrier extrêmement court, a refusé la moindre assistance juridique, a refusé l'application de l'accord indiquant un traitement égal entre les salariés de B e et de B MONACO,
* • elle a refusé la participation des délégués du personnel suppléants, a impliqué de façon inappropriée la Direction générale, procédé à la rétention d'informations pertinentes,
* • la dispense d'exécution du préavis caractérise une brutalité dans la mise en œuvre du licenciement,
* • il existe une inégalité flagrante de traitement entre les salariés des deux sociétés du groupe, des indemnités complémentaires étant prévues pour le site de production,
* • la SAM B e avait pour usage d'appliquer la majoration de 5 % sur les rémunérations minimales fixées par la Convention Collective Nationale de la Plasturgie Française, ce que la Direction a reconnu,
* • cette majoration avait toujours cohabité avec les gratifications payées au mois de décembre,
* • elle n'a pas à être remise en cause par le versement systématique d'un 13ème mois,
* • cet usage n'a plus été respecté sans raison à compter de l'année 2020, pour être étrangement remis en place au mois de janvier 2023 à hauteur de 4,1 %,
* • il est en possession de ses pointages qui démontrent l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires non réglées.
Par conclusions récapitulatives du 13 juin 2024, la SAM B e MC, venant aux droits et obligations de la SAM B e, sollicite d'écarter des débats les pièces n^os 9, 10, 11 et 23, le débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur r.A, 10.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
* • les pièces adverses n^os 9, 10, 11 et 23 doivent être écartées des débats,
* • un salarié ne peut valablement se prévaloir d'une pièce que s'il en a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions et qu'elle est strictement nécessaire à la défense de ses intérêts,
* • au titre de ses fonctions il n'était pas prévu que Monsieur r.A puisse avoir connaissance, être rendu destinataire ou prendre possession de la documentation juridique, comptable et sociale de l'entreprise,
* • il n'avait pas non plus accès aux logiciels lui permettant d'avoir connaissance d'une telle documentation,
* • il n'a pu s'être régulièrement procuré les documents spécifiques,
* • par l'intermédiaire des délégués du personnel il pouvait avoir accès aux informations que l'employeur leur a officiellement communiquées, ce qui n'a pas été le cas des pièces litigieuses,
* • quant aux heures de travail, il dispose de tous les moyens légaux afin de pouvoir les faire apparaître,
* • il n'y a pas lieu de faire injonction de production de pièces dans la mesure où celles portées à la connaissance du salarié dans le cadre du plan social constituent déjà une matière suffisamment chiffrée et circonstanciée,
* • compte tenu des difficultés économiques que traversait l'entreprise en 2020/2021 et les perspectives difficiles qui se dégageaient pour 2022 avec une véritable situation de crise au niveau financier à partir du mois d'octobre 2021 et afin de sauvegarder sa compétitivité l'employeur n'a pas eu d'autres possibilités que de restructurer et d'envisager à ce titre des suppressions de poste,
* • en effet, suite au COVID 19, dans le contexte de crise d'approvisionnement des semi-conducteurs et une augmentation considérable du coût des matières premières, l'activité de construction automobile a fortement ralenti,
* • face à la crise l'usine de fabrication s'est vue contrainte de mettre en place un plan social en décembre 2020,
* • la SAM B e s'est retrouvée dans une situation lourdement déficitaire dans un contexte où le groupe B était au bord de la faillite,
* • parallèlement une restructuration des effectifs apparaissait inéluctable,
* • les résultats d'exploitation accusaient une perte de - 120.000 euros à la fin du mois d'octobre 2021,
* • la survie de la société était uniquement rendue possible par les apports de trésorerie mensuels récurrents du groupe B pour combler le déficit, lesquels ont d'ailleurs constitué le seul moyen de payer les salaires,
* • c'est dans le cadre de la réorganisation rendue nécessaire par des difficultés économiques réelles et afin de sauvegarder sa compétitivité que la société B e a été amenée à envisager la suppression de certains postes,
* • la suppression du poste de responsable qualité, sécurité, environnement, système est parfaitement justifiée dans la mesure où ces fonctions sont étroitement liées à l'activité du site de production de B MONACO, la baisse d'activité de cette dernière réduisant l'ampleur de la tâche à accomplir qui pouvait être regroupée sur une seule personne,
* • les pistes proposées par les délégués du personnel ont bien été étudiées, certaines s'étant concrétisées, d'autres ayant déjà été expérimentées et ce sans succès tandis que d'autres ne pouvaient techniquement pas être mises en œuvre,
* • il n'existe aucun lien entre les fonctions de délégué du personnel de Monsieur r.A et le licenciement, la procédure ayant été scrupuleusement respectée,
* • la commission spécifique a estimé qu'il n'y avait aucun lien entre les fonctions le licenciement et les fonctions de délégué du personnel,
* • les mentions relatives à ses absences sur les bulletins de salaire ne peuvent constituer du harcèlement ou lui porter préjudice,
* • elles permettaient un suivi des heures de délégation accomplies en dehors de l'entreprise, celles en interne n'étant pas mentionnées, et d'indiquer les motifs d'absence, rien de plus,
* • l'activité n'a nullement été délocalisée, celles de conception et de projets subsistant à Monaco,
* • elle n'a pas licencié moins de dix salariés afin d'éviter une législation plus contraignante, la seule différence résidant dans le délai entre la première réunion des délégués du personnel et la décision définitive, alors qu'elle a appliqué un délai bien supérieur aux huit jours applicables pour les licenciements d'au moins dix salariés,
* • elle n'avait aucune obligation de reclasser le salarié dans les autres sociétés du groupe B situées à l'étranger,
* • néanmoins, elle s'est efforcée de tenter de le reclasser en lui proposant des postes au sein de B France avec une aide à la mobilité auxquels il n'a jamais postulé,
* • le poste de responsable qualité clients ne correspondait pas à ses compétences, étant d'une qualification supérieure à la sienne,
* • il est curieux que Monsieur r.A s'étonne de la non-proposition de postes en janvier et février 2023 alors qu'il s'agit d'offres qui lui ont déjà été faites dans le cadre du plan d'aide à la mobilité, auxquelles il n'a pas daigné répondre,
* • il ne démontre aucun abus dans la mise en œuvre du licenciement,
* • la période de licenciement s'est imposée au moment où les difficultés économiques étaient telles qu'il n'avait pas d'autres possibilités que de déclencher sans tarder la procédure,
* • le licenciement n'a pas été brutal, le projet ayant été présenté aux délégués du personnel plus de trois mois avant son prononcé,
* • il n'y a pas eu de refus d'assistance juridique aux délégués du personnel, qui n'en ont jamais demandé,
* • l'accord du 18 juillet 2017 n'était pas applicable, les dispositions de la loi sur le règlement intérieur n'ayant pas été respectées,
* • les délégués du personnel suppléants n'avaient pas à participer aux réunions en présence des titulaires,
* • la Direction générale était représentée par le Directeur Administratif et Financier et par la Responsable des ressources humaines,
* • la dispense d'exécution du préavis n'a été que partielle et était destinée à lui permettre de faciliter ses recherches d'emploi,
* • les indemnités versées dans le cadre des plans sociaux n'ont pas à être identiques entre les sociétés B e et B MONACO s'agissant d'entités juridiquement distinctes,
* • par ailleurs, ces plans se sont déroulés à un an d'intervalle avec des contextes économiques et financiers différents,
* • la SAM B e s'est acquittée de toutes ses obligations en matière salariale,
* • les rémunérations minimales s'entendent de toutes celles perçues sur l'année, en ce compris les éventuelles primes ; tant sur l'année 2021 que sur l'année 2022 Monsieur r.A s'est vu verser une prime qui s'ajoute aux rémunérations mensuelles et ramène la rémunération au mois au-dessus du minimum conventionnel de sa catégorie augmenté de 5 %,
* • en outre il n'est pas démontré que les conditions requises pour la reconnaissance d'un usage soient revendiquées,
* • la revalorisation générale du salaire mise en place au mois de janvier 2023 porte sur 3,2 % compte tenu de l'augmentation du coût de la vie et n'a aucun lien avec les minima de grille,
* • les heures supplémentaires ne peuvent être accomplies et rémunérées que si elles ont été préalablement demandées par le Chef de service et validées par la Direction,
* • Monsieur r.A ne démontre pas avoir respecté une telle procédure,
* • il n'avait jamais rien sollicité depuis 2018 ce qui interpelle fortement.
SUR CE,
* Sur le licenciement
* Sur la validité du motif de rupture
La rupture du contrat de travail pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi rendue nécessaire par l'existence de difficultés économiques réelles ou l'existence effective de la restructuration de l'entreprise pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, constitue un licenciement économique.
Il incombe à l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de la rupture, de démontrer par des éléments objectifs que le licenciement était fondé sur un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise.
À cet égard, l'employeur doit matériellement établir la concomitance du licenciement avec la restructuration, la nécessité économique de la réorganisation (difficultés économiques ou sauvegarde de la compétitivité en raison d'une menace) dans le secteur d'activité du groupe auquel il appartient et l'effectivité de la suppression de poste.
En l'espèce, pour justifier les difficultés économiques invoquées, la SAM B e produit un document faisant état de la chute du marché automobile français pour l'année 2022.
Pour le reste, elle ne justifie par aucune pièce des éléments qu'elle avance dans les documents d'information et de clôture de procédure de licenciement collectif, particulièrement les données comptables qu'elle revendique (nombre de ventes, chiffre d'affaires, résultat d'exploitation).
Quant aux pièces n^os 9, 10, 11 produites par le salarié, elles ne sont pas de nature à éclairer davantage le Tribunal sur la situation au moment du licenciement, puisqu'elles ne concernent que les exercices 2019 et 2020. Elles n'avaient d'ailleurs pas à être écartées des débats puisqu'elles sont nécessaires à sa défense pour démontrer la réalité de la situation économique de la société que l'employeur ne daigne même pas communiquer au Tribunal.
Face à l'impossibilité pour le Tribunal de vérifier la réalité des difficultés économiques alléguées par l'employeur, le motif de licenciement n'est pas valable et Monsieur r.A doit percevoir l'indemnité de licenciement.
Concernant son calcul, le mois précédant le licenciement est le mois de mars, au cours duquel il a perçu la somme de 3.660 euros brut. Toutefois, le salarié ayant droit à une prime de 13ème mois, il doit être retenu un salaire de base de 3.965 euros (3.660x13/12), qui doit être divisé par 25 jours selon la règle établie en la matière, et non pas le nombre de jours effectivement travaillé le mois considéré. Avec une ancienneté de 83 mois, la SAM B e MC est en conséquence condamnée à lui verser la somme de 4.912,67 euros, déduction faite de l'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
* Sur le caractère abusif du licenciement
La seule circonstance que la nécessité économique du licenciement n'ait pas été établie ne permet aucunement de considérer que le motif invoqué serait fallacieux. Les pièces comptables produites par le salarié, à savoir les rapports des commissaires aux comptes, confortent d'ailleurs plutôt le ralentissement de l'activité économique et les efforts de baisse des frais engagés par l'employeur. Quant au transfert de fonds interne au groupe, il ne démontre aucune intention de nuire au salarié ni qu'un motif illégal aurait présidé à la décision de licenciement. Si les circonstances dans lesquelles ces pièces ont été remises au salarié sont inconnues, il n'y a pas lieu de considérer que cela a été de manière illégale à défaut pour l'employeur d'en justifier.
Enfin, concernant la qualité de délégué du personnel de Monsieur r.A, il ne ressort d'aucun élément du dossier qu'elle ait été un facteur de décision, le salarié procédant par voie d'affirmation sans apporter la moindre preuve d'une volonté de lui nuire en raison de ses engagements.
La rupture du contrat s'inscrivant dans le cadre d'un licenciement économique collectif, l'employeur était tenu de respecter les dispositions de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail du 5 novembre 1945 sur la sécurité de l'emploi étendue.
En l'espèce, l'employeur a parfaitement respecté les étapes et délais de procédure, sans qu'il puisse être soupçonné d'avoir limité le nombre de licenciement pour échapper à une législation plus stricte, d'une part car cela n'est étayé par rien, d'autre part puisqu'il a respecté un délai plus long que celui qui lui était imposé.
S'il n'a pas donné suite aux propositions des délégués du personnel, cela ne caractérise pas un abus ni dans le principe ni dans la mise en œuvre du licenciement. Il est d'ailleurs intéressant à ce sujet de noter que lors de la réunion du 15 décembre 2021, la liste des points d'économie à faire, établie par les délégués du personnel, n'était pas formulée pour éviter le plan de licenciement, mais « pour aider à la prise en charge des aides listées au point IV ».
Concernant les autres reproches formulés par le salarié, ils ne reposent sur aucune obligation légale. Ainsi, les délégués du personnel suppléants n'ont pas à participer aux réunions et l'employeur n'a pas à prendre en charge une assistance juridique pour les délégués titulaires. Aucune règle n'impose le nom ou le poste du représentant de la Direction. Il n'existe aucune période de trêve en matière de licenciement. Les négociations de mesures d'accompagnement se font au niveau de la société et non du groupe.
Concernant l'obligation de recherche de solutions de reclassement, elle ne s'impose pas au sein des sociétés du groupe auquel appartient l'employeur établies en dehors de la Principauté. Cependant, lorsque l'employeur envisage de proposer une solution de reclassement au sein d'une société française du groupe, il lui appartient, dans le cadre de l'obligation d'exécution de bonne foi des conventions, de formuler une offre formelle, claire et précise, assortie d'un délai de réflexion suffisant. En l'espèce, tel a été le cas le 22 février 2022, l'employeur ayant dans les jours suivants répondu aux interrogations du salarié.
Concernant l'indemnité supra légale versée par une autre société du groupe dans le cadre d'un autre plan de licenciement collectif à peine quelques mois après le licenciement de r.A, il ne ressort d'aucune obligation légale ou morale que l'employeur doive lisser les indemnités entre toutes les entités d'un groupe. Surtout, le Tribunal ne dispose pas des éléments pertinents pour apprécier si les situations étaient similaires.
Monsieur r.A déplore la dispense d'exécution de préavis, qui se serait apparentée à du harcèlement et aurait eu pour but de l'isoler de ses collègues. S'il est défaillant à démontrer l'intention de lui nuire, le procédé était tout de même vexatoire dans sa mise en œuvre. En effet, après avoir exigé que son salarié accomplisse son préavis, l'employeur l'en a sèchement dispensé par un courrier lapidaire. S'il s'agissait peut-être d'une décision de gestion du personnel, il appartenait alors à l'employeur d'en expliquer les raisons à son salarié afin de ne pas lui faire ressentir une forme de brutalité et de mise à l'écart injustifiée. Il convient dès lors de condamner l'employeur à lui verser la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Enfin, Monsieur r.A reproche à son employeur d'avoir fait ressortir son engagement syndical par les mentions relatives aux heures de délégation apposées sur ses bulletins de salaire. Il convient de noter, d'une part, que la règle de droit n'est pas que dans le silence d'un texte, les dispositions françaises soient applicables. Hormis dans des hypothèses très spécifiques de renvoi strictement prévu par les textes monégasques, la loi française n'a nullement vocation à s'appliquer à aucune situation sur le territoire de la Principauté de Monaco. D'autre part, Monsieur r.A ne formule aucune demande à ce titre, qui n'est pas en lien avec le caractère abusif ou non du licenciement mais a trait à l'exécution du contrat de travail. Ainsi, si au titre de la discrimination syndicale, Monsieur r.A aurait été légitime à faire sanctionner son employeur, il ne peut qu'être constaté qu'aucune demande n'est formulée en ce sens.
* Sur les heures supplémentaires
Monsieur r.A sollicite le paiement d'heures supplémentaires sur la base de feuilles de pointage faisant ressortir l'accomplissement, à quelques minutes près, d'une heure supplémentaire journalière. Or, ces pointages ne permettent pas de calculer les heures de travail, mais uniquement les heures de présence au sein des locaux. Il ne ressort dès lors pas de ce document l'accomplissement d'une quelconque heure supplémentaire et la demande à ce sujet est rejetée. En revanche, il n'y a rien de surprenant à ce qu'un salarié dispose de sa feuille de pointage et les accusations d'obtention frauduleuses formulées par son employeur ne sont nullement étayées et ne peuvent entraîner la mise à l'écart de la pièce numéro 23 produite par Monsieur r.A.
Par ailleurs, si par principe l'absence de réclamation des heures supplémentaires n'est pas une preuve de leur inexistence, en l'espèce les circonstances permettent de douter de leur réalité. En effet, Monsieur r.A n'a pas hésité au début de l'année 2022 à porter plusieurs réclamations auprès de son employeur au sujet du paiement des primes de repas et de transport sur heures de délégations. S'il avait réellement, comme il le prétend, accompli une heure supplémentaire chaque jour sans jamais être réglé depuis 4 ans pour un montant de plus de 60.000 euros, nul doute qu'il se serait manifesté.
* Sur la majoration des rémunérations minimales
Monsieur r.A revendique l'application de la majoration de 5 % sur les rémunérations minimales fixées par la Convention Collective Nationale de la Plasturgie Française, qui aurait été accordée à titre d'usage par l'employeur avant d'être supprimée de manière injustifiée.
Il ressort de la réunion des délégués du personnel du 28 octobre 2021 que la Direction s'est engagée à appliquer une majoration de 5 % sur les minima de grille de manière rétroactive au 1er janvier 2021 et nullement qu'un usage devait s'appliquer pour la période antérieure.
Or, Monsieur r.A ne fournit pas la grille de rémunération conventionnelle minimale afin que le Tribunal puisse vérifier si son salaire correspondait bien au minimum, ce qui est contesté par l'employeur.
Par ailleurs, l'analyse du tableau établi par ses soins comporte des erreurs notables. Il ajoute déjà les 5 % pour arriver à un salaire minimum supérieur au sein. Surtout, il ne comptabilise pas le 13ème mois.
En l'absence d'élément probant, la demande à ce titre est rejetée.
* Sur les autres demandes
Il convient d'ordonner la rectification de la documentation sociale dans le sens du présent jugement. En l'absence de preuve d'une quelconque résistance abusive de l'employeur, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
La SAM B e MC succombant elle est condamnée aux entiers dépens. Elle est en outre condamnée à verser à Monsieur r.A la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La nécessité que l'exécution provisoire soit prononcée n'étant pas caractérisée, il n'y a pas lieu de l'ordonner.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces n^os 9, 10, 11 et 23 produites par Monsieur r.A ;
Rejette la demande de paiement d'heures supplémentaires de Monsieur r.A ;
Rejette la demande de rappel de salaires de Monsieur r.A ;
Dit que le motif de licenciement n'est pas valable ;
Condamne la SAM B e MC à payer à Monsieur r.A la somme de 4.912,67 euros (quatre mille neuf cent douze euros et soixante-sept centimes) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Rejette le surplus de la demande ;
Dit que le licenciement n'est pas fallacieux ;
Dit que le licenciement a été mis en œuvre de manière abusive ;
Condamne la SAM B e MC à payer à Monsieur r.A la somme de 1.000 euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
Rejette le surplus de la demande ;
Ordonne à la SAM B e MC la délivrance de la documentation sociale rectifiée ;
Rejette la demande d'astreinte ;
Condamne la SAM B e MC aux entiers dépens ;
Condamne la SAM B e MC à verser à Monsieur r.A la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles ;
Rejette le surplus des demandes respectives des parties ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Composition
Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Émile BOUCICOT et Madame Carol MILLO, membres employeurs, Messieurs Cédrick LANARI et Georges-Éric TRUCHON, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt-sept septembre deux mille vingt-quatre.
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