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29/11/2024 | MONACO | N°30746

Monaco | Tribunal du travail, 29 novembre 2024, Monsieur f.E c/ La société de droit monégasque SARL I


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LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 19 février 2024, reçue le même jour ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 46-2023/2024 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 5 mars 2024 ;

Vu la note valant conclusions de Monsieur f.E, en personne, en date du 15 mai 2024 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de

Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SARL I exerçant sous l'enseigne J, en date du 11 septe...

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LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 19 février 2024, reçue le même jour ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 46-2023/2024 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 5 mars 2024 ;

Vu la note valant conclusions de Monsieur f.E, en personne, en date du 15 mai 2024 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SARL I exerçant sous l'enseigne J, en date du 11 septembre 2024 ;

À l'audience publique du 3 octobre 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 29 novembre 2024, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Monsieur f.E a été embauché par la SARL I exerçant sous l'enseigne J le 24 juin 2020 en vertu d'un contrat à durée déterminée prévu jusqu'au 31 décembre 2020 avec une période d'essai de trois mois, prolongé jusqu'au 31 juillet 2021, 31 juillet 2022 et 31 juillet 2023. Monsieur f.E étant en arrêt de travail depuis trois mois au jour de l'expiration de son contrat de travail, il n'a pas été renouvelé. Monsieur f.E a de nouveau été embauché le 11 septembre 2023 en vertu d'un contrat à durée déterminée, prévu jusqu'au 30 novembre 2024, avec une période d'essai de trois mois. Le 30 novembre 2023, la SARL I exerçant sous l'enseigne J mettait un terme à son contrat de travail.

Par requête déposée le 19 février 2024, Monsieur f.E a attrait la SARL I exerçant sous l'enseigne J devant le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail afin d'obtenir :

* • 15.000 euros d'indemnité pour licenciement abusif,

* • 10.000 euros de dommages et intérêts.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par note valant conclusions du 15 mai 2024 et à l'audience de plaidoirie, Monsieur f.E fait valoir pour l'essentiel que :

* • il travaillait depuis six ans de manière assidue et professionnelle, deux ans en intérim puis selon quatre contrats d'un an,

* • le motif de licenciement, à savoir période d'essai non concluante, n'est pas valable puisqu'il travaillait depuis six ans dans l'entreprise,

* • la période d'essai n'était pas justifiée puisqu'il était chef d'équipe depuis quatre ans,

* • l'employeur a détourné la loi pour pallier son état de santé,

* • il a justifié de toutes ses absences qui étaient liées à des soins médicaux.

Par conclusions considérées comme récapitulatives du 11 septembre 2024, et à l'audience de plaidoirie, la SAM I exerçant sous l'enseigne J sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur f.E et les dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* • il a été embauché le 11 septembre 2023 selon un contrat à durée déterminée initialement prévu jusqu'au 30 novembre 2024, avec une période d'essai de trois mois,

* • or, le 30 novembre 2023 il a été mis fin à la période d'essai compte tenu de son manque de rigueur et de respect des règles élémentaires de discipline,

* • il avait quitté à plusieurs reprises son lieu de travail de manière anticipée,

* • il n'avait pas correctement attaché son harnais lors d'une opération de sécurité,

* • il a été sanctionné par un avertissement mais a persisté à ne pas respecter les horaires de travail,

* • quand bien même la décision de mettre fin à la période d'essai n'a pas à être motivée, elle a été prise pour des motifs valables,

* • il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir à nouveau prévu une période d'essai lors de la seconde embauche de Monsieur f.E compte tenu du temps écoulé entre les deux contrats,

* • le salarié a accepté ce nouveau contrat avec sa période d'essai,

* • en outre, le salarié ne justifie pas des circonstances abusives qui motiveraient sa demande,

* • les justificatifs médicaux produits ne couvrent pas ses absences injustifiées des mois de septembre et novembre 2023,

* • elles n'expliquent pas pourquoi il n'a pas informé son employeur de ce qu'il devait s'absenter pour raisons médicales.

SUR CE,

Aux termes de l'article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, la période d'essai est le délai nécessaire pour mettre à l'épreuve le travailleur engagé, compte tenu de la technique et des usages de la profession. Durant la période d'essai les parties peuvent résilier le contrat sans indemnité et sans qu'il soit nécessaire d'observer un délai de préavis.

La période d'essai demeure toutefois soumise à la bonne foi contractuelle et ne doit pas être utilisée pour détourner les règles de droit. Elle doit être strictement limitée à l'appréciation respective des qualités du co-contractant. Son usage peut être considéré comme abusif lorsqu'il contrevient à son objectif.

En l'espèce, Monsieur f.E a été embauché sans discontinuer entre le 24 juin 2020 et le 31 juillet 2023 en qualité de monteur d'échafaudage par la SARL J.

Il a de nouveau été embauché le 11 septembre, soit quarante et un jours après, aux mêmes fonctions. Même à supposer que la période d'inactivité ait été plus longue que ces quarante et un jours (ce que l'employeur n'a pas pris la peine de documenter), rien ne justifiait que « la technique et les usages de la profession » de Monsieur f.E soient à nouveau mises à l'essai lors de sa nouvelle embauche. Au contraire, au regard des circonstances de l'espèce, ce n'est que l'état de santé de Monsieur f.E qui a guidé la décision de l'employeur, ce qui est strictement prohibé.

La période d'essai étant abusive, il convient de réparer le préjudice subi par Monsieur f.E du fait d'avoir été mis à l'épreuve et maintenu dans une incertitude de manière injustifiée en condamnant la SARL J à lui verser la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Conformément aux dispositions de l'article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat à durée déterminée ne peut cesser avant terme par la volonté d'une seule partie que pour de justes motifs.

La période d'essai étant abusive, le contrat à durée déterminée présentait un caractère définitif au moment de sa rupture et il convient d'en analyser les motifs.

Si le courrier de rupture ne mentionne aucun motif, il est constant que l'employeur reproche à Monsieur f.E des absences injustifiées et violations des règles de sécurité. Il avait d'ailleurs fait l'objet d'un avertissement le 28 novembre 2023 pour ne pas s'être correctement attaché à son harnais de sécurité le 24 novembre. L'employeur avait dès lors vidé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait sanctionner à nouveau ce comportement fautif. De même, les départs anticipés non justifiés des 2 octobre et 24 novembre étaient inclus dans cet avertissement.

Suite à cet avertissement, Monsieur f.E a quitté de manière anticipée et sans autorisation son poste de travail le 30 novembre 2023, événement déclenchant la rupture du contrat de travail.

Ces éléments objectifs et précis ne sont pas utilement contestés par Monsieur f.E. S'il produit des justificatifs médicaux au cours de la procédure, il ne démontre pas avoir obtenu l'autorisation de son employeur au moment de ses absences. En outre, aucune urgence ne justifiait ces rendez-vous, fixés des mois auparavant. Or, la répétition dans un laps de temps court de manquements dans le respect de ses horaires et au lien de subordination qui lui imposait d'obtenir un accord préalable de son employeur pour quitter son lieu de travail (même pour un rendez-vous médical) constituait un juste motif de rupture anticipée du contrat de travail.

Monsieur f.E est en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

La SARL J succombant, elle est condamnée aux entiers dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Condamne la SARL I exerçant sous l'enseigne J à verser à Monsieur f.E la somme de 3.000 euros (trois mille euros) de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Rejette le surplus des demandes de Monsieur f.E ;

Condamne la SARL I exerçant sous l'enseigne J aux entiers dépens ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Daniel CAVASSINO et José GIANNOTTI, membres employeurs, Madame Alexandra OUKDIM et Monsieur Rino ALZETTA, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le vingt-neuf novembre deux mille vingt-quatre.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30746
Date de la décision : 29/11/2024

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Monsieur f.E
Défendeurs : La société de droit monégasque SARL I

Références :

article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 12 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2024-11-29;30746 ?

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