Article 38 AUPSRVE Article 164 AUPSRVE Article 168 AUPSRVE
Les articles 164 et 168 ne prévoient pas que le tiers-saisi est automatiquement condamné à payer les causes de la saisie même quand il détient une somme inférieure pour le compte du débiteur.
Dès lors, un créancier ne peut réclamer contre son débiteur le paiement d’un montant supérieur à sa créance hors les cas de stipulation contractuelle d’intérêt, de pénalité ou de condamnation à des dommages intérêts. Pareillement, le tiers-saisi, qui n’est d’ailleurs pas le débiteur du créancier, ne peut être tenu que jusqu’à concurrence de ce qu’il doit au débiteur saisi.
Cour d’appel de Ab, arrêt de référé n° 65 du 14 juin 2006, affaire BANK OF AFRICA (BOA-Niger) contre Aa A et B A
LA COUR
EN LA FORME
Par exploit extrajudiciaire de Maître Moussa Dan Koma Issaka, huissier de justice en date du 24/05/2006, Bank Of Africa (BOA-Niger) a interjeté appel contre l’ordonnance n°113 rendu le 23/05/2006 par le Président du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey.
Cet appel étant intervenu dans les délai et forme légaux, il convient de le déclarer recevable.
AU FOND
Exposé des faits et de la procédure
Attendu que par jugement n°03/2005 du 06 juillet 2005, du Tribunal de Travail de Tillabéry, les nommés Aa A et B A obtiennent la condamnation de leur employeur CSE à leur payer respectivement les sommes de 601.104 F et 855.610 F après que
leur licenciement ait été déclaré abusif avec exécution provisoire ;
Que par exploit en date du 21 mars 2006 de Maître Niandou Amadou, huissier de justice, ils pratiquaient saisie-attribution de créance sur les avoirs de CSE dans les livres de BOA-Niger ;
Cette saisie fut dénoncée le 23 mars 2006 à CSE et le 25 avril 2006 un certificat de non contestation de saisie fut délivré à Aa A et B A ; que ces derniers ont signifié à BOA-Niger le 26 avril 2006 ;
Que malgré cela, BOA-Niger ne se libérera pas entre les mains des saisissants, lesquels s’adressent au juge de l’exécution pour obtenir la condamnation de BOA-Niger à leur payer non pas la somme qu’elle a déclaré détenir pour le compte de CSE, mais toutes les causes de la saisie ;
Par l’ordonnance attaquée, les requérants obtiennent gain de cause, d’où l’appel de BOA-Niger ;
PRETENTIONS ET DEMANDES DES PARTIES
Attendu que BOA-Niger assistée de la SCPA Mandela sollicite l’infirmation de l’ordonnance attaquée ; qu’ensuite, elle demande à la Cour de dire qu’elle ne doit payer aux créanciers de CSE que la somme de 933.000 F qu’elle détient pour le compte de cette dernière, diminuée des commissions débitées et frais de tenue de compte qui lui sont dus par le titulaire du compte ;
Qu’elle soutient qu’en la condamnant à payer les causes de la saisie, l’ordonnance attaquée a violé la loi et manqué de base légale ; qu’en tant que tiers-saisi elle ne doit être tenue de se libérer que jusqu’à concurrence du montant qu’elle détient pour le compte du débiteur ; qu’elle n’a pas refusé de payer le montant déclaré ; BOA termine en indiquant que suite au refus des intimés de recevoir le chèque correspondant à la provision du compte de CSE, qu’elle a émis pour se libérer, ledit chèque de 912.023 F se trouve présentement déposé entre les mains du greffier en chef près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey ;
Attendu que de leur côté, Aa A et B A, assistés de Maître Nabara, demandent la confirmation pure et simple de l’ordonnance attaquée et de dire que la consignation du chèque faite par BOA-Niger au greffe du tribunal de Niamey ne leur est pas opposable ;
Ils soutiennent que la saisie attribution pratiquée par eux est régulière et que malgré cela BOA a fait de la résistance abusive ;
Qu’en application des articles 168, 38 et 164 de l’acte uniforme sur les PSR/VE, le tiers-saisi qui ne s’exécute pas engage sa responsabilité et peut être condamné au paiement des causes de la saisie sans préjudice des dommages-intérêts s’il y a lieu ;
En réplique, la SCPA MANDELA reproche à son adversaire de faire une mauvaise lecture et une mauvaise application de l’article 168 de l’acte uniforme ;
DISCUSSION
Attendu que pour condamner BOA à payer aux intimés les causes de la saisie, le premier juge invoque les dispositions des articles 164 et 168 de l’AU/PSR/VE ;
Attendu que l’article 164 est relatif à l’obligation qui pèse sur le tiers-saisi de payer le montant de la créance du débiteur sur lui lorsque les conditions légales sont réunies ;
Que l’article 168 AU/PSR/VE indique la voie à suivre en cas de refus de paiement par le tiers-saisi ;
Attendu que nulle part ces textes ne prévoient que le tiers-saisi est automatiquement condamné à payer les causes de la saisie même quand il détient une somme inférieure pour le compte du débiteur ;
Attendu qu’ainsi l’ordonnance querellée doit être infirmée ;
Attendu que les principes de « justice » et d’« équité » sont des principes cardinaux de notre organisation judiciaire ;
Qu’il s’ensuit qu’un créancier ne peut réclamer contre son débiteur le paiement d’un montant supérieur à sa créance hors les cas de stipulation contractuelle d’intérêt, de pénalité ou de condamnation à des dommages intérêts ;
Que pareillement, le tiers-saisi qui n’est d’ailleurs pas le débiteur du créancier, ne peut être tenu que jusqu’à concurrence de ce qu’il doit au débiteur saisi ;
Attendu qu’il est établi que BOA-Niger a reconnu et déclaré détenir la somme de 933.000 F pour le compte de CSE ;
Qu’elle a accepté de verser ladite somme aux intimés déduction faite des frais de tenue de compte et de ce qu’elle appelle « les commissions débitées » ramenant ce montant à 912.023 F ;
Que face au refus des intimés de recevoir un chèque dudit montant, BOA-Niger a consigné ledit chèque entre les mains du greffier en chef près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey ;
Attendu qu’il y a lieu ainsi de dire que BOA-Niger ne doit que 912.023 F aux intimés en vertu de la saisie attribution pratiquée sur elle le 21/03/2006 ;
SUR LES DEPENS
Attendu que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe au procès ; qu’il y a lieu de condamner Aa A et B A aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de
référés et en dernier ressort ;
Reçoit l’appel de BOA – Niger, régulier en la forme ; Au fond, infirme l’ordonnance attaquée ; Ordonne à BOA –Niger de payer la somme de 912.023F correspondant au montant du chèque consigné au greffe du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey ; Condamne Aa A et B A aux dépens ; Avis délai de pourvoi donné ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour d’Appel de Ab, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier./.