L’article 100-2 de l’Acte Uniforme sur le recouvrement (AUPSRVE) dispose que « L’huissier ou l’agent d’exécution dresse un inventaire des biens. L’acte de saisie contient à peine de nullité : 1-Les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant….. ». Dès lors, s’il n’apparaît pas dans les pièces que le Procès-verbal de saisie a été versé au dossier, la Cour d’appel estime que le premier jugement a sainement appliqué la loi et qu’il échet de confirmer l’ordonnance déclarant illégales les saisies pratiquées.
Article 100-2 AUPSRVE
Cour d’appel de Ab, arrêt n° 86 du 23-08-2006, affaire Dame Ag Ae contre Af A
LA COUR :
Attendu que suivant exploit en date du 12 avril 2006 de Me Hamani Soumaila, huissier de justice prés le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Ab, y demeurant, Dame Ag Ae, domiciliée à Ab, assistée de Me Mazet Patrick, avocat à la cour, a interjeté appel de l’ordonnance rendue entre les parties par le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Ab le 4 avril 2006 ; Que cet appel régulier en la forme et le délai de la loi, qu’il échet de le déclarer recevable ;
AU FOND :
Suivant ordonnance de référé rendue contradictoirement le 4 avril 2006, le Président du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Ab, juge des référés s’est déclaré compétent ; A reçu la pharmacie Biopharm en sa requête régulière en la forme ; -Au fond, a déclaré nulles les saisies pratiquées par Dame Ag Ae sur le véhicule du docteur Aa Ah le 12 décembre 2005 ; -A ordonné leur mainlevée sous astreinte de 50.000f CFA par jour de retard ; -A condamné Dame Ag Ae aux dépens.
Attendu que Patrick Mazet, avocat à la cour, conseil constitué pour Dame Ag Ae, demande à la cour, d’infirmer l’ordonnance attaquée et de valider les saisies pratiquées ;
Attendu que de son côté la pharmacie Biopharm représentée par son gérant docteur Aa Ah, assistée de Maître Abdou Ousmane, avocat à la cour, demande à la cour d’appel de constater que les saisies pratiquées sur le véhicule du docteur Aa Ah le 12 décembre 2005 sont illégales et nulles car elles ont été faites en violation de l’article 110-2 AV- PSR/VE et sollicite la confirmation de l’ordonnance attaquée ;
Attendu qu’il résulte des faits de la cause que la pharmacie Biopharm a été condamnée le 28
juillet 2005 à payer à Dame Félicité la somme de 22.915f CFA à titre de préavis et celle de 22.915f CFA à titre d’arriéré du mois de juillet 2004 et la somme de 150.000f CFA à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et la décision était assortie de l’exécution provisoire sur les droits légaux ;
Attendu que le 1er juge a déclaré illégales les saisies pratiquées le 12 décembre 2005 par Dame Ag Ae pour obtenir paiement de ses droits légaux ;
Attendu que l’article 110-2éme de l’Acte Uniforme sur le recouvrement (AV-PSR/VE) dispose que « L’huissier ou l’agent d’exécution dresse un inventaire des biens. L’acte de saisie contient à peine de nullité : 1-Les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant….. » ;
Attendu qu’il n’apparaît des pièces que le procès verbal de saisie ait été versé au dossier en appel que la cour estime que le 1er jugement a sainement appliqué la loi qu’il échet de confirmer l’ordonnance attaquée dans toutes ses dispositions ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu à dépens s’agissant d’une matière sociale ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, à l’égard des parties, en matière de référé et en dernier ressort ; -Reçoit en la forme l’appel de Dame Ag Ae ; -Au fond : Confirme l’ordonnance -Dit qu’il n’y a pas lieu à dépens, s’agissant d’une matière sociale ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la cour d’appel de Ab, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier
Observations de Dr Ad B. Assistant FSEJ/UAM Ab Ac
Dans la profusion des décisions d’application du droit OHADA, la singularité est légion. Cette décision de la Cour d’appel de Ab, rendue en référé sur l’application des dispositions de l’AUPSRVE est surprenante à plus d’un titre.
Les faits de l’affaire ne sont pas suffisamment explicites pour savoir ce qui s’est passé réellement mais sont assez clairs pour savoir qu’elle a été rendue à la suite d’une affaire de rupture de contrat de travail. En effet, la décision de licenciement ayant été probablement déclaré d’abusif par un premier tribunal, et la condamnation au paiement de droits légaux à l’employé ayant été prononcée, celui-ci a obtenu d’un autre tribunal la saisie du véhicule de son employeur pour se faire payer. Les saisies ont été ordonnées, mais un premier juge, par une ordonnance de référé, a déclaré lesdites saisies nulles et illégales (sic). C’est cette ordonnance de référé qui est attaquée devant le juge d’appel d’où la décision à commenter.
Il était question de statuer sur le bien-fondé ou non de saisie pratiquée sur le véhicule de l’employeur. Or la décision, du juge d’appel est assez singulière, car truffée d’erreurs et pèche par l’absence de motivation.
Tout d’abord s’agissant des erreurs on peut en relever deux. En premier lieu, il faut relever que l’article dont la violation est invoquée n’est pas l’article 110-2 de l’AUPSRVE mais l’article 100 - 2. En effet, l’article 110, est relatif à la procédure de saisie devant un tiers et la disposition ne contient pas de « deuxièmement ». En second lieu, le juge d’appel, précise que l’audience se tient en « matière sociale » et ne condamne pas aux dépens. La matière sociale est celle, pour les juges nigériens, pour laquelle il est question de l’application des dispositions du Code du travail et/ou de la sécurité sociale. Force est de constater que nulle part dans cette décision il n’est fait état de violation de dispositions du Code du travail ni même du Code de la sécurité sociale ou tout autre texte connexe. Le seul lien avec « la matière sociale » c’est l’origine des sommes pour lesquelles l’action en justice a eu lieu et les saisies pratiquées : la condamnation au paiement de droits légaux suite à un licenciement déclaré abusif par un précédent jugement sans doute. Statuer sur le bien-fondé des saisies suite à un licenciement abusif n’imprime pas à l’audience, le caractère « social ».
S’agissant ensuite de la motivation de la décision, deuxième motif de surprise, il apparaît que celle-ci est inexistante. Statuer en référé ne dispense pas le juge saisi de motiver sa décision. En effet, le juge d’appel se borne, dans cette décision, à rappeler la disposition de l’article 110-2 (article mal cité d’ailleurs, comme dit précédemment) et tire la conclusion de la confirmation de l’ordonnance qui lui a été déférée du défaut de production du procès-verbal de saisie au débat en appel. Au surplus, le juge d’appel « estime que le premier juge a sainement appliqué la loi ». Ce jugement du juge d’appel sur l’application saine de la loi par le premier juge est également tiré du défaut de production du procès-verbal de saisi dans le dossier d’appel. Cette argumentation est tout simplement curieuse. Comment juger de l’exactitude d’une décision par le seul défaut d’une pièce au dossier ?
A lire cette décision on ne comprend pas pourquoi la violation de l’article 100-2 (bon article) devrait entrainer l’annulation ou non des saisies. Au demeurant, la prétention de la
demanderesse ne mentionne nulle part dans la décision les arguments pour l’infirmation de l’ordonnance du premier juge. L’intimé quant à lui, qui a invoqué l’article 110-2 (sic) ne démontre pas pourquoi il y a violation de cet article. Le juge a-t-il juste suivi la prétention de l’intimé ? Et même si c’était le cas, ne pouvait-il pas motiver sa décision ? Tout ceci démontre à suffisance la nécessité de formation des juges au droit OHADA. Ce que nous n’avons cessé de dire. Mais cette décision, montre le besoin certain de formation, non pas seulement au droit OHADA, mais à la manière de juger tout simplement. La sécurité judiciaire pour les investissements dans l’espace OHADA est aussi à ce prix.