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19/11/2013 | NIGER | N°008/CIV/13

Niger | Niger, Cour de cassation, Chambre civile et commerciale, 19 novembre 2013, 008/CIV/13


Texte (pseudonymisé)
DEMANDEURS
A.D Ai Ah et Aj Ac Ag A Ab

B
Af S.A SCPA Mandela

La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles, en son audience publique ordinaire du mardi dix neuf novembre deux mil treize, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE

AD Ai Ah et Aj Ac Ag, représentés par Aa Ac Ag, assisté de la SCPA Yankori et Associés, avocats au Barreau de Niamey ;

Demandeurs,

D’UNE PART

ET

Compagnie d’assurance et de réassurance du Niger (CAREN SA), représentée pa

r son Directeur Général, assisté de la SCPA Mandela, avocats associés au Barreau de Niamey ;

Défenderesse,

D’AUTR...

DEMANDEURS
A.D Ai Ah et Aj Ac Ag A Ab

B
Af S.A SCPA Mandela

La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles, en son audience publique ordinaire du mardi dix neuf novembre deux mil treize, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE

AD Ai Ah et Aj Ac Ag, représentés par Aa Ac Ag, assisté de la SCPA Yankori et Associés, avocats au Barreau de Niamey ;

Demandeurs,

D’UNE PART

ET

Compagnie d’assurance et de réassurance du Niger (CAREN SA), représentée par son Directeur Général, assisté de la SCPA Mandela, avocats associés au Barreau de Niamey ;

Défenderesse,

D’AUTRE PART

LA COUR

Après la lecture du rapport par Madame Daouda Mariama Rabo, Conseillère Rapporteur, substituant le Conseiller Adama Harouna, les conclusions du Ministère Public et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur la requête écrite en date du 16 mai 2011 introduite par les ayants droit Ai Ah et Aj Ac Ag, représentés par Aa Ac Ag, leur mandataire, assisté de la SCPA Yankori avocats associés au Barreau de Niamey, contre l’arrêt n° 23 du 19 avril 2011 de la Cour d’Appel de Niamey ;

Vu l’ordonnance n° 2010 – 16 du 15 avril 2010 sur la Cour d’Etat ;

Vu la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions du Ministère public ;

En la forme

Attendu que le pourvoi des ayants droit Ai Ah et Aj Ac Ag a été fait dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

Au fond

Attendu qu’à l’appui de leur pourvoi, les ayants droit Ai Ah et Aj Ac Ag invoquent un seul moyen de cassation ;

Sur le moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi : articles 809 alinéa 2 du code de procédure civile et 47 du code CIMA, en ce que pour annuler l’ordonnance entreprise, l’arrêt attaqué relève, d’une part, que la CAREN a refusé sa garantie dans l’indemnisation et que, d’autre part, l’action en référé provision n’est pas recevable en matière d’assurance ;

Attendu que ce moyen est articulé en deux (2) branches ;

Sur la première branche du moyen pris de la violation de l’article 809 alinéa 2 de l’ordonnance 92-030 du 17 juillet 1992, en ce que, pour annuler l’ordonnance allouant la provision aux demandeurs, l’arrêt attaqué relève que la CAREN a refusé sa garantie dans l’indemnisation des intéressés, d’une part, et que, d’autre part, le jugement condamnant la CAREN à relever et garantir son assuré Ae Ad a été frappé d’appel ;

Attendu que selon les demandeurs, il s’infère de l’article visé au moyen qu’une provision peut être allouée au créancier lorsque aucune contestation sérieuse n’est faite sur l’existence de l’obligation, ce qui est le cas en l’espèce où l’arrêt déféré n’a pas dit en quoi et comment le simple refus de la CAREN constitue une contestation sérieuse à son obligation de garantie, le véhicule à l’origine de l’accident étant bien assuré chez la CAREN qui a accepté ainsi sa garantie pour tout dommage causé par ledit véhicule dont l’implication dans l’accident qui a causé la mort du couple ne saurait être sérieusement contestée, d’où son obligation de relever et garantir son assuré Ae Ad, conformément aux articles 265 et 266 du code CIMA ;

Attendu qu’ils relèvent par ailleurs que l’arrêt querellé a annulé l’ordonnance en cause pour le simple motif que le jugement condamnant la CAREN à relever et garantir son assuré est frappé d’appel, alors même que s’il est vrai que l’appel ne confère pas à la condamnation non assortie de l’exécution provisoire un caractère définitif, il n’en demeure pas moins que ce principe ne saurait s’appliquer en l’espèce, le référé provision qu’ils ont initié ne pouvant s’apparenter à l’exécution du jugement frappé d’appel, puisqu’il s’agit d’une action, comme les juges d’appel l’ont eux-mêmes relevé, fondée sur les dispositions de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile dont l’application n’est pas subordonnée à la production d’un titre définitif ;

Attendu qu’ils indiquent que l’obligation de la CAREN de garantir son assuré est d’autant plus incontestable que la responsabilité de son assuré dans la survenance de l’accident fatal pour le couple Ah a été retenue par les juridictions répressives, de sorte que, le criminel tenant le civil en l’état, les juridictions civiles saisies de l’action en réparation ne peuvent que condamner la CAREN et son assuré à leur allouer les sommes d’argent qu’ils réclament ;

Attendu que la CAREN répond que le juge d’appel n’a en aucun cas affirmé que « le refus de la CAREN constitue une contestation sérieuse à son obligation de garantie au client », mais qu’il a constaté, d’une part, que le jugement civil n° 355 condamnant son assuré est frappé d’appel et qu’aucun titre contre lui n’est produit et que, d’autre part, la mise hors de cause de l’UGAN, assureur des victimes et normalement tenue en l’état de la procédure au paiement de la provision en litige, n’est pas justifiée ;

Attendu que selon elle, ce qui est sérieusement contestable, ce n’est pas l’implication dans l’accident du véhicule assuré chez elle, mais la responsabilité de Ae Ad, gardien dudit véhicule, et par là même son obligation à garantie en tant qu’assureur de l’intéressé ;

Attendu qu’elle conclut que le jugement n° 355 du 15 décembre 2010 sur lequel s’est basé le juge des référés pour accorder la provision étant lui-même frappé d’appel, laissant ainsi en suspens la question de la responsabilité de la survenance de l’accident, c’est à bon droit que les juges d’appel ont annulé l’ordonnance contestée, une provision ne pouvant être allouée sans que l’on s’assure qu’il n’y a aucun problème de responsabilité ;

Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’ordonnance 92-032 du 17 juillet 1992 modifiant l’alinéa 5 de l’article 809 du code de procédure civile : « Toutefois, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est sérieusement contestable, le juge des référés peut prononcer une condamnation du débiteur à payer au créancier tout ou partie de la créance de celui-ci. Dans les mêmes conditions, il peut ordonner l’exécution partielle ou totale d’une obligation de faire. La décision ainsi rendue sera exécutoire par provision sur minute et sans enregistrement. Cette exécution provisoire de plein droit ne pourra être suspendue, même en cas d’exercice d’une voie de recours. Le titre exécutoire ainsi délivré permettra la saisie réelle des immeubles du défendeur et pourra comporter, le cas échéant, validation de toute mesure conservatoire prise à l’encontre du débiteur » ;

Attendu que pour se déclarer compétent et allouer la provision contestée, le premier juge énonce : « … si la demande introductive d’instance adressée au juge du fond tend d’abord à établir l’existence même de l’obligation, et partant, déterminer qui en est débiteur, celle qui vise à obtenir une provision, dont est saisi le juge des référés, … se fonde sur une obligation existante et non sérieusement contestable dont on connaît le débiteur » ;

« … qu’il n’est pas contesté, encore moins sérieusement contestable, qu’une décision n° 355 de la juridiction civile… de Niamey a condamné la CAREN Assurance à payer aux ayants droit susnommés la somme de 147.708.811 F CFA ; qu’il y a donc lieu d’accueillir comme fondée dans son principe la demande de provision » ;

Attendu que pour annuler cette décision pour violation de la loi, la juridiction d’appel observe « … qu’en relevant que l’existence de l’obligation de la CAREN à relever et garantir son assuré Ae Ad n’est pas sérieusement contestable alors que le jugement civil n° 355 du 15 décembre 2010 qui l’a condamnée à payer 147.708.811 F CFA est frappé d’appel et qu’aucun titre ou créance à sa charge devant bénéficier aux demandeurs n’ont été produits, et en mettant hors de cause l’UGAN, assureur des victimes et normalement tenu en l’état de la procédure au paiement de la provision en litige, la CAREN, assureur adverse, rejetant sa garantie dans l’indemnisation de ces derniers, le premier juge n’a pas à suffisance motivé sa décision et a décidé en méconnaissance des dispositions de l’article 809 du code de procédure civile » ;

Que l’article 809 du code de procédure civile n’a d’autres conditions d’application que l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, condition qui ne se confond pas avec l’absence ou l’existence de contestation sérieuse non soumise à contrôle ; une provision peut donc être allouée par le juge des référés à la victime d’un accident de la circulation sur le fondement de ce texte et celui de l’article 1384 du code civil, dès lors que l’implication dans les faits dommageables du véhicule en cause n’est sérieusement contestable ;

Attendu que dans l’espèce, en s’arrêtant à dire que « les demandeurs, qui ne disposent d’aucun titre et qui poursuivent plutôt une condamnation du responsable, encore à rechercher… n’ont en l’état aucune créance disponible et exigible ou même non sérieusement contestable contre la CAREN qui a toujours refusé sa garantie dans la réparation de leur préjudice », pour dire que les demandeurs ne sont ni justifiés ni recevables à agir en référé provision, alors même qu’ils poursuivent sur le fondement de l’article 1384 du code civil et que l’implication dans l’accident du véhicule assuré à la CAREN n’est pas sérieusement contestable, l’arrêt déféré a violé le texte visé au moyen ;

Qu’ainsi, la première branche du moyen est fondée ;

Sur la deuxième branche du moyen pris de la fausse interprétation et de la mauvaise application de l’article 47 du code CIMA, en ce que pour annuler l’ordonnance entreprise, l’arrêt attaqué énonce que l’action en référé provision n’est pas recevable en matière d’assurances ;

Attendu que les demandeurs relèvent que selon les juges d’appel, l’article 47 du code CIMA est incompatible avec leur demande, alors, d’une part, que Ae Ad n’a invoqué ce texte dans aucune de ses prétentions et que, d’autre part, il ne s’agit aucunement de l’article 47 du code CIMA mais plutôt de l’article 47 du Traité instituant le CIMA, lequel ne fait qu’affirmer la primauté du droit communautaire, ce qui ne signifie en rien une interdiction du référé provision qu’aucune disposition du code CIMA n’interdit ;

Que la défenderesse oppose que nulle part il ne ressort de l’arrêt attaqué une évocation de l’article 47 du code CIMA, mais que ledit arrêt se réfère plutôt à l’article 47 du Traité CIMA qu’il a entièrement cité à sa page 5 ;

Qu’elle soutient qu’en tout état de cause, le motif invoqué par les juges d’appel pour annuler l’ordonnance n° 99 du 30 mars 2011, à savoir que l’article 47 du Traité instituant le CIMA exclut de son champ d’application le référé provision, est un motif erroné comme l’a relevé le demandeur au pourvoi ; or, le motif erroné est un motif surabondant et il est de droit et de jurisprudence constante que « les motifs ne participant à la chose jugée que s’ils sont le soutien nécessaire du dispositif, l’erreur d’un motif ne saurait vicier la décision si elle n’a exercé aucune influence sur la solution du litige ; le motif erroné qui n’est pas indispensable au soutien de la décision, doit donc être regardé comme surabondant » ;

Qu’elle conclut qu’un moyen tiré d’un motif erroné est inopérant ;

Attendu qu’aux termes de l’article 47 du code CIMA « sont assimilables aux dommages matériels et directs les dommages matériels occasionnés aux objets compris dans l’assurance par les secours et par les mesures de sauvetage » ;

Que pour sa part, l’article 47 du Traité instituant la CIMA dispose « les juridictions nationales appliquent les dispositions du présent Traité et les actes établis par la Conférence nonobstant toute disposition nationale antérieure ou postérieure à ces textes » ;

Attendu que pour annuler l’ordonnance qui lui était soumise, le juge d’appel retient que « cet article 47 affirme… la primauté du droit communautaire CIMA et l’application de celui-ci par les juridictions internes… ; le code CIMA en aucune de ses dispositions n’a prévu le référé provision…, en tout cas il est muet sur la question ;

« … qu’il en résulte que le référé provision prévu par l’article 809 du code de procédure civile ne peut plus être usité depuis l’avènement du Traité et du code CIMA dans les matières traitées par ces textes qui l’ignorent… ; que la décision attaquée qui a méconnu le sens de l’article 809 du code de procédure civile et la portée abrogatoire de l’article 47 précité, est rendue en violation de la loi » ;

Attendu qu’il apparaît de ce qui précède que les juges d’appel ont appliqué aux faits de l’espèce l’article 47 du Traité CIMA pour rappeler la primauté du droit communautaire sur le droit interne et dire que le code CIMA n’ayant pas prévu le référé provision, les juridictions nationales ne peuvent y recourir sans violer la loi ;

Mais attendu que, d’une part, tout texte n’oblige qu’en ce qu’il prévoit ; que si le code CIMA dont l’essence est de réglementer le marché des assurances, ne prévoit pas le référé provision qui est un texte de procédure contenu dans le code de procédure civile, on ne peut déduire de cette seule circonstance ni que le code CIMA l’interdit, ni qu’il a le pouvoir de le faire, ce qui reviendrait à rendre inapplicable en matière d’assurances toutes les dispositions du code de procédure civile et du code civil non expressément prévues par le code CIMA ;

Que d’autre part, le motif tiré de la violation de l’article 47 du Traité CIMA, que la juridiction d’appel a soulevé d’office, aucune des parties ne l’invoquant, loin d’être un motif surabondant est déterminant, en ce qu’il a servi à annuler la décision du premier juge ; le contrôle ne peut en conséquence en faire abstraction au regard de son incidence sur l’arrêt déféré, par ailleurs mal étayé dans ses autres aspects ;

Qu’il suit de là que la deuxième branche du moyen est elle aussi fondée ;

PAR CES MOTIFS

-Déclare le pourvoi des ayants droit Ai Ah et Aj Ac Ag recevable en la forme ;

-Au fond, casse et annule l’arrêt n° 23 du 19 avril 2011 de la Cour d’Appel de Niamey ;

-Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
-Condamne CAREN S.A aux dépens ;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER

PRESENTS
Issaka Dan Déla Président
Mahamadou Albachir Nouhou Diallo Mme Daouda Mariama Rabo, Conseillers
Alhassane Moussa Ministère public
Mme Adamou Habbi Adoum Greffière
Rapporteur Mme Daouda Mariama Rabo


Synthèse
Formation : Chambre civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 008/CIV/13
Date de la décision : 19/11/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.cassation;arret;2013-11-19;008.civ.13 ?
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