PRESENTS
Issaka Dan Déla Président
Mahamadou Albachir Nouhou Diallo et Mme Daouda Mariam Conseillers
Alhassane Moussa Ministère Public
Mme Adamou Habbi Adoum Greffière
RAPPORTEUR
Mahamadou Albachir Nouhou Diallo
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi dix neuf novembre deux mil treize, tenue au Palais de Justice de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE ;
C Ab, chauffeur demeurant à Agadez assisté de Me Tanimoune Baoua Souleymane, avocat au Barreau de Niamey
Et deux autres
Demandeurs
D’une part
ET :
B Y, commandant des Douanes, domicilié à Agadez,
A Aa, commerçant demeurant à Agadez,
C X, commerçant demeurant à Agadez,
Défendeurs
D’autre part
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Mahamadou Albachir Nouhou Diallo conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi régulièrement formé par Maître Tanimoune Baoua Souleymane Avocat à la Cour, conseil constitué du sieur C Ab, suivant requête en date du 12 janvier 2010 enregistrée au greffe de la Cour de Céans le 17 février 2010 sous le n° 01, contre l’arrêt n° 57 du 29 octobre 2009 de la Cour d’Appel de Zinder statuant en matière civile et dont la teneur suit :
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et en dernier ressort ;
-Reçoit l’appel de B Y régulier en la forme ainsi que l’appel en cause de A Aa et C X,
-Au fond, annule le jugement attaqué pour violation de la loi ;
-Evoque et statue à nouveau ;
-Déclare irrecevable l’action de C Ab pour défaut de qualité à agir, n’étant pas partie au contrat de la vente litigieuse,
Avis de pourvoi 1 mois
Vu la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire
Vu la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de Cassation
Vu l’arrêt n° 57/CA/ZR du 29 octobre 2009
Vu l’acte et la requête de pourvoi en date du 17 février 2010
Vu l’exploit de signification de la requête de pourvoi en date du 21/01/2010
Vu les conclusions du Ministère Public, Ensemble des pièces du dossier ;
I/ EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été régulièrement introduit ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
II/ AU FOND
Attendu que le requérant soulève quatre moyens de cassation à l’appui de son pourvoi :
1) Sur le 1er moyen pris de la violation des règles de procédures : confusion entre nullité absolue et nullité relative
Attendu que le requérant reproche à l’arrêt qu’il querelle d’avoir déclaré l’action de C Ab irrecevable pour défaut de qualité pour agir, faisant ainsi une mauvaise application des règles régissant l’action en nullité ; qu’il estime en effet qu’en l’espèce, le demandeur poursuivait la nullité absolue de la vente d’autrui et que le juge doit apprécier l’intérêt qu’a ce demandeur à solliciter la nullité de la vente avant de se prononcer sur la qualité des parties en cause ;
Attendu qu’il est incontestable que le demandeur fait une confusion entre la « qualité » et l’ « intérêt » pour agir, qui sont différents l’un de l’autre, mais dont chacun est indispensable pour la recevabilité de l’action ;
Attendu en l’espèce que si le demandeur a intérêt à obtenir la nullité de la vente de son bien faite à son insu, il n’a cependant pas la qualité pour agir en tant que « non partie audit contrat de vente » ; que son action ne peut être qu’une action en revendication et non une action en nullité ; que dès lors, ce moyen doit être rejeté comme étant mal fondé ;
2) Sur le 2ème moyen tiré de la violation de l’article 1599 du Code Civil
Attendu que le requérant estimant que la vente en cause est intervenue sur la chose d’autrui, d’où sa nullité, la Cour devait la déclarer comme telle ; mais qu’en statuant comme elle l’a fait dans l’arrêt attaqué, la Cour d’Appel de Zinder a non seulement violé les dispositions de l’article 1599 du Code du Civil, mais qu’elle a également manqué de base légale ;
Attendu que l’article 1599 du Code Civil dispose que « la vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui » ;
Attendu qu’il y a lieu de relever que la jurisprudence et la doctrine sont unanimes sur le caractère relatif de cette nullité de la chose appartenant à autrui : seul l’acheteur a qualité pour l’invoquer ;
Attendu qu’en cette circonstance, l’action ouverte au véritable propriétaire est une action en revendication ; qu’ainsi, il appartient au véritable propriétaire, dans l’exercice de sa revendication de justifier qu’il n’a pas consenti à la vente litigieuse ; qu’il s’en suit que ce 2ème moyen doit être également rejeté comme étant mal fondé ;
3) Sur le 3ème moyen pris de la violation de l’article 6 du Code Civil
Attendu que le requérant soutient que la disposition de l’article 1599 du Code Civil intéresse l’ordre public et les bonnes mœurs de telle sorte que sa méconnaissance est une consécration pure et simple d’une expropriation ; qu’il conclut en demandant l’annulation de l’arrêt attaqué pour avoir, en écartant l’application de l’article 1599 du Code Civil, violé les dispositions de l’article 6 du Code Civil ;
Attendu que l’article 6 du Code Civil dispose que « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs »
Attendu que ce moyen rejoint le précédent et met à nu la confusion juridique que le requérant entretient ;
Attendu que la Cour, loin d’écarter l’application de l’article 1599 du Code Civil, l’a mis en œuvre dans son esprit réel et réaliste qui est également la position unanime de l’abondante jurisprudence et de la doctrine qui lui accordent une nullité non pas absolue comme veut l’entendre le requérant, mais relative au seul profit ou bénéfice de l’acheteur ;
Attendu que dès lors ce troisième moyen est également mal fondé ;
4) Sur le 4ème moyen tiré du défaut de base légale, insuffisance et obscurité de motifs
Attendu que dans son entêtement, le requérant répète, réitère le même moyen tiré de l’application de l’article 1599 du Code Civil en variant plus ou moins la formulation, le fond restant le même ; qu’encore une fois, la nullité édictée par l’article 1599 du Code Civil est relative et ne profite qu’au seul acheteur ;
Attendu qu’en cela il ne peut y avoir défaut de base légale, encore moins insuffisance ou obscurité de motifs, les juges d’appel ayant suffisamment et clairement motivé leur décision qui, par ailleurs, trouve application dans une jurisprudence fournie et constante ; que dès lors ce 4ème moyen est inopérant et doit être rejeté.
Attendu que le requérant ayant succombé à l’instance doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
-Déclare le recours C Ab recevable en la forme ;
-Au fond le rejette ;
-Condamne C Ab aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que
dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER