COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi quatre mars deux mil quatorze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE
C X, agent commercial domiciliée au quartier Yantala-Niamey, assistée de Me De Campos Désiré Anastase, Avocat au Barreau de Aa ;
Demanderesse
D’une part ;
ET
LA NOUVELLE IMPRIMERIE DU NIGER (NIN), Entreprise individuelle, ayant son siège social rue de l’institut, Place du Petit Marché, B.P 61 Aa, représentée par son Directeur, assisté de Me Moussa Coulibaly, avocat au Barreau de Aa ;
LA SOCIETE NIGERIENNE DE TELECOMMUNICATIONS (SONITEL), Société Anonyme (S.A) ayant son siège social Avenue du Général de Gaulle BP 208 Aa Ab, assistée de Me Liman Malick, avocat au Barreau de Aa ;
Défenderesses
D’autre part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Mahamadou Albachir Nouhou Diallo, conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi régulièrement formé par Maître Désiré A De Campos, Avocat au barreau de Aa conseil constitué pour la défense des intérêts de C X, suivant dépôt d’une requête en triple exemplaires reçue au greffe de la Cour d’Appel de Aa sous le n° 52/2010 du 20 mai 2010 enregistrée au greffe de la Cour de céans sous le n° 256 du 03 juin 2010, contre l’arrêt n° 27 du 18 janvier 2010 de la Cour d’Appel de Aa dont la teneur suit :
- Reçoit la Nouvelle Imprimerie du Niger (NIN) en son appel régulier en la forme ;
- Au fond, infirme le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la NIN à payer à C X la somme de dix millions de francs, ordonné la publication de son dispositif dans « Sahel Dimanche » ;
- Ordonné l’exécution provisoire et en ce qu’il n’a pas statué sur la mise en cause de la SONITEL ;
- Met hors de cause la SONITEL ;
- Déboute C X en ses demandes mal fondées ;
- Confirme les autres dispositions du jugement attaqué ;
- Condamne C X aux dépens ;
Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire ;
Vu l’ordonnance n° 2010-16 du 15 Avril 2010 sur la Cour d’Etat ;
Vu la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de Cassation ;
Vu l’arrêt n° 27/CA/Ny du 18 janvier 2010 ;
Vu l’exploit de signification de l’arrêt ;
Vu la requête de pourvoi et l’acte de pourvoi n° 52/10 du 20/5/10 ;
Vu l’exploit de signification de la requête de pourvoi en date du 27/5/10 ;
Vu les mémoires des parties;
Vu les conclusions écrites de Mme la Procureure Générale, ensemble avec les autres pièces du dossier ;
I/ En la forme
Attendu que le présent pourvoi a été régulièrement formé ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
II/ Au fond
Attendu que la requérante invoque deux moyens pour demander la cassation de l’arrêt qu’elle querelle ;
A/ Sur le premier moyen pris de la violation de la loi : violation des articles 36, 37 et 38 al 1-2-3 de l’annexe VII portant propriété littéraire et artistique de l’accord révisé de Bangui du 02 Mars 1977 et obscurité de motifs
1/ Sur la 1ère branche tirée de la violation des articles 36, 37 et 38 al 1-2-3 de l’annexe
Attendu que la requérante reproche à la Cour d’Appel d’avoir jugé que la « SONITEL dispose incontestablement du droit de propriété sur la chose vendue de même que le droit de la reproduire et de la diffuser et que tous les droits qui s’y rattachent lui sont acquis » sans avoir visé ou recherché l’existence d’un contrat écrit de cession des droits patrimoniaux, et d’avoir ainsi violé les articles 36, 37 al 2 et 38 al 1er de l’annexe VII de l’accord de Bangui, et ce faisant, n’avoir donné de base légale à sa décision ;
Attendu que pour la défenderesse, ce moyen qui est fondé sur l’appréciation des juges du fond est tout simplement irrecevable devant la haute juridiction ; qu’elle rappelle que A C X a d’abord contracté avec la SONITEL, raison pour laquelle elle a été appelée en cause ; que la Nouvelle Imprimerie du Niger (NIN) dont la SONITEL est une cliente a faits ses propres plaquettes publicitaires pour mettre en exergue non pas des personnes comme Ramatou, mais ses clients, toutes des personnes morales ; qu’en cédant les droits contre paiement à B, c’est plutôt cette dernière qui est fondée à attaquer la NIN et non C X ;
Attendu que la requérante réplique en soutenant que si la NIN affirme que la preuve de la cession est versée au dossier, elle n’a cependant jamais signé le moindre contrat de cession et que la NIN ne lui a communiqué, à ce jour, aucun écrit constatant une cession de droit émanant de C X au profit de la NIN ou de la SONITEL ;
Attendu que pour la requérante, la preuve de la cession de droit au sens des articles 36 et 37 al 2 Annexe VII Accord de Bangui révisé n’a pas été versée aux débats ni communiquée à la requérante aussi bien en 1ère instance qu’en cause d’appel ;
Attendu que l’art 36 Annexe VII Accord révisé de Bangui dispose que « sous peine de nullité, les contrats de cession de droits patrimoniaux ou de licence pour accomplir des actes visés les droits patrimoniaux sont passés par écrit » ;
Attendu qu’il est de principe, conforté par une jurisprudence constante et abondante que « toute personne a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s’opposer à sa reproduction sans autorisation » ; que c’est à celui qui reproduit l’image d’apporter la preuve de cette autorisation ;
Attendu que, si comme le soutient le juge d’appel « la SONITEL a acheté l’œuvre publicitaire, qu’elle lui est acquise de plein droit, et que, conformément à l’article 38 al 2 susvisé, l’acquéreur légitime (en l’espèce SONITEL) d’un original ou d’un exemplaire d’une œuvre, sauf stipulation contraire au contrat, jouit du droit de présentation de cet original ou exemplaire directement au public » ; que la présomption d’autorisation pour la reproduction de cette photographie n’existe qu’en faveur de la SONITEL, c'est-à-dire que cette présomption ne peut s’appliquer à d’autres publications réalisées dans d’autres organes de communication, en l’espèce la NIN ; qu’une autorisation expresse et spéciale doit être sollicitée pour chacune de ces autres publications ;
Attendu que la SONITEL, encore moins la NIN, n’ont apporté la preuve expresse de l’autorisation à la publication de la photographie de A C X ; que c’est ainsi que le fait que la SONITEL justifie avoir acquis ( acheté la photo) un droit de publication de l’image publicitaire conçue par la NAC sur commande de la SONITEL dans le cadre de projet de sa maquette publicitaire ne saurait la faire échapper à une condamnation si elle ne justifie pas s’être préoccupée de l’étendue du droit de publication consenti par le modèle et avoir sollicité son autorisation pour toutes autres publications ;
Attendu que la NIN qui n’a entretenu aucun rapport avec A C X a reproduit la maquette publicitaire de la SONITEL avec la photographie de A C X pour faire la promotion de ses propres activités sans avoir obtenu l’autorisation expresse de l’intéressée ;
Attendu dès lors que le juge d’appel a fait une mauvaise application du droit en décidant que la SONITEL a acheté l’œuvre publicitaire, qu’elle lui est acquise de plein droit et que tous les droits qui s’y attachent lui sont acquis et en assimilant purement et simplement cette acquisition à la vente de l’article 1583 du Code Civil ;
Attendu par ailleurs que le juge d’appel a traité la question, non pas sur le plan du droit que chacun a sur son image comme demandé par la requérante, mais a centré sa motivation sur un plan quasi délictuel, un quelconque préjudice causé qu’il faille réparer ;
Attendu que, de ce qui précède, la Cour d’Appel a fait une mauvaise application du droit en la matière et son arrêt encourt cassation de ce chef ;
2)Sur la 2ème branche tirée de la violation de l’article 1382 du Code Civil et insuffisance de motifs
Attendu que la requérante reproche à la Cour d’Appel d’avoir jugé qu’ « il a été suffisamment développé que C X n’a subi aucun dommage ; que la maquette publicitaire n’a pas porté atteinte à l’intimité de sa vie privée, ni même à sa vie privée ; qu’il y a lieu de la débouter de toutes ses demandes comme étant mal fondées » ; qu’elle en déduit que la Cour d’Appel a violé ou fait une mauvaise application de l’article 1382 du Code Civil, et par là, n’a pas suffisamment motivé sa décision, encourant ainsi la cassation ;
Attendu qu’il y a lieu de relever que la jurisprudence admet que la reproduction d’une image sans l’autorisation de son auteur ou de la personne constitue un quasi-délit qui doit donner lieu à réparation ;
Attendu que la Cour d’Appel, en décidant que C X n’a pas prouvé le moindre préjudice causé par les plaquettes publicitaires qui n’ont pour but que de mettre en exergue les principaux clients de NIN et les travaux réalisés par eux, n’a pas expressément statué sur la demande de la requérante ; que dès lors la 2ème branche du 1er moyen est fondée ;
Attendu que de ce qui précède et sans qu’il soit besoin de statuer sur le 2ème moyen pris de l’omission de statuer sur un point de droit, il y a lieu de casser l’arrêt entrepris, et de renvoyer la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
Attendu qu’il y a lieu de condamner B et la NIN aux dépens pour avoir succombées ;
Par ces motifs
-Déclare le pourvoi de C X recevable en la forme ;
-Au fond, casse et annule l’arrêt n° 27 du 18 janvier 2010 de la Cour d’Appel de Aa ;
- Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
-Condamne la Nouvelle Imprimerie du Niger et SONITEL aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus ;
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER
PRESENTS
Mr Issaka Dan Déla Président
Mahamadou Albachir Nouhou Diallo et Moussa Idé Conseillers
Ibrahim M. Moussa Ministère Public
Mme Adamou Habbi Adoum Greffière