La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, statuant pour les affaires Pénales en son audience publique ordinaire du mercredi deux avril deux mille quatorze, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE
Z B A, né le … … … à Grand-Bassam/ RCI, Inspecteur principal des Télécommunications demeurant au quartier Recasement (Ae), assisté de Me Mahaman Moussa LABO avocat au barreau de Ae ;
DEMANDEUR
D’une part ;
ET
1°) MINISTERE PUBLIC ;
2°) C Aa, né vers 1970 à Af XAeY, revendeur demeurant à Af (AeY ;
DEFENDEURS
D’autre part ;
La Cour
Après lecture du rapport par Mme Aissata Adamou Conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Statuant sur le pourvoi en cassation déposé au greffe de la Cour d’Appel de Ae le 29 Mai 2012 par Me Mahaman Moussa Labo, Conseil constitué de Z B A, contre l’arrêt n°41 du 28 Mai 2012 de la Cour d’appel de Ae qui a :
-Déclaré C Aa coupable d’escroquerie et d’abus de confiance portant sur des actes de cessions de parcelles et des sommes d’argent ;
- L’a condamné à verser la somme de 20.000.000 francs à Z B A constitué partie civile, soit l’équivalent de ses parcelles et de la somme d’argent à lui a détournées ;
- Dit que Ab Ac également constitué partie civile, conservera les 2 parcelles reçues en réparation de celles remises par Z B A et détournées par le prévenu.
Vu la loi organique n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu la loi organique n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu les conclusions du Procureur général, ensemble les pièces du dossier de la procédure.
En la forme
Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prévus par la loi ; qu’il y a donc lieu de le déclarer recevable.
Au fond
Attendu le pourvoi soulève deux moyens de cassation tirés de la violation des articles 2, 3 et 586 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 586 du code de procédure pénale, pris en ses diverses branches, pour défaut de motifs, contradiction entre les motifs et le dispositif, et entre les éléments du dispositif, dénaturation des faits et manque de base légale.
Sur la première branche du premier moyen prise pour défaut de motifs et contradiction entre les motifs et le dispositif en ce que l’arrêt attaqué qui dans ses motifs fait grief au jugement querellé pour avoir en violation de la loi annulé une vente civile, a lui aussi commis la même violation en validant cette vente, dans son dispositif.
Aux termes de l’article 586 du Code de procédure pénale : « les arrêts de la Chambre d’accusation ainsi que les arrêts et jugement en derniers ressort sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour Suprême d’exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif… »
Attendu qu’au sens de ce texte et de la jurisprudence en vigueur en la matière, les arrêts des Cours d’appel, lorsqu’ils sont rendus en dernier ressort, doivent à peine d’encourir l’annulation, être motivés, d’une part et que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs, d’autre part ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’arrêt attaqué que l’annulation du jugement n°775 du 10 août 2010 du tribunal correctionnel de Ae est principalement fondée sur le fait qu’il ait en violation des règles de compétences d’attribution, annulé la vente des parcelles , intervenue entre Ab Ac et un certain Ad Ag agissant pour le compte du prévenu C Aa, laquelle décision ne peut selon la Cour relever de la compétence du juge répressif ;
Attendu que le même arrêt contient par ailleurs, dans son dispositif la mention : « dit que Ab Ac conservera les 2 parcelles reçues en réparation de celles remises à Z B A et détournées par le prévenu ; que cette mention, outre qu’elle n’est la traduction d’aucun motif de l’arrêt attaqué et ne reflète pas la réalité des faits de la cause, constitue une validation de la vente dont il dit que l’appréciation ne relève pas de la compétence du juge répressif; qu’il y a de ce fait non une contradiction entre les motifs et le dispositif mais un défaut de motif devant entraîner la cassation de l’arrêt attaqué.
Sur la seconde branche du premier moyen tirée de la dénaturation des faits et manque de base légale, en ce que la Cour a déclaré que le prévenu et la victime Z B A étaient en relation d’affaires, d’une part et pour avoir valider une vente civile, d’autre part, alors même que les faits reprochés au prévenu constituent un abus de confiance et une escroquerie, d’une part et que la juridiction répressive ne peut valider une vente immobilière, d’autre part.
Attendu que cette branche du moyen trouve sa réponse dans celle précédemment analysée plus haut en ce qui concerne le grief fait de l’appréciation d’une vente par le juge répressif, tans disque son volet dénaturation des faits constitue un moyen de fait qui échappe à l’appréciation du juge de cassation.
Sur la troisième branche du moyen prise en la contradiction entre les éléments du dispositif, en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d’abus de confiance et escroquerie portant sur des parcelles et des sommes d’argent et en réparation des intérêts civils l’a condamné à verser de l’argent à l’une des victimes et autorisé l’autre à conserver des parcelles, autrement dit pour avoir ordonné le dédommagement d’une partie civile en espèces et de l’autre en nature.
Attendu qu’il résulte en effet des pièces du dossier de la procédure que le Sieur Z B A a confié au prévenu un certain nombre de parcelles en vue de lui régulariser leur situation administrative ainsi qu’une somme d’argent pour lui en acquérir d’autres ; que le prévenu a par l’intermédiaire d’un tiers vendu deux de ces parcelles I et J à Ab Ac qui en règlement du prix aurait donné également des parcelles que le prévenu aurait par ailleurs vendues; que les parcelles I et J sont saisies entre les mains de Tanko et placées sous-main de justice ; que Ab Ac et Z B A sont tous deux constitués partie civile et réclament chacun la restitution de ses parcelles ;
Attendu qu’il est en substance fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé une condamnation pécuniaire en faveur du demandeur au pourvoi dont les parcelles se trouvent placées sous main de justice et ordonné à leur acquéreur Ab Ac de les conserver à titre de réparation de son préjudice ; que cette branche du moyen soulève non une contradiction entre les éléments du dispositif, mais pose plutôt le problème d’indemnisation des victimes d’une même infraction portant sur des biens matériels ; qu’elle sera de ce fait jointe au second moyen de cassation à examiner ci-après
Sur le second moyen de cassation pris en la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, en ce que les juges d’appel en se prononçant sur les intérêts civils ont condamné le prévenu a verser la somme de 20.000.000 de francs à Z B A soit l’équivalent des parcelles et de la somme d’argent à lui détournés et dit que Ab Ac conservera les 2 parcelles reçues en réparation de celles remises à Z, alors même au sens des textes sus visés au moyen la juridiction pénale doit, lorsqu’elle se prononce sur le plan civil se limiter uniquement à la réparation du dommage causé par l’infraction, ce qui n’est pas le cas en l’espèce la Cour s’étant en outre prononcée sur le validité de la vente des parcelles détournées ;
Attendu qu’aux termes des articles 2 et 3 du code de procédure pénale : « l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l’infraction (article 2) la partie lésée est recevable à réclamer devant la juridiction répressive, outre la réparation du préjudice corporel ou moral, celle du préjudice matériel causé par le même fait (article 3) » ;
Attendu qu’il résulte de l’examen de l’arrêt attaqué que les juges d’appel statuant sur la constitution de partie civile de Z B A et Ab Ac ont prononcé une condamnation pécuniaire en faveur du premier et décidé que le second conservera les deux parcelles appartenant au premier, saisies et placées sous main de justice ;
Attendu que ce grief fait à l’arrêt attaqué ne constitue pas une violation des textes susvisés au moyen mais plutôt une iniquité dans l’indemnisation des victimes des infractions poursuivies ; que la Cour aurait en l’espèce mieux fait de rechercher à travers un complément d’information le reste des biens (parcelles) détournés et procéder dans la mesure du possible à des restitutions telles que demandées par les parties civiles qui réclamaient chacune la restitution des ses biens ; que ce moyen n’est donc pas fondé ; qu’il y a en conséquence lieu de l’écarter ;
Attendu qu’au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de casser et annuler l’arrêt n°41 du 28 mai 2012 de la Cour d’appel de Ae, de renvoyer la cause et les parties devant la même juridiction mais autrement composée.
PAR CES MOTIFS
-Déclare recevable le pourvoi de Z B A ;
-Casse et annule l’arrêt n°41 du 28 mai 2012 de la Cour d’appel de Ae ;
-Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction mais autrement composée, pour être jugées conformément à la loi ;
-Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jours, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER
PRESENTS
Ousmane Oumarou Président
Mme AissataAdamou & Hassane Djibo Conseillers
Maazou Adam, Ministère Public
MmeMoumouni Haoua, Greffière
RAPPORTEUR
Mme Aissata Adamou