La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi dix huit novembre deux mil quatorze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Société Agadez la plage SARL, représentée par son gérant Ae Ai, assisté de Maître Mahamane Moussa Labo, avocat au Barreau de Af ;
Demanderesse
D’une Part ;
ET :
Aa Ac, commerçant demeurant à Agadez, assisté de Maître Souleymane Tanimoune, avocat au Barreau de Af ;
Aj Ag Ad, huissier de justice près le Tribunal de Grande Instance d’Agadez ;
Etat du Niger, représenté par le Secrétaire Général du Gouvernement ;
Défendeurs
D’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Madame Daouda Mariama, conseillère rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi de Maître Mahaman Moussa Labo, avocat au Barreau de Af, conseil constitué pour la défense des intérêts de la Société Agadez la Plage SARL, formé par requête écrite déposée au greffe de la Cour d’Appel de Zinder le 05/12/2011 et reçu au greffe de la Cour d’Etat le 14 mai 2012, contre l’arrêt n° 32 du 28 juin 2007 de ladite Cour qui, statuant ces termes publiquement, contradictoirement à l’égard de l’appelante et par défaut à l’égard des intimés, en matière civile, et en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi :
-reçoit la Société Agadez la Plage et l’Etat du Niger en leurs appels réguliers en la forme ;
-au fond, annule le jugement attaqué pour violation sur la compétence vis-à-vis de l’Etat du Niger ;
-évoque et statue à nouveau ;
-se déclare incompétente concernant la responsabilité de l’Etat du Niger ;
-constate qu’il s’agit d’un problème d’exécution (article 49 de l’A.U.P.S.R.V.E) ;
-déboute la Société Agadez la Plage de toutes ses autres prétentions, fins et conclusions comme étant non fondées ;
- condamne la Société Agadez la Plage aux dépens ;
- avis de pourvoi et d’opposition donné ;
Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire en République du Niger ;
Vu la loi n° 2010-16 du 15 avril 2010 sur la Cour d’Etat ;
Vu la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu la requête de pourvoi ;
Vu les mémoires des parties ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Sur la recevabilité
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il échet de le déclarer recevable ;
Au fond
Attendu que le demandeur soulève quatre (4) moyens de cassation à l’appui de son pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 96 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 portant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger.
Attendu que le demandeur invoque l’article 96 de la loi susvisée qui dispose que « en attendant la mise en place des nouvelles juridictions, les juridictions actuelles continuent à exercer les fonctions qui leur sont dévolues par la loi » et querelle l’arrêt attaqué en ce que le juge d’appel s’est déclaré incompétent concernant la responsabilité de l’Etat du Niger ; qu’il soutient que dans notre système juridique, c’est le Tribunal de grande instance qui est le juge administratif et en appel la Cour d’Appel lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre de la responsabilité de la puissance publique ;
Attendu que le défendeur répond que Ab La Plage A a saisi le Tribunal statuant en matière civile et commerciale pour lui demander de se prononcer sur une matière administrative or c’est la saisine qui détermine la compétence du tribunal ;
Qu’en l’espèce, si au regard de la loi applicable les juges de fond ont compétence pour statuer en matière administrative, il n’en demeure pas moins que pour statuer ils doivent être saisis en la matière ce qui n’est pas le cas le demandeur ayant assigné le défendeur devant le tribunal statuant en matière civile et commerciale ;
Qu’ainsi, ce premier moyen de cassation doit être rejeté car mal fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties
Attendu que le requérant reproche au juge d’appel d’avoir dit le contraire de ce qu’il a demandé dans ces écrits ;
Qu’en effet, le juge a considéré que sa demande tend « à déclarer nulles toutes ventes opérées par l’huissier de ses biens sis dans l’hôtel Agadez » alors que dans son assignation il demandait au juge de dire « notamment qu’il a subi illégalement un énorme préjudice du fait de son occupation et de sa fermeture illégale par Aj Ag Ad, huissier de justice » ; qu’il conclut qu’en agissant de la sorte, la Cour d’Appel a violé le principe selon lequel le juge de fond ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ;
Attendu que le défendeur prétend que l’arrêt attaqué n’a aucunement dénaturé les conclusions du défendeur, il n’a fait que les analyser ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que la prononciation sur les choses non demandées à pour effet de vicier la décision parce qu’elle modifie illégalement les termes et le champ du litige ;
Qu’en l’espèce, en statuant ainsi, la Cour d’Appel a méconnu le principe visé au moyen en modifiant les termes du litige ;
Attendu que ce deuxième moyen doit être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation tiré de la violation de l’article 1382 du code civil
Attendu qu’Agadez La Plage reproche au juge d’appel d’avoir refusé d’appliquer l’article 1382 du code civil au motif que c’est un problème lié à l’exécution d’une décision de justice ;
Attendu que le requérant soutient que les opérations de la saisie diligentée par l’huissier sont contraires aux règles prévues en la matière et la responsabilité qui en découle relève du droit commun ;
Attendu qu’aux termes de l’article 1382 précité tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ;
Que la jurisprudence précise que la faute peut consister dans une abstention aussi bien que dans un fait positif ;
Attendu qu’en principe, l’exercice d’un droit ne peut constituer une faute sauf en cas d’abus lorsque le titulaire du droit, en fait, à dessein de nuire, ou simplement sans motif légitime, un usage préjudiciable à autrui ;
Attendu que pour que la responsabilité de l’exécuteur du dommage soit engagée, il faut qu’il y ait entre la faute et le dommage un lien de causalité dont la preuve incombe au demandeur ;
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des pièces de la procédure que l’huissier instrumentaire a dépassé le cadre légal de la saisie en fermant les lieux pendant plus d’un an et en renvoyant le personnel ; que c’est à bon droit que le demandeur recherche sa responsabilité par faute ;
Attendu que ce troisième moyen de cassation est bien fondé ; qu’il y a lieu de casser et annuler l’arrêt querellé, de renvoyer la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée et de condamner les défendeurs aux dépens pour avoir succombé à l’instance ;
PAR CES MOTIFS
-Déclare le pourvoi de Agadez la plage recevable ;
-Au fond, casse et annule l’arrêt n° 32 du 28 juin 2007 de la Cour d’Appel de Zinder ;
-Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
-Condamne les défendeurs aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
PRESENTS
Moussa Idé, Président
Mme Daouda Mariama Et Zakari Kollé, Conseillers
Alhassane Moussa, Ministère Public
Mme Ag Ah, Adoum Greffière
RAPPORTEUR, Mme Daouda Mariama