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06/01/2015 | NIGER | N°15-001/CC/Civ.

Niger | Niger, Cour de cassation, Chambre civile et commerciale, 06 janvier 2015, 15-001/CC/Civ.


La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi six janvier deux mil quinrze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :

SEKOU HAMIDOU BA, Mécanicien domicilié à Niamey, assisté de Maître De Campos Désiré A. avocat au Barreau de Niamey ;
Demandeur
D’une Part ;

ET :

Ali Larabou, Commerçant demeurant à N

iamey assisté de Maître Boureima Idrissa, avocat au Barreau de Niamey ;
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La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi six janvier deux mil quinrze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :

SEKOU HAMIDOU BA, Mécanicien domicilié à Niamey, assisté de Maître De Campos Désiré A. avocat au Barreau de Niamey ;
Demandeur
D’une Part ;

ET :

Ali Larabou, Commerçant demeurant à Niamey assisté de Maître Boureima Idrissa, avocat au Barreau de Niamey ;
Défendeur
D’autre Part ;

LA COUR

Après la lecture du rapport par Monsieur Zakari Kollé, conseiller-rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur le pourvoi de Maître DE CAMPOS Désiré, Avocat à la Cour, Conseil constitué de Sékou Hamidou Bâ, formé par requête écrite déposée au greffe de la Cour d’Appel de Niamey le 21 juin 2007, puis enregistrée au greffe de la Cour Suprême le 26 juillet 2007, contre l’arrêt n° 230 rendu le 16 octobre 2006 par la Cour d’Appel de Niamey qui a :

-reçu l’appel principal et celui incident de Sékou Hamidou Bâ, réguliers en la forme ;

-déclaré irrecevable la demande en inscription de faux de Sékou Hamidou Bâ ;-rejeté la demande en déferrement de serment de Sékou Hamidou Bâ ;

-confirmé le jugement attaqué ;

-condamné Sékou Hamidou Bâ aux dépens ;

Vu l’article 2 alinéa 2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger ;
Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême ;
Vu la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu les articles 2 alinéa 2, et 3 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger, 1134, 1156, 1315, 1358 et 1360 du code civil ;

Vu la requête de pourvoi ;
Vu le mémoire en défense ;
Vu l’arrêt n°11-197/C du 13 octobre 2011 ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;

Sur la recevabilité du pourvoi.

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier, que le requérant a formé son pourvoi dans le respect des disposition de l’article 34 de la loi n° 2000-10 du 14 août 2000, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême alors en vigueur, avant de signifier sa requête au défendeur Ali Larabou par exploit d’huissier en date du 29 mai 2007, conformément à l’article 36 dudit texte ;

Qu’il y a lieu de déclarer le pourvoi recevable comme ayant été formé dans les forme et délai prévus par la loi ;
Sur le fond

Attendu que Sékou Hamidou Bâ soulève le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2 alinéa 2, et 3 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger, 1134, 1156, 1315, 1358 et 1360 du code civil, par absence de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense, défaut de réponse a conclusions et dénaturation du contrat liant les parties ;

Attendu que ce moyen peut être subdivisé en deux branches dont l’une tirée de la violation des droits de la défense et l’autre du défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions et dénaturation du contrat liant les parties ;

Qu’il y a lieu d’y procéder ainsi ;

Sur la première branche du moyen pris de la violation des droits de la défense ;

Attendu que le requérant fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé la décision du premier juge qui a pourtant statué sans l’avoir mis à même de se défendre et ce, d’autant que celui-ci s’est directement prononcé sur la demande principale en nullité de la vente de l’immeuble en litige avant l’examen de celle incidente d’inscription de faux, contenue dans ses conclusions ‘’avant dire droit’’ du 13 mai 2004 ;

Qu’à son avis en n’annulant pas la décision ainsi rendue, la Cour d’Appel de Niamey a également violé le principe du contradictoire édicté par l’article 3 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger aux termes duquel « en toute matière, nul ne peut être jugé sans être en mesure de présenter ses moyens de défense.

Les avocats ont libre accès devant toutes les juridictions. La défense et le choix du défenseur sont libres ».

Attendu que le défendeur Ali Larabou répliquait en soutenant que le principe du contradictoire a été bien respecté, puisque le conseil du requérant a déposé des conclusions ;

Attendu que le droit de la défense meilleure garantie d’un procès juste et équitable, doit notamment se manifester à travers le respect du principe du contradictoire, l’assistance d’un avocat ou encore le double degré de juridiction lorsque cela est prévu par la loi ;

Attendu qu’en l’espèce, il est constant que c’est à l’effet de formaliser par acte authentique, la convention verbale aux termes de laquelle Ali Larabou remettait à Sékou Hamidou Bâ une somme d’un montant de trois millions de francs (3.000.000 F) à charge pour ce dernier de lui en rembourser celle de quatre millions sept cent cinquante mille francs (4.750.000 F), que les deux parties avaient saisi un Notaire qui a dressé l’acte contesté de vente;

Attendu que le débiteur qui vainement soutenait avoir donné son consentement pour un prêt, a dans ses conclusions ‘’avant dire droit’’, formulé une demande aux fins de sursis à statuer sur la validité de la convention ainsi constatée ;

Attendu qu’aux termes de l’article 14 de code de procédure civile applicable au Niger, « lorsqu’une des parties déclarera qu’elle désire s’inscrire en faux, déniera l’écriture ou déclarera ne pas la connaître, le juge lui en donnera acte ; il parafera la pièce… »

Attendu que le premier jugement énonçait dans ses motifs que « le droit positif nigérien n’a pas prévu de procédure spéciale réglementant la procédure incidente de preuve dirigée contre un acte authentique afin de démontrer qu’il a été altéré, modifié, complété par des fausses indications ou même fabriqué ; qu’en pareille circonstance, il est fait recours au droit comparé en tant que raison écrite » ;

Attendu que pour confirmer cette décision la Cour d’Appel de Niamey énonçait également que « l’admission ou non d’une demande en inscription de faux, relève du pouvoir discrétionnaire de la juridiction saisie » ;

Mais attendu que quoique la procédure d’inscription de faux à suivre devant les juges de fond, n’ait pas fait l’objet de législation spéciale au Niger, le juge ne saurait sous peine de tomber sous le coup de l’interdiction faite par l’article 4 du code civil, prétexter du silence de la loi ou de son obscurité, pour ne pas juger une cause qui lui a été soumise ;

Qu’il pourra donc s’agissant d’une matière civile mais non pénale où le principe de la légalité des infractions et des peines le lui interdit, procéder même par analogie en s’inspirant par exemple de la procédure suivie en pareilles circonstances devant la Cour Suprême où aux termes de l’article 84 alinéa 4 de la loi n° 2000-10 du 14 août 2000, « …la chambre judiciaire peut soit surseoir à statuer et renvoyer alors les parties devant telle juridiction qu’elle désignera pour y être procédé suivant la loi au jugement de faux, soit passer outre si elle constate que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux ».

Attendu qu’en l’espèce, que même s’il appartenait aux juges de fond d’apprécier souverainement la suite à donner à la demande d’inscription de faux, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent suffisamment motiver leurs décisions, surtout qu’en l’espèce il est constant que l’Officier Public avait été requis pour constater une convention verbale intervenue en amont entre les parties et qui a consisté en la remise de fonds par l’une, à charge pour l’autre de lui en rembourser le montant majoré pour la circonstance ;

Attendu que cette convention intervenue hors la présence du Notaire étant diversement appréciée par les parties, dont l’une soutient qu’il s’agissait d’une vente et l’autre soutient qu’il s’agissait d’un prêt à intérêts, la solution finale du litige se trouve alors intimement liée à l’acte notarié qui la constate, d’où la nécessité pour le juge de sursoir à statuer sur le fond jusqu’à examen de la demande incidente d’inscription de faux formulée par le demandeur au présent pourvoi ;

Qu’en statuant comme ils l’ont fait, la Cour d’Appel de Niamey, tout comme le premier juge dont elle a confirmé la décision, n’a donc pas véritablement mis le requérant à même de se défendre jusqu’au bout comme l’aurait souhaité le texte visé au moyen ;

Qu’il y a lieu d’accueillir ce moyen comme étant fondé ;

Attendu en conséquence, que l’arrêt querellé doit encourir cassation et annulation de ce chef ;

Sur la seconde branche du moyen tirée du défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse a conclusions et dénaturation du contrat liant les parties en violation des 1134, 1156, 1315, 1358 et 1360 du code civil ;

Attendu que le requérant reproche notamment à l’arrêt confirmatif attaqué de manquer de motifs et de base légale, en ce qu’il s’est fondé sur l’acte dressé par le Notaire à postériori de la convention qu’il est sensé constater pour conclure à une vente, alors même qu’aucun versement du prix n’a été constaté par lui;

Qu’en effet soutient-il, puisqu’il a fondé sa demande sur l’existence d’un prêt d’argent à intérêts, les juges de fond ne sauraient sans statuer ‘’ultra petita’’, dénaturer la convention des parties en se fondant sur l’acte notarié pour déduire qu’il s’agissait d’une vente ;

Attendu par ailleurs, qu’il fait grief à la Cour d’Appel d’avoir en violation des articles 1358 et 1360 du code civil, rejeté sa demande de serment décisoire qui pourtant « peut être déféré en tout état de cause et sur quelque espèce de contestation que ce soit » ;

Attendu en revanche, que de l’avis du défendeur Ali Larabou, les juges de fond n’ont pas dénaturé la convention des parties, puisque la vente est parfaite dès l’accord sur la chose et le prix, encore que le paiement du prix ou la remise de la chose n’étaient pas encore effectifs ;

Qu’il soutient également, que le requérant ayant mis hors de cause le Notaire à travers ses conclusions additionnelles en réplique d’appel et sa correspondance du 28-02-2006, ne peut persister sur le serment décisoire, l’acte établi par l’officier public « faisant foi de la convention qu’il renferme » conformément aux dispositions de l’article 39 du décret n° 2004-198/PRN/MJ du 09 juillet 2004, portant modalité d’application de la loi n° 98-06 du 29 avril 1998, portant statut des notaires ;

Mais attendu que contrairement aux motifs de l’arrêt attaqué, le requérant conteste le rejet par la Cour d’Appel de sa demande de serment décisoire qu’il a déféré à son adversaire relativement au versement d’un prétendu prix de vente, que le notaire n’a effectivement pas certifié avoir constaté pour s’être effectué devant lui ;

Attendu que comme déjà évoqué ci-dessus une remise de fonds avec intérêts, ne peut être synonyme de la vente qui implique l’accord des parties sur la chose et le prix, lequel peut éventuellement être majoré par rapport à celui auquel le vendeur lui-même à eu à acquérir la chose vendue ;

Qu’ainsi, en rejetant ladite demande de serment pour les motifs qu’il s’agissait d’une vente parfaite, la cour d’appel a effectivement dénaturé les conclusions de Sékou Hamidou Bâ et sa décision doit encourir cassation et annulation de ce chef ;

Attendu par ailleurs qu’il y a lieu de relever d’office le moyen tiré de la contradiction entre les motifs et le dispositif de l’arrêt ;
Sur le moyen soulevé d’office, tiré de la contradiction entre les motifs et le dispositif ;

Attendu que la contradiction entre les motifs et le dispositif est assimilable au défaut même des motifs et constitue une cause de cassation parce que violant les dispositions de l’article 2 alinéa 2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger ;

Attendu en l’espèce, qu’il résulte du dispositif de l’arrêt attaqué, que la cause a été jugée « par défaut à l’égard de Ali Larabou et Boubacar Sallaou » ;

Que cependant dans les motifs, la Cour d’Appel énonçait de manière affirmative « que Ali Larabou soutient…, que Sékou Hamidou Bâ nie avoir reçu ce prix tirant argument de ce que ledit paiement n’a pas été effectué devant le notaire » ;

Attendu que si tant est que la cause a été jugée par défaut à l’égard d’une partie, le juge ne peut au risque de se contredire, faire référence à fortiori fonder sa décision sur les positions que celle-ci n’a pas soutenues devant lui ;

Que l’arrêt ainsi rendu doit également encourir cassation et annulation de ce chef ;

Attendu que de tout ce qui précède il y a lieu de casser et annuler l’arrêt n° 230 du 16 octobre 2006 de la Cour d’Appel de Niamey, de renvoyer la cause et les parties devant la même juridiction mais autrement composé et de condamner Ali Larabou aux dépens pour avoir succombé à l’instance.

Par ces motifs

- Déclare le pourvoi de Sékou Hamidou Ba recevable en la forme ;
- au fond casse et annule l’arrêt n° 230 du 16 octobre 2006 de la cour d’appel de Niamey ;
- renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
- condamne Ali Larabou aux dépens

Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus ;

Ont signé, le Président et le greffier

PRESENTS
Issaka Dan Déla, Président
Moussa Idé et Zakari Kollé, Conseillers
Alhassane Moussa, Ministère Public
Nabassaoua Soumana Gaoh, Greffière

RAPPORTEUR Zakari kollé


Synthèse
Formation : Chambre civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 15-001/CC/Civ.
Date de la décision : 06/01/2015

Parties
Demandeurs : SEKOU HAMIDOU BA
Défendeurs : ALI LARABOU

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.cassation;arret;2015-01-06;15.001.cc.civ ?
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