La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi vingt sept janvier deux mil quinze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ab Aa Af et Mme Ae Ag demeurant à A, assistés de Maître Bassirou Saïdou, avocat au Barreau de A
Demandeur
D’une Part ;
ET : Iro Ado, Promoteur Ad Ac à A, assisté de Me Kader Chaïbou, avocat au Barreau de A ;
Défendeur
D’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Moussa Idé Conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi des époux Aa Af et Madame Ae Ag, assistés de Maître Bassirou Saidou, Avocat au Barreau de A, leur conseil constitué, introduit par requête écrite en date du 27 janvier 2014, déposée au Greffe de la Cour d’Appel de A, le 28 janvier 2014, contre l’arrêt n° 92 du 06 novembre 2013 rendu par ladite juridiction qui a :
-reçu les appels des parties réguliers en la forme ; au fond, annulé l’ordonnance attaquée pour violation de la loi ;
-évoqué et statué à nouveau ; ordonné la main levée de toutes les saisies ventes en cause ;
-ordonné la restitution des deux véhicules non encore vendus ; ordonné la restitution du prix de vente du véhicule saisi et déjà vendu ; ordonné l’exécution provisoire de la décision sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard ;
-condamné les époux Aa aux dépens ;
Vu la Loi Organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 ;
Vu les articles 1289 et 1290 du Code Civil ;
Vu la requête de pourvoi, ensemble les pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi dont objet parce qu’ayant été introduit dans les forme et délai prévus par la loi, doit être déclaré recevable ;
AU FOND
DU PREMIER MOYEN PRIS DE LA MECONNAISSANCE DE L’ARRET DU 09 JANVIER 2013 DE LA COUR D’APPEL DE A ET DE L’ORDONNANCE N° 89 DU 05 AVRIL 2011
Attendu que les époux Aa disent que s’il est vrai que l’arrêt n° 13-204 du 25 juillet 2013 de la Cour d’Etat a cassé et annulé l’arrêt n° 74 du 20 juillet 2011, il reste qu’il n’anéantit pas l’ordonnance n° 89 du 05 avril 2011 qui est par nature exécutoire ; Qu’ils disent que les procédures de cassation où il est permis d’ordonner la restitution des avoirs et biens saisis sont celles qui libèrent le débiteur de toute condamnation pécuniaire ; qu’ils ajoutent que leur situation est celle où la cassation de l’arrêt n° 74 du 20 juillet 2011 n’anéantit pas l’ordonnance n° 89 du 05 avril 2011, laquelle est exécutoire par nature ;
Attendu que Monsieur Ai Ah n’a pas fait parvenir ses moyens de défense, comme l’atteste un certificat de non production de mémoire, dans lesquels il aurait pu discuter les arguments fournis par les demandeurs aux succès de leurs prétentions, nonobstant la signification qui lui a été faite de la requête de pourvoi ;
Attendu que pour faire droit à la requête de Monsieur Ai Ah, l’arrêt attaqué énonce « Attendu que suivant arrêt n° 13-204/Civ. du 25 juillet 2013, la Chambre Judiciaire de la Cour d’Etat, sur pourvoi formé par Iro Ado a cassé et annulé l’arrêt n° 74 du 20 juillet 2011 de la Cour d’Appel de A qui a servi de titre aux saisies querellées ; Attendu que suite à l’anéantissement du titre exécutoire qui a servi de base aux saisies objet de contestations, celles-ci deviennent systématiquement caduques et n’ont plus de fondement juridique depuis l’intervention de l’arrêt de la Cour d’Etat ; Qu’il y a lieu en conséquence d’en ordonner la mainlevée… » ;
Attendu qu’il est de principe que l’effet nécessaire d’un arrêt par lequel la Cour de Cassation annule une décision judiciaire, est de remettre la cause et les parties au même semblable état où elles étaient auparavant ;
Que la cassation entraîne donc une perte de l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’elle ne laisse rien subsister ;
Attendu que dans le cas d’espèce, ce qui en substance a été annulé est le procédé par lequel les juges du fond ont déterminé le taux des astreintes liquidées en effectuant un calcul arithmétique au lieu de prendre en considération le préjudice réel subi par le créancier ;
Qu’il importe de relever que toutes les saisies vente en cause, objet de contestations ont été pratiquées en vertu de l’arrêt cassé qui en a constitué le titre ; qu’elles ont donc été opérées sur la base d’un titre nul rendant ipso facto ces saisies juridiquement inexistantes ; que dès lors Iro Ado est légitimement fondé à demander leur mainlevée et c’est à bon droit que la Cour d’Appel l’en a ordonné ; que certes la solution légale serait différente si ces mesures (saisies) sont intervenues en vertu d’une ordonnance du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de A exécutoire par provision que l’arrêt entrepris s’est borné à confirmer, car la cassation de l’arrêt n’entraîne pas la nullité du jugement de première instance qu’en la présente cause, le juge a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;
Attendu qu’en droit nigérien, l’exécution provisoire a lieu soit de plein droit, soit elle est ordonnée par le juge et tel n’est pas le cas ;
Que du reste, la liquidation de l’astreinte prononcée par l’arrêt cassé et par voie de conséquences par les décisions postérieures ayant été remise en cause par la haute juridiction, la créance dont les époux Aa entendent se prévaloir a perdu sa légitimité et de ce fait, rien ne subsiste juridiquement au soutien des dites saisies ;
Qu’au demeurant, la jurisprudence invoquée par les demandeurs au pourvoi, n’est pas applicable au Niger, en ce qu’elle n’est pas antérieure à l’année 1960 ;
Il s’ensuit que cette première branche doit être rejetée car non fondée ;
SUR LA SECONDE BRANCHE
Attendu que les époux Aa disent que jusqu’à preuve de contraire, l’arrêt n° 002 du 09 janvier 2013 en vertu duquel ils ont été autorisés à saisir les véhicules 8 B 7674 et 8B 2639 n’a pas encore fait l’objet d’un pourvoi, à fortiori de cassation ; qu’ils ajoutent qu’autant Iro Ado se prévaut de l’arrêt N° 92 du 06 novembre 2013, autant ils se prévalent de l’arrêt n°002 du 09 janvier 2013 et que Iro Ado devrait logiquement au préalable demander la cassation de l’arrêt du 09 janvier 2013 sur la base de l’arrêt de cassation du 25 juillet 2013 de la Cour d’Etat ; qu’ils soutiennent qu’en ordonnant directement la restitution des véhicules saisis, la Cour d’Appel a violé la loi en créant une situation conflictuelle entre les deux arrêts qui se valent et derrière lesquels chacune des parties peut s’abriter ;
Attendu qu’il est un principe de droit que « sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ; qu’elle entraîne sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé, ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire » ;
Que la décision de justice qui se rattache par un lien nécessaire à la décision cassée « doit être considérée comme non avenue et point n’est besoin de rechercher si la décision a fait l’objet d’un pourvoi ou que ce pourvoi ne serait pas recevable par suite de l’expiration du délai de recours ;
Attendu que l’arrêt n° 002 du 09 janvier 2013 dont entend se prévaloir le requérant est une décision confirmative de l’ordonnance n° 279 du 20 décembre 2011 qui a déclaré bonnes et valables les saisies pratiquées et ordonné la continuation des poursuites ; que ces saisies ont été effectuées sur la base de l’arrêt n° 74 du 20 juillet 2011 de la Cour d’Appel de A qui a servi de titre et objet de cassation ; qu’il existe donc entre les deux décisions un lien d’application, de dépendance et de connexité ;
Qu’il s’en suit que cet arrêt du 09 janvier 2013 qui se rattache par un lien nécessaire à l’arrêt n° 74 du 20 juillet 2011 est nul et cela sans qu’il soit besoin d’en demander la cassation, la Haute juridiction ne pouvant que se borner à viser son précédent arrêt et à déclarer qu’il n’y a pas lieu à statuer ;
Que l’arrêt n’° 74 du 20 juillet 2011, dès lors qu’il a été cassé est réputé n’avoir pu et ne peut servir à aucun acte d’exécution dont les saisies validées par les juges du fond, ordonnées sur la foi d’un titre nul ;
Que de toutes les façons, les requérants en poursuivant l’exécution de cet arrêt nonobstant le pourvoi dont il a été l’objet, avaient la pleine conscience du risque qu’ils encouraient ;
Qu’en l’état actuel de la procédure, le paiement fait au requérant à la suite de la vente de l’un des véhicules saisis, parce que constituant un paiement indû en ce qu’il a été fait sur la base d’un titre nul, doit être restitué à Monsieur Ai Ah ; que celui-ci a dans l’arrêt de cassation qui de manière sous entendue a ordonné la remise en état, un titre qui légitime et justifie sa demande aux fins de restitution ;
Qu’en conséquence, cette seconde branche du moyen doit être rejetée parce que n’étant pas pertinente ;
SUR LE SECOND MOYEN PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1289 ET 1290 DU CODE CIVIL
Attendu que les époux Aa soutiennent qu’ils demeurent créanciers de Iro Ado d’une part, de 69.000.000 F en vertu de l’ordonnance n° 89 du 05 avril 2011 et d’autre part, de 16.400.000 F en vertu de l’ordonnance n° 247 du 15 novembre 2011 confirmée par l’arrêt n° 094 du 06 janvier 2013 de la Cour d’Appel de A, et qu’en revanche, Iro Ado n’est créancier d’aucun centime à leur égard ;
Attendu que la compensation suppose que deux personnes sont débitrices l’une envers l’autre ; que les requérants affirment, à juste titre qu’ils ne sont pas débiteurs envers Iro Ado, aucune liquidation d’astreinte n’ayant été prononcée à son profil et à leur encontre ; que quant à la dette qu’ils invoquent les montants de la liquidation des astreintes tels qu’ils sont déterminés par les juges du fond ont été écartés pour une évaluation ne prenant pas en considération le préjudice par eux subi, leur créance a cessé d’être liquide, donc ne peut pas intervenir à l’occasion d’une opération de compensation ;
Qu’aussi ce moyen, aussi ne paraît pas sérieux ;
Attendu que des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi des époux Aa Af et Madame Ae formé contre l’arrêt n° 92 du 06 novembre 2013 de Cour d’Appel de A.
Attendu qu’il convient de condamner les requérants qui ont succombé à l’instance, aux dépens ;
Par Ces Motifs
-déclare le pourvoi des époux Aa Af et Madame Ae Ag recevable en la forme ;
-au fond le rejette ;
-condamne les requérants aux dépens
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus ;
Ont signé, le Président et le greffier.
PRESENTS
Issaka Dan Déla, Président
Moussa Idé et Mme Daouda Mariama, Conseillers
Alhassane Moussa, Ministère Public
Nabassoua Soumana Gaoh, Greffier
RAPPORTEUR, MOUSSA IDE