La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi quatorze avril deux mil quinze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Commune Urbaine de Tibiri, assistée Me Abba Ibrah, avocat au Barreau de Aa ;
et autres
Demandeurs
D’une Part ;
ET :
Communauté Urbaine de Ag,
Commune Urbaine de Ag Ah
Ac Ad, commerçant demeurant à Ag
Défendeurs
D’autre Part
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Mahamadou Albachir Nouhou Diallo, conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi formé par requête en date du 07 avril 2014 déposée le 11 avril 2014 au greffe de la Cour d’Appel de Zinder par Me Elh Abba Ibrah, Avocat au Barreau de Aa pour le compte de la Commune Urbaine de Tibiri contre l’arrêt civil n° 105/CA/Zinder du 26 décembre 2013 dont la teneur suit :
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et en dernier ressort ;
-reçoit l’appel principal de la Commune Urbaine de Tibiri, Ac Ab et 5 autres réguliers en la forme ;
-déclare l’appel incident de Ac Ab et 5 autres comme sans objet ;
-rejette l’exception de nullité soulevée par Me Abba Ibrah comme non fondée ;
-rejette la demande de dommages et intérêts formulée par Ac Ad contre Ac Ab et 5 autres comme nouvelle ;
-confirme la décision attaquée dans toutes ses dispositions ;
-condamne la Commune Urbaine de Tibiri, Ac Ab et 5 autres aux dépens ;
Vu la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire en République du Niger ;
Vu l’ordonnance n° 2010-16 du 15 avril 2010 sur la Cour d’Etat ;
Vu la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de Cassation ;
Vu les articles 544, 1165, 1382, 1383 et 1599 du Code Civil ;
Vu l’arrêt n°105/CA/Zinder du 26 décembre 2013 ;
Vu l’exploit de signification de l’arrêt querellé en date du 17/3/3014 ;
Vu la requête de pourvoi déposée le 11 avril 2014 ;
Vu l’exploit de signification de la requête en date du 10/4/4014 ;
Vu les mémoires des parties ;
Vu les conclusions écrites du Parquet Général ;
I / En la forme
Attendu que le présent pourvoi a été régulièrement formé ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
II/ Au fond
Attendu que les requérants invoquent trois (3) moyens de cassation à l’appui de leur pourvoi qui peuvent ainsi être regroupés :
1) Sur le 1er moyen pris de la violation de l’article 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, des articles 544, 1165 et 1599 du Code Civil
Attendu que les requérants reprochent à l’arrêt qu’ils querellent d’avoir violé les dispositions de l’article 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et celles des articles 544, 1165 et 1599 du Code Civil ; qu’ils déclarent que les juges doivent rechercher la réalité et l’origine du droit de propriété ; que selon les requérants ni la Commune de Ag, ni Ac Ad n’ont prouvé le détachement de la parcelle de Tibiri à la Commune de Ag ; que la Cour d’Appel est incompétente pour annuler l’acte de vente établi par la Mairie de Ag en application de l’article 1165 du Code Civil qui dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point aux tiers » ; que les requérants soutiennent qu’ils sont propriétaires coutumiers de l’espace de génération en génération et n’ont jamais été dépossédés par acte régulier ;
Que la Cour a déplacé complètement l’essence du litige, car, en aucun moment ni Ac Ad, ni la Mairie n’ont rapporté la régularité du lotissement ; que relativement à la violation invoquée de l’article 1599 du Code Civil, les requérants soutiennent que la Cour d’Appel a reconnu et défendu la thèse selon laquelle la parcelle vendue n’est pas située dans le ressort de Ag pour mettre hors de cause la Commune Urbaine de Tibiri Gobir ; qu’elle n’a pas participé à la transaction ;
Attendu qu’aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 « les arrêts ou jugements doivent être motivés à peine de nullité, à l’exception des décisions au fond des Cours d’assises… » ;
Qu’aux termes de l’article 544 du Code Civil « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ;
Que l’article 1165 du Code Civil quant à lui dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 » ;
Que l’article 1599 du Code Civil dispose que « la vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui » ;
Attendu que pour attribuer la propriété du terrain litigieux, la Cour d’Appel de Zinder a statué en ces termes « Attendu qu’à l’origine du procès, Ac Ad a saisi le tribunal de grande instance de Ag aux fins de le déclarer propriétaire du terrain litigieux, qu’il a produit pour appuyer ses prétentions un acte de cession n° 0925/2000 du 30/3/2000 en son nom et un acte de vente établi entre lui et les héritiers feu Ae Af propriétaire initial du terrain ;
Attendu qu’en première instance, Ac Ab et cinq autres se sont juste contentés de déclarer qu’ils sont les propriétaires terriens sans le prouver, qu’ils ne peuvent ainsi reprocher au premier juge d’avoir déclaré Ac Ad propriétaire du terrain faute de preuve contraire ;
Attendu qu’en appel, Ac Ab et cinq autres produisent des attestations de détention coutumière datant du 20/10/2013 portant sur l’espace où se situe le terrain litigieux, qu’ils soutiennent que la communauté urbaine de Mardi ne pouvait pas vendre leur terre sans les dédommager ; que d’ailleurs ladite communauté urbaine ne pouvait vendre un terrain situé en dehors de son territoire de compétence, que l’acte de vente ainsi établi est un faux sans valeur juridique ;
Attendu que pour appuyer leurs prétentions, Ac Ab et cinq autres et la commune urbaine de Tibiri, produisent le décret n° 72-195/PRN/MI du 21/12/1972 portant création et installation de la Commune Urbaine de Tibiri ; la loi n° 2003-035 du 27/08/2003 portant composition et délimitation des communes, que ladite loi inclut le village de A où se situerait le terrain litigieux dans la Commune de Tibiri ;
Attendu que l’achat du terrain par l’entreprise Wazir a donné lieu à l’établissement d’un acte de cession d’immeuble non bâti sis ilôt 1428 du quartier artisanal de Ag, par la mairie de Ag datant d’août 1982 enregistré aux services des domaines ;
Attendu d’une part que la cour de céans est incompétente pour annuler l’acte de vente établi par la mairie de Ag en application de l’article 1165 que d’autre part, Ac Ab et cinq autres n’ont pas toujours démontré que le quartier artisanal de Ag, n’était pas en 1982 situé dans la commune de Ag, que la loi délimitant avec précision les limites de la commune de Tibiri date des années 2002 et 2003, qu’enfin les attestations de détentions coutumières produites ne renseignent pas toujours sur la propriété de Ac Ab et cinq autres sur les lieux litigieux que s’ils étaient propriétaires des lieux depuis les années 1982 et qu’ils estiment avoir été expropriés sans dédommagement, ils devraient s’attaquer à la commune de Ag à travers elle, l’Etat du Niger pour réclamer indemnisation, que ne l’ayant pas fait, il y a lieu d’écarter leurs prétentions ;
Attendu que Ac Ad a fait preuve de sa propriété sur le terrain litigieux en produisant tous les actes y afférents, que la preuve contraire n’a pas été rapportée comme démontré ci-dessus, qu’il y a lieu de confirmer la décision attaquée en ce qu’elle a déclaré Ac Ad propriétaire du terrain litigieux » ;
Que statuant comme, elle l’a fait la Cour d’Appel a suffisamment motivé sa décision et n’a violé aucune des dispositions susvisées ; que ce moyen doit être rejeté comme étant mal fondé ;
2)Sur le 2ème moyen pris de la violation des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code Civil
Attendu que les requérants reprochent à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code Civil parce qu’ils estiment que la décision de mise hors de cause d’une partie au procès doit entraîner la condamnation de son adversaire au paiement de dommages et intérêts ;
Mais attendu que cette question a également été tranchée par l’arrêt de renvoi n° 12-237/C du 27 décembre 2012 dans lequel la juridiction de cassation a décidé que « Attendu que le fait pour le juge de mettre hors de cause une partie au procès ne donne pas automatiquement droit à l’allocation de dommages et intérêts ; qu’il appartient au juge du fond d’apprécier de façon souveraine s’il y a lieu de faire droit ou non à la demande de dommages et intérêts formulée par une partie ; qu’il ne peut donc être reproché un prétendu défaut de motif ; que cette faculté relevant de son pouvoir souverain d’appréciation échappe au contrôle de la haute juridiction ; d’où il suit que ce moyen doit être rejeté comme non fondé » ; qu’il s’ensuit que ce moyen est mal fondé et doit être rejeté ;
Attendu que les requérants ont succombé à l’instance ; qu’il y a lieu de les condamner en conséquence aux dépens ;
Par ces motifs
-Déclare le pourvoi de la Commune Urbaine de Tibiri et autres recevable en la forme ;
-Au fond, le rejette ;
-Condamne les requérants aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER
PRESENTS
Mr Issaka Dan Déla Président
Mahamadou Albachir Nouhou Diallo Et Mme Daouda Mariama, Conseillers
Alhassane Moussa, Ministère Public
Nabassoua Soumana Gaoh, Greffier
RAPPORTEUR, Mahamadou Albachir Nouhou Diallo