La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi vingt et un avril deux mil quinze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Société Nigérienne de Télécommunication (SONITEL) SA, siège social à Ab, Avenue Charles de Gaulle, BP 208, représentée par son Directeur Général, assisté de Me Mossi Boubacar, avocat au Barreau de Ab ;
Demanderesse
D’une Part ;
ET :
B Ae, siège social Stade Général Af Ad, porte n° 1066, BP 2716 Ab, représentée par son directeur Général, assisté de Me De CAMPOS Désiré Anastase, avocat au Barreau de Ab ;
Défenderesse
D’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Zakari Kollé, conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi de Maître MOSSI Boubacar, Avocat à la Cour, Conseil constitué de la SONITEL, formé par requête écrite déposée au greffe de la Cour d’Appel de Ab le 29 juin 2012, enregistré au greffe de la Cour d’Etat le 05 juillet 2012, contre l’arrêt ° 93 du 15 août 2011 de la Cour d’Appel de Ab qui a reçu la SONITEL en son opposition faite à l’arrêt n° 126 du 04 octobre 2010 régulière en la forme, puis au fond a :
-infirmé le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de l’B Aa et l’a condamnée à payer à la SONITEL la somme de 20.000.000 F ;
-dit que l’action de l’B Aa est recevable ;
-condamnée la SONITEL à payer la somme de 5.000.000 F à titre de dommages et intérêts ;
-rejeté la demande reconventionnelle de la SONITEL ;
-condamné la SONITEL aux dépens ;
Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger ;
Vu l’ordonnance n° 2010-16 du 15 avril 2010, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement de la Cour d’Etat;
Vu la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu les articles 2 alinéa 2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger et 31 de l’Ordonnance n° 93-27 du 30 mars 1993, portant sur les droits d’auteur au Niger et de l’annexe VII de l’Accord de Bangui, portant sur l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle ;
Vu la requête de pourvoi ;
Vu le mémoire en défense ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
Sur la recevabilité du pourvoi.
Attendu que la requérante a signifié son pourvoi à l’B Aa défenderesse, par exploit d’huissier en date du 29 juin 2012 ;
Qu’il y a lieu de déclarer le pourvoi recevable comme ayant été introduit dan les forme et délai prévus par la loi ;
Sur le fond
Attendu qu’à l’appui de son pourvoi, la SONITEL a soulevé deux moyens :
Sur le premier moyen pris de la violation de l’article 2 alinéa 2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger pour insuffisance de motifs
Attendu que la requérante reproche à ce propos à la Cour d’Appel de Ab d’être parvenue au constat de la violation des droits d’auteur de l’B Aa, en énonçant tout simplement sans autres démonstrations, « qu’il est établi et non contesté, que A et l’B Ac ont procédé à une exploitation commerciale de la photographie litigieuse sans l’accord préalable de l’B Aa et en ont de ce fait tiré profit pécuniaire et le tout en violation de l’article 28 de l’Ordonnance n° 93-27 du 30 mars 1993, portant sur les droits d’auteur au Niger et de l’annexe VII de l’Accord de Bangui révisé, instituant l’OAPI », violant ainsi le texte visé au moyen ;
Attendu en revanche que selon la défenderesse, l’arrêt est d’autant plus motivé qu’il a soutenu cette solution par « l’analyse attentive des différents moyens invoqués par les parties au fond, dont notamment des sommations et des procès verbaux de constats dressés par un huissier qui font foi jusqu’à inscription de faux » ;
Attendu que l’obligation de motivation des arrêts et jugements suppose que le juge ait fondé sa décision sur des arguments de fait et de droit vérifiables à première lecture pour permettre à la juridiction de cassation d’exercer de manière aussi aisée que possible son contrôle de légalité ;
Attendu en l’espèce que l’arrêt attaqué n’a pas été assez explicite dans ses motivations et ne met pas ainsi la cour de céans à même d’exercer ledit contrôle ;
Qu’il doit encourir cassation et annulation de ce chef ;
Sur le second moyen tiré de la violation de l’article 31 de l’Ordonnance n° 93-27 du 30 mars 1993, portant sur les droits d’auteur au Niger et de l’annexe VII de l’Accord de Bangui, portant sur l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, ratifiée par notre pays,
Aux termes de ce texte, « lorsque l’œuvre est créée pour le compte d’une personne physique ou d’une personne morale, privée ou publique, dans le cadre d’un contrat de travail de l’auteur ou bien lorsque l’œuvre est commandée par une telle personne à l’auteur, le premier titulaire des droits patrimoniaux et moraux est l’auteur, mais les droits patrimoniaux sur cette œuvre sont considérés comme transférés » ;
Attendu que selon la demanderesse au pourvoi, c’est donc à tort et en violation de ce texte que sa responsabilité a été retenue pour violation des droits patrimoniaux d’autrui et des condamnations au payement de dommages et intérêts prononcées à son encontre, dès lors qu’en vertu du contrat de cession passé avec l’B Aa créatrice des œuvres en cause, dont elle a d’ailleurs réglé les factures correspondantes, tous ces droits lui sont transférés et qu’elle pourrait en faire un usage conforme suivant ses moyens habituels de marketing ;
Attendu qu’à l’inverse l’B Aa soutient que conformément aux termes de l’article 8 de l’Ordonnance n° 2010-95 du 23 décembre 2010, portant droit d’auteur au Niger, « le droit moral est attaché à la personne de l’auteur, perpétuel, inaliénable, imprescriptible et insaisissable et transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur », que par conséquent nul ne pourrait lui dénier le droit de revendiquer la paternité de son œuvre que l’B Ac a communiquée au grand public à la demande de la SONITEL sans faire référence sur l’affiche, à l’auteur de la photographie ainsi reproduite qu’elle était ;
Attendu en effet, que si le principe de cession des droits d’auteur est admis, il ne doit cependant pas priver l’auteur de faire continuellement référence à lui par la mention de son nom sur tout support de communication au public utilisé par le bénéficiaire ;
Attendu en l’espèce que l’arrêt attaqué rendu par la Cour d’Appel de Ab n’a pas spécifié dans ses motifs que la SONITEL par l’B Ac interposée, a respecté ce principe ou non, violant ainsi le texte que dessus visé au moyen ;
Qu’il doit également encourir cassation et annulation de ce chef ;
Par ces motifs
- Déclare le pourvoi de SONITEL recevable en la forme ;
-Au fond, casse et annule l’arrêt n° 93 du 15 août 2011 de la Cour d’Appel de Ab ;
-Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
-Condamne B Ae aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
PRESENTS
Mr Issaka Dan Déla, Président
Mahamadou Albachir Nouhou Diallo Et Zakari Kollé, Conseillers
Ibra Laouel Lélégomi,Ministère Public
Mme Adamou Habbi Adoum, Greffière
RAPPORTEUR, Zakari Kollé