La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi vingt six mai deux mil quinze, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ab Aa, entrepreneur demeurant à Niamey, assisté de Me Younoussou Boulkassimi, avocat au Barreau de Niamey ;
Demandeur
D’une Part ;
ET :
Ae Ad Ag, chef staffeur demeurant à Niamey au quartier Bobiel, assisté de la SCPA MANDELA, avocats associés au Barreau de Niamey ;
Défendeur
D’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Zakari Kollé, conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi de Maître Younoussa Boulkassimi, Avocat à la Cour à Niamey conseil constitué d’Ab Aa, formé par requête écrite déposée au greffe de la Cour d’Appel de Niamey le 11 juin 2013, enregistré au greffe de la cour de céans le 19 juillet 2013, contre l’arrêt n° 94/13 du 03 décembre 2013, confirmatif d’un jugement n° 024 du 20 octobre 2011 qui l’a condamné à payer à Ae Ad la somme totale de 739.800 F en principal et celle de 500.000 F à titre de dommages et intérêts, rejeté sa demande reconventionnelle, ordonné l’exécution provisoire et condamné aux dépens ;
Vu l’article 2 alinéa 2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger ;
Vu la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu la requête de pourvoi ;
Vu le mémoire en défense ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
Vu les pièces du dossier ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que le pourvoi déposé le 11 juin 2013 au greffe de la Cour d’Appel de Ac a été signifié au défendeur par exploit d’huissier en date 03 juillet 2013 ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable pour avoir été formé dans les forme et délai de la loi ;
Sur le fond
Attendu qu’à l’appui de son pourvoi Ab Aa a soulevé deux moyens pris respectivement l’un, de la violation de la loi sur la compétence d’attributions des juridictions en République du Niger et l’autre subdivisé en deux branches, de la violation de l’article 2 alinéa 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire, par insuffisance de motifs, mauvaise application de la loi aux faits de la cause et contrariété de motifs ;
Sur le premier moyen pris de la violation de la loi sur la compétence d’attributions des juridictions en République du Niger ;
Attendu que le requérant fait grief aux juges de fond tant de première instance que ceux d’appel, d’avoir outrepassé leur compétence en statuant selon les règles du code civil dans une matière qui devrait normalement être considérée comme commerciale ;
Que vainement il soutient qu’à l’instar de son entreprise dénommée EPEX, celle de Ae Ad également en ce qu’elle est spécialisée dans la confection de staff et dispose de ses propres ouvriers, est commerciale ; que par conséquent la preuve peut être apportée par tous moyens car opposant deux commerçants ;
Attendu en revanche que selon Ae Ad, le litige les opposant relève bien de la compétence du juge civil puisse que son activité principale de confection de staff dans des maisons ou tous autres bâtiments avec des matériaux en l’espèce du ciment blanc à lui fourni par le maître d’œuvre, ne répond pas à la définition donnée à l’acte de commerce par l’article 3 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général et ne fait donc pas de lui un commerçant au sens de l’article 2 du même texte ;
Attendu que nonobstant le caractère d’ordre public de la compétence d’attributions, un même acte peut à la fois revêtir la forme commerciale à l’égard d’une partie, mais civile vis-à-vis de l’autre et justifier la compétence du juge civil ;
Attendu qu’en l’espèce Ab Af Aa entrepreneur de son état inscrit au registre de commerce et des sociétés (RCCM), a passé avec Ae Ad une convention de sous-traitance pour l’exécution des travaux de ‘’fabrication de plaques lisses et de corniches avec au centre des étoiles et montage’’ appelées staff, dans la salle de réunion du nouveau siège de la SONIDEP construit par la SATOM, pour un coût total de 1.628.200 F, à charge pour lui d’en fournir le matériel nécessaire ;
Qu’il a aussi accompli un acte pour les besoins de son commerce, donc commercial à son égard ;
Attendu en revanche, que Ae Ad qui a travaillé de ses propres mains pour recevoir paiement des frais de main d’œuvre n’a pas effectué un acte de commerce dans sa définition légale ayant consisté en l’achat en vue de la revente, ou de prestations de ses services en vue d’en tirer des bénéfices, et ne peut être considéré que comme un artisan régi par les règles de droit commun du code civil ;
Attendu que l’acte étant civil à l’égard de celui-ci, c’est à bon droit que le juge civil ait retenu sa compétence pour connaître du litige y relatif ; d’où il suit de rejeter le moyen comme étant non fondé ;
Sur le second moyen subdivisé en deux branches, pris de la violation de l’article 2 alinéa 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire, par insuffisance de motifs, mauvaise application de la loi aux faits de la cause et contrariété de motifs
Sur la première branche du moyen tirée de l’insuffisance de motifs et mauvaise application de la loi aux faits de la cause
Attendu que le requérant fait grief à l’arrêt attaqué à l’instar du premier juge, d’avoir méconnu les dispositions de l’article 5 de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général, aux termes duquel « les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à l’égard des commerçants », déniant ainsi leurs décisions de tout fondement en droit ;
Attendu que selon le défendeur Ae Ad, eu égard à sa qualité de non commerçant, il avait bien l’option de porter son litige devant le juge civil, lequel peut à bon droit faire application des règles du code civil ;
Attendu que comme démontré ci-dessus dans l’examen du premier moyen, l’acte étant mixte puisque civil à l’égard du demandeur en première instance, c’est à bon droit que le juge civil qui a été saisi, a fait application de la règle de l’article 1134 du code civil sur la force obligatoire du contrat vis-à-vis des parties, et n’a donc pas dépourvu sa décision de base légale, ni dénaturé les faits de la cause ;
Attendu que le moyen n’étant pas fondé, doit être rejeté ;
Sur la seconde branche du moyen pris de la contrariété de motifs
Attendu que le requérant fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le premier jugement en se basant sur des règles du code civil, alors même qu’il avait admis que les prétentions des parties auraient pu s’étayer par des preuves par témoins ;
Qu’il soutenait notamment qu’il y a contradiction entre les motifs de l’arrêt qui énonçait entre autres, « …que contrairement aux affirmations de l’appelant que le premier juge aurait passé sa sollicitation de voir comparaître et déposer des témoins, qu’il aurait produits à l’appui de sa défense et sa demande reconventionnelle, la lecture du jugement attaqué et l’examen minutieux des pièces de la procédure ne révèlent aucun indice permettant d’accréditer les déclarations du sieur Ali Aa, lesquelles ne sont alors que des affabulations et comme telles insusceptibles d’étayer efficacement ce fallacieux grief qui n’est donc pas fondé et doit par conséquent être rejeté.
Que par suite, la décision entreprise sera confirmée » ;
Attendu que selon le défendeur en énonçant qu’à travers la lecture du jugement soumis à sa censure, il n’y avait aucun indice permettant d’accréditer les allégations de l’appelant Ali Ab Aa que « le premier juge aurait passé sa sollicitation de voir comparaître et déposer des témoins, qu’il aurait produits à l’appui de sa défense et sa demande reconventionnelle », la Cour d’Appel n’a pas manqué de cohérence dans ses motivations ;
Attendu en effet, que pour condamner Ab Aa au paiement des frais à lui réclamés par Ae Ad, le juge du 1er Arrondissement de Niamey s’est basé sur le constat de l’erreur commise par les techniciens de la SATOM maître d’œuvre, faits constatés dans une pièce versée au dossier ;
Qu’en statuant sur la base des dispositions de l’article 1341 du code civil aux termes duquel «’il n’est reçu aucune preuve par témoins contre ou outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant », la Cour d’Appel de Ac qui a confirmé la décision du premier juge, a aussi fait siennes les motivations de celui-ci, d’où il suit de rejeter également le moyen comme mal fondé ;
Attendu que le requérant ayant succombé à l’instance doit être condamné aux dépens ;
Par ces motifs
-Déclare le pourvoi de Ab Aa recevable en la forme ;
-Au fond le rejette ;
-condamne le requérant aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
PRESENTS
Issaka Dan Déla, Président
Mahamadou Albachir N. Diallo Et Zakari Kollé, Conseillers
Emilien A. Bankolé, Ministère Public
Mme Adamou Habbi Adoum, Greffière
RAPPORTEUR, Zakari Kollé