REPUBLIQUE DU NIGER
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COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du mardi cinq janvier deux mil seize, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Monsieur Aa, 2ème Vice Maire de la Commune de Y., assisté de Me I.H, avocat au barreau de Niamey ;
Demandeur
D’une Part ;
ET :
La Mutuelle Z., représentée par A.D.T.;
Défendeurs
D’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Ab Ae Ah Ag conseiller-rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi régulièrement formé par le sieur Aa, assisté de Maître I.H. avocat associé à la SPCA B. du Barreau de Niamey, suivant requête timbrée en date du 22 juillet 2014, déposée au greffe de la Cour d’Appel de Zinder ; qu’elle a été reçue et enregistrée sous le n° 14/2014 du 04 août 2014 contre l’arrêt contradictoire n° 16 du 13 mars 2014 dont la teneur suit :
-Reçoit Monsieur Aa en son appel régulier en la forme ;
- Au fond, annule la décision attaquée pour violation de la loi ;
- Evoque et statue à nouveau ;
- Reçoit la Mutuelle Z. en son action ;
- Au fond, dit que Monsieur Ad est redevable de la somme de 7.140.000 francs CFA ;
- Le condamne à payer à la Mutuelle Z. ladite somme ;
- le condamne en outre à payer à ladite Mutuelle la somme de 500.000 francs CFA à titre de dommages et intérêts ;
- Le condamne aux dépens.
Vu la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’Organisation Judiciaire ;
Vu la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la Composition, l’Organisation, les attributions, et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu l’arrêt n° 16/CA/Zinder du 13 mars 2014 ;
Vu la requête de pourvoi du 22 Juillet 2014, enregistrée sous le n° 14 du 04 août 2014 ;
Vu l’exploit de signification de ladite requête en date du 07 juillet 2014 ;
Vu les Mémoires des parties ;
Vu les conclusions écrites de Mme le Procureur Général ;
Ensemble, avec les autres pièces du dossier ;
I-/ EN LA FORME
Attendu que le pourvoi a été régulièrement formé ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
II-/ AU FOND
1)Sur le 1er moyen tiré de la violation de l’article 77 de la loi organique n° 2004-50 du 22/7/2004 portant organisation judiciaire en République du Niger
Attendu que le requérant reproche à l’arrêt querellé d’avoir mal interprété la disposition de l’article 77 de la loi organique 2004-50 pour rejeter l’exception de la reconnaissance de dette de 7.140.500 F en décidant que : « s’agissant de la compétence d’attribution du Président du Tribunal d’Instance, la loi fixe le taux de compétence à un (1) million de francs CFA lorsqu’il s’agit de juger et non de concilier ; que rien ne s’oppose en matière de conciliation lorsque les parties l’acceptent de constater leur accord indépendamment du taux de compétence » ;
Attendu que l’article 77 de la loi organique n° 2004-50 du 22/7/2004 dispose que : « outre les attributions qui leur sont dévolues par les textes particuliers en vigueur, les tribunaux d’instance connaissent à l’égard de toutes personnes et jusqu’à la valeur de un (1) million de francs CFA de toutes les actions civiles ou commerciales purement personnelles ou mobilières » ;
Attendu que l’article 77 de la loi organique n’opère aucune distinction dès lors qu’il s’agit d’action civile ou commerciale purement personnelle ou mobilière ;
Qu’il s’en suit que le moyen est fondé et que l’arrêt querellé encourt cassation de ce chef ;
2)Sur le 2ème moyen tiré de la violation de l’article 2 alinéa 2 de la loi organique n° 2004-50 du 22/7/2004 portant organisation judiciaire en République du Niger
a)Sur la 1ère branche tirée du défaut de base légale
Attendu que le requérant reproche à l’arrêt querellé de manquer de base légale en privilégiant la prétendue reconnaissance de dette sur la base de l’antériorité, outre et contre la quittance de paiement du 04/04/2008 sans se prononcer sur la force probante des deux (2) actes ;
Que s’agissant des moyens de preuve, les juges de fond sont souverains dans l’appréciation qu’ils font des preuves à eux soumises par les parties ; que cette appréciation échappe au contrôle de la Cour de Cassation ;
Qu’il s’ensuit que le moyen doit être rejeté comme étant mal fondé ;
b)Sur la 2ème branche tirée de la dénaturation, du défaut de réponse à un chef de conclusion
Attendu que le requérant reproche à la Cour d’Appel d’avoir dénaturé son moyen tendant à la violation de l’article 19 du Code de Procédure Civile, défense ordinaire, en l’érigeant en exception ;
Attendu qu’en droit, et selon le vocabulaire Aj Ai, le moyen de défense (ordinaire) est la raison qu’un plaideur oppose aux prétentions de son adversaire (le défendeur à celles du demandeur, et réciproquement) pour les faire rejeter par le juge comme irrégulières (exception de procédure), irrecevables (fins de non recevoir) ou mal fondées (défense au fond) ;
Que toujours selon le même vocabulaire, il faut entendre par moyen d’exception, tout moyen de défense qui tend, avant tout examen au fond ou contestation du droit d’action, soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte (exception d’incompétence, exception de nullité), soit à en suspendre le cours (exception dilatoire), toutes les exceptions devant, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir ;
Attendu que dans le cas d’espèce, il y a confusion, similitude entre ce que le requérant appelle « moyen de défense ordinaire et moyen d’exception ; qu’il s’agit d’une exception de procédure qui doit naturellement être soulevée avant toute défense au fond :
Attendu dès lors que la Cour d’Appel en statuant comme elle l’a fait n’a donc pas dénaturé le moyen invoqué par le requérant ; qu’il s’ensuit que le moyen doit donc être rejeté comme étant mal fondé ;
Attendu par ailleurs que, le requérant reproche à l’arrêt querellé un défaut de réponse à un chef de conclusion, en soutenant que dans ses écritures (conclusions) du 26 décembre 2013, il demandait à la Cour d’Appel de Zinder d’écarter des débats la reconnaissance de dette signée par devant le Président du Tribunal d’Instance de Mayahi pour n’avoir pas été préalablement communiquée au demandeur au pourvoi ;
Attendu qu’à la lecture de l’arrêt querellé, il apparaît que la Cour d’Appel n’a effectivement pas écarté des débats la reconnaissance de dette mais elle en a donné les raisons :
-« il y a lieu de relever que la reconnaissance de dette est postérieure au reçu de paiement de la somme de 7.140.500 francs ;
- Monsieur Ad est un intellectuel, cadre de l’administration, qui ne soutient pas avoir signé dans un moment où il n’était pas en possession de toutes ses facultés mentales ; qu’il n’a jamais cherché à remettre en cause ledit document devant une autorité supérieure, qu’il ne démontre pas en quoi le Magistrat l’a contraint à signer un tel document » ;
Qu’il y a lieu d’en déduire que la Cour d’Appel a bien donné une réponse (négative contraire à l’attente du demandeur) à ce chef de conclusion d’après sa propre appréciation de ladite reconnaissance de dette et de la portée qu’il en donne ; que son appréciation est souveraine.
Qu’il s’en suit que le moyen (branche) est mal fondé.
3)Sur le 3ème moyen pris de la violation de la loi (en 3 banches)
a)Sur la 1ère branche tirée de la violation de l’article 1152 du code civil
Attendu que le requérant reproche à la Cour d’avoir, pour condamner le demandeur au pourvoi à payer à la défenderesse la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts, outre et contre la clause pénale contenue dans le contrat liant les parties, violé l’article 1152 du Code civil ;
Attendu que l’article 1152 du code civil dont la violation est invoquée dispose que : « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter (convention) payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre » ;
Attendu que la clause pénale est la clause contenue dans un contrat et par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée ; qu’autrement dit, c’est la clause par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution ;
Attendu en l’espèce, que le contrat entre la Mutuelle Z. et le sieur Monsieur Ad contient une clause pénale consistant à 2,5 % par mois de retard calculés sur le total d’impayés dont intérêts depuis la date de l’échéance impayée ; que l’arrêt querellé a déclaré que « la Mutuelle Z. a fourni le détail de la créance composée de 4.500.000 F, montant des deux (2) prêts de 2.137.500 F, montant des intérêts au bout de dix neuf (19 ) mois d’impayés de 503.000 F, montant des pénalités découlant du 1er prêt ; que Monsieur Ad est tenu de payer ladite somme qu’il sera condamné à la payer à la Mutuelle Z., aucun payement n’étant intervenu après le 28/4/2009 » ;
Attendu qu’il apparaît ainsi que les juges d’appel ont fait application de la clause pénale contenue dans la convention des parties ; qu’en l’espèce ils ont fait application pure et simple de la convention des parties ; qu’il faut rappeler que l’article 1152 dont la violation est invoquée ne subordonne pas la validité de la clause pénale à sa vérification par le juge ;
Attendu par ailleurs que le juge est souverain dans l’appréciation du préjudice subi par le créancier de fixer le montant de l’indemnité résultant de l’application d’une clause pénale ;
Qu’il s’ensuit que la branche est mal fondée ;
b)Sur les 2ème et 3ème branches tirées de la violation des articles 1234 et 1235 du Code Civil
Attendu que le requérant reproche d’une part à l’arrêt attaqué de l’avoir condamné au paiement de la dette en retenant que « la reconnaissance de dette est postérieure au reçu de paiement de la somme de 7.140.500 F en estimant que ledit paiement n’est pas propre à éteindre la dette sans relever le caractère faux de la quittance, violant ainsi les dispositions de l’articles 1234 du code civil ;
Attendu en droit que l’article 1234 du code civil dispose que : « les obligations s’éteignent par le payement, la novation, la remise volontaire, la compensation, la confusion, la perte de la chose, la nullité ou la rescision, par l’effet de la condition résolutoire qui a été expliquée au chapitre précédent et par la prescription… » ;
Attendu que le requérant reproche d’autre part à la Cour d’Appel d’avoir d’abord retenu que « la reconnaissance de dette est postérieure au reçu (quittance) de payement de la somme de 7.140.000 F ensuite décidé, après avoir constaté le versement d’une quittance (reçu) au dossier, qu’il y a lieu à nouveau payement sans identifier une dette différente de la première » ; qu’il estime qu’en décidant ainsi, la Cour d’Appel de Zinder a violé les dispositions de l’article 1235 du code civil selon lesquelles « tout payement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition. La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées » ;
Attendu en l’espèce qu’il y a lieu de relever que la Cour d’Appel n’a pas achevé le raisonnement qu’elle a entamé en décidant que la reconnaissance de dette est postérieure au reçu de payement de la somme de 7.140.500 F après avoir constaté que la Mutuelle Z. fonde sa demande sur une reconnaissance de dette signée par l’appelant Monsieur Ad le 28/4/2009 devant le Président du Tribunal d’Instance de Mayahi portant sur la somme de 7.140.500 F, tandis que Monsieur Ad soutient qu’il a payé sa dette d’un montant de 5.400.000 F, payement constaté par un reçu n° 24777 du 04/4/2008 délivré par la Mutuelle Z.;
Attendu que la Cour a en effet exposé des prétentions contradictoires portant sur deux montants différents (d’une part 7.140.500 F et d’autre part 5.400.000 F) sans trancher la question. ; que la décision de la Cour est pour ainsi dire insuffisamment motivée ; que dès lors elle mérite cassation de ce chef ;
Attendu que la Mutuelle Z. ayant succombée doit être condamnée aux dépens ;
Par Ces Motifs
- Déclare le pourvoi de Monsieur Ad recevable en la forme ;
- Au fond, casse et annule l’arrêt n° 16 du 13 mars 2014 de la Cour d’Appel de Zinder ;
- Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
- Condamne le défendeur aux dépens
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus ;
Ont signé, le Président et le greffier.
Composition de la Cour :
Président :
Issaka Dan Déla
Conseillers :
Ab Ae Ah Ag
Ac Af
Ministère Public :
Ibrahim Malam Moussa
Greffier :
Nabassoua Soumana Gaoh
Rapporteur :
Ab Ae Ah Ag