RÉPUBLIQUE DU NIGER
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COUR DE CASSATION
CHAMBRE CRIMINELLE
La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, statuant pour les affaires Pénales en son audience publique ordinaire du mercredi vingt neuf novembre deux mille dix-sept, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE
1°) Madame Ab et de XXX, née le XXX à XXX, inspectrice principale du Trésor, demeurant à XXX, assistée de Me Z., avocat au Barreau de Aa ;
2°) MINISTÈRE PUBLIC ;
DEMANDEURS
D’une part ;
ET
1°) Société N., assistée de Me G., avocate à la Cour ;
2°) Maître L. né le XXX à XXX, de XXX et de XXX, Notaire demeurant à XXX ;
3°) Maître M. né en XXX à XXX, de XXX et de XXX, notaire demeurant à XXX, ex Directeur d’exploitation à la Société N. ;
4°) Monsieur Ac né en XXX à XXX, de XXX et de XXX, comptable, demeurant à XXX ;
5°) Monsieur Ag né vers XXX à XXX, de XXX et de XXX, contrôleur de gestion, demeurant à XXX.
DÉFENDEURS
D’autre part ;
La Cour
Après la lecture du rapport par Monsieur Ah A.Bankolé substituant monsieur Djibrillou Manzo rapporteur, les conclusions du Ministère public, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la loi 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu l’Ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985 portant création d’une Cour spéciale et fixant sa composition, ses attributions et les modalités de son fonctionnement et ses textes modificatifs subséquents ;
Vu la loi 2016-22 du 16 juin 2016 modifiant et complétant la loi 61-27 du 15 juillet 1961 portant institution du code pénal ;
Vu le code de procédure pénale en ses articles 464, 572 et 586 ;
Vu le Code pénal en ses articles 121(nouveau), 152 et 338 alinéa 1er notamment ;
Vu l’Ordonnance N° 86-001 du 10 janvier 1986 portant régime général des Etablissements publics, Sociétés d’Etat et Sociétés d’économie mixte ;
Vu le décret N° 86-123/PCMS/MTEP/SEM du 11 septembre 1986, portant approbation des statuts types des Sociétés d’économie mixte ;
Vu l’arrêt n° 17-033 du 12 avril 2017 déclarant recevable l’opposition formée par la Société N. ;
Vu les mémoires ampliatifs, en défense et les conclusions du ministère public, ensemble les pièces du dossier de la procédure ;
Statuant sur le pourvoi en cassation en date du 3 juin 2014 de Monsieur le Procureur Général près la Cour d’appel de Aa et de Maître Z., conseil de Madame Ab, contre l’arrêt n° 226 du 3 juin 2014 de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Aa qui après avoir annulé l’ordonnance en date du 7 juin 2012 du juge d’instruction du 2ème cabinet du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Aa a statué en ces termes :
-Déclare l’action publique éteinte contre Monsieur Ac pour cause de décès ;
-déclare n’y avoir lieu à suivre contre Maître L. et les sieurs Ag et Maître M. des chefs de faux et usage de faux en écriture, complicité de détournement de deniers publics et d’abus de biens sociaux pour le premier, complicité de faux et usage de faux pour les deux autres ;
-prononce la mise en accusation et en prévention de Madame Ab pour détournement de deniers publics, faux et usage de faux en écriture et abus de biens sociaux ;
-décerne contre elle ordonnance de prise de corps et la renvoie devant la Cour d’assises de Aa pour y être jugée.
EN LA FORME:
Les pourvois ont été introduits dans la forme et le délai prescrits par la loi. Ils doivent être déclarés recevables.
AU FOND:
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 2 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 pour dénaturation des faits et manque de base légale, en ce que l’arrêt attaqué a déclaré que la demanderesse au pourvoi a dissipé au préjudice de la Société N. un immeuble et une somme d’un montant de 150.000.000 de francs CFA, alors même que l’immeuble dit détourné a été vendu et une partie du prix soit 226.000.000 sur 250.000.000 de francs CFA versés dans la caisse de la Société N., d’une part et que l’infraction à elle reprochée était devenue impossible du fait que le contrat de vente n’a pas été exécuté, l’immeuble étant resté dans le patrimoine de la Société N., faute de mutation du titre de propriété au profit de l’acquéreur, d’autre part ;
Attendu que pour demander le rejet de ce moyen la Société N. fait état de ce qu’il a été suffisamment démontré que l’inculpée n’avait pas l’autorisation de l’organe délibérant(le conseil d’administration) pour procéder à la vente de l’immeuble litigieux et qu’en outre elle a irrégulièrement utilisée le produit de cette vente ;
Attendu que cette réplique est sans objet puisque l’arrêt attaqué a retenu contre l’inculpée l’infraction de détournement ; qu’il ya lieu de l’écarter ;
Attendu qu’aux termes de l’article 1er nouveau (ordonnance n° 88-34 du 9 juin 1988) de l’ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985 portant création d’une Cour spéciale et fixant sa composition, ses attributions et les modalités de son fonctionnement :
« Le détournement des biens publics est la soustraction ou la dissipation, par toute personne, au préjudice de l’Etat ou des autres collectivités publiques, organismes publics ou parapublics, des effets, deniers ou autres biens qui ne lui auraient été remis qu’à titre de louage, de dépôt, à la charge de les rendre ou représenter, ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé » ;
Attendu qu’au sens de ce texte les biens objet du détournement sont soit des effets, deniers, soit d’autres biens, ou leurs valeurs ;
Attendu qu’aux termes de l’article 2 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger « …..Les arrêts ou jugements doivent être motivés à peine de nullité à l’exception des décisions au fond des Cours d’assises….. » ;
Attendu qu’il ressort du dispositif de l’arrêt attaqué que la demanderesse au pourvoi est mise en accusation pour détournement de deniers publics portant à la fois sur un immeuble et une somme d’un montant de 150.000.000 de francs CFA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure, que l’immeuble dit détourné aurait été vendu dans le cadre de l’exécution d’un plan de restructuration de la société et à des fins de financement d’une opération de départ volontaire des agents et que la somme de 150.000.000 de francs prétendue détournée serait le montant de l’acompte versé sur le prix de la vente qui serait de 250.000.000 de francs, lequel montant serait par ailleurs versé en partie (110.000.000) de francs dans la caisse de la Société N. ;Que la Cour d’appel n’a pas démontré en quoi et sur quelle base le montant de la somme de 150.000.000F détourné est différent du prix ou d’une partie du prix de vente de l’immeuble ;
Qu’ ainsi, l’arrêt attaqué ne saurait sans violer le texte visé au moyen prononcer la mise en accusation de la demanderesse au pourvoi pour le détournement à la fois de l’immeuble et de la partie de son prix de vente (l’acompte) encaissée par la société ; Qu’il encourt cassation de ce fait pour défaut de motifs et manque de base légale;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la fausse application des dispositions de l’article 13 de l’Ordonnance 85-26 du 12 septembre 1985 portant création d’une Cour spéciale et fixant sa compétence, ses attributions et les modalités de son fonctionnement, en ce que l’arrêt attaqué a déclaré que les fonds de la Société N. sont des biens publics au motif que l’Etat et des sociétés d’économie mixte, notamment la Nigérienne d’Electricité (NIGELEC) et la Société Nationale de Transport AdC (B) détiennent 55 % de son capital, alors même que la Société N. ne rentre dans aucun des cas énumérés par ce texte et que ses biens n’ont pas la qualité de biens publics du fait que l’Etat du Niger ne détient que 5% de ses actions ;
Attendu qu’en réplique la Société N. fait valoir que l’inculpée ne saurait invoquer les dispositions d’une loi abrogée (l’ordonnance N°85-26 du 12 septembre 1985) pour soutenir que les deniers en cause n’ont pas le caractère public, mais plutôt les dispositions des lois 2003-25 et 2016-22 du 16 juin 2016 modifiant et complétant la loi N°61-27 du 15 juillet 1961 portant institution du code pénal, qu’elle ajoute qu’en plus du fait qu’elle est une société d’économie mixte dont le capital est détenu en partie par l’Etat, d’autres organismes parapublics tels que la SNTN, la NIGELEC, l’OCBN et la SPCN en sont également actionnaires ;
Attendu qu’en droit les lois pénales de fond c'est-à-dire celles qui affectent l’incrimination ou la répression ne sont rétroactives que lorsqu’elles sont plus douces ;
Attendu que les lois dont la Société N. demande l’application (article 121(nouveau) du code pénal) définissent le détournement comme : « la soustraction, la dissipation ou tout usage illicite, par un agent public, à son profit ou au profit d’une autre personne ou d’une entité, de tous biens, de tous fonds ou valeurs publics ou privés ou de toute autre chose de valeur qui lui ont été remis en raison de ses fonctions… »
Attendu que cette définition élargit le champ d’incrimination du détournement en retenant tout usage illicite, toute personne ou entité bénéficiaire et en abandonnant l’énumération des contrats en vertu desquels les biens fonds ou valeurs sont remis ; Qu’elle est par conséquent plus sévère que celle prévue à l’article 1er de l’ordonnance N°85-26 du 12 septembre 1985 visé ci-dessus ; Qu’il y a lieu alors d’écarter son application ;
Attendu qu’en application de l’article1er de l’ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985, il faut entendre par organisme public ou parapublic outre les Etablissements publics et Sociétés d’Etat, toute entreprise ou société privée qui accomplit des missions d’intérêt général ;
Attendu qu’aux termes des dispositions combinées des articles 1er et 4 de l’Ordonnance N° 86-001 du 10 janvier 1986 portant régime général des Etablissements publics, Sociétés d’Etat et Sociétés d’économie mixte, il peut être créé à l’initiative de l’Etat ou des autres collectivités publiques et en vue d’accomplir des activités d’intérêt général, des Etablissement publics à caractère administratif ou industriel et commercial ou encore des Sociétés d’économie mixte ;
Attendu que la Société N.est au sens de l’article 1er de son statut, une société anonyme d’économie mixte, c’est-à-dire une société de droit commun dans laquelle l’Etat ou d’autres personnes morales de droit public détiennent une partie du capital ;
Qu’elle est à ce titre un organisme parapublic dont les biens ont un caractère public au sens de l’article 1er (nouveau) de l’ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985 susvisée au moyen ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 13 de cette même Ordonnance N° 85-26 susvisée
« Sont considérés comme biens publics ceux appartenant :
-à l’Etat et aux autres collectivités publiques ;
-aux Etablissements publics à caractère administratif ;
-aux entreprises publiques à caractère industriel et commercial ;
-aux sociétés et entreprises dans lesquelles l’Etat ou d’autres collectivités publiques détiennent un minimum de 33 % du capital ») ;
Qu’au sens de ce texte, les biens des sociétés et entreprises autres que celles publiques n’ont de caractère public, qu’autant que l’Etat et/ou d’autres collectivités publiques détiennent au moins 33 % de leur capital ;
Attendu que pour décider que les fonds détenus par la Société N. ont un caractère public et donc assujettis au régime juridique de répression des détournements de biens publics, la chambre énonce : « …de l’analyse de ses statuts, il résulte que la Société N. est une société d’économie mixte dont le capital est détenu, à hauteur de 5% par l’Etat du Niger, de 2,79% par la NIGELEC (elle-même société d’économie mixte dans laquelle l’Etat du Niger détient 96% du capital), de 47, 93% par la SNTN, de 0,5% par la SPCN ; Qu’il est donc aisé d’asserter que l’Etat et les autres établissements , entreprises ou /et sociétés publiques détiennent plus de 55% du capital de la Société N.…. ».
Mais attendu que comme elle l’a fait pour la NIGELEC, la chambre d’accusation aurait dû faire la même chose pour les autres établissements SNTN et SPCN et démontrer la part des actions de l’Etat dans celles-ci ; Ne l’ayant pas fait elle met la cour de céans dans l’impossibilité d’exercer son contrôle, violant ainsi les dispositions de l’article 586 du code de procédure pénale sur les motivations ; d’où il suit que l’arrêt est insuffisamment motivé et le moyen doit être accueilli non pour fausse application mais pour insuffisance de motifs et manque de base légale :
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation par fausse application de l’article 152 du code pénal, en ce que l’arrêt attaqué a considéré comme un faux en écriture le fait pour la demanderesse au pourvoi d’apposer sa signature sur une pièce comptable, alors même pour que l’infraction de faux soit caractérisée il faut qu’il y ait une altération matérielle résultant d’une fausse signature et ou une falsification ou dénaturation de la substance de l’acte ou de l’écrit, effectuée au moment de sa rédaction ;
Attendu que la Société N. demande le rejet de ce moyen comme étant mal fondé car, en établissant des pièces de caisse en lieu et place de la caissière et en les signant alors qu’elle n’a ni qualité, ni pouvoir pour le faire et qu’elle l’a fait pour justifier la vente illégale de l’immeuble dit « Wonder Niger », les faits de faux et usage de faux en écriture à lui reprochés sont bien caractérisés ;
Attendu qu’aux termes de l’article 152 du code pénal « Le faux en écriture est l’altération de la vérité de nature à causer un préjudice et commise dans un écrit destiné ou apte à la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des effets de droit ».
Qu’au sens de ce texte, pour que le faux en écriture soit établi, il faut que l’altération de la vérité soit faite non seulement dans un écrit destiné ou apte à la preuve d’un droit ou d’un fait ayant effet de droit, mais aussi avec une intention frauduleuse ;
Que l’intention frauduleuse se caractérise par le fait pour l’auteur de l’acte de le commettre en connaissance de cause qu’il est prohibé, d’une part, et que l’acte posé soit préjudiciable ou de nature à causer un préjudice à autrui, d’autre part ;
Attendu qu’il ressort des dispositions de l’arrêt attaqué que « pour justifier les fonds de la vente de l’immeuble Wonder-Niger, la Directrice Générale avait établi des pièces de caisse en lieu et place de la caissière, pour la signature desquelles elle n’a ni la qualité ni le pouvoir d’agir, certaines de ces pièces n’étant pas signées ou datées voire même étaient surchargées.
Qu’il est indéniablement établi qu’elle les avait par la suite utilisées à titre de justificatif, alors que l’existence même de ces pièces supposées comptables était ignorée des autres agents comptables censés les détenir….., leur établissement non authentifié, du reste par qui de droit, n’étant nullement conforme à la procédure idoine ».
Attendu qu’il résulte en effet des éléments du dossier que pour le besoin d’une enquête administrative, Madame Ab avait établi et versé au dossier de l’enquête, des pièces de recettes en lieu et place de la caissière et à l’insu de celle-ci, pour justifier le versement d’une partie du prix de la vente de l’immeuble qu’elle avait vendu et géré une partie du prix en dehors de la comptabilité de la société ;
Que ces pièces, outre qu’elles ne constatent pas des versements réels et sont les unes non signées ou datées, les autres surchargées, d’une part, elles ont été établies en vue de couvrir une gestion non régulière des fonds de la Société, d’autre part ;
Que ces agissements sont caractéristiques de faux en écriture au sens de l’article 152 du Code pénal, la fabrication à dessein des pièces de caisse et la volonté de leur auteur d’éluder la vérité sur une dissipation ou un emploi irrégulier des fonds de la Société N. étant de ce fait manifestes, tout comme est certaine la conséquence préjudiciable sur les intérêts de celle-ci;
Que ce moyen n’est pas fondé et doit être écarté en conséquence, le faux en écriture étant en l’espèce établi dans tous ses éléments constitutifs ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 338. 1du code pénal, en ce que l’arrêt attaqué a ordonné la mise en prévention de la requérante pour abus de biens sociaux, alors même que les éléments constitutifs dudit délit ne sont pas réunis en l’espèce, la preuve qu’elle ait, d’une part agi de mauvaise foi contre l’intérêt social de la Société N. et d’autre part tiré un bénéfice personnel direct ou indirect, n’étant pas rapportée ;
Attendu que la Société N. demande le rejet de ce moyen en soutenant que la requérante au pourvoi a vendu sans autorisation l’immeuble et fait une cession de créance de 60.000.000 de francs à un débiteur en dehors de toute information préalable du conseil d’administration ;
Attendu qu’aux termes de l’article 338.1 du code pénal « Seront punis d’un emprisonnement de deux à moins de dix ans et d’une amende de 100.000 francs à 100.000.000 de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint des sociétés anonymes , sociétés d’Etat et sociétés d’économie mixte qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés, directement ou indirectement » ;
Qu’au sens de ce texte, le délit d’abus de biens sociaux se caractérise par le fait pour un dirigeant social d’utiliser de manière abusive, de mauvaise foi et à des fins personnelles directes ou indirectes, les biens ou le crédit de la société à des fins contraires à l’intérêt de celle-ci , le seul usage à des fins personnelles étant caractéristique de la mauvaise foi ;
Attendu que pour l’arrêt attaqué, le délit d’abus de biens sociaux est en l’espèce caractérisé par les agissements criminels et délictuels de l’inculpée qui ont mis en péril la sauvegarde de la société alors déjà en proie à de graves difficultés financières ayant induit sa restructuration, notamment un programme de départ négocié, du fait que, d’une part l’opération départ volontaire n’a concerné que 39 employés sur les 121 prévus, et que d’autre part les fonds ont été détournés ou dissipés au détriment de l’intérêt social et qu’ils ont personnellement profité à l’inculpée ;
Attendu que les agissements qualifiés de criminels et délictuels par l’arrêt attaqué consisteraient en substance aux faits pour la demanderesse au pourvoi de vendre un immeuble appartenant à la société, sans autorisation de son conseil d’administration ni appel d’offre ni publicité ni expertise et à un prix minoré, payé en partie en espèce, sans possibilité de s’assurer de la réalité et de l’effectivité du paiement d’une part, de verser dans le dossier d’une enquête administrative des pièces de caisse établies par elle à l’insu de la caissière, comme justificatif de l’encaissement par la société d’une partie du prix de la vente dudit immeuble, alors géré hors circuit de la comptabilité, d’autre part et de consentir à un client une remise de dette de 60.000.000 de francs sur une créance de 75.000.000 de francs, encore d’autre part ;
Attendu qu’il résulte en effet des éléments du dossier de la procédure que la requérante alors Directrice Générale de la Société N. avait en exécution d’un programme de restructuration de celle-ci et fort de l’aval du conseil d’administration de vendre des biens appartenant à la société, vendu un immeuble autre que celui pour lequel elle a été formellement autorisée et géré une partie du produit de la vente en dehors des services comptables de la société ;
Qu’elle a par ailleurs consenti une remise de dette d’un montant de 60.000.000 de francs à un des clients, condamné à payer à la société la somme de 75.000.000 de francs CFA par jugement civil devenu définitif, à l’issue d’une transaction sur procès en date du 1er avril 2006, moyennant la reprise par le client de ses relations avec la société et le paiement des honoraires d’avocat ainsi que des frais dus à un huissier dont les montants n’ont pas été révélés ;
Mais attendu que le fait pour la requérante de vendre dans le cadre de l’exécution d’un plan de restructuration de la société, un immeuble autre que celui désigné par le conseil d’administration ne saurait en soit constituer un élément d’abus de biens sociaux au sens du texte susvisé, au regard du but poursuivi : le financement d’une opération de départ volontaire avec le produit de la vente d’une partie des biens de la société, un tel acte ne pouvant être contraire aux intérêts de la société alors en restructuration ;
Que par ailleurs et en ce qui concerne le détournement de l’immeuble ou des produits de sa vente, il ne résulte pas des dispositions de l’arrêt attaqué qu’il ait été établi ni dans l’existence ni dans son montant et encore moins qu’il ait profité directement ou indirectement à la requérante ;
Que l’arrêt attaqué s’est contenté d’affirmer de façon péremptoire que « non seulement les fonds détournés ou dissipés l’ont été au détriment de l’intérêt social……, mais en plus ont personnellement profité à l’inculpée….. » ;
Qu’en déclarant de façon péremptoire que les fonds ont été dissipés et ont profité à l’inculpée, sans avoir établi la preuve dudit détournement et déterminé son montant, d’une part et en quoi les fonds détournés ont par ailleurs profité personnellement à la requérante, d’autre part, l’arrêt attaqué n’a ni caractérisé le délit d’abus de biens sociaux au sens de l’article 338-1 du Code pénal et encore moins établi que les faits poursuivis sont imputables à Madame Ab; Qu’il encourt cassation de ce fait également ;
PAR CES MOTIFS:
-Déclare recevables en la forme le pourvoi de Madame Ab et de Monsieur le Procureur Général près la Cour d’appel de Aa ;
-Casse et annule l’arrêt n° 226 du 03 Juin 2014 de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Aa ;
-Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction mais autrement composée pour y être jugées conformément à la loi ;
-Réserve les dépens ;
Ainsi fait jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus.
ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
Composition de la Cour :
Président :
Salissou Ousmane
Conseillers :
Af Ae
Ah A Bankolé
Ministère Public :
Ibrahim B Zakariya
Greffier :
Me Chaibou Kadadé
Rapporteur :
Djibrillou Manzo