REPUBLIQUE DU NIGER
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COUR DE CASSATION
CHAMBRE CRIMINELLE
La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, statuant pour les affaires Pénales en son audience publique ordinaire du mercredi dix sept janvier deux mille dix huit, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE
L’association A & autres, toutes assistées de Me C., avocat au barreau de Ab ;
DEMANDERESSES
D’une part ;
ET
1°) MINISTÈRE PUBLIC ;
2°) Monsieur Ae et de XXX né vers XXX à XXX, promoteur immobilier domicilié à XXX ;
DÉFENDEURS
D’autre part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Salissou OUSMANE, président de la chambre criminelle rapporteur, les conclusions du Ministère public, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant le pourvoi formé le 22 janvier 2016 suivant déclaration au greffe de la cour d’appel de Ab par Me C., avocat à la cour, conseil constitué de l’association A. et autres au nom et pour le compte desquels il agi, contre l’arrêt N°27/16 rendu le 19 janvier 2016 par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Ab qui a déclaré son appel irrecevable pour défaut de qualité et l’a condamnée aux dépens ;
Vu la loi N° 2013-003 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la cour de cassation ;
Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004, fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu le code de procédure pénale en ses articles 2, 82, 177,178, 563, 564,572 et 586 ;
Vu la déclaration de pourvoi ;
Vu les conclusions du Ministère public ;
Ensemble les autres pièces du dossier ;
EN LA FORME:
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ; Qu’il ya lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND:
Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi article 2 alinéa 2 de la loi N° 2004-50 du 22 juillet 2004, fixant l'organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, article 82 du code de procédure pénale, insuffisance, contradiction de motifs et fausse application de la loi en ce que la chambre d’accusation a déclaré irrecevable l’appel de l’A.R.E.N, aux motifs qu’elle n’a pas la qualité, alors que d’une part l’article 82 susvisé prévoit que la constitution de partie civile peut se faire à tout moment au cours de l’instruction et que l’instruction n’est pas terminée d’autre part en tant qu’association régulièrement déclarée (article 10 de l’ordonnance 84-à- du 1er mars 1984 portant régime des association), agissant conformément à ses statuts (article 6 des statuts) elle dispose en application de l’article 2 du code de procédure pénale d’une action civile en réparation du dommage à elle causé par un crime ou un délit ; qu’enfin l’arrêt attaqué contient une contradiction de motifs en citant cet article et en même temps le limitant alors même que ni dans la lettre ni dans l’esprit de ce texte il n’apparait cette limitation ;
Sur la fausse application de l’article 82 du code de procédure pénale
Attendu qu’aux termes de cet article : « la constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l’instruction. Elle n’est pas notifiée aux parties » ;
Attendu qu’au sens de ce texte l’expression « à tout moment au cours de l’instruction » s’entend depuis le réquisitoire introductif jusqu’à la clôture de l’information laquelle clôture intervient soit par ordonnance de non-lieu comme dans le cas d’espèce soit par une ordonnance de renvoi ou de transmission de pièces au procureur général ;
Attendu que les articles 177 et 178 du code de procédure pénale citent le ministère public, l’inculpé et la partie civile comme seules parties ayant le droit d’interjeter appel selon les cas des ordonnances du juge d’instruction ;
Attendu qu’en particulier la constitution de partie civile, si elle a lieu devant le juge d’instruction se fera soit par simple déclaration écrite auquel cas le juge en constate la remise et consigne la pièce au dossier ou par déclaration orale auquel cas le juge dresse un procès verbal qu’il signe avec le greffier ;
Attendu qu’un dépôt de plainte non suivi de la formalité décrite ci dessus ne saurait conférer la qualité de partie civile au plaignant ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que suivant lettre adressée au président du tribunal d’instance de Kollo, le 6/2/14, l’association A. agissant pour le compte de Monsieur Ac et 42 autres du village de XXX portait plainte contre Monsieur Ad chef dudit village et autres pour avoir vendu des terres classées par l’Etat comme réserves stratégiques de pâturage ; Qu’une information pour ventes illégales d’enclaves pastorales, stellionat et faux et usage de faux en écriture était ouverte contre Monsieur Ad, Monsieur Aa, Monsieur Ae, Monsieur Af et tous autres ;
Que le 23/09/2014 l’inculpé Monsieur Ae bénéficiait d’une ordonnance de non lieu partiel ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l’appel de l’association A. la chambre d’accusation soutient que la constitution de partie civile doit se faire en temps utile et dans tous les cas avant le règlement, fusse-t-il partiel du dossier ;
Attendu qu’il résulte des mêmes pièces du dossier que du dépôt de plainte à la clôture partielle de l’information ni l’association A., ni Monsieur Ac et Monsieur Ag qui ont été entendus aussi bien en enquête préliminaire que devant le juge d’instruction n’a déclaré se constitué partie civile ; Que ce constat est corroboré les écritures des requérants qui affirment que c’est suivant deux lettres en date du 02 octobre 2014 (soit après le 23 septembre 2014 date de l’ordonnance) qu’ils se sont constitués partie civile avant d’interjeter appel le même jour contre ladite ordonnance ;
Attendu qu’en application des dispositions susvisées et au vu des constatations faites, la chambre d’accusation loin de le violer a fait une saine application de ce texte ; D’où cette branche de moyen doit être rejetée ;
Sur la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, article 82 du code de procédure pénale, insuffisance, contradiction de motifs et fausse application de la loi
Sur l’insuffisance de motifs:
Attendu que cette branche de moyen n’a pas été développée par les requérants ; qu’étant imprécise celle-ci doit être rejetée ;
Sur la contradiction de motifs:
Attendu que selon le texte visé à cette branche du moyen « …. Les arrêts ou jugements doivent être motivés à peine de nullité…. » ;
Que par ailleurs, l’article 586 du code de procédure pénale déclare nuls les arrêts de la chambre d’accusation ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort s’ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la cour de céans d’exercer son contrôle et de reconnaitre si la loi a été respectée ;
Que la jurisprudence assimile à un défaut de motifs la contradiction entre motifs ;
Attendu qu’il y a contradiction de motifs, lorsque les motifs s’annulent naturellement et rendent impossible la justification du dispositif ;
Attendu qu’en l’espèce, la chambre d’accusation à laquelle est demandée l’application de l’article 82 du code de procédure pénale, est tenue de le citer mais en lui donnant le sens qui sied ; et qu’en cela, elle ne limite point le sens de ce texte mai s en restitue son vrai sens ; que dès lors l’arrêt ne souffre pas de contradiction de motifs et cette branche de moyen doit aussi être rejetée ;
Attendu qu’il convient de condamner les requérants aux dépens ;
PAR CES MOTIAS:
•Déclare recevable en la forme le pourvoi de l’association A & autresA
•Au fond, le rejette A
•les condamnes aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.
Composition de la Cour :
Président
Salissou Ousmane
Conseillers
Hassane Djibo
Emilien A. Bankolé
Ministère Public
Ibrahim Zakaria
Greffière
Mme Issaka Zeinabou Adamou
Rapporteur :
Salissou Ousmane