La Cour de Cassation, Chambre sociale et des affaires coutumières, statuant en matière sociale en son audience publique ordinaire du jeudi 1er mars deux mil dix-huit, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
S.M.L. S.A, ayant son siège à Aa, BP…., agissant par le canal de son Directeur Général, assistée de Me D.I, Avocat à la Cour ;
Demanderesse d’une part ;
ET :
A.A. Ex-employé de la SML, demeurant à Aa, assisté de Me S D, Avocat à la Cour ;
Défendeur d’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur I.B. Conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi en cassation formé par requête déposée au greffe de la Cour d’Appel de Aa le 21 novembre 2016 et enregistrée au greffe de la Cour de Cassation le 28/11/2016 sous le n°222/2016 de S.M.L. contre l’arrêt n°36 du 11 août 2016 rendu par la chambre sociale et dont la teneur suit :
-Reçoit xx S.M.L. en son appel régulier en la forme ;
-Annule le jugement attaqué pour violation de la loi ;
-Evoque et statue à nouveau ;
-Reçoit A. A. en sa requête régulière en la forme ;
-Dit que le licenciement de A. A. par S.M.L. est abusif ;
-Condamne par conséquent S.M.L. à payer à A. A. les sommes ci-après A
•555.757,84 FCFA à titre d’indemnité de licenciementA;
•209.667 FCFA à titre d’indemnité compensatrice de congé payéA;
•209.665 FCFA à titre d’indemnité compensatrice de préavisA;
•5.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêtsA;
•20.966,5 FCFA à titre de prime d’ancienneté ;
-Déboute A. A. du surplus de ses demandes ;
-Dit que l’exécution provisoire est sans objet ;
-Dit n’y avoir lieu à dépens la matière étant sociale ;
-Avise chacune de parties qu’elle a le droit de se pourvoir en cassation contre la présente décision par requête écrite
déposée au greffe de la cour de céans dans un délai d’un (1) mois à compter de la signification de cette décision à l’autre partie ;
Vu la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu la loi n°2012-45 du 25 septembre 2012 portant code du travail de la République du Niger ;
Vu la loi organique n°2013- 03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de Cassation ;
Vu la loi n°2015-23 du 23 avril 2015 portant code de procédure civile ;
Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi en cassation de S.M.L. a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il y a lieu par conséquent de le recevoir.
AU FOND
Attendu que S.M.L., à l’appui de son pourvoi invoque trois moyens de cassation dont le premier est tiré de l’insuffisance de motifs, le second tiré de la violation des articles 19 et 20 du code de procédure civile et le troisième est tiré du défaut de réponse à conclusions.
Sur le premier moyen de cassation tiré de l’insuffisance de motifs
Attendu que la requérante, par l’organe de son conseil le Cabinet d’avocats D, reproche à l’arrêt attaqué de n’avoir pas discuté les pièces produites par A. A. pour justifier son abandon de poste notamment les avis de récupérations qui ne correspondent pas à la période d’abandon qui commence à partir du 30 novembre ; que SML soutient qu’en procédant ainsi les juges d’appel n’ont pas suffisamment motivé leur décision et ont à tort invoqué les articles 78 du code du travail et 24 du code procédure civile ;
Attendu qu’en réponse le défendeur, A. A., par la voix de son conseil Me S D, Avocat à la Cour, soutient que l’arrêt attaqué a bel et bien rappelé les dispositions des articles 78 alinéa 1, 88 et 90 alinéa 1 du code du travail pour fonder sa décision et constaté que l’abandon de poste qui a servi de base au licenciement pour faute lourde n’a pas été prouvé par SML et au vu des pièces du dossier notamment la réponse donnée dans la lettre d’explication et ses avis d’absence pour récupération prouvent à suffisance que l’abandon de poste invoqué n’était pas constitué ; que selon A. A. c’est SML qui a invoqué l’abandon de poste et c’est elle qui doit le prouver et non le juge ou l’employé et mieux la lettre de licenciement du 17 janvier 2015 a précisé très clairement les motifs du licenciement à savoir qu’il a refusé de travailler à son poste d’affectation et que sa démission délibérée a été constatée alors même que l’employeur n’a pas rapporté la preuve des motifs invoqués dès lors il ne peut reprocher à l’arrêt attaqué d’être insuffisamment motivé ;
Attendu qu’aux termes de l’article 78 alinéa 1 du code du travail « Le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté du salarié. Il peut cesser par la volonté de l’employeur s’il dispose d’un motif légitime lié à la conduite du travailleur, ou fondé sur les nécessités impératives du fonctionnement de l’entreprise ou du service » ; que l’article 79 dispose quant à lui que « Lorsque l’employeur envisage un licenciement pour des motifs liés à la conduite du salarié ou à son aptitude, il doit, avant toute décision, offrir à l’intéressé de se défendre contre les reproches formulés ou de s’expliquer sur les motifs avancés. En cas de litige le tribunal apprécie en fonction des circonstances, des conditions particulières d’emploi, notamment de la taille de l’entreprise, la mesure dans laquelle l’employeur s’est acquitté de cette obligation » ;
Attendu qu’en l’espèce il résulte de l’examen des pièces du dossier que certes le 14 janvier 2015 SML a adressé une demande d’explication à A. A. qui a répondu en ces termes « je n’ai pas suspendu mes activités , je me rends chaque matin au service, les agents de l’environnement me voient et le service du personnel me voit, donc tout ce que je demande c’est de m’amener sur mon chargeur pour continuer mon service » ; que l’appréciation de la force probante des éléments de preuve fournis par les parties à l’appui de leurs prétentions relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la cour de céans ; que dans la présente cause la cour d’appel exerçant son pouvoir souverain d’appréciation, après avoir constaté que le salarié a répondu à toutes les demandes d’explication à lui adressées par son employeur et qu’il a constamment nié les faits qui lui sont imputés, a estimé que, de son côté SML n’apporte pas la preuve de l’allégation de l’abandon de poste comme le lui impose la loi notamment l’article 24 du code de procédure civile qui dispose que « il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; qu’il en résulte ainsi que le moyen est mal fondé et ne peut par conséquent être accueilli.
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation des articles 19 et 20 du code de procédure civile
Attendu que la requérante soutient que les juges d’appel ont statué ultra petita en accordant à A. A. la somme de 996054,34 FCFA alors qu’il n’avait demandé que 861722 FCFA au titre des droits légaux ; qu’il prétend qu’en procédant de la sorte la cour d’appel a violé les articles 19 et 20 du code de procédure civile ;
Attendu qu’en réponse le défendeur au pourvoi soutient que contrairement aux affirmations de SML, dans ses conclusions il avait bel et bien demandé la condamnation de la requérante à lui payer la somme totale de 1.257.990 FCFA au titre des droits légaux, dès lors l’arrêt attaqué n’a pas statué ultra petita, par conséquent le grief est mal fondé ;
Attendu qu’aux termes de l’article 19 de la loi n°2015-23 du 23 avril 2015 portant code de procédure civile « L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties qui sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense sous réserve des dispositions relatives à la procédure orale telles qu’elles sont prévues à l’article 474 du présent code. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originales par un lien suffisant » ; que l’article 20 de la même loi dispose que « Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé » ;
Attendu qu’en l’espèce il résulte de l’examen des pièces du dossier, notamment des conclusions en appel reprenant celles déposées en première instance par A. A. que celui-ci a demandé la condamnation de la SML à lui payer au titre des droits légaux les montants suivants : 209.665 FCFA à titre d’indemnité de préavis, 209.665 FCFA à titre d’indemnité de congé payé, 628.990 FCFA à titre d’indemnité de licenciement et 209.665 FCFA à titre d’indemnité spéciale soit au total 1.257.990 FCFA ; que la cour d’appel après avoir annulé la décision du premier juge et évoquant et statuant à nouveau, a fait droit aux demandes de A. A. et condamné la SML à lui payer in globo la somme de 996.054,34 FCFA au titre des droits légaux montant inférieur à celui demandé, dès lors il ne peut lui être reproché d’avoir violé les articles 19 et 20 du code de procédure civile, par conséquent ce moyen est mal fondé et ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation tiré du défaut de réponse à conclusions
Attendu que SML par l’organe de son conseil le cabinet D reproche à la cour d’appel de n’avoir pas répondu à ses conclusions en ce qu’elle a dit «qu’en tout état de cause la SML n’apporte pas la preuve de s’être acquittée des droits légaux entre les mains ou au profit du bénéficiaire » alors qu’elle a versé au dossier de la procédure le dernier bulletin de salaire de A. A. qui atteste qu’elle lui a déjà payé l’ensemble de ses droits légaux ; que selon SML cette pièce n°18 déchargée par l’employé montre sans ambiguïté qu’il a perçu ses droits légaux, dès lors c’est à tort que les juges d’appel affirment qu’elle n’apporte pas la preuve de s’être acquittée desdits droits légaux entre les mains ou au profit du bénéficiaire ;
Attendu qu’en réponse le défendeur au pourvoi A. A. soutient que SML n’apporte pas non seulement la preuve du paiement des droits légaux et même dans le cas où ce paiement a été effectué ces droits d’un montant dérisoire ont été calculés en violation de la loi et dans ce cas le juge doit rétablir le mode de calcul des droits légaux tels que prévus par la loi ; qu’il conclut que c’est à tort que SML invoque un défaut de réponse à conclusions, il y a lieu par conséquent de rejeter le moyen comme étant mal fondé ;
Attendu qu’en droit le défaut de réponse à conclusions ne constitue un cas d’ouverture à cassation que lorsque des conclusions écrites ont été régulièrement déposées et qu’un véritable moyen de droit a été développé ;
Qu’en l’espèce SML reproche à l’arrêt attaqué de n’avoir pas répondu à ses conclusions relatives aux droits légaux qui, selon elle, ont été payés comme l’atteste le dernier bulletin de salaire de l’ex-employé alors même qu’il résulte de l’examen de la décision que la cour d’appel a bel et bien répondu en énonçant « mais attendu que l’examen de la pièce de la procédure qu’invoque SML à l’appui de cette affirmation révèle que l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de congé-payé ont été mal déterminées car fixées à des montants respectifs inférieurs aux montants auxquels l’intéressé a véritablement droit ; qu’en tout état de cause SML n’apporte pas la preuve de s’être acquittée desdits droits entre les mains du bénéficiaire » ; qu’en statuant ainsi la cour d’appel a répondu au moyen développé dans les conclusions de la requérante, dès lors ce moyen tiré du défaut de réponse à conclusions est mal fondé, par conséquent il ne peut aussi être accueilli ;
Attendu ainsi qu’il résulte de l’ensemble des énonciations qui précèdent que le pourvoi en cassation de S.M.L. est mal fondé ; il y a lieu par conséquent de le rejeter ;
Attendu enfin qu’il convient de dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation aux dépens s’agissant d’une matière sociale.
PAR CES MOTIFS
-Déclare recevable le pourvoi de S.M.L. régulier en la forme ;
-Au fond le rejette ;
-Dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation aux dépens s’agissant d’une affaire sociale.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT LA GREFFIERE.