La Cour de Cassation, Chambre sociale et des affaires coutumières, statuant pour les affaires sociales en son audience publique ordinaire du jeudi 17 mai deux mil dix-huit, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
M.A. S.A, Avenue de la Chambre de commerce, Aa, représentée par son Directeur Général, assistée de Me F.L. Avocat à la cour ;
Demanderesse d’une part ;
ET :
J.S.A. Magasinier en service à la logistique de la M. A. ;
S.I. agent de maîtrise, ex-assistant logistique à la M.A. ;
A. S., chaudronnier au service Atelier de la M. A.;
A.M.O., ouvrier mécanicien au service Atelier de la M. A.;
A.Y., aide électricien au service Industrie de la M.A. ;
Tous assistés de Me N. M., Avocat à la Cour ;
Défendeurs d’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur S.A.M. Conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur la requête de pourvoi en cassation en date du 12 août 2017 de M. Ac Ab Ac représentée par son Directeur, assisté de Me L. F., Avocat à la Cour en l’étude duquel domicile est élu, déposée le 17 août 2017 au greffe de la Cour d’appel de Aa, enregistrée le 28 novembre 2017 sous le n°17-255/Soc au greffe de la Cour de cassation contre l’arrêt n°41 du 11 mai 2017 de la chambre sociale de la Cour d’appel de Aa qui a reçu les requérants en leur appel régulier en la forme ; au fond a annulé le jugement querellé pour violation de la loi (omission de réponse à des chefs de demande), et évoquant et statuant à nouveau, a dit que leur licenciement est abusif, a condamné M.A. à leur payer globalement la somme de 7 538 156 francs à titre d’indemnités de préavis, de congés payés, de licenciement et de dommages-intérêts, les a débouté du surplus de leurs demandes, a débouté Manutention Africaine de toutes ses demandes, fins et conclusions et a dit n’y avoir lieu à dépens au regard de la nature sociale de l’affaire ;
Vu la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger en son article 2al2 ;
Vu la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de cassation en ses articles 46, 48 et 100 ;
Vu la loi n°2012-045 du 25 septembre 2012 portant Code du travail de la République du Niger en ses articles 78, 79, 80 à 87;
Vu la requête de pourvoi, ensemble les autres pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
EN LA FORME
Attendu que les défendeurs prétendent que la requête de pourvoi en cassation de M.A. à eux signifiée le 22 août 2017 en l’étude de Me N.M., soit plus de trente (30) jours après la signification qu’ils lui ont faite le 21 juillet 2017 de l’arrêt querellé est irrecevable pour forclusion et en ce qu’il n’est pas établi qu’ils ont élu domicile en l’étude de leur conseil susnommé ;
Attendu que la requérante relève que sa requête de pourvoi en cassation déposée le 15 août 2017 au greffe de la cour d’appel de Aa qui est ainsi intervenue dans le délai d’un mois courant de la date du 21 juillet 2017 à laquelle l’arrêt querellé lui a été signifié et qui a été signifiée à la partie adverse le 22 août 2017 dans le délai de déchéance d’un mois courant de la date de son dépôt au greffe susdit, est conforme aux prescriptions des articles 46, 47 et 48 de la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de cassation et est bien recevable ;
Mais attendu que M.A.qui a reçu signification de l’arrêt querellé le 21 juillet 2017, qui a déposé au greffe de la cour d’appel de Aa le 15 août 2017 sa requête de pourvoi en cassation affranchie d’un timbre fiscal de mil cinq cent francs et qui a signifié le 22 août 2017 ladite requête signée par son conseil aux défendeurs en l’étude de Me N.M. où ils ont déclaré élire domicile dans leur requête introductive d’instance et dans leur mémoire en défense devant la cour de céans, s’est conformée aux prescriptions des articles 46 et 48 de la loi n°2013-03 sur la Cour de cassation ; que son pourvoi est en conséquence bien recevable ;
AU FOND :
Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi la violation de l’article 2al2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation judiciaire au Niger par dénaturation des faits et mauvaise application de la loi, manque de base légale , omission de statuer sur les droits légaux déjà perçus , contrariété, absence et fausseté des motifs ; violation de la loi pour non respect du principe du contradictoire en droit processuel ; violation des article 80 à 86 du code du travail ; qu’elle fait ainsi grief aux juges d’appel d’avoir annulé la décision des premiers juges comme rendue seulement sur la régularité de la procédure de licenciement des défendeurs sans égard aucun à leur contestation de son motif économique et déclaré abusifs les licenciements de ces derniers sur la base de simples suspicions par eux alléguées arguant sa bonne santé financière et la réalisation par elle d’importants investissements et au motif que ces licenciements ont pour cause leur conduite et leur aptitude et tombent par conséquent dans le champ d’application des articles 78 et 79 du code du travail ; qu’elle leur reproche en outre de leur avoir tous accordé de nouveau des droits légaux et porté pour deux d’entre eux dans le dispositif de leur décision le montant des dommages-intérêts à douze (12) mois de salaire alors que sa situation financière par elle décrite procédant de la résiliation des contrats la liant à AR. et entrainant une baisse drastique de ses activités et la réduction des charges salariales est réelle et connue des défendeurs ; que comme fort bien jugé par les premiers juges le motif du licenciement des défendeurs est bien économique et la procédure qui lui sied prévue aux articles 80 à 86 du code du travail a été scrupuleusement respectée ; qu’alors encore qu’elle a dans ses conclusions d’instance reconduites en appel dénoncé une double réparation des droits légaux aux défendeurs qui ont déjà tous perçu à ce titre par virements bancaires dans leurs comptes respectifs la somme totale de 3 812 902 francs et que les motifs de leur arrêt révèlent sa condamnation à payer à chacun d’eux seulement six mois de salaires à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que les défendeurs relèvent à l’appui du rejet du pourvoi que les moyens de la requérante sont un amalgame de considérations de fait souverainement appréciées par les juges du fond ; que d’ailleurs les juges d’appel ont justement annulé pour insuffisance de motifs la décision des premiers juges qui s’étaient bornés à un simple examen de la régularité de la procédure sans s’appesantir et vérifier la réalité des dépenses de pur confort à hauteur de deux cent trente millions (230 000 000 ) de francs et le renouvellement du parc auto par elle procédés qui démentent le motif économique de leurs licenciements ; que M.A. reproche ainsi vainement aux dits juges la violation du principe du contradictoire pour lui avoir rappelé les preuves qu’elle aurait du produire à l’appui du motif réellement économique des licenciements en litige ; que l’arrêt querellé qui a crédité leur moyen pris de l’absence du motif réellement économique desdits licenciements et qui est ainsi rendu sur des éléments et arguments juridiques bien fondés rapportés ci-dessus que la requérante ne démentait même pas s’est conformé aux prescriptions des articles 80 à 87 du code du travail et ne souffre d’aucune insuffisance ou défaut de motivation juridique ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 2al2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions au Niger « les arrêts ou jugements doivent être motivés à peine de nullité. . . » ;
Attendu que les articles 80 à 87 du code du travail traitent et organisent la procédure du licenciement économique ; que ses articles 83, 84 et 85 notamment disposent comme suit :
-article 83 : « Un procès-verbal de la réunion est signé par l’ensemble des participants. L’inspecteur du travail s’assure avant la mise en œuvre des licenciements du respect de la procédure prescrite par le présent code et des critères retenus par le chef d’entreprise.
En cas de non respect de la procédure ou des critères fixés, l’inspecteur du travail le notifie par écrit au chef d’entreprise. Ce dernier est tenu de répondre avant de procéder aux licenciements.
Tout licenciement économique prononcé sans le respect des dispositions du présent code est considéré comme abusif. La défaillance de l’inspecteur du travail ou des délégués du personnel ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure » ;
-article 84 : « Lorsque les licenciements envisagés sont effectivement prononcés, le chef d’entreprise en informe sans délai l’inspecteur du travail. La notification des licenciements doit être faite par écrit ; elle doit être motivée » ;
-article 85 : « En cas de litige, la charge de la preuve du motif économique et du respect de l’ordre des licenciement incombe à l’employeur » ;
Attendu que M.A. invoque à l’appui de la régularité du licenciement économique des défendeurs l’autorisation de l’inspecteur du travail de Aa et le respect de la procédure prescrite au code du travail ainsi que la notification de cette mesure qu’elle a motivée et faite à chacun d’eux par lettre individuelle ;
Attendu que les juges d’appel ont, pour déclarer abusifs leurs licenciements et juger qu’ils tombent dans le champ d’application des articles 78 et 79 du code du travail, relevé et font valoir que « le juge doit vérifier de prime abord la réalité des difficultés économiques prétendues avant d’examiner la conformité de la procédure à la loi, . . .que les licenciements litigieux ne sont nullement fondés sur des motifs réels et sérieux procédant d’une cause légitime caractérisée par des difficultés économiques avérées mais sont des licenciements pour motifs personnels déguisés » ;
Qu’en se déterminant sur l’absence des difficultés économiques invoquées par l’employeur et en ce que ces licenciements sont plutôt des licenciements pour motif personnel régis par les dispositions des articles 78 et 79 du code du travail alors que le caractère abusif du licenciement économique s’apprécie non pas dans le défaut dudit employeur à faire la preuve de ces difficultés économiques mais tient plutôt surtout, comme prévu à l’article 83al3 énoncé ci-dessus, au non respect par ce dernier de la procédure prescrite pour en débattre et les entériner nulle part discutée dans l’arrêt querellé et alors encore que l’employeur ne s’était pas plaint des comportements des défendeurs et a usé en la cause contre eux non pas de la procédure du licenciement pour motif personnel mais leur a plutôt notifié seulement et uniquement le licenciement économique, les juges d’appel, auxquels il n’appartient pas de qualifier le motif de la rupture, n’ont pas à suffisance motivé ni donné de base légale à leur décision ;
Qu’il en résulte que le moyen est pertinent en ce point et sans qu’il soit nécessaire de s’attarder sur le surplus des moyens invoqués à l’appui du pourvoi, il y a lieu de casser et annuler l’arrêt querellé, renvoyer la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée et dire n’y avoir lieu à condamnation aux dépens s’agissant d’une affaire sociale ;
PAR CES MOTIFS,
-En la forme : déclare le pourvoi recevable ;
-Au fond casse et annule l’arrêt n°41 du 11 mai 2017 de la Cour d’appel de Aa ; renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée et dit n’y avoir lieu à dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LA GREFFIERE.