Arrêt N° 19-008/Soc
du 17/01/2019
MATIERE : Sociale
DEMANDEURS:
DXXXXX et 12 autres
DEFENDEURESSE:
SXXXX
PRESENTS :
XXXXXXXX
PRESIDENT
XXXXXXXXXXXX et XXXXXXXXXXXX
CONSEILLERS.
XXXXXXXXXXXX
Ministère Public
XXXXXXXXXXX
GREFFIER
RAPPORTEUR : XXXXXXXXXXX REPUBLIQUE DU NIGERR
----------------
COUR DE CASSATION
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES COUTUMIERES
La Cour de cassation, Chambre Sociale et des Affaires Coutumières, statuant pour les affaires sociales en son audience publique ordinaire du dix sept janvier deux mil dix neuf, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
DXXXXXXXX et 12 autres, assistés de Me XXXXXXXXXX, Avocat à la Cour.
DEMANDERSSE:
D’UNE PART :
ET :
La SXXXXXXX siège est à XXXXX, XXXXXX, représentée par son Directeur Général à XXXXX, Tle. XXXXX, assitée de Mes XXXXXXX et XXXXX, Avocat à la Cour.
DEFENDEURESSE:
D’AUTRE PART :
LA COUR
Après lecture du rapport par Mr Souleymane Amadou Maouli, conseiller rapporteur, les conclusions du ministère public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi de DXXXXXX et 12 autres, assistés de Maitre XXXXXX, Avocat à la Cour, introduit par requête du 19 juillet 2016
affranchie d’un timbre fiscal de mil cinq cent (1500) francs, déposée le même jour au greffe de la cour d’appel de Niamey et enregistrée le 25 juillet 2016 sous le n°16-153 au greffe de la Cour de cassation, contre l’arrêt n°402 du 13 janvier 2011 de la cour d’appel de Niamey qui s’est déclarée compétente ; a infirmé le jugement n°28 du 18 mars 2004 du tribunal du travail de Niamey, les a débouté de toutes leurs demandes, fins et conclusions et a dit n’y avoir lieu à dépens ;
Vu la loi n°2012-45 du 25 septembre 2012 portant code du travail de la République du Niger
Vu la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu la loi n°2018-37 du 1er juin 2018 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de cassation ;
Vu la requête de pourvoi, ensemble les autres pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
EN LA FORME :
Attendu que la requête de pourvoi de DXXXXXX et autres est introduite conformément aux prescriptions des articles 45, 46 et 48 de la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de cassation ; qu’il y a lieu de la déclarer recevable ;
Attendu que la SXXXXX prétend que ce deuxième pourvoi est fondé sur les mêmes moyens que ceux qui avaient entrainé la première cassation et, conformément à l’article 80-1 de la loi susdite sur la Cour de cassation il y a lieu de saisir les chambres réunies de son examen et du fond de l’affaire ;
Mais attendu que les requérants qui invoquent présentement la violation des articles 73 du code du travail de 1996 et 7 et 27al2 du code de procédure civile alors que leur pourvoi de 2007 était fondé sur la violation des articles 278 et 89al2 du même code du travail n’attaquent pas par les mêmes moyens l’arrêt actuellement querellé à l’avènement duquel la cour d’appel s’est, en se déclarant compétente, conformé à l’arrêt n°09-085/CIV de la Cour Suprême qui a cassé et annulé son arrêt n°201 du 07 août 2006 rendu entre les mêmes parties litigantes ; qu’il n’y a donc pas lieu de porter l’affaire devant les chambres réunies ; 3
AU FOND :
Attendu que les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi un moyen unique de cassation pris de la violation de la loi par refus d’application des articles 73 et suivants de l’ordonnance n°96-039 du 29 juin 1999 portant code du travail au Niger et violation du principe du contradictoire consacré par les articles 7 et 27al2 du code de procédure civile ;
Sur la première branche du moyen : violation de la loi par refus d’application des articles 73 et suivants de l’ordonnance n°96-039 du 29 juin 1996 portant code du travail au Niger :
Attendu que les requérants font grief aux juges d’appel d’avoir considéré que la présence de l’inspecteur du travail d’Agadez à la réunion tenue à Agadez le 20 juin 2001 régularise la rencontre organisée en son absence à Niamey entre la Direction Générale de la SONICHAR et le SYNTRAMIN pour discuter dans le cadre d’un licenciement économique les propositions de départs négociés ou volontaires des salariés de cette dernière contenues dans un procès-verbal du 25 mai 2001 alors qu’aux termes des dispositions de l’article 73 du code du travail de 1996 en vigueur à l’époque l’inspecteur du travail doit à l’avance être informé de cette réunion à laquelle sa participation est obligatoire, qu’aucune disposition de ce code ne prévoit une procédure de régularisation de cette omission et que son article 76 considère comme abusif tout licenciement économique procédé contrairement à ses dispositions ;
Attendu que la SXXXX relève que l’inspecteur du travail d’Agadez a bien été avisé par sa lettre en date du 14 juin 2001 de la tenue à Agadez d’une réunion tripartite le 20 juin 2001 pour discuter et contrôler la régularité des propositions des départs négociés discutées à Niamey et déjà contenues dans le protocole du 25 mai 2001 ;
Qu’il ne s’agissait donc pas comme le prétendent les requérants de plancher sur un licenciement mais plutôt de discuter sur un protocole d’accord de départs négociés auquel ils ont adhéré et acquiescé et qui constitue désormais la loi des parties ;
Que ce protocole qui accorde aux salariés concernés des avantages financiers nettement supérieurs que dans le cadre d’un licenciement normal et qui a été discuté à Agadez le 20 juin 2001 par les parties légalement concernées en présence de l’inspecteur du travail d’Agadez, effectivement présent à la réunion, est régulier, ce dernier n’y ayant constaté aucun abus ni élevé d’objections ou observations défavorables ;
Mais attendu que l’article 73 du code du travail de 1996 applicable à la cause dispose que : « le chef d’entreprise qui envisage d’effectuer le licenciement d’un ou plusieurs salariés pour des motifs dont la cause est de nature économique, technologique ou tenant à l’organisation de l’entreprise, doit, avant la mise en œuvre de sa décision, réunir les représentants du personnel au sens de l’article 200. Il en informe l’inspecteur du travail, lequel participe à la réunion » ;
Qu’il résulte de l’article 75du même code que : « au cours de la réunion, les motifs avancés, les critères d’ordre retenus par l’employeur et leurs conséquences sur la liste des travailleurs susceptibles d’être licenciés sont examinés et discutés. Chaque participant peut formuler des propositions de nature à prévenir ou à réduire les licenciements envisagés, ou à en limiter les effets défavorables pour les travailleurs intéressés, notamment par la recherche des possibilités de reclassement dans un autre emploi » ;
Que les dispositions de son article 76 portent que : « Un procès-verbal de la réunion est signé par l’ensemble des participants. L’inspecteur du travail s’assure avant la mise en œuvre des licenciements du respect de la procédure prescrite par le présent code et des critères retenus par le chef d’entreprise. En cas de non respect de la procédure ou des critères fixés, l’inspecteur du travail le notifie par écrit au chef d’entreprise. Celui-ci est tenu de répondre avant de procéder aux licenciements. Tout licenciement économique prononcé sans respect des dispositions du présent code est considéré comme abusif » ;
Attendu que le procès- verbal du 25 mai 2001 révèle que l’objet de la rencontre bipartite tenue à Niamey entre la Direction Générale de la SXXXXX et le syndicat xxxxxxx auquel étaient affiliés les requérants était précisément de discuter les critères et modalités des départs négociés ou volontaires des travailleurs de la société à fin de maximiser les chances de succès du plan de redressement de cette dernière qui enregistrait des résultats déficitaires alors qu’en même temps ses charges sociales croissaient ;
Qu’il s’agissait donc pour la société et les représentants du personnel de proposer, discuter, retenir et constituer de concert, comme il est prescrit à l’article 74 du même code, le dossier du personnel répondant aux critères et modalités des départs négociés ou volontaires qu’une commission bipartite avait eu ensuite pour mission de suivre et contrôler ;
Attendu que l’article 89 du même code du travail en ses alinéas 2 et 3 prévoit que : « néanmoins, les parties ont la faculté de convenir de ruptures négociées du contrat de travail qui, sous réserve des dispositions de l’alinéa ci-dessous, ne peuvent être remises en cause que dans les conditions du droit civil.
Lorsque ces ruptures font partie d’une opération de réduction des effectifs pour motif économique, elles doivent être, au même titre que les licenciements, annoncées et discutées dans les conditions prévues aux articles 75 et 76 ci-dessus » ;
Attendu que l’objet de la réunion tripartite tenue à Agadez le 20 juin 2001 qui avait regroupé la Direction Générale de la SXXXXX, les délégués syndicaux, les délégués du personnel, l’inspecteur du travail d’Agadez était d’examiner et discuter conformément aux prescriptions de l’article 73 du code du travail les travaux préparatoires relatifs aux départs négociés que la commission susdite avait finalisés ;
Attendu que la rupture négociée du contrat de travail permet de mettre un terme à la relation de travail par consentement mutuel dans les conditions prévues par les parties et celles-ci sont liées de façon définitive par l’accord de départ négocié ;
Que les vices de consentement (dol, erreur, violence), une indemnisation qui n’est pas au moins égale, sinon supérieure à celle que procure un licenciement pour motif économique et le non respect de la procédure sont, plus que tout autre critère, les motifs qui, dans les conditions de droit civil notamment, remettent en cause sa validité ;
Attendu que les requérants n’invoquent dans leur pourvoi ni une insuffisance d’indemnisation ni comme déjà indiqué dans l’arrêt querellé un vice de consentement ;
Que ce même arrêt a relevé que l’inspecteur du travail d’Agadez a été informé de la réunion tripartite tenue le 20 juin 2001 à Agadez dont l’objet était d’examiner et vérifier les propositions des départs négociés et qu’à l’instar des représentants du personnel, il y a effectivement pris part comme l’atteste sa signature sur la feuille de présence et n’a sur le procès-verbal rendant compte des travaux observé ni notifié aucune irrégularité ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi ledit arrêt qui révèle en outre que l’inspecteur du travail s’est assuré de la régularité de la procédure et de la sauvegarde des intérêts des travailleurs concernés par ces départs négociés s’est, compte non tenu de l’argument surabondant de la régularisation de la rencontre bipartite de Niamey dont le principe n’est interdit par aucune disposition légale, conformé aux prescriptions des articles 73 et suivants du code du travail de 1996 alors en vigueur ;
Attendu qu’il se dégage de ce qui précède que cette première branche du moyen n’est pas pertinente et ne peut par conséquent être accueillie ;
Sur la deuxième branche du moyen : violation du principe du contradictoire consacré par les articles 7 et 27 al.2 du code de procédure civile :
Attendu que les requérants prétendent que les juges d’appel en affirmant que « l’éventail des droits et avantages de toute nature réservés aux partants prouve largement que la paix sociale a été recherchée et que les représentants des travailleurs ont suffisamment protégé et défendu les intérêts des requérants autant que l’aurait provoqué l’avis d’un inspecteur du travail » ont, au mépris des dispositions des textes susdits consacrant le principe général du respect du contradictoire, fondé leur décision sur des moyens qu’ils ont relevés d’office et sur lesquels les parties n’ont pas présenté leurs observations ;
Attendu que la SXXXXX réplique que les dispositions des articles 7 et 27 al.2 de la loi n°2015-23 du 23 avril 2015 portant code de procédure civile ne peuvent rétroagir et s’appliquer à l’arrêt querellé rendu en 2011 avant même l’avènement de cette loi ;
Qu’en tous les cas les requérants qui ont connaissance des pièces régulièrement versées au dossier et, notamment le protocole d’accord du 25 juin 2001, qui étaient les seules discutées lors de la réunion du 20 juin 2001 ne sont pas fondés à invoquer la violation du principe du contradictoire ;
Mais attendu que les articles 7 et 27 al.2 du code de procédure civile consacrent le principe du contradictoire dont le respect scrupuleux s’imposait déjà au juge avant même l’avènement de ce dernier texte ;
Attendu qu’il a été relevé ci-haut que les requérants étaient représentés à toutes les étapes du processus de réduction des effectifs initié par la SXXXX par leurs délégués et représentants syndicaux dont l’aboutissement a été l’approbation lors de la réunion tripartite tenue à Agadez le 20 juin 2001 du protocole d’accord négocié auquel les juges d’appel s’étaient simplement et exclusivement tenu ;
Que d’ailleurs s’agissant de départs négociés qui s’entendent par leur nature de consentement mutuel des parties concernées et qui étaient intervenus comme rapportés ci-dessus dans le respect de la procédure, il est vain et inopérant pour lesdits requérants d’invoquer la violation du principe du contradictoire ;
D’où il suit que cette deuxième branche du moyen est non pertinente et ne peut donc être accueillie ;
Attendu qu’il résulte des développements qui précèdent que le pourvoi des requérants n’est fondé en aucune de ses deux branches ; qu’il doit par conséquent être purement et simplement rejeté ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu à condamnation aux dépens s’agissant d’une affaire sociale ;
PAR CES MOTIFS
-Reçoit DXXXXX et autres en leur pourvoi régulier en la forme ;
-Au fond le rejette et dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens s’agissant d’une affaire sociale.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.