ARRET N° 19 – 047/Civ
DU 30 AVRIL 2019
AFFAIRE : COMMERCIALE
DEMANDERESSE
Oil Lybia B
SCPA MANDELA
A
Ac Ab
Me Kondo Oumarou
PRESENTS
Issaka Dan Déla
Président
Mme Daouda Mariama Rabo
Zakari Kollé
Conseillers
Maazou Adam
Ministère Public
Me Goumbi Hadiza, Greffière
Rapporteur
Mme Daouda Mariama Rabo
REPUBLIQUE DU NIGER
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
La Cour de Cassation, Chambre civile et commerciale, statuant en matière commerciale, en son audience publique ordinaire du mardi trente avril deux mil dix neuf, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE
Société Oil Lybia Niger SA, ayant son siège social à Aa, route de l’Aéroport, représentée par son administrateur général, assisté de la SCPA MANDELA avocats associés au Barreau de Aa,
Demanderesse,
D’UNE PART
ET
Ac Ab, opérateur économique domicilié à Aa, assisté de Me Kondo Oumarou, avocat au Barreau de Aa,
Défendeur,
D’AUTRE PART
LA COUR
Après la lecture du rapport par Mme Daouda Mariama Rabo, Conseillère rapporteur, les conclusions du Ministère Public et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi en cassation formé par requête en date du 16 février 2018 par la société Oil Lybia Niger SA contre l’arrêt n° 007 du 15 janvier 2018 rendu par la Cour d’appel de Aa qui a :
reçu l’appel de la société Oil Lybia SA comme régulier en la forme ;
au fond, confirmé le jugement attaqué quant au caractère abusif de la résiliation du contrat par Oil Lybia B ;
infirmé le jugement attaqué quant au quantum des dommages et intérêts ;
condamné Oil Lybia B à verser la somme de cent millions (100.000.000) F CFA à Ac Ab à titre de dommages et intérêts ;
avisé les parties de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai d’un (1) mois par requête au greffe de la Cour d’appel de Aa à compter de la signification de la présente décision par l’une des parties à l’autre ;
Vu la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu la requête de pourvoi, ensemble les pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
Sur la recevabilité
Attendu que la requérante invoque l’article 46 de la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de cassation aux termes duquel « sous peine d’irrecevabilité, le pourvoi est formé par requête écrite et signée par la partie, un avocat ou un fondé de pouvoir spécial, dans un délai d’un (1) mois, lequel court à compter du jour de la signification de la décision lorsque cette signification a été faite à personne ou à domicile, et du jour où l’opposition n’est plus recevable, lorsqu’il s’agit d’un jugement de défaut… » ;
Attendu que la société Oil Lybia Niger SA dit que son pourvoi est recevable ;
Qu’il ne ressort pas du dossier que l’arrêt attaqué lui ait été signifié, d’où il suit que le délai du recours n’a pas commencé à courir ;
Attendu qu’eu égard à la jurisprudence constante de la Cour en la matière, il échet de déclarer le présent pourvoi recevable en la forme ;
Au fond
Attendu que la société Oil Lybia Niger SA soulève cinq (5) moyens de cassation à l’appui de son pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la dénaturation des dispositions de l’article 16.a du contrat de location gérance
Attendu que la demanderesse invoque l’article 1134 du code civil aux termes duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ;
Qu’elle fait valoir que si les juges peuvent interpréter les dispositions d’un contrat, la loi leur fait interdiction de les dénaturer ;
Attendu qu’elle reproche à l’arrêt querellé d’avoir considéré qu’en application de l’article 16.b la résiliation du contrat la liant à Ac Ab devait intervenir huit jours après mise en demeure par elle faite à lui de cesser l’infraction aux clauses du contrat ;
Qu’elle soutient que c’est plutôt l’article 16.a qui s’applique en l’espèce et aucune mise en demeure préalable n’est prévue à ce point et conclut en la méconnaissance d’une disposition contractuelle claire et précise valant dénaturation ;
Attendu que le défendeur répond que l’article 16 a prévu les conditions de la résiliation de plein droit au point a et la procédure à suivre pour y procéder au point b ;
Qu’il prétend que dans les deux cas Oil Lybia Niger SA ne peut par simple lettre procéder à la résiliation du contrat qui doit être constatée par le juge des référés ;
Attendu cependant qu’il ressort de l’analyse de la convention liant les parties que l’article 16.a énumère « tout manquement ou infraction grave à l’une quelconque des clauses du contrat » avec indication que ladite énumération n’est pas exhaustive ;
Que l’article 16.b quant à lui mentionne « tout autre manquement ou infraction à l’une des clauses du contrat entrainera sa résiliation, si bon semble à Oil Lybia Niger B, huit jours après mise en demeure restée infructueuse d’avoir à cesser l’infraction » ;
Attendu qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que si Ac Ab n’a pas respecté l’article 16.a du contrat, il n’en demeure pas moins qu’il a entrepris des travaux avec démolition de bâtiments sur la station sans autorisation préalable ni même information de Oil Lybia Niger B, ce qui traduit « tout autre manquement » ;
Que de plus, aux termes des articles 16a et 16.b de la convention des parties, seul le juge des référés a le pouvoir de prononcer l’expulsion du locataire gérant qui refuse de quitter les lieux suite au manquement ou infraction aux clauses contractuelles dénoncé par Oil Lybia Niger B ;
Attendu qu’en l’espèce, Oil Lybia Niger B, faisant fi des dispositions contractuelles, a procédé à l’expulsion forcée de Ac Ab et par suite, le juge d’appel en retenant la violation de l’article 16.b n’a point dénaturé la convention des parties, l’intéressé ayant méconnu les deux dispositions du contrat ;
Qu’aussi, ce premier moyen de cassation ne peut être accueilli car mal fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la dénaturation des moyens de preuve
Attendu que la requérante rapporte que divers procès-verbaux ont été versés et visés dans ses écritures pour démontrer l’absence de résiliation abusive et la continuation de la relation contractuelle jusqu’au terme prévu par le contrat ;
Qu’elle soutient que l’arrêt querellé n’a pu décider autrement qu’au prix d’une méconnaissance des divers procès-verbaux de constat produits et opposés au sieur Ac Ab ;
Attendu que le défendeur rétorque que Oil Lybia B ne démontre pas en quoi le juge d’appel aurait dénaturé les moyens de preuve ;
Que sur ce point, il y a lieu de restituer aux faits leur exacte qualification ;
Qu’en fait de dénaturation de preuve, Oil Lybia Niger B reproche au juge d’appel de n’avoir pas pris en compte les éléments de preuve, à savoir les procès-verbaux d’huissiers produits par elle pour démontrer l’absence de résiliation abusive du contrat ;
Attendu que de jurisprudence constante, le juge forme sa conviction à partir des preuves ayant été soumises à la discussion contradictoire des parties, ce qui est le cas en l’espèce ; qu’il a un pouvoir souverain d’appréciation ;
Attendu que le juge d’appel, en considérant que la résiliation du présent contrat faite par simple lettre sans passer par la voie judiciaire est irrégulière, n’a point ignoré ou dénaturé les éléments de preuve fournis, mais a agi par voie d’appréciation souveraine des faits qui relève de sa prérogative et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Que ce deuxième moyen de cassation est inopérant et mérite rejet ;
Sur le troisième moyen de cassation tiré du défaut de réponse à un chef de conclusion
En ce que le juge a l’obligation de répondre aux conclusions des parties, qu’il ne peut en faire l’impasse ;
Attendu que la requérante soutient que les juges d’appel n’ont pas justifié pourquoi l’article 16.a n’était pas applicable encore moins justifié les raisons pour lesquelles leur préférence a porté sur l’article 16.b ;
Que le défendeur indique que les juges d’appel ont bien répondu en précisant que Oil Lybia Niger B a procédé à la résiliation par simple lettre sans passer par la voie judiciaire qui est exigée aussi bien au point a qu’au point b de l’article 16 ;
Que ce troisième moyen de cassation rejoint les deux moyens précédents ; qu’il y a lieu de le rejeter comme mal fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation tiré de la contradiction des motifs
En ce que la Cour d’appel, en retenant que le manque à gagner du sieur Ac Ab est de plus de cent cinquante millions (150.000.000) F CFA et en condamnant Oil Lybia Niger B au paiement de cent millions (100.000.000) F CFA de dommages – intérêts, s’est contredite ;
Attendu que la demanderesse soutient qu’en droit, il est de principe que la réparation est intégrale ;
Que le sieur Ac Ab dit que les juges du fond ont souverainement apprécié l’étendue du dommages et déterminé l’indemnité réparatrice en lui allouant la somme de cent millions (100.000.000) F CFA quand bien même il a évalué le préjudice subi à la somme de cinq cent millions (500.000.000) F CFA ;
Attendu qu’il argue que les questions d’évaluation et d’allocation relèvent des faits et échappent au contrôle de la Cour de cassation ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que dans les limites des conclusions des parties, les juges de fond sont souverains pour calculer le montant des dommages – intérêts ;
Que les juges n’ont pas à spécifier sur quelle base ils ont évalué le montant de l’indemnité allouée ni à faire la ventilation des dommages – intérêts suivant les divers chefs de préjudice allégués par une même personne ; qu’en pareil cas une évaluation globale suffit ;
Attendu qu’en l’espèce, dans son acte d’appel en date du 7 septembre 2016, le sieur Ac Ab a réitéré sa demande de réparation de tous chefs de préjudices confondus à la somme de cinq cent millions (500.000.000) F CFA et par suite, la Cour d’appel en disant posséder des éléments d’appréciation suffisants pour condamner Oil Lybia Niger B à verser à Ac Ab la somme de cent millions (100.000.000) F CFA à titre de dommages – intérêts ne s’est pas contredite ; que c’est à tort qu’il lui est fait grief d’avoir méconnu la loi ;
Que le quatrième moyen de cassation est également mal fondé et ne peut être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation de l’article 1149 du code civil ;
Attendu que l’article susvisé dispose que « les dommages intérêts dus au créancier sont en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé… » ;
Que Oil Lybia Niger B allègue qu’au regard de l’article 1149, l’attribution de dédommagement ne saurait se faire de manière arbitraire ou fantaisiste ;
Attendu que le sieur Ac Ab rétorque que son adversaire s’est arrogé les pouvoirs du juge du fond ;
Attendu que l’argumentation de la requérante au niveau de ce moyen rejoint celle du moyen précédent et reçoit la même réponse ; d’où il s’ensuit que ce dernier moyen de cassation est tout aussi inopérant ;
Attendu qu’il y a lieu de condamner la requérante qui a succombé à l’instance aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de Oil Lybia Niger SA recevable en la forme ;
Au fond, le rejette ;
Condamne Oil Lybia Niger B aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Cour de Cassation, Chambre civile et commerciale, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier