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07/05/2019 | NIGER | N°050

Niger | Niger, Cour de cassation, 07 mai 2019, 050


Texte (pseudonymisé)
ARRET N° 19 – 050/Civ

DU 07 MAI 2019



AFFAIRE : CIVILE



DEMANDERESSE

Ville de Ac

Me Moussa Coulibaly





A

Ak Elh. Amadou

AhBa Aj

Me Madougou Laouali

Issia Salifou

Me Kafougou Ousmane Ben







PRESENTS



Issaka Dan Déla

Président



Mme Daouda Mariama Rabo

Zakari Kollé

Conseillers





Mme Gonda Fassouma

Ministère Public



Me Nabassoua Soumana Gaoh

Greffier



Rapporteur

Mme Daouda Mariama Rabo

REPUBLIQUE DU NIGER

COUR DE CASSATION



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



La Cour de Cassation, Chambre civile et commerciale, statuant en matière civile, en son audience publique ordinaire du mardi sept mai deux mil dix n...

ARRET N° 19 – 050/Civ

DU 07 MAI 2019

AFFAIRE : CIVILE

DEMANDERESSE

Ville de Ac

Me Moussa Coulibaly

A

Ak Elh. Amadou

AhBa Aj

Me Madougou Laouali

Issia Salifou

Me Kafougou Ousmane Ben

PRESENTS

Issaka Dan Déla

Président

Mme Daouda Mariama Rabo

Zakari Kollé

Conseillers

Mme Gonda Fassouma

Ministère Public

Me Nabassoua Soumana Gaoh

Greffier

Rapporteur

Mme Daouda Mariama Rabo

REPUBLIQUE DU NIGER

COUR DE CASSATION

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

La Cour de Cassation, Chambre civile et commerciale, statuant en matière civile, en son audience publique ordinaire du mardi sept mai deux mil dix neuf, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE

Ville de Ac, représentée par le Président du Conseil, assisté de Me Moussa Coulibaly, avocat au Barreau de Ac,

Demanderesse,

D’UNE PART

ET

Ak Elh. Amadou, ménagère demeurant à Ac,

AhBa Aj, ménagère demeurant à Ac,

assistées de Me Madougou Laouali, avocat au Barreau de Niamey,

Issia Salifou, domicilié à Ac, assisté de Me Kafougou Ousmane Ben, avocat au Barreau de Ac

Défendeurs,

D’AUTRE PART

LA COUR

Après la lecture du rapport par Mme Daouda Mariama Rabo, Conseillère rapporteur, les conclusions du Ministère Public et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur le pourvoi en cassation formé par requête en date du 12 août 2016 par la Ville de Ac contre l’arrêt n° 24 du 1er février 2016 rendu par la Cour d’appel de Ac qui a :

reçu Ak Al Ab et AhBa Aj dite Ad Ai en leur appel, régulier en la forme ;

annulé le jugement attaqué pour violation de la loi ;

évoqué et statué à nouveau ;

reçu Ak Al Ab et AhBa Aj dite Ad Ai en leur requête, régulière en la forme ;

dit qu’elles sont propriétaires exclusives de la parcelle F d’une superficie de 400 m2 de l’îlot n° 4610 du lotissement Ag Ae de la Ville de Ac ;

ordonné le déguerpissement de ladite parcelle de tous occupants du chef de la Ville de Ac autres que Ak Al Ab et AhBa Aj dite Ad Ai ;

ordonné à la Ville de Ac de leur délivrer le titre de propriété (acte de cession) relatif à cette parcelle et de l’établir au nom de Ak Al Ab sous astreinte de 100.000 F CFA par jour de retard ;

condamné la Ville de Ac à leur verser la somme de cinq millions (5.000.000) de francs CFA à titre de dommages – intérêts ;

débouté la Ville de Niamey et Issia Salifou de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

condamné la Ville de Niamey et Issia Salifou aux dépens ;

avisé les parties qu’elles ont, chacune, un délai d’un (1) mois pour éventuellement exercer leur droit de se pourvoir en cassation contre la présente décision par déclaration ou requête faite ou déposée au greffe de la cour de céans ;

Vu la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation ;

Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;

Vu le code civil ;

Vu la requête de pourvoi, ensemble les pièces du dossier ;

Vu les conclusions du Ministère Public ;

Sur la recevabilité

Attendu qu’aux termes de l’article 46 alinéa 1 de la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de cassation « sous peine d’irrecevabilité, le pourvoi est formé par requête écrite et signée par la partie, un avocat ou un fondé de pouvoir spécial, dans un délai d’un (1) mois, lequel court à compter du jour de la signification de la décision lorsque cette signification a été faite à personne ou à domicile, et du jour où l’opposition n’est plus recevable, lorsqu’il s’agit d’un jugement de défaut… » ;

Qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué a été rendu le 1er février 2016 et la Ville de Ac a introduit le présent pourvoi le 12 août 2016 ;

Attendu toutefois qu’il ne résulte pas de la procédure que l’arrêt susvisé ait été signifié à la demanderesse, de sorte que le délai de pourvoi n’a pas commencé à courir ; d’où il s’ensuit que le pourvoi est recevable en la forme ;

Au fond

Attendu que la requérante invoque deux (2) moyens de cassation à l’appui de son pourvoi ;

Sur le premier moyen de cassation pris de l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour connaître de la responsabilité des personnes morales de droit public

Attendu que la Ville de Ac fait grief aux premiers juges d’avoir statué en matière civile et d’avoir retenu sa responsabilité alors que seules les juridictions statuant en matière administrative peuvent connaître de la responsabilité d’une administration, personne morale de droit public ;

Que les défenderesses soutiennent que ce moyen nouveau n’a jamais été invoqué ni devant le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Ac ni devant la Cour d’appel de Ac et est irrecevable devant la Cour de cassation aux termes de l’article 620 alinéa 1 du code de procédure civile ;

Attendu qu’en réplique, la requérante invoque l’alinéa 2 du même article 620 précité en ce qu’il dispose que les moyens de pur droit et ceux nés de la décision attaquée peuvent être soulevés pour la première fois en cassation et conclut en l’annulation de la décision attaquée ;

Que Ak Al Ab et AhBa Aj dite Ad Ai font valoir qu’il s’agit de trancher une question de droit de propriété d’une parcelle relevant du domaine privé de la Ville de Ac et non une question de responsabilité d’une personne morale de droit public comme elle le prétend ;

Que de jurisprudence constante, la Cour de cassation a toujours considéré que la cession d’une partie du domaine privé de la Ville constitue un acte de gestion privée dont le contentieux relève des juridictions judiciaires comme en l’espèce ; qu’il n’est statué autrement que lorsque l’action tend à la contestation d’un acte administratif pris par la collectivité dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs régaliens, ce qui ne sied pas au présent litige ;

Qu’ainsi, le premier moyen de cassation doit être rejeté car mal fondé ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation de la loi

Sur la première branche du moyen tirée de la violation des articles 1341, 1582 du code civil et 23 de la loi n° 98-06 du 29 avril 1998 portant statut des notaires

Attendu que la Ville de Ac invoque l’article 1582 du code civil qui dispose que « la vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer.

Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé » et l’article 1341 du code civil aux termes duquel « il doit être passé acte devant notaire ou sous signature privée de toutes choses excédant la somme ou valeur de cinq cents francs… » ;

Attendu que la requérante soutient que le terme « acte » employé dans les deux dispositions renvoie à un écrit et exclut la tradition orale surtout s’agissant d’un immeuble et prétend que l’article 23 de la loi n° 98-06 du 29 avril 1998 portant statut des notaires est formel ;

Attendu que les défenderesses soutiennent que la jurisprudence est unanime sur le fait que la vente est un contrat consensuel qui, sauf stipulation contraire, opère transfert de propriété dès l’échange des consentements, peu importe la forme de l’acte de vente ;

Attendu que la Ville de Ac répond qu’il est inimaginable qu’elle ait pu conclure oralement un contrat immobilier et que les conventions portant sur les parcelles sont toujours établies sous forme d’acte de cession ;

Attendu que le sieur Issia Salifou, quant à lui, prétend que ses adversaires ne prouvent pas que la Ville de Ac leur a vendu la parcelle de 400 m2 au prix de 400.000 F CFA car aucune convention, aucun acte authentique ou sous seing privé n’est versé au dossier en violation des articles 1582, 1583 du code civil ;

Qu’il soutient en outre que les juges du fond ont aussi violé le principe de l’effet relatif des contrats de l’article 1165 du code civil et n’ont donné aucune base légale à leur décision ;

Attendu que Aa Ak Al Ab et AhBa Aj dite Ad Ai rétorquent qu’un écrit émanant de la Communauté urbaine de Ac concernant la parcelle n° F de 400 m2 de l’îlot 4610 du lotissement Ag Ae de la Ville de Ac a été versé au dossier ainsi que des reçus de paiement des acomptes d’un montant de 100.000 F CFA comme l’a relevé le juge d’appel ; qu’elles soutiennent que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et concluent que les articles visés au moyen n’ont pas été violés ;

Attendu que du point de vue jurisprudentiel, la vente, quel que soit son objet, reste un contrat consensuel dans lequel le consentement des parties n’est soumis à aucune condition de forme ;

Qu’en l’espèce, le juge d’appel en énonçant que la vente et un contrat consensuel pouvant être conclu verbalement ou matérialisé par un acte authentique ou sous seing privé, n’a point violé la loi ;

Attendu que la jurisprudence constante de la Cour de cassation relativement à l’article 23 de la loi n° 98-06 du 29 avril 1998 portant statut des notaires est que ce texte n’a pas introduit une nouvelle condition d’existence et de validité dans la vente d’immeuble mais n’est qu’une modalité de preuve particulière comme l’a fait ressortir l’arrêt querellé ;

Qu’ainsi, cette première branche du second moyen de cassation est mal fondée ;

Sur la deuxième branche du second moyen de cassation prise de la violation des articles 1583 et 1591 du code civil

Attendu qu’aux termes de l’article 1583 précité « elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » ;

Que l’article 1591 dispose que « le prix de vente doit être désigné par les parties » ;

Attendu que la Ville de Ac argue qu’en l’espèce il y a contestation tant sur la chose que sur le prix et l’arrêt attaqué en statuant autrement a violé les textes visés au moyen ;

Attendu toutefois qu’au regard des pièces produites et des débats à l’audience, le juge d’appel, en décidant que la chose vendue est la parcelle F en entier de 400 m2 de l’îlot 4610 du lotissement Ag Ae de la Ville de Ac et que le prix de vente convenu entre les parties est de 400.000 F CFA, a agi par voie d’appréciation souveraine des faits qui relève de ses prérogatives et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’ainsi, en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Ac a sainement appliqué la loi ; d’où il suit que cette deuxième branche du second moyen de cassation ne peut être accueillie car mal fondée ;

Sur la troisième branche du second moyen de cassation tirée de la violation de l’article 2 alinéa 2 de la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger

En ce qu’il dispose que les arrêts doivent être motivés à peine de nullité… ;

Attendu que la requérante prétend que la lecture des motivations de la décision attaquée révèle qu’elle est empreinte non seulement d’insuffisance mais aussi de contrariété de motifs ;

De la contrariété des motifs

Attendu que la Ville de Ac affirme que le juge d’appel en disant que la vente est un contrat consensuel pouvant être conclu verbalement ou matérialisé par un acte authentique ou sous seing privé a entendu exclure tout écrit dans l’administration de la preuve en l’espèce ;

Qu’elle lui reproche également d’avoir décidé que le procès-verbal de conciliation non signé par les défenderesses ne leur est pas opposable et d’avoir retenu un écrit du 11 juin 2004 émanant des services de la Mairie de la Ville de Ac alors même qu’il n’était pas signé par les parties et déduit qu’il y a contradiction de motifs équivalant à leur absence ;

Attendu que Aa Ak Al Ab et AhBa Aj dite Ad Ai disent qu’il n’y a nullement contradiction des motifs car la Cour d’appel n’a fait que rappeler le principe du consensualisme qui gouverne toute vente et quant à l’écrit susmentionné, elles indiquent que sa rétention est justifiée parce qu’aux termes de l’article 1347 du code civil il remplit la condition de commencement de preuve par écrit car émanant de celui contre lequel la demande est formée, en l’occurrence la Ville de Ac, et rendant vraisemblable le fait allégué ;

Attendu que l’analyse de la décision querellée fait ressortir que le juge a rappelé l’absence de formalisme quant au consentement donné par les parties en matière de vente en indiquant par l’usage de la conjonction alternative qu’elles sont libres quant au choix de la forme que revêt l’accord ; que c’est à tort qu’il lui est fait grief d’exclure tout écrit dans l’administration de preuve ;

Qu’en principe, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier la pertinence d’une offre de preuve, ce qui est exempt de tout contrôle de la juridiction de cassation ;

De l’insuffisance des motifs

Attendu que la Ville de Ac reproche à l’arrêt querellé d’avoir déclaré les appelantes propriétaires de la parcelle litigieuse sans le démontrer à la lumière des prescriptions de l’article 544 du code civil aux termes duquel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ;

Qu’il appert de la procédure que Ak Al Ab et AhBa Aj dite Ad Ai ont sollicité notamment de la Cour d’appel dire et juger qu’elles sont propriétaires d’un terrain d’une superficie de 400 m2, lotissement Ag Ae, îlot 4610, formant la parcelle F devenue F1 et F2 ;

Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que « le morcellement opéré par la Ville de Ac de la parcelle litigieuse et la vente qu’elle en avait faite de la moitié sous forme de F1 au sieur Af est arbitraire, synonyme de voie de fait… ; que c’est plutôt la Ville de Ac qui a causé préjudice aux appelantes et qui sera condamnée à le leur réparer… » ;

Attendu qu’en statuant comme il l’a fait, le juge d’appel a suffisamment motivé sa décision et c’est à tort qu’il lui est fait grief d’avoir méconnu la loi ;

Que cette troisième branche du second moyen de cassation mérite rejet ;

Attendu qu’il y a lieu de condamner la requérante qui a succombé à l’instance aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Déclare le pourvoi de la Ville de Ac recevable en la forme ;

Au fond, le rejette ;

Condamne la Ville de Ac aux dépens ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Cour de Cassation, Chambre civile et commerciale, les jour, mois et an que dessus ;

Et ont signé le Président et le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 050
Date de la décision : 07/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.cassation;arret;2019-05-07;050 ?
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