ARRET N°20-051/Cout
Du 07-05-2020
MATIERE :
coutumière
Ak Ai rep. par Ab Aj
Ayant pour conseil
Me Harouna Abdou
DEFENDERESSE :
Aa Ag
Ayant pour conseil Me Rahamane Ousmane
Président
Mahamadou
Issa Bouro
Mme MaigaZeïnabou
Labo
Conseillers
SanoussiMamane
Assesseurs
Emilien A. Bankolé
Ministère Public
Mme Aboubacar
Zeïnabou
Greffière
RAPPORTEUR
Labo
REPUBLIQUE DU NIGER
COUR DE CASSATION
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES COUTUMIERES
La Cour de Cassation, Chambre Sociale et des Affaires Coutumières, statuant pour les affaires coutumières, en son audience publique ordinaire du jeudi sept mai deux mille vingt, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE
Ak Ai, 84 ans, chef de village de Ae C AAmB, représenté par SeyniSaley, cultivateur demeurant à Ae C, coutumeZarma, assisté de Me Harouna Abdou, avocat à la Cour ;
Demandeur
D’une part ;
ET:
Aa Ag, 70 ans, ménagère, demeurant à Ae C AAmB, coutume Zarma, assistée de Me Rahamane Ousmane, avocat à la Cour ;
Défenderesse
D'autre part ;
LA COUR
Après lecture du rapport par Madame MaigaZeïnabou Labo conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi de HassaneSawani formé le 02 janvier 2019 par déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance de Tillabéri, enregistré le 03 juin 2019 sous le n°19-144/Cout au greffe de la Cour de Cassation, contre le jugement n°001 du 02 janvier 2019 rendu par ledit tribunal qui a confirmé dans toutes ses dispositions le jugement n° 03 du 26 avril 2017 du Tribunal d’Instance de Filingué ainsi rendu : reçoit l’action introduite par Aa Ag comme étant régulière en la forme ; au fond la déclare fondée ; dit que le champ
litigieux, situé au nord par le champ de BagadiBagadi, au sud par une ceinture verte marécageuse, à l’est également par une ceinture marécageuse et à l’ouest par un couloir de passage des animaux et du village de Ae C, est la propriété de la famille de Ac Af, représentée par Aa Ag, la demanderesse ; dit qu’il n’y a pas lieu à dépens ;
Vu la loi n° 63-18 du 22 février 1963 fixant les règles de procédure à suivre devant les justices de paix statuant en matière civile et commerciale ;
Vu la loi n° 2018-37 du 1 juin 2018 abrogeant la loi n° 2004- 50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu la loi n° 2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de Cassation ;
Vu la déclaration du pourvoi, ensemble les pièces du dossier ; Vu les conclusions du ministère public ;
EN LA FORME :
Attendu que le pourvoi de HassaneSawani est relevé dans les délai et forme des articles 66 et 68 de la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de cassation ; qu’il y a lieu de le recevoir comme étant régulier ;
AU FOND :
Attendu que HassaneSawani représenté par SeyniSaley invoque à l’appui de son pourvoi trois moyens de cassation qui peuvent être regroupés en deux moyens de cassation : violation de la loi subdivisé en trois branches et violation de la coutume djerma ;
Sur la première branche du premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 5 alinéa 1 de la loi 63-18 du 22 février 1963
fixant les règles de procédure à suivre devant la justice de paix statuant en matière coutumière :
Attendu que le conseil du demandeur au pourvoi reproche au jugement attaqué de violer les dispositions d’ordre public de l’article 5 alinéa de la loi sus indiquée en ne sanctionnant pas le premier juge qui n’aurait pas tenté la conciliation préliminaire prévue en matière coutumière ;
Attendu qu’en réplique, la défenderesse expose que la disposition n’est nullement violée cart aussi bien le chef de canton de
Damana que le juge d’instance de Filingué qu’elle a saisis, chacun a eu
à tenter de concilier les parties sans succès ;
Mais attendu que l’article 5 alinéal dispose certes que « le préliminaire de conciliation est obligatoire. En sont dispensées les demandes intéressant l’Etat, le domaine, les communes et les
établissements publics » ;
Attendu que cette disposition n’est ni d’ordre publique, ni une obligation qui incombe au juge d’appel et a été invoquée pour la première fois seulement devant la Cour de céans ; qu’ainsi cette branche du moyen ne peut être accueillie ;
Sur la deuxième branche du premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 102 de la loi n°2018-37 du 1er juin 2018 sur
l’organisation judiciaire du Niger :
Attendu que HassaneSawani soutient que l’article 102 de la loi 2018-37 du 1er juin 2018 sur l’organisation judiciaire au Niger a été violé en ce que le jugement querellé ne comporte pas la délimitation
précise du champ litigieux ;
Attendu que dame Aa Ag relève que cette affirmation est gratuite et explique qu’un transport judiciaire délimitant le champ a été fait par le Tribunal d’Instance de Filingué en présence des parties et propriétaires limitrophes ; mieux, en appel, le Tribunal de Grande Instance de Tillabéri a ordonné un transport et commis la COFODEP (Commission Foncière AdB qui a procédé à la délimitation du champ litigieux en faisant ressortir les limites précises à travers le
géo référencement ;
Mais attendu qu’il ressort clairement du jugement n°01 du 02 janvier 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Tillabéri que les limites nord, sud, est ouest, la superficie, le périmètre ainsi que les voisins limitrophes du champ litigieux ont bien été précisés ; que mieux encore cette délimitation résulte d’un procès-verbal de transport effectué par la commission foncière départementale le 13 mai 2018 en présence des parties et en exécution du jugement ADD du 09 mai 2018 dudit tribunal qui a ordonné de le faire ; que par conséquent ce
moyen est inopérant et ne peut être accueilli ;
Sur la troisième branche du premier moyen de cassation tiré de l'insuffisance des motifs :
Attendu que le demandeur au pourvoi soutient encore que la décision du juge d’appel a violé l’article 2 alinéa 2 de la loi 2018-37 du ler juin 2018 en ce qu’elle est insuffisamment ou nullement motivée
du fait que le juge s’est contenté de confirmer le premier jugement et de dire que Aa Ag a produit Ah Al, chef de village d’Attiloga, comme témoin alors que ce dernier n’est pas du village de Ae C ;
Attendu que le défendeur au pourvoi fait observer que le motif est un ensemble de considérations de droit et de fait qui fondent une décision et qu’en l’espèce le juge en a énoncé plusieurs pour fonder sa décision notamment le témoignage de Ah Al et le fait que l’appelant a reconnu que le champ litigieux était exploité pendant des années par la famille de Aa Ag sans versement de dime locative ;
Mais attendu que pour confirmer le premier jugement le juge d’appel a évoqué le témoignage de Ah Al qui corrobore la version et les arguments présentés par Aa Ag ;
Qu’il s’est aussi appuyé sur les propres déclarations du demandeur qui reconnait que tout le temps que le champ était entre les mains de la famille de l’intimée, elle n’a jamais versé de dime locative, et les parents des parties vivaient en parfaite symbiose ;
Que l’appréciation des faits, déclarations des parties et des témoins relèvent du pouvoir souverain des juges du fond et échappent ainsi au contrôle de la Cour ; que ce moyen ne peut donc prévaloir ;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation de la coutume Djerma :
Attendu que HassaneSawani prétend qu’en coutume djerma des parties, celui qui revendique la propriété de champ doit produire la preuve notamment par témoignage des exploitants des champs limitrophes et des autorités coutumières de la localité où est situé le
champ litigieux ;
Que selon lui, le juge qui a accepté le témoignage du chef de village d’Attiloga qu’a produit dame Aa Ag aurait violé ladite
coutume puisque le champ est situé à Ae C ;
Attendu que la défenderesse soutient en réplique que le jugement querellé a été rendu en présence des assesseurs djerma dont le rôle est de donner leur avis sur la coutume djerma et que cet avis n’a
pas remis en cause le témoignage de Ah Al ;
Mais attendu qu’il est de coutume qu’au cas où le témoignage est retenu en matière coutumière et même dans tous les cas, il peut rovenir de toute personne saine et libre d’esprit, d’un comportement
irréprochable, qui a la connaissance de la question en discussion et qui peut donner un éclairage crédible sur le sujet ; qu’il n’est retenu en plus
que s’il est cohérent, crédible et s’il emporte la conviction du juge ;
Qu’en l’espèce, le fait que le témoin de Aa Ag ne
réside pas à Ae C n’affecte en rien la valeur de son témoignage, et n’est nullement contraire à la coutume ou ne constitue une violation
de celle-ci ; qu’au contraire sa position de chef de village qui connait le
sujet et les problèmes de la question foncière accorde beaucoup plus de crédit à ce qu’il a dit ; que dès lors, ce moyen aussi n’est pas fondé
et ne peut être retenu ;
Attendu que le jugement querellé ne comporte par ailleurs
aucune irrégularité susceptible d’être soulevée d’office par la Cour ;
Attendu que le pourvoi de HassaneSawani qui est mal fondé en
droit mérite d’être rejeté ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu à condamnation aux dépens,
s’agissant d’une matière coutumière ;
PAR CES MOTIFS
- Reçoit HassaneSawani en son pourvoi régulier en la forme;
- Au fond, le rejette comme mal fondé ;
- dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus ;
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LA GREFFIERE./.