ARRET n°20-054/Cout du 28 Mai 2020
MATIERE : Coutumière
DEMANDERESSE
DEFENDEURS
AD feu M-HSS et V. S. F
PRESENTS
M. Albachi N.Diallo
Président
Souleymane A. Maouli et Issa Bouro et
Conseillers
Sanoussi Mamane et Alfari Ibrahim
Assesseurs
Ibrahim B. Zakaria
Ministère Public
Abalovi Zara Ousmane
RAPPORTEUR
Souleymane A. Maouli
REPUBLIQUE DU NIGER
COUR DE CASSATION
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES COUTUMIERES La Cour de Cassation, Chambre sociale et des affaires
coutumières, statuant pour les affaires coutumières en son
audience publique ordinaire du jeudi 28 mai deux mil vingt,
tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur
suit
D. V. S. A. T assistée de Me F. L, Avocat à la Cour ;
Demanderesse d’une part ;
ET :
A.D FEU M. Ad S. ET V. S. F, assistés de k SCPA MANDELA
Défendeurs d’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Souleymane
Amadou Maouli Conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi de dame veuve M. Ad Ae née A. I formé le 25 avril 2018 par déclaration au greffe du tribunal de
grande instance hors classe de Ab et par requête en date du 10 janvier 2019, enregistré le 09 mai 2019 sous le n°19-122/Cout au greffe de la Cour de cassation, contre le jugement n°12 rendu le 09 mars 2018 par ce dernier tribunal qui en la forme l’a reçue en son appel et rejeté ses exceptions, au fond a confirmé en toutes ses dispositions le jugement n°69 du 08 décembre 2016 du Juge du 3ème Arrondissement Communal de Ab lui-même confirmatif de celui n° 07 qu’il a rendu par défaut le 14 janvier 2016 dont le dispositif est comme suit énoncé
-déclare recevable en la forme la requête du mandataire A. M.S ;
-au fond, la déclare bien fondée ; ordonne le partage de la succession M. Ad Ae entre treize (13) héritiers dont deux (02) veuves, huit (08) garçons et trois (03) filles ; dit que la masse successorale est constituée d’une concession sise au quartier Cité Caisse objet du titre foncier n°17239 d’une superficie de 640nr
évaluée par expert à 37 164 700 francs et divers biens évalués à 2 748 000 francs, soit 39 912 700 francs ; constate l’impossibilité d’un partage physique de la présente succession ; ordonne en conséquence la vente de tous les biens concernant la succession M. Ad Ae; dit que chaque héritier bénéficiera de parts successorales suivantes : veuve F.S : 2494 543 francs, veuve Al: 2 494 543 francs, A M: 3 676 168 francs, S. M : 3 676 168 francs, I. M :
3 676 168, A.M : 3 676 168 francs, A.K M : 3 676 168 francs, A. M : 3 676 168 francs, A.M : 3 676 168 francs, A.M. M: 3 676 168 francs, B.M : 1 838 084 francs, M.M : 1 838 084 francs, M. M:
1 838 084 francs ; ordonne l’exécution provisoire de cette décision nonobstant voies de recours, dit n’y avoir leu à condamnation aux dépens s’agissant d’une matière coutumière ;
Vu la loi n°63-18 du 22 février 1963 fixant les règles de
procédure à suivre devant les justices de paix statuant en matière
Vu la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de cassation ;
Vu les lois n°2004-50 du 22 juillet 2004 et n°2018-37 du 1FR juin 2018 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu la déclaration et la requête de pourvoi, ensemble les autres pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
En la forme
Attendu que le défendeur, A.R.M.S, relève que le pourvoi en
cassation de dame AI, formé d’abord le 25 juin 2018 par déclaration au greffe et ensuite le 10 janvier 2019 par requête contre la même décision rendue contradictoirement le 09 mars
2018, est irrecevable en ce qu’en procédant cumulativement dans les deux formes prévues à l’article 66 de la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de cassation, elle met celle-ci dans
l’impossibilité de contrôler si les dispositions légales sur la forme et le délai d’introduction du pourvoi en matière coutumière sont respectées ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 66 susdit «en
matière coutumière le pourvoi est formé par requête écrite adressée au greffier en chef de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ou par déclaration faite au greffe de ladite juridiction dans le délai d’un mois » ;
Attendu que la dame A.I qui n’a pas reçu notification par le greffier en chef du tribunal de grande instance hors classe de Ab du jugement querellé n°12 par celui-ci rendu le 09 mars 2018, est, conformément aux prévisions de l’article 68 de la loi
susvisée, bien fondée à se pourvoir en cassation contre lui tant le 25 avril 2018 par déclaration au greffe dudit tribunal que par la requête du 10 janvier 2019 introduite dans le délai d’un mois
après la signification qui lui en avait été faite le 11 décembre 2018 ;
Au fond :
Attendu que la dame A.I invoque à l’appui de son pourvoi la violation des articles 2al2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 sur l’organisation et la compétence des juridictions au Niger, 5, 6 et 7 du code de procédure civile, par absence et insuffisance de motifs, violation des droits de la défense et du principe du contradictoire, dénaturation des faits ;
Qu’elle fait ainsi grief au juge d’appel d’avoir rejeté sa demande de transport sur les lieux au motif que ledit transport a déjà été effectué et d’avoir confirmé la décision n°69 du premier
juge rendue le 08 décembre 2016, sans qu’elle ait été convoquée ou avisée de cette audience, et seulement sur la base des seuls moyens de la partie adverse alors que le procès-verbal de ce transport seul à même de permettre de voir la réalité des faits et leur meilleure appréciation n’a jamais été dressé par le juge qui y a procédé et que nul ne saurait être jugé sans avoir été régulièrement convoqué et avoir été entendu sur ses moyens et pris connaissance
de ceux de la partie adverse ;
Qu'elle reproche en outre audit juge d’appel d’avoir entériné le premier jugement pourtant entaché de contradiction en ce qu’il a statué par défaut contre elle dans son dispositif et rapporté en
même temps dans un des motifs ses déclarations ;
Qu’en décidant aussi que le partage de la concession de la Cité Caisse est impossible alors que l’expert a plutôt retenu que c’est le partage du seul bâtiment, et non celui de la concession qui
est impossible, le premier juge qui a en outre omis de statuer sur sa demande expresse de partage des deux parcelles nues de Aa et qui a ordonné sans son consentement et celui de ses enfants mineurs la vente de la villa de la Cité Caisse, a dénaturé les faits de la cause, méconnu la coutume Ac qui autorise le partage d’un bien immobilier, qu’il soit parcelle nue ou partie construite et a violé la loi et le juge d’appel ne peut aussi sans violer la loi ignorer
ces irrégularités qui affectent sa décision et la confirmer ;
Attendu que les A.D. M.H.S prétendent que le transport sur les liïeux est une faculté dont l’opportunité a souverainement été
écartée par le tribunal ;
Que la demanderesse dont le conseil ne s’informait pas de l’évolution de la procédure qu’elle a initée malgré les avertissements à lui donnés par deux courriers dont il avait accusé la réception et qui ne se présentait aux dates indiquées des audiences du premier juge, ne saurait invoquer ni contre la décision de ce dernier rendue par défaut contre elle ni contre le
jugement d’appel contradictoirement rendu entre les parties la violation de ses droits de la défense et du principe du contradictoire ;
Que la question du partage des parcelles nues de Aa
nouvelle comme introduite seulement en cause d’appel ne peut ni dénaturer celle du partage du bâtiment de la Cité Caisse seule soumise au premier juge ni obliger à y statuer le tribunal qui, relevant leur inventaire et leur estimation cumulés avec les autres
biens meubles de la succession, a justement et souverainement , aux fins de répondre à la demande à lui régulièrement faite de liquidation de celle-ci et parce que nul ne peut être contraint de
rester dans l’indivision, ordonné leur vente et celle des autres biens à partager ;
Mais attendu que l’article 2al2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 dispose que «les arrêts ou jugements doivent être
motivés à peine de nullité. .. » ;
Attendu que les articles 5, 6 et 7 du code de procédure civile disposent respectivement comme suit :
-article 5 : «nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou dûment appelée » ;
-article 6 : «les parties doivent se faire connaitre mutuellement et
en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune puisse organiser sa défense » ;
-article 7: «en toutes circonstances, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office ou sur les explications complémentaires qu’il a demandées, sans avoir au préalable inviter les parties à présenter leurs observations » ;
Attendu que la demande de transport sur les lieux est une mesure d’instruction facultative laissée à la libre appréciation du
juge d’appel qui l’a opportunément et souverainement écartée ;
Attendu que la dame Al n’a pas comparu et n’était pas représentée à l’audience et n’y avait donc pas été entendue sur ses demandes et prétentions ;
Attendu que le jugement n°69 du 08 décembre 2016 du Juge du 3ème Arrondissement Commural de Ab tenant compte de sa
situation procédurale ci-dessus, était justement rendu par itératif défaut contre elle et il n’y a pas lieu de voir dans le rappel des prétentions des parties exposées dans un de ses motis une contradiction avec son dispositif ;
Attendu que la demanderesse qui ne dit pas en quoi précisément le jugement n°12 du 09 mars 2018 rendu contradictoirement entre les parties et contre lequel seulement est dirigé son pourvoi a violé ses droits de la défense et le principe du contradictoire, ne permet pas à la cour de céans d’exercer en ce
point son contrôle sur la réalité et la pertinence de ce moyen ;
Attendu que le moyen pris de la dénaturation des faits de la cause n’est pas un cas d’ouverture à cassation ;
Attendu que l’impossibilité de partager la concession ou le bâtiment de la Cité Caisse et l’estimation en argent de la valeur de tous les biens de la masse successorale dont les deux parcelles nues de Aa sont des questions de fait sur lesquelles le juge d’appel s’est souverainement prononcées et dont l’examen échappe au contrôle de la cour de céans ;
Attendu que la vente des biens de la succession par lui ordonnée qui ne préjudicie pas au droit de préemption de la dame A.1 et qui ne tend qu’à mettre fin à l’indivision dans laquelle nul héritier ne peut être contraint d’y rester indéfiniment, ne contrarie
par conséquent ni la coutume du défunt ni la loi ;
Attendu qu’il suit de tout ce qui précède que les moyens proposés de cassation de la dame A.I ne sont pas pertinents et qu’ils ne peuvent donc être accueillis ;
Qu’ainsi son pourvoi sera par conséquent rejeté ;
Attendu qu’il n’a pas leu à condamnation aux dépens
s’agissant d’une affaire coutumière ;
PAR CES MOTIFS :
-en la forme, déclare le pourvoi recevable ;
-au fond le rejette comme mal fondé et dit qu’il n’y a pas lieu à dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits.
Et ont signé le Président et la Greffière.