ARRET n°20-067/Cout du 16 Juillet 2020
MATIERE : Coutumière
DEMANDEURS
DEFENDEURS
PRESENTS
Souleymane A. Maouli Président
Issa Bouro et
Ibrahim Moumouni
Conseillers
Sanoussi Mamane et Alfari Ibrahim
Assesseurs
Maâzou Adam
Ministère Public
Abalovi Zara Ousmane
A
Issa Bouro
REPUBLIQUE DU NIGER
COUR DE CASSATION
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES COUTUMIERES La Cour de Cassation, Chambre sociale et des affaires
coutumières, statuant pour les affaires coutumières en son
audience publique de vacation du jeudi 16 Juillet deux mil vingt,
tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur
suit :
ENTRE :
LA.M.L, Cultivateur demeurant à K. (Guidimouni), coutume haoussa ;
H.M.L, Cultivateur demeurant à Kialoum (Guidimouni), coutume haoussa ;
Demandeurs d’une part ;
A.G.M.K représentés par N.M, Cultivateur demeurant à (AgC, coutume haoussa ;
Défendeurs d’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Issa Bouro Conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi en cassation formé par déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance de Zinder en date du 26 juin 2019 des sieurs I. A. M. L et H. M. Ab tous deux cultivateurs
demeurant à Ac (Guidimouni) contre le jugement n°47
rendu le même jour et dont la teneur suit :
En la forme reçoit l’appel de G. M. Ae comme régulier ;
Au fond dit que le champ litigieux d’une superficie de 35,5 hectares sis à Ac, limité à l’est par les champs de A. M. M, de A. B et de S. H, à l’ouest par les
champs exploités par les nommés G et S. Y, au nord par les champs de G et au sud par les champs de L. M, A. Aa et M
G, est la propriété de la famille de G ;
- Dit qu’il n’y a pas lieu à dépens ;
Vu la loi n°63-18 du 22 février 1963 fixant les règles de procédure à suivre devant les justices de paix statuant en matière civile,
commerciale et coutumière ;
Vu la loi n°2018-37 du 1“ juin 2018 abrogeant la loi n°2004-50 du
22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des
juridictions en République du Niger ;
Vu la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 sur la Cour de Cassation ;
Vu les pièces du dossier de la procédure ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi en cassation de I. A. M. Ad et H.M.L a été introduit dans les forme et délai prescrits par les articles 66 et 68
de la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition,
l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de
Cassation, il y a lieu par conséquent de le recevoir.
AU FOND
Attendu que les demandeurs au pourvoi après avoir rappelé les
faits soutiennent que Ado Af a prêté serment coranique à trois reprises tant devant les autorités coutumières que judiciaires qu’il n’a jamais reçu le champ à titre de prêt mais les juges du fond n’en ont pas tenu compte ; qu’ils précisent que ce sont eux qui
exploitent le champ litigieux et ce depuis plus d’un siècle sans
discontinuer et pour appuyer leurs prétentions ils ont présenté un
témoin en la personne de S. M. M qui a déposé sous serment ;
Attendu qu’en réponse les ayants droit G. M. Ae soutiennent que le champ litigieux a été défriché par leur grand père G. Aa, chef de
village de Ac et ses frères et c’est lui qui l’a remis à titre de prêt aux parents de leurs adversaires sous condition de verser la
dîme locative après chaque récolte et ce conformément aux usages locaux; que ledit prêt a été conclu en présence de témoins et toute sa vie le grand père des demandeurs , à qui le champ a été prêté,
versait régulièrement la dîme locative et même après son décès ses
héritiers ont continué à payer et ce jusqu’en 2008 où G. M. Ae qui
était élu chef de village a été responsabilisé pour la garde dudit
champ et la même année il l’avait donné en gage à leurs
adversaires contre la somme de 31.000 F pour d’avantage sécuriser leur propriété ; que les défendeurs soutiennent en outre qu’au décès du grand père des demandeurs, ceux-ci n’ont pas inclus le champ
litigieux dans la masse des biens à partager sachant bien qu’il n’en fait pas partie ;
Attendu que le Ministère Public a conclu à l’annulation du
jugement attaqué pour violation de la coutume et des articles 507 du code de procédure civile et 105 de la loi n°2018-37 du 1“ juin
2018 sur l’organisation judiciaire en ce qu’il a, sans censurer le
premier jugement, recomu la propriété des ayants droit G. Aa sur le
champ litigieux sans pourtant démontrer en quoi le serment
coranique prêté par les demandeurs ne suffisait pas à solutionner le litige etalors que les règles de la prescription acquisitive
pourraient être appliquées à la cause ;
Mais attendu qu’il ressort de l’exposé des moyens des demandeurs que les ayants droit Ado Af font grief au jugement attaqué de n’avoir pas tenu compte non seulement du serment prêté par leur
de cujus mais aussi des déclarations du témoin qu’ils ont présenté ; qu’à travers ces moyens les demandeurs reprochent au juge
d’appel non seulement d’avoir violé le principe de l’autorité de la chose jugée mais aussi une insuffisance de motifs ;
Attendu cependant que l’autorité de la chose jugée suppose
nécessairement qu’il soit rapporté la preuve d’une décision
devenue définitive portant sur le même objet, la même cause et
impliquant les mêmes parties ; qu’en l’espèce comme l’a si bien
relevé le juge d’appel cette preuve fait défaut en ce que ni la date du serment encore moins les parties n’ont été précisées ;
Attendu que le jugement attaqué dont les énonciations rapportent l’appel de G. M. Ae contre le jugement n°07 du 26 avril 2011 du
Tribunal d’Instance de Mirriah et qui statuant en dernier ressort a décidé contrairement à ce jugement et a donné avis aux parties de leur droit de se pourvoir en cassation, a implicitement mais
nécessairement censuré ce dernier ;
Attendu que le jugement présentement querellé a relevé que de
tous les serments coraniques invoqués par les demandeurs au
pourvoi seul celui ordonné par le tribunal d’Instance de Mirriah
dans son jugement susdit est véritablement normalement et
effectivement officié et n’est pas contesté par les défendeurs, en
atteste d’ailleurs le procès verbal de non conciliation versé au
dossier enregistré le 11 mai 2011 sous le n°296 audit tribunal
comportant les empreintes digitales des parties litigantes et le
sceau et la signature du chef de canton de Guidimouni qui ne peut
alors sans se dédire rapporter plus tard dans une lettre du 14 février 2019 un serment coranique dont il ne précise même pas la date,
prêté sous son autorité par Ado Af ;
Attendu que le tribunal usant de son pouvoir souverain
d’appréciation des modes de preuve a relevé que ce serment
coranique prêté effectivement par les demandeurs au pourvoi pour seulement dénier aux cadeaux faits par leur famille chaque année à l’issue des récoltes à celle de leurs adversaires la nature et la
qualité de la dîime locative n’est pas suffisant pour les rendre
propriétaires du champ litigieux, en raison de ses termes généraux et équivoques ;
Attendu que le même tribunal qui, pour déclarer ledit champ
propriété de la famille de G. Aa et usant de son même pouvoir
d’appréciation des modes de preuve, a reconnu et retenu probants le témoignage pris come crédible de N. El H accréditant le prêt du
même champ et le versement de la dîme locative jusqu’à la
naissance du présent litige par ces derniers soutenu , l’acceptation ferme par les demandeurs de son partage en deux parties égales
entre eux et les adversaires alors qu’il est censé être la propriété
entière de leur famille et son exclusion non démentie par celle-ci
de la masse successorale déjà partagée héritée de leur ancêtre M.
L, a bien pris en compte tant de la coutume des parties et de la loi, notamment relativement à la prescription acquisitive, que des
moyens et arguments des demandeurs, et est par conséquent à
suffisance motivé ; qu’il Ae’en suit que les moyens proposés par ces derniers ne sont pas pertinents et ne peuvent par conséquent être
accueillis, il y a lleu par conséquent de rejeter leur pourvoi comme mal fondé ;
Attendu qu’il n’y a pas lleu à condamnation aux dépens Ae’agissant d’une affaire coutumière.
PAR CES MOTIFS
- Reçoit I. A. M L et H.M.L en leur pourvoi régulier en la
forme ;
- Au fond ke rejette ;
- Dit n’y avoir lieu à condamner aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits.
Et ont signé le Président et la Greflière.