ARRET n°20-070/Cout du 16 Juillet 2020
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR
O.Y. représentant A. Ae
B
PRESENTS
Mahamadou Albachir Nouhou Diallo Président
Mme Maïga Zeinabou Labo et Hassimiou Oumarou
Conseillers
Sanoussi Mamane et Alfari Ibrahim
Assesseurs
Maâzou Adam
Ministère Public
Abalovi Zara Ousmane
RAPPORTEUR Mme Maïga Zeinabou Labo
REPUBLIQUE DU NIGER
COUR DE CASSATION
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES COUTUMIERES La Cour de Cassation, Chambre sociale et des affaires
coutumières, statuant pour les affaires coutumières en son
audience publique de vacation du jeudi 16 Juillet deux mil vingt,
tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur
suit :
ENTRE :
A. H, cultivateur demeurant à Ah Ac Af AAg), coutume sonraï, représenté par O.Y, assisté de Me Ibrahim Kountché Fatchima, Avocat à la Cour ;
Demandeur d’une part ;
B. I, Chef de village de Ah Ac Ai AAg), coutume sonraï ;
Défendeur d’autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Mme Maïga Zeinabou Labo, Conseillère rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi en cassation d’O Y formé le 08 Août 2018 par déclaration au greffe du tribunal de grande instance de Tillabéri, enregistré le 03 jun 2019 sous le n°19-148/Cout au
greffe de la Cour de cassation, contre le jugement n°24 rendu le même jour par ledit tribunal qui a déclaré recevable l’appel d’A. H, au fond l’a déclaré mal fondé, confirmé le jugement n° 04 du 14 jun 2017 du Tribunal d’instance de Ag dans toutes ses dispositions et dit qu’il n’y a pas lleu à condamnation aux dépens s’agissant d’une affaire coutumière ;
Vu la loi n°63-18 du 22 février 1963 fixant les règles de procédure à suivre devant les justices de paix statuant en matière civile et commerciale ;
Vu la loi n°2018-37 du 1“ juin 2018 abrogeant la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
Vu l loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la
composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de cassation ;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les autres pièces du dossier ;
Vu les conclusions du Ministère Public ;
En la forme
Attendu que le pourvoi d’O. Y est relevé dans les délais et forme prévus aux articles 66 et 68 de la loi n°2013-03 du 23 janvier 2013 la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement
de la Cour de cassation ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond :
Attendu qu’à l’appui de son pourvoi, le sieur O. Y représentant A. H et assisté de son conseil Maître I. K. F, invoque trois (3) moyens de cassation qui peuvent être regroupés en deux (2) moyens dont un tiré de la violation de la loi subdivisé en deux branches et un
moyen tiré de la violation de la coutume ;
Sur la première branche du premier moyen de cassation tiré de l’insuffisance et du défaut de motifs, du manque de base légale
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche au jugement attaqué une insuffisance et défaut de motifs, manque de base légale au sens de l’article 2 al 2 de la loi n° 2018-37 du 1“ juin 2018 sur l’organisation judiciaire au Niger qui dispose : «les arrêts ou jugement doivent être motivés à peine de nullité, à l’exception de des décisions au fond des Cours d’assises. Ils sont en toutes
matières prononcés publiquement, sauf ceux qui interviennent sur les incidents survenus lors du huis clos » ;
Attendu qu’il ressort de la décision attaquée que le juge d’appel s’est principalement appuyé sur les déclarations des exploitants des champs litigieux notamment les fils de Ad qui ont continué
l’exploitation des lieux après le décès de leur père, et qui dans leurs témoignages disent reconnaître la propriété des lieux à la famille du demandeur au pourvoi mais déclarent verser la dîme à celle du défendeur, créant ainsi une contradiction dans le témoignage ;
Que partant de là, le juge déduit la propriété des champs du seul paiement de la dîme par les exploitants alors qu’on relève des contradictions dans leurs déclarations impliquant une insuffisance et défaut de motifs ; qu’ainsi, ce moyen peut donc être accueilli ;
Sur la deuxième branche du premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 15 de la n° 93-28 du 30 mars 1993
portant statut de la chefferie traditionnelle au Niger
Attendu que le demandeur au pourvoi soutient aussi que le juge d’appel s’est fondé sur le procès-verbal de conciliation n°06/2015 du 18 mars 2015 établi par le chef de canton de Dargol pour attribuer la paternité desdits champs à Aa Ab alors que celui-ci n’a pas convié la partie adverse à la conciliation ;
Mais attendu qu’il ne ressort pas du jugement querellé que le procès-verbal de conciliaton n° 06 du 18 mars 2015, bien que versé au dossier, n’ait servi de fondement à la décision du juge pour appuyer l’attribution des champs litigieux au défendeur ;
Que par ailleurs, le texte dont le conseil du demandeur invoque la violation n’est pas en vigueur ; que ce moyen ne peut être accueilli de ce fait ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la coutume sonraï
Attendu qu’O.Y représentant A.H invoque également la violation de la coutume sonraï des parties aux termes de laquelle «la propriété sur la terre s’acquiert par la première occupation, …et la
preuve se fait par tous moyens … y compris par le témoignage » ;
Attendu qu’en l’espèce le demandeur fait grief au jugement attaqué d’écarter les témoignages des exploitants des champs sur la propriété desdits lieux et ne retenir que l’aspect paiement de dîme
pour attribuer la propriété au défendeur ;
Mais attendu que le jugement attaqué s’est fondé sur le paiement de la dîme pour attribuer la propriété desdits champs à Aa Ab alors que selon la coutume sonraï des parties, les exploitants
actuels desdits champs à savoir les petits fils de Ad ont par leurs témoignages fourni par la preuve qui n’a pas été contredite ;
Qu’en procédant de cette façon, le juge n’a pas fait une saine application de la coutume; qu’en conséquence, le jugement
querellé doit être cassé et annulé ;
Attendu qu’il n’y a pas lïeu à condamnation aux dépens s’agissant d’une matière coutumière ;
PAR CES MOTIFS,
- En la forme déclare le pourvoi recevable ;
- Au fond casse et annule le jugement n°24 du 08 Août 2018 du
tribunal de grande instance de Tillabéri ;
- Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
- Dit qu’il n’y a pas lleu à dépens s’agissant d’une affaire coutumière.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits.
Et ont signé le Président et la Greffière.