Arrêt n°21-119/Com du 05 - 10 - 2021
MATIERE :
Commerciale
DEMANDERESSE
M.B.A Ab
A
2)C. Assurances
PRESENTS
Issaka Dan Déla
Président
Moussa Idé
et
Mme Daouda
Mariama Rabo
Conseillers
Maazou Adam
Ministère Public
Me Lihida Bondiéré
Ibrahim
Greffier
RAPPORTEUR
Moussa Idé REPUBLIQUE DU NIGER
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale,
statuant pour les affaires commerciales en son audience
publique ordinaire du mardi cinq octobre deux mil vingt et
un, tenue au Palais de ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la
teneur suit :
ENTRE :
(MBA), représentée par son Directeur Général, assistée de la
SCPA IMS, avocats associés au Barreau du Niger ;
Demanderesse
D’une Part ;
1) M. M. B, transporteur demeurant à Niamey, assisté de Maître Yagi Ibrahim avocat au Barreau du Niger ;
2) C. Assurances S.A, représentée par son Directeur Général
Défendeurs
D'autre Part ;
LA COUR
Après la lecture du rapport par Monsieur Moussa Idé, conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi de la société M. B. A, assistée de la SCPA IMS, avocats associés au Barreau du Niger, introduit suivant requête écrite déposée au greffe du Tribunal de Commerce de Niamey le 03 Septembre 2020, contre le jugement commercial n°111 du 21 Juillet 2020 qui a reçu M. M. B en son action régulière en la forme ; reçu la demande reconventionnelle de M.B.A régulière en la forme ; au fond, condamné M.B.A à payer à M. M. B les sommes de 4.670.000 F CFA au principal, 1.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts ; rejeté la demande reconventionnelle de M.B.A ; ordonné l’exécution provisoire de la décision ; condamné AU M.B.A aux dépens.
Vu la loi organique n°2013-03 du 23 janvier 2013, déterminant la composition, l’organisation, les attribuions et le fonctionnement de la cour de Cassation ;
Vu la loi n°2018-37 du 1°" Juin 2018 fixant l’organisation, et la compétence des juridictions en République du Niger, en son article 2 alinéa 2 ;
Vu les articles 1315 du code civil et 15 du code de procédure civile ;
Vu l’article 28 du code CIMA ;
Vu les mémoires des parties ;
Vu la requête de pourvoi, ensemble les pièces du dossier ; Vu les conclusions du Ministère public ;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que le pourvoi dont objet parce qu’il a été introduit dans les forme et délai prévus par les articles 45, 46 et 48 de la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de Cassation doit être déclaré recevable ;
FOND
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS DE LA VIOLATION
DE L’ARTICLE 2 ALINEFA 2 DE LA LOI N° 2018-37 DU 1°"'' JUIN 2018 FIXANT L’ORGANISATION ET LA
COMPETENCE DES JURIDICTIONS EN REPUBLIQUE DU NIGER : POUR ABSENCE, DEFAUT DE MOTIFS ET
DEFAUT DE RFEPONSE A UN CHEF DE CONCLUSIONS
DE LA PREMIERE BRANCHE TIREE DE
L’INCOMPETENCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE
NIAMEY
Attendu que la demanderesse au pourvoi soutient que le contentieux des accidents de la circulation routière ne porte pas sur des actes de commerce et qu’il ne relève pas en conséquence de la compétence des tribunaux de commerce ;
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 17 de la loi n° 2019-01 du 30 avril 2019 fixant la composition, l’organisation, la compétence et la procédure à suivre devant les tribunaux de commerce et les Chambres commerciales spécialisées en République du Niger « Les Tribunaux de commerce sont compétents pour connaître …
6) plus généralement des contestations relatives aux actes de commerce accomplis par les commerçants à l’occasion de leur commerce et de l’ensemble de leurs contestations commerciales comportant même un objet civil, lorsque dans ce dernier cas le commerçant est demandeur. » ;
Qu’en la présente cause, certes, M. M. B en tant que transporteur a la qualité de commerçant, mais il est un principe
général de droit que les litiges relatifs à la fixation et au règlement des indemnités dues par les assureurs ne constituent pas des contestations commerciales au sens de la loi susvisée et échappent donc à la compétence des juridictions de commerce ; Que le Tribunal de commerce de Niamey est incompétent (compétence d’attribution) pour connaître de l’affaire dont objet ; Qu’il n’est donc point besoin de s’attarder sur la compétence « ratione loci » ;
Qu’il s’ensuit que cette première branche doit être accueillie comme étant bien fondée ;
DU DEFAUT DE REPONSES A CONCLUSIONS
Attendu que MBA dit que bien qu’elle ait appelé en cause C. Assurances qui avait été déclarée responsable exclusif de l’accident par la commission d'arbitrage, le Tribunal de Commerce de Niamey s’est abstenu d’apporter des réponses à ses conclusions et a même ignoré l’appel en cause ;
Attendu que l’examen des pièces du dossier fait ressortir que dans un acte d’huissier du 25 février 2020, la demanderesse au pourvoi a appelé en cause C. Assurances et y a produit des conclusions ;
Que cependant le jugement attaqué ne s’y est pas prononcé et n’a même pas statué sur l’appel en cause ;
Qu’il est de jurisprudence constante de la Cour de Cassation que le défaut de réponse à un chef de conclusions équivaut à une insuffisance de motifs, elle-même assimilée à un défaut de motifs ; Que ce vice affecte de nullité la décision qui en est entachée en application de l’article 2 alinéa 2 de la loi n° 2018-37 du 1“ juin 2018 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger qui dispose « les arrêts ou jugements doivent être motivés à peine de nullité … » ;
Qu’au demeurant, aux termes de l’article 36 de la loi organique n° 2013-03 du 23 janvier 2013 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour de
Page 3 sur 6 Cassation le défaut, l’insuffisance de motifs sont, contrairement aux allégations du défendeur, des cas d’ouverture à cassation ;
Qu’il en résulte que la deuxième branche également mérite d’être retenue comme étant pertinente ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN PRIS DE LA
VIOLATION DE L'ARTICLE 28 DU CODE CIMA
Attendu que MBA dit que l’action de M. M est prescrite car selon le texte visé au moyen, il disposait d’un délai de deux ans pour l’intenter ;
Que toutefois, il résulte de l’assignation introductive d’instance que l’action a été introduite sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, donc de la responsabilité délictuelle ;
Que dans le cas d’espèce, c’est plutôt l’article 256 alinéa 1 du CODE CIMA qui reçoit application ; Que ce texte prévoit un délai de prescription de cinq (5) ans à compter de l’accident pour les actions en responsabilité civile extracontractuelles ;
Que dès lors cette branche doit être rejetée comme non crédible ;
SUR LE SIXIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 1315 DU CODE CIVIL
Attendu que MBA dit que selon le texte dont la violation est invoquée par elle, la charge de la preuve incombe à M.M. B de sorte qu’en exigeant d’elle, qu’elle prouve en quoi sa responsabilité est dégagée, le Tribunal de commerce de Niamey méconnait ce texte en renversant cette charge ;
Attendu que l’article 1315 du code civil dispose « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ;
Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.» ;
Qu’il apparaît du dossier que le défendeur au pourvoi a fondé, dans son assignation, son action exclusivement sur les articles 1382 et 1383 du code civil ; Que ce texte de loi énonce une responsabilité délictuelle pour faute ;
Que dès lors, il incombait d’abord à M. M. B de prouver la faute de l’assuré de MBA dans la réalisation du dommage causé au défendeur au pourvoi ; Que MBA peut s’exonérer en établissant qu’il n’a pas commis une faute ;
Qu’il est de jurisprudence unanime de la Cour de Cassation que le juge de fond est tenu de s'expliquer sur les raisons qui l’ont convaincu de la pertinence des éléments de preuves produits par le demandeur ;
Que dans le cas d’espèce, le juge commercial ne précise pas le texte ou la règle de droit qui sert de fondement à la décision qui est ainsi entachée d’un défaut de base légale ;
Qu’il est unanimement admis que s’il appartient aux juges du fond de constater souverainement les faits à partir desquels, ils déduisent l’existence d’une faute, il est aussi de jurisprudence qu’ils ont l’obligation de caractériser ladite faute, c’est-à-dire indiquer les faits d’absentions ou d’actes positifs constitutifs des agissements fautifs de la personne dont la responsabilité est retenue ; Que la décision querellée ne fait état d’aucun comportement anormal imputable à l’assuré de la société MBA ;
Que dans tous les cas, même si la responsabilité de la demanderesse est engagée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil, pour pouvoir déclarer MBA responsable, il doit être établi que la chose gardée (le véhicule HILUX) de sa position anormale sur la chaussée a été l’instrument du dommage ; Qu’il ressort du dossier (PV de Gendarmerie) que c’est le camion Berliet qui circulait au milieu de la chaussée qui a joué un rôle exclusif dans la production du dommage tant causé aux occupants de la voiture HILUX qu’à celui résultant des dégâts occasionnés au camion ; Qu’en effet il est de jurisprudence que lorsqu’intervient une collusion entre deux véhicules et que la collusion est due à l’un des véhicules, la présomption de responsabilité ne pèse que sur le gardien du véhicule qui a causé la collusion ;
Que par ailleurs, il importe de relever que le domaine d’application de l’article 32 du code CIMA concerne la responsabilité contractuelle et non délictuelle dont s’est prévalu le défendeur au pourvoi ;
Qu’il s'ensuit qu’en décidant comme il l’a fait le Tribunal de Commerce de Niamey a renversé la charge de la preuve et violé ainsi l’article 1315 du code civil ;
Que ce moyen doit être accueilli comme fondé ;
SUR LE MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE
L’ARTICLE 15 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
Attendu que pour que l'exercice d’une action en justice, en application du texte visé au moyen puisse constituer un abus et justifier l’octroi de dommages et intérêts, il ne suffit pas que les moyens soulevés à l’appui ne soient pas sérieux, mais encore faut-il que des cas de malice, d’acte vexatoire ou dilatoire soient établis à l’encontre de l’auteur, selon une jurisprudence constante de la Cour
Page 5 sur 6 de Céans ; Qu’en la présente cause il n’y a eu ni malice, ni mauvaise foi, ni une erreur grossière équipollente au dol, et il ne s’est pas agi d’un recours manifestement irrecevable ;
Qu’il en découle que le moyen doit être écarté car il n’est pas crédible ;
Attendu que des considérations qui précèdent, sans qu’il soit besoin de procéder à l’examen des autres moyens, il y a lieu de casser et annuler le jugement n°111 du 21 Juillet 2020 du Tribunal de commerce de Niamey ;
Attendu que l’article 100 alinéa 2 de la loi 2013-03 du 23 Janvier 2013 dispose que « si la chambre admet le pourvoi formé pour incompétence, elle renvoie l’affaire devant la juridiction compétente » ; Qu’il est de jurisprudence constante de la cour de céans, que lorsque celle-ci casse et annule la décision à elle déférée pour motif pris de l’incompétence de la juridiction saisie, elle désigne celle qui est compétente et renvoie l’affaire devant elle ;
Qu’il y a lieu de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Ac et condamner M. M. Aa qui a succombé à l’instance aux dépens.
PAR CES MOTIFS
- Déclare le pourvoi de MBA recevable en la forme ;
- Au fond ; casse et annule le jugement n°111 du 21 Juillet 2020 du Tribunal de Commerce de Niamey ;
- Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Ac pour y être jugé conformément à la loi ;
- Condamne les défendeurs aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus ;
Ont signé, le Président et le greffier.