LA COUR
Après la lecture du rapport de Monsieur le Président, PONNOU-DELAFFON, les observations orales de Me LORI et Me KOUAOVI, Avocats défenseurs à Niamey, constitués respectivement pour DUPIN et la Société Nigérienne de Réparations Automobiles, les conclusions du Procureur Général et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi formé le 13 Octobre 1967 par Henri DUPIN, entrepreneur, demeurant à Ouagadougou, contre un arrêt n 27 rendu le 4 Août 1967 par la Cour d'Appel de Niamey entre le susnommé d'une part, la Compagnie d'Assurances " LA FONCIERE ", Société Anonyme au Capital de 22 MILLIONS DE FRANCS dont le siège social est à Paris, et la Société Nigérienne de Réparations Automobiles, dites S.N.R.A., Société à responsabilité limitée dont le siège social est à Niamey ; d'autre part ;
Vu les mémoires produits :
Sur le premier moyen
Attendu que l'arrêt infirmatif attaqué du 4 Août 1967 a débouté DUPIN de toutes ses fins et demandes ainsi qu'il a d'ailleurs rejeté comme non fondées toutes autres demandes plus amples des autres parties ;
Attendu qu'il est reproché à cet arrêt d'avoir été rendu par une Cour composée de juges qui n'ont pas tous, d'une part participé à l'arrêt avant dire droit du 17 Mars 1967 ayant ordonné une mesure d'instruction et d'autre part, assisté à cette mesure d'instruction à laquelle il a été procédé à l'audience du 5 Mai 1967 ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt dont pourvoi qu'il a été rendu par la juridiction d'appel composée du président de la Cour et de deux fonctionnaires licenciés en droit, ces derniers, afin qu'il ressort des indications fournies tant par l'arrêt avant dire droit que par le procès-verbal de l'enquête, n'ayant ni participé à l'arrêt du 17 Mars 1967 ni à l'enquête ;
Mais attendu " qu'une mesure d'instruction peut avoir été ordonnée par des juges différents de ceux appelés à statuer sur le fond et qu'il est satisfait aux dispositions de la loi quand il est établi par les mentions portées à la décision que tous les juges qui y ont pris part ont pu avoir une connaissance complète de l'affaire " ;
Attendu qu'en l'espèce un procès-verbal a été dressé de l'enquête du 5 Mai 1967, que les avocats défenseurs ont été entendus de nouveau dans leurs conclusions et défenses et qu'au surplus, conformément à l'article 40 du code de procédure civile applicable au Niger, l'arrêt a pris soins d'énoncer le résultat des dépositions des témoins ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais, sur le moyen relevé d'office pris de la violation de l'article 10 de la loi 62-11 du 16 Mars 1962 ;
Attendu que l'arrêt critiqué mentionne qu'il a été rendu par le Président de la Cour assisté de deux fonctionnaires licenciés en droit, inscrits sur la liste des personnes aptes à remplir des fonctions judiciaires et ayant prêté le serment spécial aux magistrats ;
Attendu que si le texte susvisé prescrit que lorsqu'un magistrat, à quelque juridiction qu'il appartienne hormis la Cour Suprême, est absent ou empêché, il peut être provisoirement remplacé par un fonctionnaire licencié en droit et que s'il y a lieu d'attacher une présomption de régularité à la composition d'une juridiction lorsque la décision est rendue exclusivement par des magistrats du siège, cette présomption ne saurait être étendue au cas où il est fait appel, pour compléter la Cour, à des personnes n'exerçant qu'exceptionnellement des fonctions judiciaires et dans ce cas, la mention de l'absence ou de l'empêchement de ou des conseillers composant l'effectif de la Cour d'appel et de tous autres magistrats du siège doit être portée, à peine de nullité, dans l'arrêt ;
Attendu qu'en l'espèce, faute d'avoir précisé si les deux fonctionnaires, licenciés en droit, ont été désignés par suite de l'empêchement ou de l'absence des magistrats du siège, l'arrêt n'a pas mis la Cour Suprême en mesure de vérifier si la juridiction d'appel a été légalement composée et a ainsi violé le texte visé au moyen ;
Sur le deuxième moyen pris de la violation de l'article 2 al. 2 de la loi du 16 Mars 1962, contradiction de motifs et manque de base légale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que la Cour d'appel, après avoir relevé que la S.N.R.A. a refusé de livrer le véhicule litigieux 403 B.8 n 318 6 HV à son propriétaire DUPIN, une fois la réparation effectuée, et qu'à tort cette Société a usé du droit de rétention sur ce véhicule pour avoir paiement de diverses factures relatives aux réparations de plusieurs véhicules, y compris le véhicule litigieux, n'a pu, sans se contredire et se mettre en opposition avec les conséquences logiques de sa première affirmation, débouter néanmoins DUPIN de toutes ses demandes ;
Qu'en effet, l'article 1948 du code civil n'autorise la rétention que pour ce qui est dû à raison du dépôt ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Vu les articles 74 et 146 de la loi 61-28 du 15 Juillet 1961 ;
CASSE et ANNULE l'arrêt n 27 rendu le 4 Août 1967 par la Cour d'appel de Niamey ; Et, vu les réquisitions du procureur général tendant à ce qu'il plaise à la chambre judiciaire de la Cour Suprême se saisir du jugement au fond ;
Attendu qu'aucune juridiction de renvoi ne peut être valablement composée ;
Décide de se saisir du jugement au fond ;
Faisant masse des dépens entraînés par le pourvoi, laisse les 3/4 à la charge de la S.N.R.A., la fraction restante incombant à la Foncière ;
Ainsi jugé et prononcé par la Chambre judiciaire de la Cour Suprême, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents Messieurs :
Bernard PONNOU-DELAFFON, Président, Jean-Louis PERAUD et Jean-Marie BONNECAZE, Conseillers, Georges SALLES, Procureur Général et Serge REVERDY, Greffier en chef.