LA COUR
Après la lecture du rapport de Monsieur le Conseiller, Jean-Marie BONNECAZE, les observations orales de Maître LORI, avocat défenseur constitué pour l'entreprise ANNIBAL, et celles de Maître KOUAOVI, avocat défenseur constitué pour François CHALOPIN, les conclusions du Ministère public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
VU la requête introductive de pourvoi ;
VU les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Statuant sur le pourvoi formé par requête en date du 18 juin 1970, déposée au greffe de la Cour d'appel de Niamey, le vingt quatre juin mil neuf cent soixante dix, par Maître LORI, avocat défenseur à Niamey, agissant au nom de l'entreprise ANNIBAL ayant son siège social à Niamey, contre l'arrêt en date du 3 avril 1970 rendu par la Cour d'appel de Niamey, statuant en matière sociale entre ladite Entreprise ANNIBAL et le sieur François CHALOPIN, chef de chantier des bâtiments et des travaux publics, demeurant et domicilié à Niamey, boîte postale n 53 ;
Sur le premier moyen pris de la violation des articles 92 et 123 du code du travail, de l'article 2, alinéa 2 de la loi du 16 mars 1962, défaut de motifs, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a reconnu à CHALOPIN la qualité de travailleur expatrié en s'appuyant sur le fait que l'intéressé avait dans l'entreprise ANNIBAL un salaire de 120.000 francs par mois, qu'il bénéficiait d'un logement, d'un véhicule et de la gratuité des soins médicaux, alors que ces avantages ne sont pas accordés aux seuls travailleurs expatriés et alors surtout que l'intéressé avait de ses deniers propres réglé le montant de son transport FRANCE/NIGER et celui de sa famille, et qu'aucune indemnité d'expatriation n'était portée sur ses feuilles de paye ;
Mais attendu que les juges du fond ont constaté que CHALOPIN était arrivé au Niger, venant de France, pour y exécuter un contrat de travail le liant à l'Entreprise PATER, qu'au bout d'un mois et demi, il a quitté cette entreprise et est entré à l'entreprise ANNIBAL où il percevait un salaire de 120.000 francs par mois, bénéficiant en outre du logement et des soins médicaux gratuits ainsi que d'une voiture ;
Qu'en déduisant de ces circonstances souverainement appréciées que CHALOPIN avait conservé sa résidence habituelle en France et n'avait pas entendu la transférer au Niger, les juges du fond, qui ont en outre relevé que les conditions climatiques du lieu d'emploi différent de celles de la résidence habituelle, ont légalement justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen pris en sa première branche réunis : En ce que l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'article 121 de l'ancien code du travail a été effectivement abrogé, a constaté d'une part que ses dispositions ne sont pas contraires à l'ordre public puisque l'article 119 du code du travail nigérien réserve la possibilité de dispositions plus favorables au salarié que celles du droit commun et que d'autre part l'article 45 de la convention collective qui se référait à l'ancien article 121 est toujours en vigueur ;
Que là encore les juges du fond ont légalement justifié leur décision.
Sur le troisième moyen pris en sa seconde branche, en ce que l'arrêt attaqué, en ajoutant une somme de 40.000 francs, montant de son loyer au salaire réel du travailleur pour le calcul de la rémunération de congé sans se référer à aucun texte, a commis une violation des articles 96 du code du travail et 274 du décret du 7 septembre 1967 ;
Attendu que les juges du fond ont déterminé la base de calcul de l'allocation de congé en ces termes :
" que sur la base du traitement mensuel auquel doit s'ajouter le logement... "
Que cette décision s'appuie évidemment sur les dispositions de l'article 96 alinéa 1 du code du travail libellé comme suit :
" Lorsque la rémunération des services est constituée en totalité ou en partie par des commissions ou primes et prestations diverses ou des indemnités représentatives de ces prestations, dans la mesure où celles-ci ne constituent pas un remboursement de frais, il en est tenu compte pour le calcul de la rémunération pendant la durée du congé payé, des indemnités de préavis, des dommages-intérêts ;
Attendu que cependant la fourniture du logement au travailleur expatrié est une obligation qui pèse sur l'employeur et constitue une contre partie au déplacement important et aux servitudes climatiques imposées à ce travailleur ;
Que cet avantage qui représente souvent une somme considérable ne saurait entrer en ligne de compte pour le calcul de la rémunération de congé, lequel se déroule dans le pays même dont le travailleur est originaire et sans qu'il ait à subir les atteintes particulières dues au climat tropical ;
Que dans ces conditions la fourniture du logement par l'employeur au travailleur expatrié doit être considérée comme un remboursement de frais au sens de l'article 96 du code du travail, lorsque du moins le contrat ou la convention collective n'a pas prévu des dispositions plus favorables ;
PAR CES MOTIFS
VU les articles 42, 75 et 76 de la loi n 61-28 du 15 juillet 1961 ; Par voie de retranchement et sans qu'il y ait lieu à renvoi ;
CASSE et ANNULE l'arrêt du 3 avril 1970 en ce qu'il a ajouté la somme de 40.000 francs, montant du loyer payé par l'employeur pour le compte du travailleur, au salaire réel de celui-ci pour calculer sa rémunération de congé, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
et attendu que la cassation ne laisse rien à juger au fond ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Ainsi jugé et prononcé en son audience publique, par la Cour Suprême, Chambre judiciaire, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents Messieurs :
Bernard PONNOU-DELAFFON, Président, Jean-Louis PERAUD et Jean-Marie BONNECAZE, Conseillers, Georges SALLES, Procureur général, et CHAIBOU ABDOU, Greffier.