LA COUR
Ouï Monsieur GUYARD, Conseiller, en son rapport ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses réquisitions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant sur le pourvoi régulièrement formé par dame HADIZA ABDOURAHAMANE, ménagère à N'guimi, suivant requête déposée au Greffe du Tribunal de Section de Diffa le 21 décembre 1976 contre un jugement n 4 du Tribunal de Section de Diffa, rendu en matière coutumière et en dernier ressort, le 17 décembre suivant ayant
-reçu l'appel de dame HADIZA ABDOURAHAMANE infirmé le premier jugement, en date du 18 juin 1976, du Juge de Paix de N'Guigmi statuant sur un litige de propriété entre N'DIAYE ABDOULKARIM et son épouse HADIZA ABDOURAHAMANE relativement à un terrain et aux constructions dessus sis à N'Guigmi-Belabirine, acheté le 20 octobre 1968 ;
-déféré le serment coranique au sieur GAPTIA pour s'assurer qu'il a acheté le terrain au nom et pour le compte de N'DIAYE ;
-déclaré que le terrain et la construction appartiennent à N'DIAYE ;
-dit toutefois que celui-ci remboursera à HADIZA les dépenses par celle-ci effectuées pour certains travaux et les matériaux achetés ;
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris dans sa première branche : violation de la loi 62- 11 du 16 mars 1962 fixant l'organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger, en son article 51-2 , en ce que le Tribunal de Section de Diffa a statué en matière coutumière alors qu'il s'agissait d'un litige portant sur un terrain dont l'acquisition était constatée par un mode de preuve établi par la loi ;
Vu l'article 51 de ladite loi du 16 mars 1962 ;
Considérant qu'aux termes de ce texte, les juridictions ne peuvent appliquer la coutume des parties lorsque le litige porte sur un terrain dont l'acquisition a été constatée par un mode de preuve établi par la loi civile ;
Considérant que le terrain litigieux a été acquis par dame HADIZA ABDOURAHAMANE, épouse de N'DIAYE ABDOULKARIM, d'un sieur MAHADI MOHAMED OUMAR en vertu d'un acte sous signatures privées ; Considérant que l'existence d'un tel acte faisait donc obstacle à la saisine de la juridiction coutumière et que c'est au mépris du texte visé au moyen que le Tribunal coutumier de Diffa a statué sur le fond ;
D'où il suit que le moyen est fondé et que l'affaire doit être renvoyée devant la juridiction compétente ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il soit nécessaire ni même utile de statuer sur les autres moyens invoqués ;
Vu les articles 53 in fine et 110 de l'ordonnance 74-13 du 13 août 1974 portant création, composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour d'Etat ;
Casse et annule, en son entier, le jugement n 4 du Tribunal de section de Diffa statuant en matière coutumière entre les parties le 17 décembre 1976 ;
et pour y être jugé conformément à la loi ;
Renvoie la cause, parties intimées, devant le Tribunal de Première Instance de Zinder, Section de Diffa ;
Condamne N'DIAYE ABDOULKARIM aux entiers dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour d'Etat, formation judiciaire, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents Messieurs :
Jean NIER, vice-président ; V.K. POUROUCHOTTAMIN et GUYADR Norbert, Conseillers ; EL HADJ AMADOU OUMAROU, Procureur Général et Maître CHAIBOU ABDOU, Greffier en Chef ; avec l'assistance de Messieurs EL HAD HAMISSOU et BAKO SOUMAILA, Assesseurs de droit local, de la coutume des parties, demeurant à Niamey, qui ont complété la Cour d'Etat avec voix consultative.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier en chef.